EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 64 (nouveau)

Ciblage et diminution du montant des aides aux employeurs d'apprentis

Le présent article, issu de l'amendement II-5  (FINC.3) des rapporteurs spéciaux, propose de cibler les aides versées pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage en en excluant les contrats signés entre une entreprises de plus de 250 salariés et un apprenti préparant un diplôme de niveau 6 (licence) ou de niveau 7 (master et doctorat). Ils proposent en outre de ramener le montant de l'aide à son niveau relatif au SMIC de 2018.

La commission des finances propose au Sénat d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : SI DEUX AIDES COEXISTENT, LEURS PARAMÈTRES ONT ÉTÉ UNIFIÉ EN 2023

Introduit dans le code du travail en 201866(*), l'article L. 6243-1 du code du travail a permis le remplacement des multiples aides à l'embauche d'apprentis qui existaient alors par une « aide unique » aux employeurs d'apprentis, réservée aux contrats d'apprentissage conclus « dans les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés afin de préparer un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat ». Le montant de cette aide était de 4 125 euros la 1ère année, de 2 000 euros la 2ème année et de 1 200 euros la 3ème année du contrat.

Cette « aide unique » ne le fut toutefois pas longtemps.

Au moment de la crise sanitaire, l'article 76 de la seconde loi de finances rectificative pour 202067(*) a prévu que une « aide exceptionnelle » pour les contrats conclus entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021, versée pour les contrats signés avec des apprentis jusqu'au niveau 7 du cadre national des certifications professionnelle (master et doctorat), y compris lorsque l'employeur est une entreprises de plus de 250 salariés si elle est exonérée de la contribution supplémentaire à l'apprentissage68(*) et si elles justifient d'un pourcentage minimal de salariés en alternance.

Cette aide exceptionnelle était initialement de 5 000 euros pour la signature d'un contrat d'apprentissage avec un mineur et de 8 000 euros pour un majeur.

Depuis, un décret69(*) prévoit que le montant de l'aide unique est de 6 000 euros et qu'une aide, toujours qualifiée « d'exceptionnelle », est également versée pour la signature d'un contrat avec un apprentis préparant un diplôme de niveau 5 (de bac à bac+ 2), 6 (licence) ou 7 (master et doctorat), y compris par les entreprises de plus de 250 salariés sous certaines conditions tenant au nombre de contrat d'alternance qu'elles sont signées.

Lors de l'examen du PLF 2025, les rapporteurs spéciaux avaient porté un amendement de crédits, adopté par le Sénat70(*), visant à inciter le Gouvernement à revoir les critères d'éligibilité à ces aides. Cet amendement n'a cependant pas été retenu en nouvelle lecture.

Aujourd'hui, le Gouvernement a annoncé prévoir une modification réglementaire de ces paramètres, sans que la mesure - qui pourrait prendre la forme d'une diminution du montant des aides de 6 000 à 4 500 euros par contrat ou d'un ciblage des bénéficiaires éligibles - ne soit arbitré à ce stade.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : COMBINER LA DIMINUTION DU MONTANT DES AIDES À L'EMBAUCHE AVEC UN CIBLAGE SUR LES ENTREPRISES ET LES NIVEAUX DE QUALIFICATION PRIORITAIRES

Le présent article est issu de l'amendement II-5  (FINC.3) des rapporteurs spéciaux, adopté par la commission des finances, visant à modifier l'article L. 6243-1 du code du travail aux fins d'en rendre les dispositions pour restrictives.

Ne pourraient plus être éligibles aux aides à l'apprentissage les entreprises de plus de 250 salariés qui embauchent des apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant aux niveaux 6 et 7 du cadre national des certifications professionnelles.

Les rapporteurs spéciaux ont tenu, en présentant ce dispositif à la commission des finances, à souligner que le présent article vise à servir de base à un dialogue avec le Gouvernement et l'administration afin de trouver un juste équilibre, et qu'il a donc vocation à évoluer dans la suite de la discussion du PLF pour 2025.

