EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 14 novembre 2024, sous la présidence de M. Pascal Savoldelli, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Raynal, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

M. Pascal Savoldelli, président. - Nous entamons nos travaux avec l'examen du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État », pour lequel notre président de commission est rapporteur spécial. Je salue la présence de notre collègue Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Le CAS « Participations financières de l'État » constitue l'instrument budgétaire de mise en oeuvre de la politique d'actionnariat public, c'est-à-dire des interventions de l'État actionnaire.

L'actualité récente nous a donné l'occasion de constater une nouvelle fois à quel point la question de l'actionnariat public est un sujet sensible dans notre pays, à travers l'émoi suscité il y a quelques semaines par l'annonce du groupe Sanofi de la cession de 50 % de ses participations dans sa filiale de santé grand public Opella au fonds américain Clayton Dubilier & Rice (CD&R). Face aux inquiétudes exprimées par diverses parties prenantes, le Gouvernement a conclu un accord trilatéral incluant les repreneurs américains, la direction du groupe Sanofi et la puissance publique pour assurer la pérennité des sites de production à Lisieux et Compiègne, et consolider la relocalisation en cours du principe actif du paracétamol en France par un contrat de fourniture à long terme au bénéfice de la société Seqens.

Pour assurer un suivi approfondi de ces engagements et témoigner de la volonté de l'État de s'engager à long terme, le Gouvernement a également décidé que Bpifrance deviendrait actionnaire minoritaire d'Opella en acquérant 2 % du capital. La présence de Bpifrance au conseil d'administration d'Opella pour assurer un contrôle étroit de sa stratégie industrielle est un exemple des nombreux usages possibles de la politique d'actionnariat public.

Plus récemment, le ministre de l'économie a annoncé avoir finalisé l'opération d'acquisition par l'Agence des participations de l'État (APE) de 80 % du capital de la société Alcatel Submarine Networks (ASN). Préalablement intégrée au groupe Nokia, la société ASN est un acteur de référence dans le secteur de la conception, de la fabrication, de l'installation et de l'entretien des câbles sous-marins de télécommunication. Elle réunit un savoir-faire industriel - incarné par ses sept navires de pose et de maintenance des câbles sous-marins et son usine de production de Calais - et un enjeu de souveraineté technologique.

C'est cette dimension stratégique qui a motivé l'intervention de l'État comme actionnaire, pour un coût de 100 millions d'euros. Cette opération consolide la résilience de notre système de télécommunication. En effet, l'infrastructure des câbles sous-marins est devenue incontournable et représente 99 % du trafic intercontinental de données.

Après avoir évoqué ces deux épisodes récents qui illustrent bien la diversité des cas d'usage de l'intervention de l'État actionnaire et l'importance pour la puissance publique de pouvoir intervenir en fonds propres, j'en viens aux crédits proposés pour l'exercice 2025.

Premièrement, le projet de loi de finances prévoit d'ouvrir un montant total de 2,7 milliards d'euros pour les opérations en capital de l'APE. Le décalage légitime et systématique entre la temporalité budgétaire et la temporalité actionnariale se traduit par le fait que seule une partie de ce montant correspond à des opérations déjà programmées, dont la poursuite de la recapitalisation de la Société pour le logement intermédiaire (SLI) pour contribuer au plan de construction de 900 logements supplémentaires annoncé en 2023.

À ces opérations de recapitalisation viendront s'ajouter d'éventuelles opérations de prise de participation non programmées à ce stade. Je relève toutefois une opération qui devrait intervenir dans les mois à venir et qui correspond à la volonté affichée par l'État de participer à la reprise d'une partie des activités du groupe Atos. Au regard du caractère stratégique des activités en question, notamment dans le domaine du calcul de haute performance et de la cybersécurité, la volonté de prise de participation financière de l'État semble légitime. L'APE que j'ai entendue en audition à ce sujet m'a confirmé que le rejet de la première offre formulée par l'État en juin ne remettait pas en cause les négociations.

