B. ALORS QUE LES AAI DU PROGRAMME 308 BÉNÉFICIENT DE MOYENS BUDGÉTAIRES ÉLEVÉS, LEURS MISSIONS CROISSANTES APPELLENT UNE RATIONALISATION DE LEUR GESTION
1. Parmi les AAI du programme 308, l'ARCOM et la CNIL devront assumer des missions croissantes dans le cadre du déploiement du paquet législatif européen relatif aux services numériques
La mise en oeuvre du règlement européen sur les services numériques (RSN, ou DSA en anglais)20(*) implique de nouvelles missions pour l'ARCOM comme pour la CNIL. Publié le 19 octobre 2022, le RSN est entré pleinement en application le 17 février 2024 pour l'ensemble des fournisseurs de services intermédiaires, qui regroupent les services de simple transport, de cache et d'hébergement, dont les plateformes en ligne. Le règlement vise à responsabiliser ces fournisseurs dans l'objectif de construire « un environnement en ligne sûr, prévisible et fiable qui facilite l'innovation et dans lesquels les droits fondamentaux (...) sont efficacement protégés »21(*).
Désignée coordinateur pour les services numériques (CSN) français au titre du RSN par la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN), l'ARCOM est, depuis lors, chargée des missions suivantes :
- la participation à la régulation des très grandes plateformes en ligne et très grands moteurs de recherche en ligne et la coordination européenne, en faisant remonter les soupçons d'infractions à la Commission européenne et en contribuant aux procédures qu'elle a ouvertes ;
- la coordination et la coopération à l'échelle nationale : le CSN est responsable d'assurer la coordination nationale vis-à-vis des questions en lien avec la surveillance et l'exécution du RSN dans son État membre. Le législateur français a ainsi prévu que l'ARCOM veille à ce que les autorités compétentes en France au titre du RSN (ARCOM, Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)) « coopèrent étroitement et se prêtent mutuellement assistance » ;
- la régulation des fournisseurs de services intermédiaires établis en France.
Afin d'assumer ces nouvelles missions, l'ARCOM a créé en son sein dès 2021 une direction des plateformes en ligne (DPL), comptant 6 ETP à l'origine. Dès 2022, cette direction a intégré 2 ETP supplémentaires, avant de bénéficier de 10 ETP additionnels à la suite du relèvement du plafond d'emplois de l'ARCOM de 15 ETP voté en loi de finances 2023. Un nouveau relèvement du plafond d'emplois de l'ARCOM de 10 ETP a de même été voté en loi de finances 2024 : 8 de ces emplois ont ainsi été affectés aux directions directement ou indirectement concernées par le déploiement du RSN. Outre la DPL, avec 4 ETP supplémentaires, la direction des affaires européennes et internationales, la direction des études, de l'économie et de la prospective, la direction juridique ou la direction administrative, financière et des systèmes d'information ont bénéficié d'emplois supplémentaires en 2024.
Dans le cadre du PLF 2025, le schéma d'emplois de l'ARCOM est nul, ce qui représente un effort notable dans un contexte de montée en charge de l'exercice des missions au titre du RSN.
De même, la CNIL devra assumer des missions additionnelles avec l'entrée en application des nouvelles législations européennes sur le numérique et de la loi SREN. En particulier, la CNIL a été désignée autorité compétente pour assurer le respect et le contrôle de certaines obligations applicables aux plateformes en ligne, à savoir des obligations de transparence renforcées en matière de publicité ciblée, l'interdiction du profilage sur la base des données sensibles et l'interdiction du profilage des mineurs. L'autorité pourra également adopter des mesures correctrices en la matière, et elle dispose à cet effet de nouveaux moyens de contrôle.
Par ailleurs, la compétence de la CNIL est étendue par la loi SREN au titre de la création d'un filtre national de cybersécurité « anti-arnaque » destiné à renforcer la protection des internautes lors de l'accès à des pages ou à des sites internet malveillants. Ces pages et sites pourront faire l'objet d'un avertissement du public sur leur caractère malveillant, mais aussi être déréférencés ou voir leur accès être empêché.
Alors que le nombre potentiel de sites cyber malveillants à surveiller serait de l'ordre de 300 000 par an, le contrôle de ces sites constituera un véritable défi pour la CNIL, justifiant le recrutement de 8 ETP supplémentaires dans le cadre du PLF 2025.
