TROISIÈME PARTIE
LA RECHERCHE
(RAPPORTEUR
SPÉCIAL : JEAN-FRANÇOIS RAPIN)
I. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE NATIONALE DE RECHERCHE
A. LA STRATÉGIE NATIONALE DE RECHERCHE PRÉVOIT DE MOBILISER LA SCIENCE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS SOULEVÉS PAR LES TRANSITIONS EN COURS DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ, DU NUMÉRIQUE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DE L'ÉNERGIE
1. L'importance structurante de la recherche scientifique justifie la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de recherche coordonnée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche
Les activités de recherche constituent un ressort déterminant de la souveraineté nationale, de la réponse collective à apporter aux transitions à venir en particulier dans les domaines de la santé, de l'environnement, de l'énergie et du numérique, et de la compétitivité et de l'attractivité de l'appareil productif de la France.
Par conséquent, la politique nationale de recherche mise en oeuvre par les autorités publiques et coordonnée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) revêt une dimension stratégique qui a été réaffirmée par le Parlement à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation de la recherche (LPR) du 24 décembre 202010(*), laquelle consacre l'importance dans la société de la science et de la recherche.
Sur le plan financier, la loi de programmation de la recherche (LPR) du 24 décembre 202011(*) a également fixé comme objectif prospectif d'atteindre un effort de recherche12(*) de 3 % du produit intérieur brut (PIB), dont 1 % de recherche publique13(*), au cours de la décennie 2030.
2. La recherche publique est orientée en priorité vers les grands défis scientifiques soulevés par les transitions en cours dans le domaine de la santé, du numérique, de l'environnement et de l'énergie
La recherche publique couvre l'ensemble du spectre des disciplines et domaines des connaissances. Elle finance à la fois la recherche appliquée et la recherche dite fondamentale, qui correspond à un objectif d'avancement général des connaissances. En 2024, le montant des crédits « recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dédiés à la recherche fondamentale a atteint 8 046 millions d'euros soit 47 % du montant total de ces crédits.
La recherche publique finance en priorité les domaines de recherche qui correspondent aux principaux défis scientifiques auxquels la société est affrontée dont notamment les transitions en cours dans le domaine de la santé, du numérique, de l'environnement et de l'énergie. Les crédits dédiés à la recherche publique dans ces quatre domaines atteint 6 630 millions d'euros en 2024, soit 39 % du montant total des crédits « recherche » de la mission.
Répartition des crédits
« recherche » de la mission
par domaines de recherche
en 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR)
Dans le domaine de la santé, la recherche publique est articulée autour de la recherche fondamentale principalement financée par les crédits de la mission et la recherche clinique principalement financée par la Sécurité sociale.
La recherche fondamentale dans le domaine de la santé est notamment mise en oeuvre par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les centres hospitalo-universitaires (CHU) ainsi que des fondations privées recevant une dotation publique dont notamment l'Institut Pasteur de Paris et l'Institut Pasteur de Lille. Elle s'appuie sur plusieurs dispositifs transversaux et pluriannuels dont la feuille de route interministérielle maîtrise de l'antibiorésistance de 202414(*) et la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-203015(*).
Dans le domaine du numérique, la recherche publique constitue un levier de souveraineté et de compétitivité déterminant. Elle est notamment mise en oeuvre par l'Institut national de recherche et informatique et en automatique (Inria) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Elle s'appuie sur plusieurs dispositifs pluriannuels dont notamment la stratégie d'accélération en intelligence artificielle (IA) de 2022 ainsi que la stratégie sur les technologies quantiques de 2021.
Dans le domaine de l'environnement, la recherche publique française s'inscrit dans les axes de recherche du groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ayant pour objet l'avancement des connaissances en matière d'évolution du climat, d'adaptation au changement climatique et de réduction des effets du changement climatique. La recherche publique en matière environnementale est notamment mise en oeuvre par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) et le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM). Elle s'appuie notamment sur l'appel à projet générique (AAPG) de l'Agence nationale de la recherche (ANR) dont la recherche environnementale constitue un axe structurant.
