CHAPITRE II

RENFORCER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS

ARTICLE 6

Diminution de la franchise payée par les particuliers en cas d'adoption par ceux-ci de mesures de prévention

Le présent article prévoit un mécanisme de modulation à la baisse des franchises des particuliers en cas d'adoption de mesures de prévention. Ce dispositif de modulation est accompagné d'une information des assurés précisant ses conditions de mise en oeuvre.

Si l'instrument de modulation proposé poursuit un objectif nécessaire, à savoir le renforcement des incitations à l'adoption par les particuliers de mesures de prévention des risques, sa mise en oeuvre opérationnelle paraît complexe. D'une part, le montant modéré de la franchise pour les biens assurés par les particuliers limiterait le caractère incitatif de la modulation. D'autre part, la détermination du taux de modulation en fonction des mesures des prévention adoptées constituerait un exercice délicat.

Pour ces raisons, suivant la proposition du rapporteur, la commission a supprimé l'article 6.

I. LE DROIT EXISTANT : UN MONTANT DE FRANCHISE DÉTERMINÉ PAR RISQUE ET TYPE DE BIEN NE POUVANT FAIRE L'OBJET, SAUF EXCEPTIONS, DE MODULATION

Aux termes de l'article L. 125-2 du code des assurances, les indemnisations résultant de la garantie « CatNat » sont soumises à une franchise dont les caractéristiques sont définies par décret. L'assuré ne peut souscrire un contrat d'assurance pour couvrir la part de risque laissée à sa charge par la franchise28(*). Les caractéristiques des franchises et en premier lieu leur montant :

- doivent tenir compte, pour l'ensemble des contrats, de l'aléa ;

- doivent tenir compte, pour les professionnels et les personnes morales de droit privé ou de droit public, de l'importance des capitaux assurés, ainsi que de l'usage et de la taille des biens assurés ;

- peuvent tenir compte, pour les véhicules terrestres à moteur et les biens qui ne sont pas destinés à un usage professionnel, des franchises applicables aux autres garanties portant sur des aléas naturels prévues dans les contrats d'assurance catastrophe naturelle.

Niveau de la franchise par type de bien et de risque

Type de bien

Niveau de la franchise

Référence (code des assurances)

Bien à usage d'habitation

380 euros ou, en cas de RGA, 1 520 euros.

A. 125-6

Véhicule terrestre à moteur (VTM)

380 euros.

A. 125-6-1

Bien à usage professionnel autre que VTM

10 % du montant des dommages matériels directs avec franchise plancher de 1 140 euros (ou 3 050 euros en cas de RGA). Franchise plafond de 10 000 euros pour les entreprises dont la surface est inférieure à 300 mètres carrés29(*), réduction possible en cas de mesures de prévention pour les autres.

A. 125-6-2 et A. 125-6-3

Autres biens (dont ceux des collectivités et de leurs groupements)

Valeur la plus élevée entre :

- 10 % du montant des dommages matériels directs (avec franchise plancher de 1 140 euros ou, en cas de RGA, 3 050 euros) ;

- le montant de la franchise le plus élevé figurant au contrat pour les garanties couvrant les biens ;

- le montant déterminé par arrêté selon la nature du phénomène.

A. 125-6-4

Perte d'exploitation

Franchise plancher de 1 140 euros

A. 125-6-5

Source : commission des finances, d'après le code des assurances

Pour mémoire, la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles a interdit l'application d'une modulation de franchise à la charge des assurés dans les communes non dotées du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) en fonction du nombre de constatations de l'état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque, autrement dit le même aléa climatique, au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation. Pour autant, la loi du 28 décembre 2021 a maintenu le principe d'une modulation à la hausse de la franchise pour les biens assurés par les collectivités territoriales et leurs groupements pour lesquels un plan de prévention des risques naturels prévisibles a été prescrit mais non approuvé dans les délais réglementaires30(*).

S'agissant des biens à usage professionnel, le code des assurances dispose, à son article A. 125-6-3, que l'assureur peut proposer à l'assuré une réduction du montant de la franchise, à condition que ce dernier puisse démontrer la mise en oeuvre de mesures de prévention des risques de catastrophes naturelles. Pour autant, la réduction de franchise ne peut conduire à fixer un montant de franchise inférieur aux montants planchers, indiqués en valeur absolue à l'article A. 125-6-2 du même code, soit 1 140 euros sauf pour les dommages RGA où le plancher est de 3 050 euros.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE MODULATION DE LA FRANCHISE D'ASSURANCE EN CAS D'ADOPTION DE MESURES DE PRÉVENTION

Le présent article modifie le quatrième alinéa de l'article L. 125-2 du code des assurances afin de permettre une modulation de la franchise d'assurance payée par les assurés en cas d'adoption de mesures de prévention.

D'une part, il prévoit une diminution du montant de la franchise au prorata de l'ampleur des mesures de prévention adaptées au regard de l'exposition au risque, lorsque l'assuré a mis en oeuvre de telles mesures. Les critères de modulation du montant de la franchise sont renvoyés au pouvoir réglementaire.