Décision de la commission : la commission des finances propose au Sénat d'adopter cet article.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 64 (nouveau)

Minoration du financement des niveaux de prise en charge pour certaines formations de l'enseignement supérieur

Le présent article, issu de l'amendement II-6 (FINC.4) des rapporteurs spéciaux, propose de minorer, pour les formations des niveaux 6 (licence) et 7 (master et doctorat), le financement par France Compétences, via les Opco, des niveaux de prise en charge (NPEC) déterminés par les branches.

Le financement des formations de niveau 6 serait de 90 % du NPEC, et le financement des formations de niveau 7 de 80 % des NPEC.

La commission des finances propose au Sénat d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE FINANCEMENT DES CENTRES DE FORMATION D'APPRENTIS (CFA) AUX NIVEAUX DE PRISES EN CHARGE (NPEC) EST COMPLEXE, COÛTEUX ET ARBITRAIRE

A. LES CFA SONT FINANCÉS PAR FRANCE COMPÉTENCES SUR LA BASE DES NPEC, FIXÉS SELON UNE PROCÉDURE COMPLEXE ET DES CRITÈRES ASSEZ ARBITRAIRES

Les CFA sont principalement financés par France Compétences, établissement public administratif de l'État, par l'intermédiaires des opérateurs de compétence (Opco)71(*), qui sont des organismes paritaires agréés par l'État, gérés par les branches professionnelles.

France Compétences, par l'intermédiaire des Opco, assure donc automatiquement le financement de chaque contrat d'apprentissage signé à hauteur d'un montant unitaire, le « niveau de prise en charge » (NPEC)72(*). Ces NPEC ont deux objectifs, parfois contradictoires :

- permettre aux branches de moduler le NPEC en fonction des priorités stratégiques et des besoins des entreprises (métiers en tensions, compétences rares, etc.) ;

- prendre en compte le coût moyen par apprenti de chaque certification.

Formellement, les NPEC sont fixés par les commissions nationales paritaires pour l'emploi (CNPE), émanations des branches professionnelles73(*), dans le cadre de fourchettes fixées par France compétences. Ils le sont en général une durée de deux ans.

Les crédits consacrés à la couverture des NPEC sont très importants, soit environ 10 milliards d'euros.

Les modalités concrètes de détermination des NPEC sont complexes et fondées sur des critères arbitraires, ce qui n'en facilite ni la compréhension ni l'acceptabilité. En effet, cette méthode comporte deux phases.

D'abord, une fois reçues les propositions des branches, France Compétences retraites les propositions anormalement faibles ou élevées en les ramenant à un intervalle fixé, par convention, entre 3 000 euros et 25 000 euros. France Compétences détermine alors une valeur pivot qui correspond à la moyenne des propositions et une borne haute qui correspondant au 3ème quartile des propositions des branches ;

Ensuite, lorsque France Compétences dispose des remontées de la comptabilité analytique des CFA, la borne haute devient le coup moyen majoré par convention de 50 %.

Source : Igas-IGF, Le financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023

Certains paramètres apparaissent arbitraires, comme c'est le cas, par exemple, de la majoration de 50 % du coût moyen remonté par les comptes des CFA. En outre, France Compétences ne pondère pas les coûts en fonction des effectifs d'apprentis dans chaque certification.

Les résultats de cette méthode sont ainsi inéquitables74(*).

B. MALGRÉ LES DIMINUTIONS SUCCESSIVES DES NPEC, LE COÛT DES CERTIFICATIONS DU SUPÉRIEUR EST PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉ

En application des recommandations du rapport remis au Gouvernement en juillet 2023 sur les modalités de financement des CFA75(*) par l'Igas et l'IGF, il a été procédé à deux baisses successives des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage. La première baisse, à l'été 2022, a généré 300 millions d'euros d'économies ; la seconde baisse, de 5 % en moyenne76(*), a été conduite en 2023 et aurait eu un impact d'environ 550 millions d'euros en année pleine.

