III. LES DÉPENSES DU BACEA : DES CHARGES DE PERSONNEL ET DES INVESTISSEMENTS DYNAMIQUES
A. UN NOUVEAU PROTOCOLE SOCIAL COÛTEUX MAIS VISANT À ACCOMPAGNER DES MESURES NÉCESSAIRES DANS UN CONTEXTE DE RENOUVELLEMENT DES EFFECTIFS DE CONTRÔLEURS AÉRIENS
1. Des recrutements de contrôleurs aériens dynamiques pour prévenir une vague de départs à la retraite
En 2022, du fait de la crise du transport aérien, les effectifs de la DGAC avaient été réduits de 72 ETP, ce qui avait eu pour conséquence une diminution des recrutements d'ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) le nombre de promotions annuelles passant de quatre en 2020, à deux en 2021 puis à l'équivalent d'une seule en 2022.
En raison de la reprise du trafic et de la perspective d'une vague de départs à la retraite qui touchera les contrôleurs aériens à la fin de la décennie, un schéma d'emplois nul avait été adopté en LFI pour 2023, le nombre de promotions annuelles d'ICNA ayant alors été remonté à trois. Pour 2024, la LFI avait prévu un schéma d'emploi positif à hauteur de 28 ETP, essentiellement lié à la relance des recrutements d'ICNA avec le passage à quatre promotions dans l'année.
Sur l'année 2024, le total des flux prévisionnel devrait représenter 425 ETP en entrées et 397 ETP en sorties. Le solde prévisionnel devrait être positif à hauteur de 66 ETP pour les ICNA tandis que des soldes négatifs sont attendus pour les cadres des ingénieurs électrotechniciens (IESSA) et des ouvriers d'État.
Mouvements prévisionnels d'effectifs en 2024
(en ETP)
* Données prévisionnelles au 31 août 2024
ICNA : ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne.
IESSA : ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne.
TSEEAC : techniciens des études et d'exploitation de l'aviation civile.
Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire
En 2025, le présent PLF prévoit un schéma d'emploi positif à hauteur de 132 ETP. Cette augmentation d'effectifs doit être soutenue par la poursuite du dynamisme des recrutements d'ICNA avec quatre promotions programmées et un volume élargi à 40 élèves pour chacune d'entre-elles. À lui seul, le solde du schéma d'emploi concernant les ICNA devraient ainsi être positif à hauteur de 124 ETP.
Détail du schéma d'emplois 2025 de la DGAC
(en ETP)
Départ |
Arrivées |
Schéma d'emploi |
|
Administratifs/cadres |
124 |
136 |
+ 12 |
ICNA |
26 |
150 |
+ 124 |
IESSA-TSEAC |
123 |
129 |
+ 6 |
Ouvriers |
18 |
8 |
- 10 |
Total |
291 |
423 |
+ 132 |
Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial
Cette évolution s'inscrit dans la mise en oeuvre d'une trajectoire de recrutement pluriannuelle négociée avec la direction du budget et destinée à pallier aux départs à la retraite qui doivent intervenir en fin de décennie ainsi que l'enjeu capacitaire lié à la reprise du trafic aérien. Cette trajectoire devrait se traduire par 150 à 160 recrutements de nouveaux ICNA par an jusqu'en 2027, des recrutements qui doivent notamment être partiellement compensés par des réductions d'effectifs prévues pour les cadres des IESSA et des TSEEAC ainsi que pour les ouvriers d'État. Cette trajectoire prévoit ainsi, pour le BACEA dans son ensemble, des schémas d'emplois positifs de 88 ETP en 2026 et de 79 ETP en 2027.
En outre, pour 2025, le projet de loi de finances propose un plafond d'emploi de la DGAC44(*) de 10 525 ETPT, en hausse de 86 ETPT par rapport à 2024. Le présent PLF prévoit par ailleurs d'augmenter de 5 ETPT les emplois rémunérés de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) dont le plafond atteindrait ainsi 936 ETPT en 2025.