D'autre part, le présent article prévoit une information des assurés sur ce nouveau dispositif de modulation en précisant que les documents fournis par l'assureur et décrivant les conditions d'indemnisation mentionnent, en sus des franchises applicables, les conditions de leur modulation en fonction de la mise en oeuvre de mesures de prévention.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE INCITATIVE DONT L'OPÉRATIONNALITÉ PARAÎT LIMITÉE

Le présent article vise à inciter les particuliers à mettre en oeuvre des mesures de prévention contre les risques de catastrophes naturelles. Le dispositif proposé s'inspire de la réduction de franchise existant pour les entreprises, à condition qu'elles puissent démontrer la mise en oeuvre de mesures de prévention des risques.

Pour autant, si l'objectif poursuivi, à savoir renforcer la culture du risque chez les particuliers, est évidemment partagé par le rapporteur, le dispositif proposé paraît complexe dans sa portée et sa mise en oeuvre.

D'une part, la portée incitative du mécanisme de réduction de la franchise n'est pas évidente. Le montant des franchises prévues pour les particuliers est en effet relativement limité : 380 euros pour les biens à usage d'habitation ou les véhicules terrestres à moteur et 1 520 euros pour les biens à usage d'habitation en cas de risque RGA. Si ces sommes peuvent représenter des montants conséquents pour les ménages les plus modestes, leur modulation n'apporterait pas un effet de levier suffisant pour encourager les particuliers à prévoir des mesures d'adaptation. Sauf à envisager une augmentation des franchises, pour refléter l'augmentation du risque de catastrophes naturelles, le caractère effectif du présent article ne semble pas satisfaisant.

D'autre part, les modalités pratiques de mise en oeuvre de la réduction de franchise paraissent complexes. Le calcul des coefficients de modulation en fonction de la nature et du montant des travaux de prévention impliquera un travail précis lors de son élaboration et des dispositifs de contrôle et de validation lors de son application. Il existe ainsi un risque que le coût de gestion du dispositif soit supérieur au bénéfice apporté aux assurés, sans permettre l'adoption de mesures de prévention efficaces.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commission a adopté l'amendement COM-10 du rapporteur supprimant l'article.

Proposition de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.

ARTICLE 7

Instauration d'un dispositif de soutien à l'acquisition de
prêts pour la prévention des risques

Le présent article prévoit l'instauration d'un dispositif de soutien à l'acquisition de prêts pour la prévention des risques, sur un modèle semblable à « l'éco-PTZ » qui existe aujourd'hui pour la rénovation énergétique.

L'éco-PTZ rénovation énergétique est un dispositif qui a connu un déploiement significatif sur les dernières années, et qui représente une véritable aide à la rénovation énergétique. Son coût pour les finances publiques s'est en outre révélé raisonnable au regard du nombre de prêts délivrés (moins de 50 millions d'euros par ans), en comparaison notamment de MaPrimeRénov' (plus de 2 milliards d'euros en 2024).

Un dispositif similaire pour la prévention des risques, tel que proposé par le présent article, est tout à fait indiqué. Il offre une véritable solution de financement pour les particuliers, tout en préservant les finances publiques. Son coût serait inférieur à 5 millions d'euros durant les premières années de son déploiement.

La mention de la prévention des risques naturels « majeurs » dans le dispositif présente toutefois une ambiguïté sur la question de savoir si le retrait-gonflement des argiles (RGA) en fait partie ou non, bien que l'intention de l'auteur est qu'il le soit. La commission a ainsi adopté l'amendement COM-11 visant à lever toute confusion en parlant de « risques naturels » en général.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : IL EXISTE UNE AIDE À L'ACQUISITION DE PRÊTS POUR LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE

L'article 244 quater U du code général des impôts prévoit l'existence d'un prêt à taux zéro pour les travaux de rénovation énergétique. Ce prêt à taux zéro concerne des travaux de natures variées, comme les travaux d'isolation des toitures ou des murs, ainsi que des travaux de remplacement de systèmes de chauffage.

L'ensemble des travaux ouvrant droit à la prime de transition énergétique (MaPrimeRénov'), à une aide accordée par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) au titre de la lutte contre la précarité énergétique, ou même qui permettent plus généralement d'atteindre « une performance énergétique globale minimale du logement » sont inclus dans le champ de « l'éco-PTZ rénovation énergétique ».

Le montant de l'avance remboursable attribuée à ce titre ne peut excéder la somme de 30 000 euros, sauf pour certains types de travaux, comme les rénovations globales du logement, auquel cas il peut atteindre 50 000 euros.

Le dispositif prend la forme d'un crédit d'impôt accordé aux établissements de crédits et aux sociétés de financements qui vient compenser l'écart entre le taux d'intérêt prévu par le marché et un taux à 0 %. En conséquence, ce dispositif est plus coûteux pour les finances publiques à mesure que les taux d'intérêt augmentent, mais il est dans le même temps plus incitatif pour les particuliers.

II. LE DROIT PROPOSÉ : UN OUTIL D'AIDE AU FINANCEMENT DE LA PRÉVENTION DES RISQUES

Le présent article modifie l'article 244 quater U pour inclure dans son champ les travaux de prévention des risques naturels majeurs. En conséquence, il crée une nouvelle voie de financement des mesures de prévention des risques, similaire à ce qui existe pour la rénovation énergétique.