Toutefois, la convergence des NPEC n'est pas achevée.

En particulier, les coûts des certifications pour les niveaux de diplôme 5 (Bac+ 2), 6 (licence) et 7 (master) sont particulièrement élevés - alors même que la valeur ajoutée de l'apprentissage est plus faible pour ces formations. L'écart est également d'autant plus important pour les certifications comportant de nombreux apprentis.

Après les baisses successives des NPEC, les inspections relèvent que les formations des niveaux 6 et 7 (licence, master et doctorat) sont toujours plus coûteuses que les formations des niveaux inférieurs : alors qu'elles ne représentent respectivement que 18 % et 17 % des contrats, représentent 40 % et 32 % du nombre total de NPEC.

Ainsi, il a été procédé en 2024 à une nouvelle baisse des NPEC, concentrée cette fois-ci sur les niveaux 6 et 7.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : ASSUMER UNE MOINDRE PRISE EN CHARGE DES FORMATIONS D'APPRENTIS DANS LE SUPÉRIEUR

En cohérence avec l'idée de réinterroger le soutien public à l'apprentissage dans le supérieur, l'IGF et Igas recommandent de minorer le financement par France Compétences des NPEC des niveaux 6 et 777(*).

Suivant cette recommandation, le présent article, issu de l'amendement II-6 (FINC.4) des rapporteurs spéciaux, modifie l'article L. 6332-14 du code du travail afin de prévoir que le financement des formations délivrée par les CFA est limité à 90 % du NPEC pour les formations de niveau 6 et de 80 % pour les formations de niveau 7.

Cette diminution du financement public aurait en principe vocation à être partiellement compensée par une participation accrue des branches professionnelles au financement de l'apprentissage, conformément aux recommandations des inspections78(*), que l'administration et le cabinet se sont dits disposés à suivre dès l'année prochaine. Toutefois, pour des raisons de recevabilité organique, le présent article ne peut autoriser les branches à négocier des conventions pour financer l'apprentissage79(*), car une telle disposition serait étrangère au domaine des lois de finances.

Les moindres dépenses qui en résulteraient pour France Compétences (jusqu'à 620 millions d'euros) seront compensées par la diminution à due concurrence de la subvention versée par l'État à l'opérateur, ce qui justifie d'ailleurs sa recevabilité en loi de finances, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel80(*).

Comme pour l'article précédent, les rapporteurs spéciaux ont insisté devant la commission sur l'esprit de dialogue dans lequel ils ont proposé cet amendement. Ils ont en particulier connaissance d'un amendement de crédits déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale visant à diminuer de 675 millions d'euros en AE et en CP les crédits de la mission. Au dire de cabinet de la ministre, cet amendement a notamment vocation à prendre en compte la réalisation d'économies par France Compétences.

Le présent article a ainsi vocation à se coordonner avec l'amendement du Gouvernement si ce dernier venait à n'être pas adopté à l'Assemblée nationale et à être redéposé au Sénat.

Décision de la commission : la commission des finances propose au Sénat d'adopter cet article.


* 66 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 67 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 68 Article 1609 quinvicies du code général des impôts

* 69 Décret n° 2022-1714 du 29 décembre 2022.

* 70 Amendement n° II-9 rect. de M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances.

* 71 1° de l'article L. 6123-5 du code du travail.

* 72 Article L. 6332-14 du code du travail.

* 73 Article L. 6123-5 du code du travail.

* 74 IGF-Igas, Les modalités de financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023.

* 75 Ibid.

* 76 Afin d'éviter un choc trop brutal pour certains CFA, aucune baisse de NPEC de plus de 10 % n'a été recommandée par France Compétences.

* 77 Igas/IGF, Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, 2024.

* 78 Igas/IGF, Les modalités de financement des centres de formation d'apprentis, juillet 2023 ; Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, 2024.

* 79 Ce qui en l'état du droit la loi n'autorise pas.

* 80 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-847 DC du 29 décembre 2022, Loi de finances pour 2023, considérant 61.

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