Deuxièmement, en dehors du périmètre de l'APE, le compte d'affectation spéciale sert également de support à l'ensemble des opérations patrimoniales de l'État. Ainsi, toutes les politiques sectorielles prévoyant une intervention publique en fonds propres doivent mobiliser le programme 731.

Pour l'exercice 2025, le montant total de ces interventions sectorielles atteint 1,8 milliard d'euros. Ces crédits servent en priorité à financer les souscriptions de la Banque publique d'investissement à des fonds d'investissement ou à des « fonds de fonds » dans le cadre des investissements d'avenir.

Le troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 3) et le plan France 2030 représentent un volume de 1,3 milliard d'euros d'interventions en fonds propres pour l'exercice 2025, soit les trois quarts des crédits hors du périmètre de l'APE.

L'économie générale du CAS « Participations financières de l'État » est de plus en plus mise à mal par le caractère structurel des dotations budgétaires finançant son fonctionnement. Nous l'avions d'ailleurs déjà souligné l'année dernière. En effet, au moment de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) en 2001, le schéma imaginé consistait à retracer les opérations patrimoniales dans un compte d'affectation spéciale pour flécher certaines recettes vers certaines dépenses associées. Or depuis plusieurs années et de manière structurelle, les recettes budgétaires représentent l'écrasante majorité des recettes du compte, car le programme de cession de participations qui avait été engagé à partir de 2017 a été interrompu par la crise sanitaire en 2020. Dans ces conditions, le budget général est devenu la source presque exclusive des recettes du compte.

J'en profite donc pour signaler qu'au moment où l'État prépare une mise à jour de sa doctrine d'intervention comme actionnaire, il est également légitime de nous interroger sur le schéma de financement de cette politique. La réflexion sur les moyens et les fins de la politique de l'État actionnaire doit être menée concomitamment.

Je conclus en vous proposant, sous réserve de mon amendement, d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale pour l'exercice 2025.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - La commission des affaires économiques a donné hier un avis favorable à l'approbation des crédits du CAS « Participations financières de l'État ».

L'année 2024 a été une année particulière pour l'APE : non seulement l'agence a fêté ses vingt ans d'existence, mais l'État a aussi annoncé des opérations d'ampleur pour des entreprises de souveraineté jusqu'alors situées hors de son giron, dans les secteurs de l'industrie, du numérique et de la défense. Je pense à la souscription de l'État à l'augmentation de capital de John Cockerill Defense, qui s'inscrit dans le cadre de la fusion entre John Cockerill et Arquus, anciennement Renault Trucks Defense, afin de créer un champion industriel européen des véhicules blindés légers pour la défense.

Je pense aussi à l'acquisition par l'État d'au moins 80 % du capital d'Alcatel Submarine Networks, leader de la fabrication, de la pose et de la maintenance de câbles sous-marins. C'est une opération importante. ASN, propriété du groupe finlandais Nokia, dispose d'une usine à Calais. C'est une entreprise critique pour notre souveraineté et notre indépendance numérique. Son savoir-faire et son implantation industrielle doivent être préservés sur le territoire national.

Enfin, en avril 2024, l'État a annoncé son souhait d'acquérir les activités sensibles d'Atos big data & security. Les négociations sont toujours en cours. L'APE m'a confirmé son souhait de réaliser cette opération en 2025, celle-ci étant bénéfique pour le développement à long terme de ses activités stratégiques.

Parallèlement, la convention entre l'État et Atos de juin dernier prévoit l'émission d'une action de préférence au sein de la société anonyme Bull SA, filiale qui loge des activités souveraines sensibles d'Atos liées aux supercalculateurs.

Au-delà des opérations nouvelles que je viens de détailler, l'APE accompagne les 85 entreprises de son portefeuille. En 2024, elle est intervenue en soutien à des politiques publiques prioritaires comme la souveraineté énergétique, à travers la souscription à l'augmentation de capital d'Orano ou celle de la société Le Nickel, filiale d'Eramet ; la réindustrialisation, avec une dotation en fonds propres de 56 millions d'euros au grand port maritime de Dunkerque ; la construction de logements, via l'augmentation de capital de la Société pour le logement intermédiaire, à hauteur de 200 millions d'euros.