2. Plus ambitieux que les précédents, le nouveau protocole social de la DGAC est également nettement plus coûteux
En 2025, les dépenses de personnel de la DGAC, le principal poste de dépenses du budget annexe, devraient augmenter de 57 millions d'euros (+ 4 %) pour atteindre 1 398 millions d'euros. Cette augmentation a pour principale origine les mesures catégorielles accordées aux agents de la DGAC dans le cadre d'un nouvel accord social pluriannuel conclu au printemps dernier. À elles seules, les mesures catégorielles, qui représentent 34 millions d'euros, expliquent ainsi 60 % de l'augmentation des charges de personnel du BACEA en 2025.
En effet, comme l'a rappelé le rapporteur dans un rapport d'information qu'il a présenté en octobre dernier45(*), depuis la fin des années 1980, la DGAC se livre de façon régulière à un exercice de contractualisation atypique au sein de la fonction publique : la négociation avec les organisations syndicales de conventions pluriannuelles appelées « protocoles sociaux ». Cette pratique est profondément ancrée dans la culture de la DGAC, qu'il s'agisse de la direction elle-même, comme des syndicats représentatifs des personnels. La vocation originelle de cette pratique était de favoriser la « paix sociale ».
Ils devaient également théoriquement être conçus dans une logique de « donnant-donnant » en accompagnant des réformes de performance par des mesures catégorielles au bénéfice des personnels de la DGAC. Cependant, le rapporteur a observé dans son rapport d'information précité que les précédents protocoles n'avaient pas respecté ce principe et s'étaient en réalité traduits par « l'octroi quasi unilatéral de nouveaux avantages catégoriels aux personnels de la DGAC sans véritable modernisation du contrôle aérien ».
Après une série de rebondissements et des négociations ardues, un nouveau protocole social a donc été conclu au printemps 2024 pour la période 2023-2027. À la différence notable de ses prédécesseurs, ce protocole comprend de véritables mesures de performance qui portent notamment sur une restructuration des implantations territoriales de la DSNA, des dispositifs d'optimisation de l'organisation du travail des contrôleurs et des équipes techniques ou encore une réduction de la période de formation des contrôleurs.
Pour accompagner le déploiement de ces mesures, le protocole 2023-2027 prévoit des contreparties financières (statutaires et indemnitaires) significatives pour l'ensemble des personnels de la DGAC. Au total, à l'horizon 2027, le rapporteur a estimé que cet accord augmentera de façon pérenne les charges de personnel de la DGAC à hauteur d'environ 100 millions d'euros par an.
En dépit de toutes ses réserves à l'endroit de cette pratique, il reconnaît qu'aujourd'hui, dans le contexte et la culture qui est celle de la DGAC, le nouveau protocole est de nature à poursuivre l'oeuvre de révision stratégique de la DSNA. Le pire aurait été que ce programme soit coupé dans son élan, voire irrémédiablement abandonné.
Cependant, ce n'est que par pragmatisme que le rapporteur a soutenu la conclusion du dernier protocole. En effet, d'après-lui, la pratique protocolaire à la DGAC présente de trop nombreux défauts pour qu'elle puisse résoudre réellement la problématique du défaut de performance des services du contrôle aérien. Aussi, dans son rapport d'octobre 2024 recommande-t-il d'envisager une réforme bien plus structurelle de la DGAC et du contrôle de la navigation aérienne en France. Une réforme qui devrait aboutir à rendre autonome la DSNA.
* 44 Plus de 70 % des agents de la DGAC appartiennent à la filière technique et opérationnelle : ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne (IESSA) et techniciens des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC). La DGAC comprend également, entre autres, des adjoints d'administration, des ouvriers d'État ou bien encore des ingénieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (IEEAC).
* 45 DGAC : après des protocoles sociaux coûteux, enfin une vraie réforme ? Rapport d'information n° 5 (2024-2025) fait au nom de la commission des finances sur les protocoles sociaux, l'organisation du travail des personnels de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la performance du contrôle aérien français, par M. Vincent Capo-Canellas, octobre 2024.