Les modalités de fonctionnement du prêt seraient similaires à celles applicables à la rénovation énergétique. En particulier, le montant de l'avance remboursable ne pourrait excéder la somme de 30 000 euros par logement.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF APPORTANT UNE VÉRITABLE AIDE AUX PARTICULIERS DANS LA PRÉVENTION DES RISQUES

Les aides à l'acquisition de prêt représentent des solutions de financement complémentaires pertinentes pour le domaine de la prévention. Ils présentent en particulier un véritable intérêt pour les ménages de classe moyenne, qui disposent de suffisamment de ressources pour rembourser un prêt, mais qui ne peuvent pas assumer l'ensemble des coûts de travaux qui peuvent se révéler être particulièrement lourds.

Le prêt à taux zéro, déjà mis en oeuvre dans le domaine de la rénovation énergétique a déjà fait ses preuves. Il a en effet connu une progression importante sur les dernières années, passant de 35 574 éco-PTZ émis en 2019 à 82 049 en 202231(*), à la faveur de l'augmentation des taux d'intérêt. Toutefois, malgré cela, son coût est resté limité pour les finances publiques (45 millions d'euros en 2023, contre 39 millions d'euros en 2019).

Nombre d'émissions d'éco-PTZ et coût du crédit d'impôt

 

2019

2020

2021

2022

2023

Nombre d'éco-prêts émis

35 574

42 107

61 034

82 049

105 082

Coût du crédit d'impôt (en millions d'euros)

39

32

35

29

45

Source : commission des finances, d'après les données de la Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété

Le coût de l'aide à l'acquisition de prêt pour la prévention des risques prévu par le présent article serait limité, équivalent à moins de à 5 millions d'euros par an durant les premières années de déploiement du dispositif.

Le plafonnement de l'avance remboursable à 30 000 euros est également pertinent. En effet, cette somme correspond au coût des opérations les plus lourdes de prévention du retrait-gonflement des argiles ou des inondations. Les mesures plus coûteuses ont généralement une dimension collective, qui peut être plus adéquatement prise en charge par le fonds Barnier.

La mention de la prévention des risques naturels « majeurs » dans le dispositif présente toutefois une ambiguïté sur la question de savoir si le retrait-gonflement des argiles (RGA) en fait partie ou non. L'intention de l'auteur de la proposition de loi est bien que les mesures de prévention du RGA soit incluses dans ce nouvel outil de financement, et donc la commission a adopté l'amendement COM-11 du rapporteur visant à lever toute confusion en parlant de « risques naturels » en général. Cet amendement n'a aucune incidence sur le périmètre du dispositif.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté l'article ainsi modifié.

ARTICLE 8

Conditionnement de MaPrimeRénov' à la réalisation de travaux de prévention des risques

Le présent article prévoit que dès lors qu'un diagnostic de vulnérabilité aux risques naturels majeurs a établi que le logement se situe dans une zone d'exposition élevée à un ou plusieurs risques naturels majeurs, MaPrimeRénov' ne peut être versée que sous la condition de la réalisation de travaux de prévention adaptés.

MaPrimeRénov' a été créée par la loi de finances pour 2020, et représente désormais le principal dispositif de subvention publique d'aide à la rénovation énergétique des particuliers.

À l'heure actuelle, la vulnérabilité du bâti aux risques naturels ne fait pas partie des critères conditionnant le financement par MaPrimeRénov'. Or, la rénovation énergétique de logements fortement exposés aux risques naturels, et pour lesquels aucune mesure de prévention n'est prise, représente un gâchis de dépense publique.

Le conditionnement de MaPrimeRénov' tel que le prévoit le présent article est donc une mesure conduisant à préserver les finances publiques, mais également à inciter à la réalisation de travaux relatifs à la prévention des risques, conjointement à ceux de rénovation énergétique.

Il doit donc s'accompagner d'aides à la réalisation de travaux de prévention des risques, et c'est d'ailleurs le sens de l'article 7 de la présente proposition de loi, qui institue une avance remboursable à destination des ménages.

Cependant, les rénovations énergétiques dites « monogestes », c'est-à-dire qui ne portent que sur un seul type de travaux, comportent moins d'enjeux financiers que les rénovations globales. Par conséquent, la commission a adopté l'amendement COM-12 du rapporteur visant à restreindre le champ de l'article à ce dernier type de rénovation.

La commission des finances a également adopté l'amendement COM-19, du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les conséquences du présent article sur la politique publique de rénovation énergétique des logements.

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : MAPRIMERÉNOV' EST LE PRINCIPAL DISPOSITIF DE SUBVENTION PUBLIQUE D'AIDE À LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE POUR LES PARTICULIERS

La loi de finances pour 202032(*) a créé la prime de transition énergétique, dénommée « MaPrimeRénov' ». À l'origine, cette prime était ciblée sur les ménages les plus modestes, mais, dans le sillage du plan de relance, la loi de finances pour 202133(*) a ouvert la prime de transition énergétique à tous les propriétaires. Les ménages les plus aisés ne sont cependant éligibles aux aides que pour les rénovations globales et les travaux d'isolation.

Les travaux pouvant être financés par MaPrimeRénov' sont déterminées par voie réglementaire, et notamment le décret du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique. Celle-ci finance les travaux de rénovation thermique à hauteur de leurs coûts, dans la limite de quatre plafonds, qui dépendent des revenus des ménages. Ces quatre plafonds se déclinent en quatre « couleurs » (bleu, jaune, violet, rose).

