C. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES POUR RÉDUIRE LE DÉFICIT

Comme les années précédentes, la commission des affaires sociales a abordé chacun des articles de ce texte de façon constructive.

1. Améliorer l'acceptabilité des mesures prévues pour 2025, pour un montant global inchangé

S'agissant de l'exercice 2025, elle propose d'ajuster les mesures prévues (qu'elles figurent ou non dans le PLFSS) conformément au tableau ci-après.

Principales mesures proposées par le Sénat

(en milliards d'euros)

 

Mesures dégradant le solde

Mesures améliorant le solde

Véhicule

Réforme des allégements généraux

1,0

 

Art. 6 PLFSS

Revalorisation différenciée des retraites

0,5

 

Art. 23 PLFSS

Fonds d'urgence pour les Ehpad

0,5

 

Art. 25 (Gvt*)

Soutien aux départements pour l'aide à domicile

0,2

 

Art. 8 (Gvt*)

Hausse de taux de la CNRACL en quatre ans

0,6

 

Réglementaire

Contribution de solidarité

 

2,4

Add. apr. 7

Fiscalité comportementale

 

0,5

 

Réforme de la taxe sur les boissons sucrées

 

0,2

Art. 9 bis PLFSS**

Anticipation à 2025 du paquet de cigarettes à 13 euros

 

0,2

Add. apr. 9 bis PLFSS

Augmentation de la taxation des jeux

 

0,2

Add. Apr. 9 bis PLFSS

Obligation d'utiliser le dossier médical partagé et mesures contre la fraude

 

0,5

Add. apr. 16

Médicaments biosimilaires

 

0,1

Add. apr. 16

Total

2,8

3,5

 

Solde

 

0,7

 

CNRACL : Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. DMP : dossier médical partagé.

* Mesures ne pouvant faire l'objet d'amendements de la commission, en raison des contraintes de recevabilité financière (article 40 de la Constitution).

** Cette disposition, correspondant à une préconisation du Sénat, a été insérée par l'Assemblée nationale et conservée dans le texte transmis au Sénat. Son rendement est accru par les amendements n° 131 et 132 de la commission.

Source : Commission des affaires sociales

2. Les années suivantes, remplacer la logique de « rabot » par une logique d'amélioration de l'efficience

Un récent rapport d'information50(*) de la mission d'évaluation et de contrôle (Mecss) de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale décrit deux scénarios transmis par Dominique Libault, président du Haut Conseil sur le financement de la protection sociale (HCFiPS), prévoyant un retour à l'équilibre de la sécurité sociale d'ici 2028, respectivement par une hausse des recettes ou des économies sur les dépenses, le second portant sur les dépenses d'assurance maladie.

Selon ce rapport d'information, « redresser les comptes sociaux dès 2025 par une hausse des recettes nécessiterait d'augmenter tous les taux de CSG de plus de 1 point ou de relever de plusieurs points les cotisations vieillesse et d'assurance maladie. Pour y parvenir par la seule maîtrise des dépenses, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) estime qu'il faudrait plusieurs années, en maintenant à 1 % l'augmentation annuelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 2025 à 2028 ».

Le très faible taux de croissance de l'Ondam retenu (1 %, alors que la croissance spontanée est déjà d'environ 3 %) suggère qu'une combinaison de plus grande efficience des dépenses - essentiellement de santé - et d'augmentation des recettes sera nécessaire.

a) Une recherche d'efficience devant porter essentiellement sur la branche maladie

Comme le souligne la Cour des comptes51(*), si dans le cas des retraites des mesures importantes ont été prises récemment ou sont prévues par le présent PLFSS, tel n'est pas le cas pour ce qui concerne les dépenses de santé.

La Cour considère donc que l'effort à réaliser d'ici 2028 doit « porter en priorité sur la branche maladie ».

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de mai 2024, la Cour des comptes faisait en particulier les recommandations suivantes.

Rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement
de la sécurité sociale - principales recommandations relatives à la maîtrise
des dépenses de santé

« 5. Renforcer la contribution des soins de ville à l'effort de régulation des dépenses d'assurance maladie, en mettant en place des dispositifs permettant de compenser un dépassement des objectifs adoptés en loi de financement de la sécurité sociale (recommandation réitérée) (ministère du travail, de la santé et des solidarités, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, caisse nationale d'assurance maladie).

6. Afin de clarifier le pilotage des dépenses de produits de santé, créer un sous-objectif spécifique au sein de l'Ondam (ministère du travail, de la santé et des solidarités).