Parallèlement à la recherche environnementale et de manière complémentaire, la recherche publique dans le domaine de l'agriculture est orientée prioritairement vers l'accélération de la transition agroécologique de l'agriculture et son adaptation au changement climatique. La recherche publique agricole est notamment mise en oeuvre par l'Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement (Inrae) et les écoles d'enseignement supérieur agricole et vétérinaires.
Répartition des crédits dans la recherche énergétique par discipline en 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données du MESR
Enfin dans le domaine énergétique, la recherche publique a pour objectif de sécuriser l'accès à l'énergie par l'avancement des connaissances en matière de production, de gestion, de stockage et d'usages de l'énergie. Elle est notamment mise en oeuvre par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l'IFP « Énergies nouvelles » (Ifpen). Au regard de l'importance majeure de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français, elle est concentrée dans les domaines d'étude relatif à la fusion et à la fission nucléaire.
D'un point de vue territorial, les crédits « recherche » de la mission financent des unités et des laboratoires de recherche répartis sur l'ensemble du territoire, à hauteur de deux tiers environ (67 %) en dehors de l'Île-de-France.
Répartition territoriale de la recherche publique en 2022
(en millions d'euros)
Note : DIRDA : dépenses intérieures de recherche des administrations.
Source : commission des finances, d'après les données du MESR
3. La France est une nation scientifique de premier plan dont l'effort de recherche se situe néanmoins en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE
L'indicateur le plus souvent utilisé pour les comparaisons internationales dans le domaine de la recherche est celui de l'effort de recherche qui correspond au rapport entre les dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) et le produit intérieur brut (PIB).
En France, alors qu'une cible de 3 % du PIB a été fixée pour la décennie 2030 par la loi de programmation de la recherche (LPR) du 24 décembre 2020, l'effort de recherche se situe à 2,22 % en 2022. Ce niveau place la France en dessous de la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui est de 2,73 %. Il est toutefois à relever que le niveau de dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD), qui atteint 58 934 millions d'euros en 2022, correspond au septième rang des nations en termes d'investissement dans la recherche et le développement.
Évolution de l'effort de recherche en France
(en points de pourcentage du PIB)
Note : L'effort de recherche correspond aux dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) rapporté au produit intérieur brut (PIB).
Source : commission des finances, d'après les données de l'OCDE
Les dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD), qui détermine l'effort de recherche nationale, se décomposent entre les dépenses intérieures de recherche et développement des entreprises (DIRDE) et les dépenses de recherche et développement des administrations (DIRDA). Dans le cas de la France, les dépenses de recherche et développement des administrations atteignent en 2022 un niveau de 19 969 millions d'euros, soit 0,75 % du PIB.
Décomposition de l'effort de recherche en 2022
(en points de pourcentage du PIB)
Source : commission des finances, d'après les données de l'OCDE
La décomposition de l'effort de recherche entre la recherche publique et la recherche privée fait apparaître un élément d'analyse essentiel : la France n'a pas de retard en matière d'effort de recherche public vis-à-vis des pays de l'OCDE. En effet, la moyenne des dépenses intérieures de recherche et développement des administrations (DIRDA) rapportées au PIB était de 0,72 % en moyenne dans l'OCDE en 2022 soit 0,03 point de pourcentage de moins que le niveau observé en France.
Par suite, le retard de la France vis-à-vis de la moyenne de l'OCDE est expliqué intégralement par le déficit d'investissement privé dans la recherche et développement.
* 10 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
* 11 Art. 1er de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
* 12 Dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD).
* 13 Dépenses intérieures de recherche et développement des administrations (DIRDA).
* 14 Gouvernement, septembre 2024, Feuille de route interministérielle 2024-2034. Prévention et réduction de l'antibiorésistance, lutte contre la résistance aux antimicrobiens.
* 15 Institut national du cancer, février 2021, Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030. Des progrès pour tous, de l'espoir pour demain.