Catégories de revenus utilisées dans le cadre
du programme « MaPrimeRénov' » en 2024

en euros

Composition du foyer

Ménages
aux revenus très modestes (bleu)

Ménages
aux revenus modestes (jaune)

Ménages
aux revenus intermédiaires (violet)

Ménages aux revenus supérieurs (rose)

Une personne

17 009

23 541

21 805

28 657

30 549

40 018

> 30 549

> 40 018

Deux personnes

24 875

34 551

31 889

42 058

44 907

58 827

> 44 907

> 58 827

Trois personnes

29 917

41 493

38 349

50 513

54 071

70 382

> 54 071

> 70 382

Quatre personnes

34 948

48 447

44 802

58 981

63 235

82 839

> 62 235

> 82 839

Cinq personnes

40 002

55 427

51 281

67 473

72 400

94 844

> 72 400

> 94 844

Personne supplémentaire

+ 5 045

+ 6 970

+ 6 462

+ 8 486

+ 9 165

+ 12 006

> + 9 165

> + 12 006

Note : les nombres en italiques sont les catégories de revenus applicables en Île-de-France. Les catégories de revenus présentées sont également applicables pour les forfaits ainsi que pour MaPrimeRénov' Sérénité.

Source : Commission des finances, d'après le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

II. LE DROIT PROPOSÉ : UN CONDITIONNEMENT DE MAPRIMERÉNOV' À LA RÉALISATION DE TRAVAUX DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS POUR LES LOGEMENTS EXPOSÉS

Le présent article modifie le II de l'article 15 de la loi de finances pour 2020 afin de prévoir que, du moment qu'un diagnostic de vulnérabilité aux risques naturels majeurs a établi que le logement se situe dans une zone d'exposition élevée à un ou plusieurs risques naturels majeurs, la prime de transition énergétique ne peut être versée que sous la condition de la réalisation de travaux de prévention adaptés.

Le niveau d'exposition au risque empêchant le versement de la prime et les travaux de prévention requis sont renvoyés à un décret. 

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN CONDITIONNEMENT NÉCESSAIRE POUR MIEUX ORIENTER LES SUBVENTIONS À LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE

À l'heure actuelle la vulnérabilité du bâti aux risques naturels ne fait pas partie des critères conditionnant le financement par MaPrimeRénov'. Or, la rénovation énergétique de logements fortement exposés au risques naturels, et pour lesquels aucune mesure de prévention n'est prise, représente un gâchis de dépense publique.

Le rapport du député Vincent Ledoux souligne à juste titre que : « la mission appelle l'attention sur le pilotage de ces financements dans les zones à risque RGA. Il serait inconséquent de rénover des logements sans avoir un minimum d'assurance sur leur résistance future à ce risque RGA. »34(*) Le même raisonnement peut être étendu à toutes les zones d'exposition forte aux risques naturels : il serait inconséquent de continuer à subventionner via MaPrimeRénov' des logements qui possèdent une chance importante de subir des inondations.

En particulier, les rénovations globales sont des travaux très lourds qui ont vocation à rendre le logement efficace d'un point de vue énergétique pour les décennies à venir. Or, le risque est qu'ils aient été faits en vain si des travaux de prévention des risques n'ont pas été réalisés dans le même temps.

Au contraire, une rénovation globale est l'occasion d'adapter le logement face aux risques naturels majeurs, comme le souligne le rapport de Christine Lavarde, rapporteur de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » : « il est logique d'inciter les ménages qui entreprennent une rénovation globale à réaliser, dans le même temps, des travaux de prévention des risques. Dit autrement, il convient de ne pas « louper le coche » de d'adaptation d'un logement au changement climatique. »35(*)

Bien entendu, une telle disposition doit s'accompagner d'aides à la réalisation de travaux de prévention des risques. C'est le sens de l'article 7 de la présente proposition de loi, qui institue une avance remboursable à destination des ménages qui souhaitent réaliser des travaux de prévention des risques.

Cependant, les rénovations énergétiques dites « monogestes », c'est-à-dire qui ne portent que sur un seul type de travaux, comportent moins d'enjeux financiers que les rénovations globales. Par conséquent, la commission adopté l'amendement COM-12 du rapporteur visant à restreindre le champ de l'article à ce dernier type de rénovation.

La commission des finances a également adopté l'amendement COM-19, du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les conséquences du présent article sur la politique publique de rénovation énergétique des logements.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 8 bis (nouveau)

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) doit accomplir ses missions en tenant compte des enjeux de prévention des risques

Le présent article, introduit par la commission des finances en adoptant un amendement du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, précise que l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) doit accomplir ses missions en tenant compte des enjeux de prévention des risques.

La commission a adopté l'article 8 bis.

L'Agence nationale de l'habitat est un opérateur de l'État rattaché à la mission « Cohésion des territoires », qui a notamment pour missions définies à l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation de mener des politiques de lutte contre l'habitat indigne, d'adaptation des logements privés pour la perte d'autonomie et de rénovation énergétique. L'ANAH est connue notamment pour assurer la gestion de la prime de transition énergétique, dite « MaPrimeRénov' ».