7. Réexaminer l'activité des établissements de santé en difficulté financière pour la faire évoluer dans le cadre d'une réorganisation de l'offre de soins territoriale, en tenant compte de la qualité et de la sécurité des soins (ministère du travail, de la santé et des solidarités et agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale). »

Source : Cour des comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024

Si les dépenses de santé ne sauraient bien entendu constituer le seul gisement d'économies - qui devront également concerner, notamment, les aides sociales et la lutte contre la fraude -, elles constitueront le sujet majeur.

Les réformes pourraient notamment porter sur une meilleure utilisation du dossier médical partagé (comme la commission propose de l'initier en 2025), le pilotage des dépenses de ville, le transport médical, l'organisation territoriale de l'offre de soins, le développement de la prévention.

Par ailleurs, une réflexion sur l'organisation de l'offre de soins permettrait de dessiner les contours de réformes structurelles ambitieuses, afin d'améliorer l'accès aux soins dans les territoires tout en tenant compte de la rareté des ressources et de la contrainte budgétaire. La gradation des soins entre la ville et l'hôpital, la coordination des professionnels de santé et des parcours de santé, la pertinence des soins et la simplification de la gouvernance du système de santé doivent ainsi contribuer à renforcer l'efficience du système dans son ensemble, c'est-à-dire dégager des marges de manoeuvre financières sans dégrader la qualité de l'offre. L'approfondissement de la dynamique des groupements hospitaliers de territoire (GHT) constitue un chantier à poursuivre, de même que la transformation des modèles de prise en charge des patients, en ville comme à l'hôpital.

Enfin, la France doit résolument investir le champ de la prévention et de la promotion de la santé. La stratégie nationale de santé (SNS) pour 2018-2022 en faisait un axe d'action prioritaire, mais le bilan, très en deçà des ambitions affichées, est pour le moins limité. Les « résultats médiocres » de la France dans le champ de la prévention en santé, « malgré un effort budgétaire comparable » à celui de ses voisins européens52(*), doivent conduire à un changement de paradigme plus profond. C'est dans le cadre d'une stratégie d'action globale et coordonnée, soutenue par un pilotage politique fort et unifié, que devraient s'inscrire la promotion des comportements favorables à la santé et du bien-vieillir, l'amélioration des taux d'adhésion aux dépistages des cancers ainsi qu'à la vaccination.

b) La nécessité de nouveaux transferts de recettes à la sécurité sociale

Des mesures sur les dépenses ne suffiront manifestement pas à ramener la sécurité sociale à l'équilibre à moyen terme.

Si on considère que l'augmentation de prélèvements obligatoires de 2025 doit demeurer exceptionnelle, il convient donc de transférer de nouvelles recettes à la sécurité sociale.

Certes, cela augmenterait d'autant le déficit de l'État. On pourrait donc considérer qu'il s'agit d'un « jeu à somme nulle ». Toutefois l'État peut se financer sans difficulté sur les marchés financiers, contrairement à la sécurité sociale, qui pour se financer à long terme doit passer par la Cades. Or, un transfert à la Cades n'est possible qu'en cas de perspective crédible de retour à l'équilibre.

Comme indiqué supra, le quasi-retour à l'équilibre dans les années 2010 avait été atteint non seulement par la maîtrise des dépenses mais aussi par l'affectation de plus de 12 milliards d'euros en 2011 et 201253(*).

C'est donc par un effort résolu portant à la fois sur les recettes et sur les dépenses qu'il sera possible de ramener la sécurité sociale à l'équilibre, et de préserver notre modèle social.


* 50 Hadrien Clouet, Stéphanie Rist, conclusion des travaux d'une mission d'information sur la gestion de la dette sociale, rapport d'information, n° 302, 17e législature, Mecss de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, 2 octobre 2024.

* 51 Cour des comptes, La situation financière de la sécurité sociale - un déficit devenu structurel malgré les mesures envisagées pour 2025, communication à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et à la commission des affaires sociales du Sénat, octobre 2024.

* 52 Cour des comptes, La politique de prévention en santé, Les enseignements tirés de l'analyse de trois grandes pathologies, novembre 2021.

* 53 « Des ressources nouvelles ont été allouées, 7 Md€ en 2011, puis 5,1 Md€ en 2012, selon le chiffrage effectué à l'époque par la Cour, et des actions de modération des dépenses ont porté sur l'ensemble des branches. L'âge légal de départ en retraite a été porté de 60 à 62 ans par la loi du 10 novembre 2010. Pour la branche famille, les prestations familiales ont été sous-indexées et des réformes de la prestation d'accueil du jeune enfant (2014) et des allocations familiales (2015) en ont réduit le coût. Enfin, l'Ondam est devenu une norme de l'évolution des dépenses de santé, jamais dépassée sur la période. » (Cour des comptes, La situation financière de la sécurité sociale - un déficit devenu structurel malgré les mesures envisagées pour 2025, communication à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et à la commission des affaires sociales du Sénat, octobre 2024).

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