III. UNE BAISSE DE SA SUBVENTION QUI POURRAIT CONDUIRE LE CEREMA À ÉQUILIBRER SON BUDGET 2025 AU MOYEN DE FONDS FLÉCHÉS VERS LES COLLECTIVITÉS
Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1er janvier 2014 de onze services de l'État. L'action 11 « Études et expertises en matière de développement durable » du programme 159 porte les crédits de la subvention pour charges de service public de cet opérateur.
A. APRÈS DEUX ANNÉES DE RÉPIT, LA DOTATION AU CEREMA DIMINUE DE NOUVEAU QUAND BIEN MÊME IL EST CONFRONTÉ À DE NOUVELLES CHARGES
1. La baisse de sa subvention risque de mettre en difficulté le Cerema
Depuis sa création et jusqu'en 2022, le Cerema s'était vu imposer une diminution continue de sa subvention pour charges de service public (SCSP) et de ses effectifs. Entre 2017 et 2022 la trajectoire de restriction budgétaire avait même été amplifiée.
Évolution de la subvention pour charges de
service public
effectivement versée au Cerema depuis sa
création
(en milliers d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Cette tendance avait été interrompue en 2023 et cette inflexion s'était par la suite confirmée en 2024. Cependant, le rapporteur observe que le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a conduit à diminuer d'environ 500 millions d'euros la SCSP que devait effectivement percevoir le Cerema en 2024. Sur l'exercice en cours, cette dotation représentera ainsi 193,6 millions d'euros contre les 194,1 millions d'euros initialement prévus.
Le présent projet de loi de finances prévoit quant-à-lui une baisse substantielle de 4,3 millions d'euros de la subvention de l'établissement en 2025.
Dans le même temps, en 2025, le Cerema sera confronté à une augmentation estimée à 5,9 millions d'euros de certaines de ses charges contraintes :
- 2,6 millions d'euros en raison de l'augmentation du compte d'affectation spéciale « Pensions » (CAS pensions) ;
- 1,5 million d'euros résultant de l'obligation de protection sociale complémentaire de ses agents ;
- 300 000 euros de mesures indemnitaires décidées par l'État ;
- 1,5 million d'euros qui seront prélevés sur la dotation du Cerema au titre de la décentralisation du réseau routier national.
Dans une motion relative aux moyens financiers du Cerema adoptée le 22 octobre dernier, le conseil d'administration de l'établissement a tiré le signal d'alarme au sujet des conséquences de cet effort financier de plus de 10 millions d'euros exigé de l'opérateur l'année prochaine.
La motion souligne notamment « qu'un effort d'une telle ampleur est totalement impossible dans son épure budgétaire sauf à toucher aux crédits d'intervention ». Plus précisément, le conseil d'administration du Cerema indique que l'établissement pourrait devoir utiliser des crédits normalement fléchés vers les collectivités pour équilibrer son propre budget. Il s'agit notamment tout particulièrement des crédits alloués par le Parlement au Cerema pour le programme visant à aider les collectivités à entretenir leurs ponts. La motion souligne à ce titre que « si cette baisse devait être confirmée au terme de l'examen du projet de loi de finances, l'établissement serait ainsi contraint, pour assurer son fonctionnement, déjà resserré autour des missions opérationnelles, de prendre sur les moyens votés par le Parlement, consacrés aux collectivités (programme ponts, etc) ».
Alors que les dépenses de personnel du ministère chargé de la transition écologique20(*) doivent augmenter de 3,8 % en 2025 pour tenir compte des différents effets inflationnistes sur ces charges décrites supra, il est contestable, en parallèle, de faire peser un effort si substantiel sur un établissement comme le Cerema qui s'est réformé de manière exemplaire ces dernières années.
En effet, cet établissement a fait ce que l'État n'a jamais réussi à faire, à savoir l'inventaire détaillé de l'ensemble des missions qu'il réalisait et l'évaluation de la plus-value qui était associée à chacune d'entre-elles. Cet examen l'a conduit à abandonner un grand nombre de tâches qu'il assurait, soit parce qu'elles pouvaient tout aussi bien être réalisées par le secteur privé, soit encore parce qu'un autre acteur public les assumait déjà de manière plus performante. À la faveur de cette réforme structurelle, de laquelle beaucoup d'opérateurs et l'État lui-même devraient s'inspirer, le Cerema a pu absorber en cinq ans une réduction de 20 % de ses effectifs et de sa subvention pour charges de service public (SCSP) tout en augmentant son volume d'activité de 10 %. Le rapporteur estime qu'il est paradoxal de cibler ainsi un établissement qui a mené à bien une réforme structurelle si efficiente.