Ces évolutions positives appellent une réflexion sur la doctrine de l'État actionnaire, qui sera actualisée en 2025. Sa formalisation sera aussi l'occasion de valoriser les objectifs stratégiques de l'APE en tant qu'actionnaire, à savoir la performance financière et extrafinancière, la résilience des entreprises de son portefeuille - notamment face au risque cyber - et la responsabilité sociale et environnementale.

Il faut naturellement que cette doctrine soit actualisée en complémentarité avec les autres actionnaires publics que sont Bpifrance, qui agit en faveur du développement et de l'innovation des très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI), et la Caisse des dépôts et consignations.

À cet égard, bien qu'il dépasse le cadre du CAS « Participations financières de l'État », je ne peux pas omettre le dossier « doliprane », à savoir la cession par Sanofi de 50 % de sa filiale Opella à un fonds américain. Afin d'assurer l'ancrage français des actifs stratégiques, le Gouvernement a annoncé une entrée de Bpifrance au capital d'Opella, à hauteur de 1 % à 2 %, que la commission des affaires économiques salue. C'est un exemple d'articulation possible des différents actionnaires publics. Bpifrance dispose d'une compétence approfondie dans les biotechnologies et est actionnaire depuis 2021 de Seqens, fournisseur important de la chaîne de valeur de Sanofi.

Enfin, la dynamique des recettes et des dépenses du CAS nous conduit à engager une réflexion sur sa raison d'être et son fonctionnement. Les cessions d'actifs se font rares. Il faut donc trouver des recettes ailleurs pour financer les opérations en capital. En 2025, 90 % des crédits du CAS proviennent du budget général, contre 98 % l'an dernier. Cette situation est d'autant plus déroutante lorsque l'on sait que les dividendes de l'État actionnaire - qui s'élèvent à 2,3 milliards d'euros en 2022 et 2023 - n'alimentent pas le CAS, mais sont versés au budget général de l'État. L'APE est le seul actionnaire à ne pas récupérer directement le fruit de ses investissements ! Même la Cour des comptes a ouvert la voie à une affectation de ces dividendes au CAS, qui serait responsabilisante pour l'APE.

Enfin, comme nous le notons chaque année depuis 2022, le CAS contribue de manière artificielle au remboursement de la dette du covid-19, par des crédits qui ne font que transiter par lui. Ce constat est partagé par votre commission.

La commission des affaires économiques soutient l'inflexion de l'État actionnaire en cette fin d'année 2024, qui fait des participations financières de l'État un outil pour la souveraineté et les intérêts stratégiques de la Nation.

M. Michel Canévet. - Un fort écart s'observe chaque année entre les recettes et les dépenses. Dans une optique de bonne gestion, ne faudrait-il pas resserrer les courbes et veiller à faire coïncider les dotations allouées et les perspectives de l'année ?

En quoi consistent les 914 millions d'euros de recettes non budgétaires mentionnés dans le rapport ?

Par ailleurs, il serait intéressant que l'APE perçoive au moins une part de ses dividendes pour pouvoir mener certaines opérations. Comment évoluent ces dividendes dans le temps : diminuent-ils, augmentent-ils ou restent-ils stables ?

Enfin, le PLF contient plusieurs dispositions relatives aux résultats des entreprises. Du fait de la mise en oeuvre d'une contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, ce montant prévisionnel ne risque-t-il pas d'être significativement moins élevé que ce qui ressort des actuelles projections pour 2025 ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Je suis tout à fait d'accord avec l'amendement que vous allez nous proposer, monsieur le rapporteur spécial. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la manière dont la dette du covid-19 est enregistrée et sur son plan d'amortissement ?

Mme Christine Lavarde. - La rentabilité du portefeuille de l'APE est de 4,6 %. Est-elle meilleure que la rentabilité enregistrée sur le CAC 40 ?

Par ailleurs, dans l'hypothèse où nous ferions l'impasse sur les règles budgétaires, ne serait-il pas plus sensé de gérer des investissements en direct, sur la mission « Défense », par exemple, via le fonds innovation défense, ou sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », pour le fonds de soutien aux industries agroalimentaires ? Nous sommes effectivement face à une entité à part, le CAS « Participations financières de l'État », qui s'occupe de sujets très thématiques, relevant chaque fois d'un ministère unique...