Issu d'un amendement COM-17 déposé au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable par Pascal Martin, rapporteur pour avis, le présent article prévoit, en modifiant l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation, que l'ANAH doit accomplir ses missions « en tenant compte des enjeux de prévention des risques naturels ».

Cet article doit être compris en conjonction de l'article 8 de la présente proposition de loi, qui prévoit que MaPrimeRénov' soit conditionnée, dans le cas des rénovations globales, à la réalisation de travaux de prévention des risques pour les logements les plus exposés. L'enjeu est que la politique de réduction de la vulnérabilité des logements aux risques naturels majeurs et celle de rénovation énergétique ne fonctionnent plus en silo, mais de les intégrer au sein d'une même politique de l'adaptation des logements au changement climatique.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.

ARTICLE 9

Extension du fonds Barnier aux dispositifs expérimentaux en matière de lutte contre le RGA et le recul du trait de côte

Le présent article prévoit d'étendre le champ du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », au financement d'études et de dispositifs expérimentaux de prévention des dommages provoqués par le retrait-gonflement des argiles ainsi que par le recul du trait de côte.

Le financement de travaux de prévention du risque retrait-gonflement des argiles (RGA) est presque inexistant, alors que ce risque concerne près de la moitié des logements individuels sur le territoire métropolitain. Le fonds Barnier, dont l'efficacité est reconnue, pourrait prendre en charge des mesures de prévention de ce risque, sachant que le RGA est inclus dans le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (régime CatNat).

L'intégration de la lutte contre le recul du trait de côte dans le champ du fonds Barnier, tel que le propose le présent article, soulève une vraie question au sujet d'un risque qui représente aujourd'hui un véritable angle mort dans la politique publique de prévention des risques.

Toutefois, sa mise en oeuvre soulève des difficultés, dans la mesure où ce risque n'est pas inclus dans le régime Catnat. Suivant le rapporteur, la commission a donc décidé en adoptant l'amendement COM-13 de ne conserver que le RGA dans l'élargissement prévu par le présent article. Il sera toutefois nécessaire de mener une réflexion sur le financement de la prévention du recul du trait de côte.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE FONDS BARNIER EST LE PRINCIPAL VECTEUR DE LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS DE L'ÉTAT

L'article L. 561-3 du code de l'environnement prévoit l'existence du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), communément appelé le « fonds Barnier ».

Le fonds Barnier permet de financer l'acquisition de biens à l'amiable ou par expropriation lorsque les biens en question sont exposés à un risque, dans les conditions prévues à l'article L. 561-1 du code de l'environnement.

Il peut également financer les dépenses liées à la limitation de l'accès et à la remise en état des terrains accueillant les biens exposés, le cas échéant en s'appuyant sur un établissement public foncier.

En outre, il peut financer des mesures de réduction de la vulnérabilité prises par les collectivités territoriales sur les territoires dotés d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN). De même, le Fonds intervient pour financer des mesures de prévention menées par les petites entreprises et les particuliers sur leurs habitations.

Le fonds Barnier finance enfin quelques mesures au bénéfice de l'État, comme les travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les subventions marines.

Jusqu'en 2021, le fonds Barnier était financé par un prélèvement obligatoire de 12 % en forme de « surprime » sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles. À partir de cette année, le fonds a été intégré au budget de l'État, au programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Il est donc désormais financé par des crédits budgtaires

II. LE DROIT PROPOSÉ : UNE EXTENSION DU CHAMP DU FONDS BARNIER AU FINANCEMENT DE DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX POUR LA LUTTE CONTRE LE RECUL DU TRAIT DE CÔTE ET LE RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES

Le présent article modifie le III de l'article L. 561-3 du code de l'environnement pour que le fonds Barnier puisse contribuer au financement d'études et de dispositifs expérimentaux de prévention des dommages provoqués par le retrait-gonflement des argiles ainsi que par le recul du trait de côte.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ÉLARGISSEMENT SOUHAITABLE DU FONDS BARNIER AU RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES

À l'heure actuelle, la « doctrine » du fonds Barnier prévoit qu'il ne peut financer que des mesures de prévention pour des risques « menaçant gravement la vie humaine ». Pour cette raison, le risque retrait-gonflement des argiles (RGA) ainsi que le recul du trait de côte ne peuvent faire l'objet d'aucun financement par ce biais.

Cependant, cette doctrine n'est pas inscrite dans la loi pour ce qui concerne le volet « prévention du fonds Barnier »36(*). L'article L. 561-3 du code de l'environnement énonce, pour le cas général, que « le fonds contribue à la prise en charge des études et travaux de prévention rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ». L'article L. 562-1 prévoit que les plans de prévention des risques naturels (PPRN) prévisibles peuvent être élaborés pour un certain nombre de risques, qui sont listées, mais n'évoque pas de conditions relatives à la menace pour la vie humaine. Par ailleurs, le fonds Barnier peut déjà financer des travaux qui portent sur des risques qui ne menacent pas directement la vie humaine dans la zone dite des 50 pas géométriques en outre-mer, sans que ceux-ci ne soient prescrits par un PPRN37(*).

