II. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »

A. LE PROGRAMME 110 : DES BAISSES DE CRÉDITS MODÉRÉES PAR LA RIGIDITÉ DES DÉPENSES PORTÉES PAR LE MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances et, plus particulièrement, à la direction générale du Trésor, pour la mise en oeuvre des actions relevant de l'aide publique au développement.

Les montants de crédits demandés diminuent de 267,9 millions d'euros en AE et de 617,2 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 9,6 % et de 26,4 %.

Évolution des crédits du programme 110 - Aide économique
et financière au développement

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution
en valeur

Variation en pourcentage

110 - Aide économique et financière au développement

2 787,1

2 337,9

2 519,2

1 720,7

-267,9

-617,2

-9,6%

-26,4%

Aide économique et financière multilatérale

611,8

1 490,3

1 378,4

1 031,4

766,6

-458,9

125,3%

-30,8%

Aide économique et financière bilatérale

2 175,3

734

1 140,9

636,6

-1 0345

-97,5

-47,6%

-13,3%

Traitement de la dette des pays pauvres

0

113,6

0

52,7

0

- 60,9

-

- 53,6%

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Par rapport au programme 209, le programme 110 présente une structuration des dépenses davantage contrainte. Il porte en effet une part conséquente de contributions internationales à des institutions multilatérales de développement pour lesquels les engagements portent généralement sur trois ans. Sur le plan bilatéral, une majorité des crédits de ce programme abonde également des engagements pluriannuels au travers du financement de la bonification des prêts de l'Agence française de développement. Dès lors que ces dépenses présentent un caractère pluriannuel, leur remise en cause est complexe.

Le programme 110 se distingue ainsi par le volume très élevé des restes-à-payer découlant d'engagements pluriannuels, le montant des crédits de paiement n'étant jamais équivalent au montant des autorisations d'engagement.

Restes à payer sur les autorisations d'engagement antérieures à 2025
du programme 110

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

1. Un volet multilatéral du programme tiré à la hausse par la reconstitution de contributions majeures

L'aide multilatérale portée par le programme 110 est principalement destinée, d'une part, à de grands fonds généralistes comme l'Association internationale de développement (AID) et le Fonds africain de développement (FAD) et, d'autre part, par des fonds sectoriels reflétant les priorités thématiques de la France comme le Fonds vert pour le climat ou le Fonds pour l'environnement mondial (FEM).

L'exercice 2025 devrait être caractérisé par l'annonce par la France de sa contribution à la 21e reconstitution de l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale. Pour rappel, ces reconstitutions font l'objet d'un engagement unique en autorisations d'engagement, avec un échéancier pluriannuel de versement en crédits de paiement. Cette pluriannualité des engagements explique la très forte cyclicité des dépenses de l'action « Aide économique et financière au développement ». Concernant l'AID, les versements en CP, à hauteur de 481,9 millions d'euros, correspondent à la dernière tranche de la contribution au titre de la 20e reconstitution24(*). Pour la 21e reconstitution, la participation annoncée, inscrite en autorisations d'engagement, sera de 1,25 milliard d'euros.

Dans le même sens, l'exercice 2025 se caractérise par un versement de 183 millions d'euros en crédits de paiement au titre de la participation de la France à la dernière reconstitution du Fonds africain de développement (FAD), pour laquelle elle s'était engagée à hauteur de 582,6 millions d'euros. Le FAD constitue le guichet concessionnel de la Banque africaine de développement.

En revanche, la direction générale du Trésor, dans un contexte de restriction budgétaire, a opéré des choix clairs et réduit considérablement la participation de la France à une série d'institutions. C'est particulièrement le cas s'agissant des fonds fiduciaires de la Banque mondiale. En 2024, la France avait participé à ce dispositif à hauteur de 75 millions d'euros en AE comme en CP. Cet engagement répondait à une recommandation de la Cour des comptes dans un rapport comparatif sur les politiques de développement de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni25(*). Ces fonds fiduciaires offrent en effet une très forte capacité de pilotage et d'orientation des contributions des donateurs vers leurs priorités thématiques et géographiques. Pour autant, la participation française a été ramenée, dans un souci assumé d'économies budgétaires, à 15 millions d'euros en 2025.