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Il est normal que la courbe des ressources budgétaires de l'État domine celle de leur consommation. Dans le cas contraire, nous n'aurions plus les moyens de payer !

Par ailleurs, un certain temps s'écoule toujours entre les décisions d'intervention au capital de l'État et le moment de leur concrétisation. La temporalité de l'État comme actionnaire ne correspond pas nécessairement à l'annualité budgétaire. En particulier, il est parfois difficile de déterminer si une opération sera réalisée à la fin d'un exercice ou au début de l'exercice suivant. Cette incertitude légitime justifie de conserver une marge d'intervention pour le CAS, qui est notamment permise par le mécanisme de report des crédits d'un exercice vers le suivant.

Le fait que les dividendes ne reviennent pas au CAS soulève effectivement des interrogations. L'État en a besoin pour l'instant pour équilibrer son propre budget. Toutefois, il serait intéressant de modifier ce point, notamment pour gagner en visibilité. Mais les enjeux budgétaires sont tels que ce n'est pas encore d'actualité.

Les perspectives en matière de résultat sont plutôt positives. Les valeurs des entreprises se sont redressées significativement depuis la crise du covid-19. La valeur du portefeuille est estimée en 2024 à 179,5 milliards d'euros.

Certains groupes du portefeuille seront concernés par la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, ce qui entraînera une baisse de leur rendement. Chacun procédera à des arbitrages en conséquence.

Les recettes non budgétaires susmentionnées correspondent notamment à des retours sur investissement des PIA.

Par ailleurs, le fait que la dette du covid-19 apparaisse comme un élément à part dans le budget relève en réalité d'un artifice budgétaire. Cette dette est une dette comme une autre et ne devrait pas faire l'objet d'un traitement particulier. Albéric de Montgolfier et moi-même avons donc déposé deux amendements miroirs, pour sortir de cette situation.

L'APE présente cette année une rentabilité supérieure à celle du CAC 40 : 4,6 %, contre 4,2 %. Néanmoins, la situation aurait pu être inverse, le choix des investissements étant effectué à l'aune, non pas de la valorisation des sociétés, mais de décisions stratégiques de l'État.

Enfin, une gestion directe des investissements sur les missions du budget général pourrait s'envisager. Cependant, le CAS permet de disposer d'une vision globale des interventions en fonds propres, sans multiplier les opérations budgétaires complexes qui impliquent de mobiliser une expertise spécifique. Je m'interroge donc sur l'intérêt pratique de cette démarche. En outre, la Lolf interdit d'intervenir en fonds propres hors du CAS « Participations financières de l'État ».

M. Pascal Savoldelli, président. - Vous avez rappelé l'émoi suscité par l'annonce par Sanofi de la cession de 50 % de sa filiale de santé publique. Je rappelle que Sanofi a reversé 4,4 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires et touche 150 millions d'euros de crédit d'impôt.

Article 44 (État D)

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Pour finir, je vous présente un amendement FINC.1 de simplification et de mise en cohérence des crédits, qui correspond à une position constante de notre commission.

Le Gouvernement a mis en place à partir de l'exercice 2022 un schéma d'isolement comptable de la dette liée au covid-19, qui se traduit par un montage complexe prévoyant de mobiliser des crédits du budget général pour les verser à la Caisse de la dette publique (CDP), établissement public intervenant sur le marché secondaire. Ce schéma n'a aucune portée effective sur la dette publique dès lors qu'il prétend amortir une dette qui n'est pas isolée financièrement en creusant le déficit du budget général. Si son effet est neutre sur l'équilibre financier de l'État, ce schéma nuit à la lisibilité du coût réel de nos engagements financiers.

Il vous est donc proposé, en cohérence avec l'amendement proposé par le rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État », Albéric de Montgolfier, d'annuler les 5,2 milliards d'euros de crédits inscrits sur le programme 732.

L'amendement II-31 (FINC.1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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