CONTRIBUTIONS ÉCRITES

M. Alain Milon, rapporteur pour la commission des affaires sociales, a souhaité permettre à l'ensemble des personnes entendues de faire figurer leur contribution écrite ou leurs réponses au questionnaire en annexe du présent rapport.

Ne figurent ci-après que les contributions dont les auteurs ont accepté la publication.

CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS (CNOM)

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.).

Le CNOM a constitué un groupe de travail sur la prise en charge des personnes transgenres, majeures comme mineures.

Concernant ces derniers, il a dans ce cadre auditionné des médecins prenant en charge des mineurs en questionnement de genre, endocrinopédiatres et pédopsychiatres. Ces professionnels ont expliqué les conditions de prise en charge de ces mineurs :

- prise en charge en service hospitalo-universitaire,

- réunion pluridisciplinaire,

- accord des parents préalable à toute décision de prise en charge,

- délai d'attente de 6 à 12 mois avant toute prescription

La Haute autorité de santé (HAS) s'est saisie de cette question, et doit publier prochainement les recommandations de bonne pratique concernant le parcours de transition des personnes transgenres (majeures et mineures de plus de 16 ans). Ces recommandations alimenteront les travaux du Conseil national sur ce sujet.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ?

Il ressort des auditions menées par le Conseil national que les conditions de prudence qui avaient été préconisées par l'Académie nationale de médecine paraissent actuellement être respectées.

3. Dans quelle mesure un suivi psychologique et médical vous paraît-il devoir précéder toute prescription de bloqueur de puberté ou d'hormones du sexe opposé ?

Le suivi psychologique et médical tel qu'il est réalisé dans les services prenant en charge des parcours de transition de mineurs, tel que les professionnels auditionnés l'ont décrit lors des auditions menées par le Conseil national, est effectivement aujourd'hui être un préalable à ces prescriptions. Ce cadre doit être préservé.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Les règles de bonne pratique sont définies par la HAS, les sociétés savantes, les collèges.

Nous émettons une crainte sur une interdiction législative des prescriptions des bloqueurs de la puberté et traitements hormonaux. Ces prescriptions engagent déjà la responsabilité déontologique des médecins qui se doivent de respecter les articles du code de déontologie (article R. 4127-32 du code de la santé publique, soins consciencieux).

Nous rappelons les chiffres de la CNAM : en 2022, 8 952 personnes sont titulaires d'une prise en charge en ALD pour transidentité, dont 3,3 % de mineurs (soit 294).

Pour l'ensemble de ces raisons, un encadrement législatif n'apparaît pas nécessaire.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

b. Des hormones du sexe opposé ?

Sous condition du respect du cadre de prescription décidé par les sociétés savantes et validé par la HAS, il ne semble pas judicieux de prévoir une telle interdiction.

Une distinction doit être faite en fonction de l'âge des mineurs, distinction introduite par les travaux actuels de la HAS portant sur les majeurs et les mineurs de plus de 16 ans.

6. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Il résulte des auditions conduites par le Conseil national que les traitements sont prescrits actuellement dans des services hospitalo-universitaires, après accord des parents, et que la décision est prise en réunion pluridisciplinaire.

7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements, susceptibles de justifier la « prudence » recommandée par l'Académie ?

Le Conseil national de l'Ordre des médecins n'a pas qualité pour émettre un avis médical. Il revient aux professionnels concernés et aux collèges dont ils relèvent d'apprécier les effets des traitements.

8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Idem

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

9. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

La définition des interventions, réversibles et irréversibles, relève de la compétence des professionnels concernés et des travaux de la HAS.

10. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Idem

11. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

À la connaissance du Conseil national, aucune intervention irréversible, autre que la torsoplastie, ne serait actuellement réalisée avant la majorité de la personne, en particulier sur les organes génitaux.

L'âge moyen des torsoplasties se situe entre 17 et 18 ans, selon les professionnels entendus par le Conseil national.

12. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Idem questions 9 et 10

13. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décision collégiale préalables, etc.) ?

Il ne semble pas nécessaire de prévoir des dispositions législatives encadrant ce type d'intervention, mais fondamental de définir un cadre de prise en charge, fixé par les sociétés savantes et la HAS, reposant sur des décisions pluridisciplinaires.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

14. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Suivant les réponses précédentes, dans la mesure où l'encadrement législatif et l'interdiction ne paraissent pas nécessaires, la question de la peine et de son quantum n'est pas discutée.

15. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Idem

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

16. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie est indispensable. La question des mineurs en questionnement de genre ne peut en être exclue.

17. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Idem

18. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Cette question relève de l'appréciation et de la compétence des professionnels concernés et de leurs collèges.

19. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Démographie médicale concernant la pédopsychiatrie (chiffres CNOM, 2024) :

- Détail de la répartition selon la catégorie d'actifs :

Activité générale

Actifs (nombre)

Retraités actifs

725

Activité intermittente

50

Activité régulière

1136

- Âge moyen selon la catégorie d'actifs :

Activité générale

Actifs (âge moyen)

Retraités actifs

73

Activité intermittente

65,3

Activité régulière

54,8

Ces données concernent : Les données étudiées concernant la population des pédopsychiatres (cf. la spécialité des pédopsychiatres) au 1er janvier 2024.

Les actifs étant considérés comme la somme des actifs réguliers, des médecins exerçant en activité intermittente et de ceux retraités actifs.

Par convention le CNOM utilise la notion d'activité régulière en référence à l'activité qualifiée de pleine par les médecins (hors activité intermittente, sans condition de cumul emploi-retraite).

La spécialité de pédopsychiatrie

La spécialité de pédopsychiatrie a été supprimée par l'arrêté du 1er janvier 1991, et l'arrêté du 22 septembre 2004 modifié, fixant la liste et la réglementation des diplômes d'études spécialisées de médecine et des diplômes d'études spécialisées complémentaires de médecine (J.O du 6/10/2004), n'a pas repris cette discipline. Dès lors, il n'est plus possible de constituer une demande de qualification de spécialiste en pédopsychiatrie.

Il convient de distinguer deux situations :

- Les médecins relevant de l'ancien régime des études médicales ont obtenu le CES de psychiatrie option enfants et adolescents - qui leur a permis d'être inscrits, à leur demande, sur la liste des médecins qualifiés spécialistes en pédopsychiatrie. L'option enfants-adolescents du certificat consistait en une année de formation complémentaire, effectuée à la suite de la formation du CES de psychiatrie générale. C'est la raison pour laquelle il a toujours été admis qu'un médecin ayant obtenu le CES de psychiatrie option enfants-adolescents pouvait consulter indifféremment les adultes et les enfants, ou bien exercer exclusivement la pédopsychiatrie. Certains d'entre eux ont opté pour l'exercice de la psychiatrie adulte, ainsi que de la pédopsychiatrie, et sont actuellement inscrits sur la liste des médecins spécialistes en pédopsychiatrie. Cette double qualification n'a été réalisée que pour les médecins psychiatres qui ont cette double activité, et ayant bien entendu validé l'option enfants-adolescents.

- Pour les médecins du nouveau régime, la mention de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent n'est possible que pour les médecins titulaires du DESC du groupe I (non qualifiant).

Cependant, il convient de préciser qu'en plus des spécialistes en psychiatrie infantile, d'autres spécialistes peuvent assurer la prise en charge des enfants et des adolescents. Sont donc considérés ici :

- les pédopsychiatres spécialistes

- les spécialistes en neuropsychiatrie,

- les spécialistes en psychiatrie ou en en pédiatrie, titulaires de la compétence ou du DESC1 ou de la VAE ordinale en psychiatrie option enfant et adolescent.

Il est, par ailleurs, à noter que la qualification de spécialiste en psychiatrie autorise l'exercice professionnel auprès des sujets de tous âges.

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