2. Alors que le PLF prévoyait une stabilisation des effectifs du Cerema, le Gouvernement entendrait désormais revenir sur l'augmentation adoptée par le Parlement l'année dernière à l'initiative du rapporteur spécial
Après une stabilisation en 2023, et pour la première fois depuis sa création, les effectifs du Cerema ont augmenté en 2024. Alors qu'il était initialement prévu dans le projet de loi de finances pour 2024 qu'il augmente de 10 ETPT pour s'établir à 2 505 ETPT le plafond d'emplois de l'opérateur a été finalement majoré de 25 ETPT par la loi de finances initiale pour 2024 suite à l'adoption d'un amendement déposé par le rapporteur spécial lors de la discussion en séance au Sénat de la deuxième partie du projet de loi de finances. Ce plafond a ainsi été porté à 2 520 ETPT en 2024. En 2025, le présent projet de loi de finances prévoyait une stabilisation du plafond d'emplois du Cerema.
Cependant, d'après les informations transmises au rapporteur par le Cerema, le Gouvernement entendrait finalement, par amendement, réduire de 25 ETPT les effectifs de l'établissement en 2025, revenant ainsi intégralement sur l'augmentation adoptée en LFI pour 2024 à l'initiative du rapporteur. Une telle évolution conduirait à balayer une année seulement après son adoption, une augmentation d'effectifs que le Parlement avait considéré nécessaire pour permettre au Cerema de déployer ses moyens aux services des collectivités territoriales. Le rapporteur n'est pas favorable à un tel revirement.
Évolution du plafond d'emplois prévu et exécuté (2015-2025)
(en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Suite à l'adoption de l'amendement précité déposé par le rapporteur, le schéma d'emplois de l'établissement pour 2024 devait traduire une augmentation d'effectifs à hauteur de 25 ETP. En 2025, le présent projet de loi de finances prévoyait une stabilisation des effectifs de l'établissement et un schéma d'emploi nul. Toutefois, comme précisé supra, le Gouvernement compterait réduire les effectifs du Cerema à hauteur de 25 ETP en 2025.
Schémas d'emplois 2017-2025
(en ETP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Parallèlement, les effectifs hors plafond de l'établissement qui ont beaucoup progressé ces dernières années, devraient se stabiliser à hauteur de 122 ETPT.
Limite supérieur prévue en LFI21(*) pour les effectifs hors plafond du Cerema
(en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En réponses au questionnaire du rapporteur, la tutelle ministérielle du Cerema a souligné que « les effectifs hors plafond sont une ressource extrêmement importante pour pouvoir assurer la réalisation de certains projets sur ressources propres et permettre la poursuite du développement de l'établissement, dans un contexte d'effectifs sous plafond contraints ».
En 2024, les charges de personnel de l'établissement devraient approcher les 224 millions d'euros. À ce stade, d'après les réponses fournies par l'administration au questionnaire du rapporteur, il est prévu qu'elles s'établissent à 221 millions d'euros en 2025.
Évolution des dépenses de personnel depuis 2017
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
3. Des dépenses d'investissement d'environ 20 millions d'euros pour rénover des installations vétustes
Jusqu'en 2022, les dépenses d'investissement de l'établissement étaient particulièrement insuffisantes, oscillant entre 5 et 8 millions d'euros. Lors de l'examen du PLF pour 2022, le rapporteur spécial avait alerté le Gouvernement sur les risques d'une situation de nature à compromettre gravement les capacités de production et l'avenir du Cerema.
En juin 2021, un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)22(*) avait dressé un constat particulièrement sombre des perspectives du Cerema, pointant notamment ce déficit chronique d'investissement très préoccupant et éloigné du seuil de 14 millions d'euros annuels qu'il estimait indispensable au maintien des capacités de production de l'établissement.
À la faveur notamment de la dernière tranche des financements du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) alloués depuis 2019 dans le cadre de la transformation de l'établissement, les dépenses d'investissement du Cerema ont été portées à 14,3 millions d'euros en 2023. En 2024, les dépenses d'investissements de l'établissement ont encore progressé et pourraient atteindre 20 millions d'euros. En 2025, elles devraient se stabiliser à ce niveau.
Évolution des dépenses d'investissements depuis 2017
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
Cette évolution s'explique notamment par le lancement du programme de réhabilitation d'un parc immobilier extrêmement vétuste.
4. Le « plan tourisme » pourrait faire les frais de la forte contrainte qui pèse sur les finances publiques
S'agissant des dépenses d'intervention du Cerema, alors que le programme « ponts » destiné à aider les collectivités territoriales à entretenir les ouvrages d'art de leur voirie suit son cours, le plan tourisme semble quant à lui en suspens. Il pourrait vraisemblablement être remis en cause en raison des contraintes budgétaires actuelles. Les réponses de l'administration au questionnaire du rapporteur font ainsi état que « de profondes interrogations résidant sur la continuité du plan tourisme ». Au titre de ce plan, le Cerema finançait notamment la réhabilitation de sentiers de randonnées, notamment de sentiers littoraux, ainsi que l'aménagement et la modernisation de ports de plaisance.
* 20 Inscrites au programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilités durables » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
* 21 Et PLF pour 2025.
* 22 « Le rôle du Cérema en matière d'appui aux collectivités territoriales : renforcer son activité au bénéfice des collectivités locales », juin 2021.