En outre, le critère de la « menace envers la vie humaine » n'a pas pour effet de réduire l'aléa moral. En effet, une politique de prévention des risques s'inscrit toujours dans une stratégie à l'échelle locale, et le présent article ne conduit pas à donner un droit « acquis » à des financements du fonds Barnier.

Pour toutes ces raisons, il est souhaitable, en ce qui concerne le volet « prévention » du fonds Barnier, de privilégier le critère des économies sur le long terme pour définir les dispositifs qui devraient être ou non éligibles à une subvention38(*).

Dans son rapport de contrôle sur le RGA, Christine Lavarde, rapporteur de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » défendait un élargissement du fonds Barnier au risque sécheresse pour cette raison. Le risque RGA concerne près de la moitié des logements individuels sur le territoire métropolitain, et il est paradoxal que ses mesures de prévention ne fassent l'objet d'aucun soutien public.

En particulier, elle relevait que les mesures de prévention dites « horizontales », qui sont encore à l'étude, pouvaient potentiellement générer des économies importantes, et le fonds Barnier serait tout à fait dans son rôle en participant au financement de leur expérimentation.

Mesures « horizontales » et « verticales »
de prévention du retrait-gonflement des argiles

Les mesures verticales désignent les opérations qui agissent directement sur la structure du bâtiment. Elles peuvent par exemple consister en une rigidification de la structure par l'injection de résine, ou en l'installation de micropieux au niveau des fondations. Ces mesures ont une efficacité prouvée, et elles sont également utilisées pour redresser des bâtiments fragilisés par le RGA.

Les mesures horizontales répondent à une logique différente : elles consistent à agir sur l'environnement du bâtiment, afin de limiter en amont du sinistre la variation de la teneur en eau du sol. Elles peuvent notamment désigner des techniques d'imperméabilisation de la surface du sol aux abords direct de la surface du bâti, afin de limiter l'évaporation sur la surface. D'autres solutions consistent à agir sur la végétation, avec par exemple l'installation d'écrans anti-racinaires.

Les mesures qui portent sur l'environnement du bâti présentent un coût moyen de 10 000 euros, qui nettement moins élevé que celui des mesures curatives (plusieurs dizaines de milliers d'euros). Ces techniques sont toutefois expérimentales à l'heure actuelle, et par conséquent, elles ne sont aussi reconnues par les compagnies que le sont les mesures dites « verticales ».

L'« initiative sécheresse », lancée le 12 septembre 2023 par Frances assureurs, la CCR, et la Mission risques naturels (MRN) a vocation à définir une démarche de prévention pérenne pour les maisons existantes exposées et non sinistrées.

Source : rapport d'information n° 354 (2022-2023) de Mme Christine Lavarde fait au nom de la commission des finances sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti

L'intégration de la lutte contre le recul du trait de côte dans le champ du fonds Barnier, tel que le propose le présent article, soulève une vraie question au sujet d'un risque qui représente aujourd'hui un angle mort dans la politique publique de prévention des risques. Toutefois, sa mise en oeuvre soulève des difficultés. En effet, le recul du trait de côte ne fait pas partie des risques couverts par le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, contrairement au RGA, ce qui pourrait rendre complexe son financement par le fonds Barnier.

La commission a donc adopté l'amendement COM-13 du rapporteur, qui prévoit de ne conserver que le RGA dans l'élargissement prévu par le présent article. De la sorte, le champ d'intervention du fonds Barnier coïnciderait avec le périmètre du régime CatNat. Il n'en reste pas moins nécessaire de mener une réflexion sur le financement de la prévention du recul du trait de côte.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 (nouveau)

Renforcement des normes de construction pour prévenir les dommages causés par le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA)

Le présent article, introduit par la commission des finances en adoptant un amendement du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, prévoit de renforcer les normes de construction dans les zones exposées au risque de retrait-gonflement des argiles (RGA) :

- d'une part en prévoyant la réalisation d'une véritable étude géotechnique avant la vente d'un terrain constructible ;

- d'autre part d'imposer que la construction, en matière de profondeur des fondations, se conforme aux recommandations d'une étude géotechnique, quand aujourd'hui il est possible de recourir à des profondeurs de fondations forfaitaires insuffisantes.

La commission a adopté l'article 10.

I. LE DROIT EXISTANT : DES NORMES DE CONSTRUCTION RENFORCÉES PAR LA LOI « ÉLAN » DE 2019 MAIS ENCORE INSUFFISANTES POUR PRÉVENIR LES DOMMAGES CAUSÉS AU BÂTI PAR LE PHÉNOMÈNE DE RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES (RGA)

En France, historiquement, les études de sol préalables à la construction de maisons individuelles n'étaient pas obligatoires. Alors que les conséquences du phénomène de RGA se faisaient toujours plus prégnantes, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « Élan », a renforcé le cadre normatif existant en imposant de nouvelles normes de construction plus exigeantes visant à limiter la vulnérabilité des nouvelles constructions de maisons individuelles au phénomène de RGA.

Elle prévoyait notamment l'obligation de réaliser une étude géotechnique préalable avant la vente d'un terrain constructible dans les zones exposées au risque RGA. Cependant, cette étude préalable ne consiste qu'en un diagnostic du sol assez sommaire de type « G1 ». Ce type d'études ne permet pas de dimensionner les fondations de la construction. Seule une étude de type « G2 » est en mesure de déterminer la profondeur nécessaire des fondations au regard de l'exposition du site au phénomène de RGA.