De même, certains financements multilatéraux ont été reportés à un exercice ultérieur. En ce sens, la contribution 2025 de la France au Fonds vert pour le climat, représentant un montant de 177,6 millions d'euros en crédits de paiement, ne sera versée qu'en 2026.

2. Sur le plan bilatéral, l'exercice 2025 devrait se caractériser par un freinage des prêts concessionnels de l'AFD

Concernant le volet bilatéral du programme 110, les crédits demandés pour 2025 reculent de 904,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 97,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 44 % et de 13 %.

Cette baisse de crédits s'explique essentiellement par une contraction des bonifications d'intérêt versées par l'État pour abaisser le taux d'intérêt des prêts octroyés par l'Agence française de développement. En effet, afin de permettre à l'AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires de l'aide au développement, l'État assume, par le versement de crédits de bonification, la différence entre le coût de financement de l'AFD et le taux auquel elle prête.

Dans le contexte de remontée des taux d'intérêt ces dernières années, les coûts de financement de l'AFD ont fortement augmenté. Or, pour être regardés comme concessionnels, les taux proposés par l'AFD doivent rester inférieurs à un seuil fixé par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. L'écart entre le taux servi par le préteur et le taux de référence fixé par le CAD constitue la référence pour déterminer le montant de l'élément-don du prêt comptabilisé en aide publique au développement au sens des statistiques internationales.

Pour maintenir constant l'aide versée sous forme de prêts par l'AFD, l'État a donc été contraint d'accroître significativement ses versements à l'agence au cours des derniers exercices. Entre 2018 et 2024, le total de l'enveloppe des crédits de bonification versée par l'État a été multiplié par 4,6 et a pesé sur la programmation de la mission APD. Selon les estimations de la Cour des comptes, chaque euro prêté par l'AFD dans le cadre d'un prêt bonifié engendre en moyenne une dépense de 33 centimes pour l'État26(*).

Évolution du coût des opérations de bonifications
des prêts concessionnels de l'AFD

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Outre un coût budgétaire croissant, le renchérissement des coûts de bonification des prêts de l'AFD a également entrainé une rigidification des crédits de la mission. Le décaissement des crédits de paiement suit en effet le déboursement des prêts.

En ce sens, la baisse de 43 % des autorisations d'engagement sur l'enveloppe des crédits de bonification vise, selon la direction générale du Trésor, à assurer la maîtrise de cette dépense dans les années à venir et à rééquilibrer les activités de prêts et de dons de l'agence. Cette évolution conduira l'AFD à réduire son volume de prêts bonifiés.

Au-delà du recul du coût des opérations de bonification de prêts de l'AFD, d'autres lignes budgétaires de l'action sont également minorées.

D'une part, le projet de loi de finances propose une restriction des aides budgétaires globales (ABG). Alors que la loi de finances pour 2024 avait ouvert une enveloppe de 120 millions d'euros en AE comme en CP, les aides budgétaires globales devraient être limitées à 50 millions d'euros en AE et 35 millions d'euros en CP. Mises en oeuvre par l'AFD, elles peuvent être versées directement aux États confrontés à des chocs macroéconomiques ou aux institutions régionales de développement menant des projets en faveur de l'intégration régionale.

D'autre part, les différentes enveloppes liées à la coopération technique sont également ponctionnées au titre de la réduction des dépenses de la mission. Des opérations récentes, comme l'initiative Afrique, créée en 2024 pour alimenter la coopération technique avec le continent africain, voit son budget réduit de 80 % entre 2024 et 2025. Dans sa dernière note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes avait regretté la sous-exécution chronique des crédits de cette initiative et interrogé l'adéquation de cette enveloppe dédiée à ce dispositif27(*).

Pour autant, en dépit du contexte budgétaire, certains dispositifs considérés comme peu efficients sont maintenus. Il en va ainsi du Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP), qui assure le financement d'études de faisabilité de projets d'investissement et de prestation d'assistance technique et vise à promouvoir l'intervention d'entreprises françaises. Doté de 24 millions d'euros en AE et de 28 millions d'euros en CP, il a été particulièrement critiqué par l'inspection générale des finances (IGF) dans une revue de dépenses consacrée aux aides aux entreprises28(*). L'IGF relevait ainsi que seulement 17 % des études préalables financées donnent lieu à la réalisation d'un projet par une entreprise française. La direction générale du Trésor, interrogée sur le maintien du FASEP, a indiqué que ce dispositif apportait un double dividende : en soutenant l'internationalisation des entreprises et en permettant de comptabiliser ces interventions en APD.