2. La rationalisation de la gestion des AAI du programme 308 pourrait passer par des efforts de mutualisation immobilière
Alors que le financement du déménagement de la HATVP, à la suite de l'expiration de son bail, se traduit par une dotation supplémentaire pour 2025 de + 14,5 millions d'euros en AE et + 1,75 million d'euros en CP22(*) en vue de la signature d'un nouveau bail de 9 ans23(*), cet exemple illustre la pertinence d'une optimisation de la stratégie immobilière de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et plus particulièrement des AAI rattachées au programme 308 « Protection des droits et libertés ».
Dans son rapport pour avis au nom de la commission des lois du Sénat dans le cadre du PLF 202424(*), Nathalie Delattre recommandait ainsi de conforter « [la] mutualisation et [la] programmation des dépenses » de fonctionnement et de personnel, qualifiant la stratégie immobilière d'« imprécise et insatisfaisante ». À cet égard, deux points apparaissent problématiques :
- le recours à des baux locatifs pour héberger des autorités ayant vocation à perdurer ;
- le non-respect des cibles de mètres carrés par poste de travail, fixées, par la direction de l'immobilier de l'État, pour les bâtiments de bureaux à 12 mètres carrés en zone non tendue et à 10 mètres carrés en zone tendue.
De fait, l'occupation immobilière des services rattachés à la mission « Direction de l'action du Gouvernement » a fait l'objet d'une première rationalisation dans la période récente, avec le regroupement des services du Premier ministre et de certaines AAI (Défenseur des droits, CNIL, CADA) sur le site Ségur-Fontenoy25(*) : les économies budgétaires associées à ce regroupement ont été évaluées à 7,3 millions d'euros par an, dont 3,5 millions d'euros pour les dépenses de personnel (52 postes supprimés)26(*).
Dans sa réponse au questionnaire budgétaire, la DSAF indique que le parc immobilier géré par la direction « est à ce jour complet et voit certains services, principalement sur Ségur-Fontenoy, poursuivre leur croissance ».
L'administration précise que « l'objectif est ici d'écarter toutes prises à bail et d'intégrer ces résidents supplémentaires au sein de l'immeuble en transformant les espaces ». En revanche, il semble que cette doctrine ne s'applique pas aux AAI non présentes sur le site Ségur-Fontenoy, qui pourraient pourtant rationaliser leurs dépenses immobilières par une mutualisation renforcée de leurs implantations.
Aussi, le rapporteur spécial sera attentif à l'évolution des dépenses immobilières des AAI du programme 308.
1. DEUXIÈME PARTIE
LE BUDGET ANNEXE
« PUBLICATIONS OFFICIELLES ET INFORMATION
ADMINISTRATIVE »
Le budget annexe « Publications officielles et information administrative » perçoit les recettes d'annonces légales (98 % des recettes prévues en 2025) et, dans une moindre mesure, des recettes issues de la vente des publications de la direction de l'information légale et administrative (DILA), de travaux d'édition et de diverses prestations.
Le budget annexe est composé de deux programmes :
- le programme 623 « Edition et diffusion » recouvre les activités de diffusion légale, d'information administrative, d'imprimerie et d'édition ;
- le programme 624 « Pilotage et ressources humaines » regroupe les moyens logistiques et humains de la DILA.
Missions de la DILA
Les missions de la DILA visent à :
- garantir l'accès au droit ;
- offrir aux citoyens les informations nécessaires à la bonne connaissance de leurs droits et obligations et à leurs démarches administratives ;
- contribuer à la transparence de la vie publique, économique et financière ;
- proposer des publications, numériques et papier, relatives au débat public ou contribuant à la compréhension des politiques publiques.
Source : décret n° 2010-31 du 11 janvier 2010 relatif à la direction de l'information légale et administrative
Outre son activité d'imprimeur, la DILA est responsable des sites internet Legifrance, service-public.fr, entreprendre.service-public.fr et vie-publique.fr, ainsi que des publications de La documentation française.
* 20 Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), ou « Digital Services Act » (DSA) en anglais.
* 21 Le RSN était déjà applicable depuis août 2023 aux très grandes plateformes en ligne et très grands moteurs de recherche en ligne, désignés et régulés par la Commission européenne.
* 22 Réponse de la DSAF au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.
* 23 Pour un coût d'occupation estimé à 1,5 million d'euros par an.
* 24 Sénat, Avis n° 134 sur le projet de loi de finances pour 2024, Tome IX, par Mme Nathalie Delattre.
* 25 Inauguré en 2016 pour la partie Fontenoy et en 2017 pour la partie Ségur.
* 26 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2022, Mission « Direction de l'action du Gouvernement », avril 2023.