Dans son rapport précité de mai 2024 sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles39(*), Christine Lavarde avait noté les conséquences potentiellement très dommageables de ces études trop sommaires. En effet, elles peuvent le cas échéant cacher une très mauvaise et très coûteuse surprise à l'acquéreur du terrain au moment de construire. Elle écrivait notamment que des professionnels du financement avaient attiré son attention « sur le renchérissement significatif du coût d'édification d'une maison si les études réalisées par le constructeur révèlent la nécessité de creuser plus profondément. Ce surcoût peut remettre en cause l'intégralité du projet, les futurs propriétaires n'ayant pas la capacité de lever plus d'emprunt. Ils se retrouvent alors avec un terrain sur lequel ils ne peuvent édifier leur projet de logement ».

La loi Élan prévoyait aussi un renforcement de l'encadrement normatif au moment de la construction d'une nouvelle maison. L'article L. 132-7 du code de la construction et de l'habitation dispose ainsi désormais que le maître d'ouvrage d'une construction en zone exposée au risque RGA doit faire le choix entre deux options :

- la première consiste à réaliser et suivre les recommandations de construction d'une étude géotechnique de conception de type « G2 » ;

- la seconde consiste à respecter de façon forfaitaire des techniques particulières de construction définies par voie réglementaire.

Les techniques particulières de construction ont été précisées par l'arrêté du 22 juillet 2020 relatif aux techniques particulières de construction dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols. L'article 2 de cet arrêté prévoit ainsi des fondations renforcées d'une profondeur d'au moins :

80 centimètres en zone d'exposition moyenne au risque RGA ;

1,20 mètre en zone d'exposition forte.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN RENFORCEMENT BIENVENU DES RÈGLES DE CONSTRUCTION AFIN DE MIEUX PRÉVENIR LE RISQUE DE RGA POUR LES CONSTRUCTIONS NEUVES

Le présent article additionnel est issu d'un amendement COM-15 de M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Il vise à renforcer les règles de construction des maisons neuves afin de mieux les protéger des conséquences liées au phénomène de RGA.

Pour ce faire, l'article prévoit de modifier trois articles de la section 4 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la construction et de l'habitation.

Le du présent article prévoient ainsi de modifier l'article L. 132-5 du code afin de rendre obligatoire la réalisation d'une véritable étude géotechnique de type « G2 » avant la vente d'un terrain constructible et non pas seulement une simple étude superficielle comme il est prévu aujourd'hui (voir supra).

Le vise quant à lui à modifier l'article L. 132-6 pour que la construction d'un nouvel ouvrage s'appuie systématiquement sur une étude géotechnique de type « G2 ».

Le de ce même article prévoit enfin que le constructeur doit se conformer aux recommandations de l'étude géotechnique quand aujourd'hui il est possible de recourir à des profondeurs de fondations forfaitaires (voir supra).

Les nouvelles règles de construction imposées par la loi Élan ont constitué une première étape importante. En raison de l'ampleur toujours plus importante prise par le phénomène RGA, l'enjeu est en effet considérable. Alors que le stock de maisons déjà construites est toujours plus menacé par cet aléa, il est indispensable, a minima, d'en prémunir dès à présent les constructions nouvelles, sans quoi le stock de maisons menacées ne ferait que croître de même que les coûts de ce risque pour le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, mettant en péril, à terme, sa pérennité même.

Les règles de construction sont absolument décisives pour immuniser les nouvelles constructions du risque RGA. Suite à leur renforcement par la loi Élan, sont-elles pour autant aujourd'hui adaptées à l'enjeu? D'après notamment les analyses que Christine Lavarde a livré dans son rapport précité de mai 2024, la réponse est manifestement non. Sur ce sujet en particulier, elle écrivait notamment : « d'ores et déjà, il apparaît que les premières analyses sont très mitigées. Alors que l'épaisseur de la couche d'argile active est souvent de plusieurs mètres, d'après un sondage effectué en janvier 2022 par la Fédération française du bâtiment, un tiers des constructions post loi Élan seraient réalisées en optant pour la profondeur de fondations forfaitaire40(*), c'est à dire sans étude de sol (...) la direction générale du Trésor a notamment révélé que de premières maisons construites selon les normes prévues par la loi Élan commencent déjà à se fissurer ».

Ce constat est particulièrement inquiétant et suppose de prendre d'urgence des mesures pour ajuster les normes de construction introduites par la loi Élan.

Le rapport de la mission « Langreney » partage le constat de Christine Lavarde sur ce sujet. Il s'appuie notamment sur le modèle espagnol qui prévoit des normes de construction significativement plus exigeantes qu'en France. Ce rapport soulignait que l'analyse des normes de construction prévues par la loi Élan « laisse présumer une fragilité de notre dispositif » et « conduit à s'interroger sur l'efficacité des mesures législatives sur les constructions neuves retenues en France ».

Aussi le rapport d'information de Christine Lavarde comme la mission « Langreney » recommandaient-ils de renforcer d'urgence les règles de construction afin de réellement immuniser les maisons nouvelles des conséquences du phénomène de RGA.