Expertise France : une agence de coopération technique
aux moyens en hausse en 2025

L'Agence française d'expertise technique internationale, « Expertise France », est une société par actions simplifiée, membre du groupe AFD depuis le 1er janvier 2022. Elle est placée sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances. Il s'agit de l'opérateur chargé de l'expertise et de l'assistance techniques internationales.

L'activité d'Expertise France se répartit entre les opérations bilatérales financées par la commande publique, d'une part, et les opérations multilatérales financées par un bailleur tiers suppléé par l'État si le financement est insuffisant, d'autre part.

Les moyens alloués à cet opérateur reposent à la fois sur le programme 110 et sur le programme 209, ce qui correspond à une répartition des financements entre les deux tutelles. Pour 2025 ce financement se compose :

- sur le programme 110, à la dotation versée à Expertise France qui s'élève à 11,6 millions d'euros en AE et 9,2 millions en CP. Cette part du financement est en légère hausse par rapport à 2024. Le programme 110 comprend également une enveloppe « Experts techniques internationaux » de 7 millions d'euros en AE et en CP dont la gestion est assurée par l'agence ;

- sur le programme 209, en 2025, à la dotation à Expertise France qui représente 100 millions d'euros en AE et 72,8 millions d'euros en CP, en augmentation par rapport à 2024 (+22 % en AE et + 3 % en CP).

Le renforcement des moyens de l'agence Expertise France va dans le sens des positions de la Cour des comptes qui préconise un rééquilibrage entre assistance financière et assistance technique au sein de l'APD française. Par rapport à l'assistance financière, l'assistance technique présente plusieurs avantages : la présence d'une mission d'expertise permet de renforcer la connaissance des besoins du pays partenaire, de constituer une garantie pour les bailleurs internationaux et de constituer un vecteur d'influence pour le pays aidant.

Ces différents avantages expliquent en partie la préservation des moyens de cette agence dans le budget 2025.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

3. La participation de la France au traitement de la dette des pays pauvres

L'action « Traitement de la dette des pays pauvres » du programme 110 retrace les versements effectués au profit de l'AFD ou d'institutions multilatérales en contrepartie du coût de l'annulation des créances qu'elles détiennent sur des pays en développement.

Pour mémoire, la France préside et assure le secrétariat du Club de Paris qui réunit 22 pays créanciers afin d'apporter des solutions coordonnées et durables aux problématiques soulevées par l'endettement des pays en voie de développement.

En outre, elle est partie à plusieurs accords bilatéraux ou multilatéraux visant l'annulation de l'endettement concessionnel, c'est-à-dire relatif à des emprunts contractés à des conditions préférentielles dans le cadre de la politique d'aide au développement, notamment :

- les accords de Dakar de 1989 et 1994 ainsi que l'accord faisant suite à la Conférence de Paris de 1990 prévoyant l'annulation de créances de l'AFD sur plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ;

- les conclusions du sommet du G8 de Gleneagles de 2005 prévoyant l'annulation de certaines créances de l'Association internationale de développement (AID) envers des pays pauvres et très endettés.

Pour 2025, 52,7 millions d'euros de crédits de paiement sont demandés. Aucune autorisation d'engagement nouvelle ne devrait être inscrite dans le projet de loi de finances. Les crédits de paiement ouverts devraient se répartir entre :

- 22 millions d'euros afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers la Banque mondiale. Le montant des crédits initialement prévu s'élevait à 83,86 millions d'euros mais, en raison du contexte budgétaire, la France a été contrainte de reporter une part de ce versement à 2026 et 2027 ;

- 30,7 millions d'euros afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers le Fonds africain de développement.


* 24 Au cours de laquelle la France s'est engagée pour un total de 1,74 milliard de dollars.

* 25 Cour des comptes, Comparaison des politiques française, allemande et britannique d'aide publique au développement, janvier 2023.

* 26 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Aide publique au développement, avril 2024.

* 27 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Aide publique au développement, avril 2024.

* 28 Inspection générale des finances, Les aides aux entreprises, revue de dépenses, septembre 2024.

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