Cet article est donc important pour améliorer la prévention et l'adaptation du bâti à l'amplification du risque RGA.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.

ARTICLE 11 (nouveau)

Inscription dans les programmes de l'école primaire de l'éducation à la prévention des risques

Le présent article, introduit par la commission des finances en adoptant un amendement du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, prévoit d'intégrer dans les programmes de l'école primaire l'éducation à la prévention des risques naturels.

La commission a adopté l'article 11.

L'article L. 312-19 du code de l'éducation fixe le cadre de l'éducation à l'environnement et au développement durable à l'école primaire. Il prévoit qu'elle « a pour objectif de sensibiliser les enfants aux enjeux environnementaux et à la transition écologique », et qu'elle « permet la transmission et l'acquisition des connaissances et des savoirs relatifs à la nature, à la nécessité de préserver la biodiversité, à la compréhension et à l'évaluation de l'impact des activités humaines sur les ressources naturelles et à la lutte contre le changement climatique. »

L'article 5 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience » a introduit, au sein du code de l'éducation, une section et un article unique destinés à « l'éducation à l'environnement et au développement durable ».

Issu d'un amendement COM-16 déposé au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable par Pascal Martin, rapporteur pour avis, le présent article prévoit, en modifiant l'article L. 312-19 du code de l'éducation d'intégrer dans les programmes de l'école primaire l'éducation à la prévention des risques naturels.

La prévention des risques ne fait en effet l'objet d'aucune disposition spécifique dans les programmes d'enseignement scolaire, et la culture du risque doit être promue dès le plus jeune âge.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.

ARTICLE 12 (nouveau)

Information des acquéreurs et locataires de biens de leur exposition au risque de retrait-gonflement des argiles (RGA)

Le présent article, introduit par la commission des finances en adoptant un amendement du rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, prévoit de compléter l'état des risques que le bailleur ou le vendeur doit annexer à l'acte de vente ou de location par une information relative au risque RGA si le bien en question se situe dans une zone d'exposition moyenne ou forte.

La commission a adopté l'article 12.

Conformément aux dispositions de l'article L. 125-5 du code de l'environnement, lors d'une location ou d'une vente immobilière, le vendeur ou le bailleur est tenue d'annexer à l'acte de vente ou au contrat de location un état des risques. Ce document a vocation à informer l'acquéreur ou le locataire des risques naturels et miniers auxquels le bien est susceptible d'être exposé du fait de sa localisation.

Au regard des dispositions actuelles de l'article L. 125-5, la mention du phénomène RGA dans cet état des risques n'est requise que dans l'hypothèse où la zone concernée est couverte par un plan de prévention des risques RGA. Or, ces plans ne couvrent qu'environ 5 % des communes françaises quand le risque RGA concerne d'ores et déjà 48 % du territoire national et plus de 54 % de l'habitat individuel, c'est-à-dire plus de 10 millions de maisons.

Issu d'un amendement COM-18 déposé au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable par Pascal Martin, rapporteur pour avis, le présent article prévoit, en modifiant le I de l'article L. 125-5 du code de l'environnement, de compléter les informations obligatoires de l'état des risques en incluant le phénomène de RGA pour l'ensemble des biens immobiliers situés dans des zones d'exposition moyenne et forte à cet aléa.

Il apparaît nécessaire de résoudre ce décalage flagrant entre d'un côté la portée, réduite à la portion congrue, de l'obligation actuelle de mentionner le phénomène de RGA dans l'état des risques et de l'autre l'ampleur considérable des territoires exposés à cet aléa.

Par ailleurs, cette amélioration de l'information des locataires et des acquéreurs est un préalable indispensable à leur sensibilisation au risque et à la mise en oeuvre des mesures de prévention adaptées, qui sont par ailleurs au coeur de l'esprit de la présente proposition de loi.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.


* 28 Article D. 125-5 du code des assurances.

* 29 Pour les exploitations agricoles, le seuil de surface est de 1 500 m2.

* 30 Article L. 125-2, alinéa 6 du Code des assurances.

* 31 Données de la Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété, citées par la commission d'enquête sur la rénovation énergétique, page 140.

* 32 Article 15 de la loi n° 2019 1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 33 Article 241 de la loi n° 2020 1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 34 Rapport « RGA, n'attendons pas que ce soit la cata ! », Vincent Ledoux, octobre 2023, page 66.

* 35 Rapport fait au nom de la commission des finances du Sénat, « Régime CatNat : prévenir la catastrophe financière », Christine Lavarde, 15 mai 2024, page 61

* 36 La condition n'est explicite que pour les expropriations ainsi que pour les opérations relatives aux cavités humaines : « Il peut contribuer aux opérations de reconnaissance et travaux de comblement des cavités souterraines menaçant gravement les vies humaines, dès lors que ce traitement est moins coûteux que l'expropriation prévue à l'article L. 561-1 du présent code » (II de l'article L. 561-3 du code de l'environnement).

* 37 Article 227 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 38 Le rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques a formulé une recommandation similaire : « Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés. »

* 39 « Régime CatNat : prévenir la catastrophe financière », Christine Lavarde, 15 mai 2024.

* 40 80 centimètres au minimum en zone d'exposition moyenne et 1,20 mètre en zone d'exposition forte.

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