EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 22 mai 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de M. Alain Milon rapporteur, sur la proposition de loi (n° 435, 2023-2024) visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre.
M. Philippe Mouiller, président. - L'ordre du jour appelle maintenant l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, déposée par Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues. Ce texte sera examiné en séance, mardi 28 mai.
M. Alain Milon, rapporteur. - Cette proposition de loi, vous le savez, a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Elle comporte deux volets que nous devrons, il me semble, mieux distinguer : l'encadrement de la prise en charge médicale des mineurs présentant une dysphorie de genre, d'une part, l'amélioration de la situation délétère de la pédopsychiatrie dans notre pays, d'autre part.
Commençons par la prise en charge des mineurs, puisque ce sujet a concentré l'essentiel des débats. Qu'est-ce que la dysphorie de genre et pourquoi le législateur pourrait-il juger nécessaire d'en encadrer la prise en charge ?
Les définitions internationales de la dysphorie de genre ont évolué ces dernières années, dans le sens d'une progressive « dépsychiatrisation ». La onzième révision de la Classification internationale des maladies (CIM), publiée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a exclu l'incongruence de genre des troubles mentaux, de la personnalité et du comportement pour l'intégrer aux affections liées à la santé sexuelle. Elle la définit comme « une incongruité marquée et persistante entre le genre auquel une personne s'identifie et le sexe qui lui a été assigné » à la naissance. Lorsque cette incongruence de genre induit souffrance et détresse, une dysphorie de genre peut être diagnostiquée.
Il est difficile d'estimer la prévalence de la dysphorie de genre en France. Toutefois, des données médico-administratives existent et laissent apparaître une forte croissance du nombre de personnes prises en charge ces dernières années : entre 2013 et 2020, le nombre de personnes en affection de longue durée (ALD) pour « transidentité » a été multiplié par dix pour approcher, désormais, 9 000. Dans la même période, le nombre de séjours hospitaliers codés « transsexualisme » a été multiplié par plus de trois.
S'agissant des mineurs, toutes les données disponibles semblent indiquer que leur part demeure très minoritaire parmi les patients pris en charge - environ 3 % d'entre eux auraient moins de 18 ans. Toutefois, le nombre de mineurs concernés et la part qu'ils occupent dans leur classe d'âge progressent rapidement : 8 mineurs bénéficiaient de l'ALD en 2013, contre 294 en 2020.
Ces mineurs sont principalement suivis au sein de services hospitaliers spécialisés. La prise en charge y est collégiale, et fondée sur l'organisation régulière de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) réunissant des spécialistes du développement de l'enfant sur les plans psycho-affectif - pédopsychiatres ou psychologues - et somatique - pédiatres ou endocrinologues. Les RCP sont sollicitées avant toute décision thérapeutique importante.
Les mineurs peuvent également être suivis en ville, au sein des maisons des adolescents, des plannings familiaux ou auprès des professionnels libéraux. D'après plusieurs personnes que j'ai auditionnées, la prise en charge n'y est, toutefois, pas entourée des mêmes garanties.
S'agissant du contenu, quatre modalités de prise en charge pourraient schématiquement être distinguées : un soutien psychosocial afin de réduire les risques de souffrance, d'isolement et de décrochage scolaire ; des bloqueurs de puberté, prescrits à compter des premières manifestations pubertaires pour suspendre le développement des caractères sexuels secondaires, comme la poitrine, la voix ou la pilosité, qui peuvent accentuer les souffrances ressenties ; des traitements hormonaux, ou « hormones croisées », permettant de développer les caractères sexuels secondaires du genre auquel le mineur s'identifie ; enfin, les actes chirurgicaux de réassignation. Les opérations pelviennes ne sont pas pratiquées avant l'âge de 18 ans, mais des opérations mammaires et diverses opérations destinées à la féminisation ou la masculinisation du visage ou du corps peuvent l'être.
Il me faut préciser encore que la prise en charge médicale ne constitue qu'un élément, d'ailleurs facultatif, du parcours de transition que peuvent entreprendre les mineurs présentant une dysphorie de genre. Sont habituellement distinguées de la transition médicale les transitions sociale et administrative.
La première consiste, pour le mineur, à vivre au sein de son environnement familial, amical, affectif ou scolaire dans un genre différent de son genre de naissance. Elle est protégée par la loi pénale, qui punit toute discrimination fondée sur l'identité de genre et toute pratique visant à modifier ou réprimer cette dernière.
La transition administrative désigne les modifications de prénom ou de sexe à l'état civil, pour les faire correspondre au genre auquel la personne s'identifie. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a simplifié ces démarches. Depuis lors, toute personne majeure ou mineure émancipée peut démontrer par une réunion de faits que son sexe à l'état civil doit être changé, sans que l'absence de traitement médical de réassignation puisse lui être opposée.
Venons-en, maintenant, à l'épineuse question de l'encadrement. Le texte qui nous est soumis entend, dans son article 1er, interdire l'ensemble des traitements prescrits - bloqueurs de puberté, hormones croisées - et l'ensemble des interventions chirurgicales pratiquées dans le cadre des parcours de transition médicale des mineurs. L'article 2 assortit ces interdictions de sanctions pénales à l'encontre des praticiens qui les méconnaîtraient.
Il ne va pas de soi que le législateur doit intervenir ainsi dans la pratique médicale : il me semble qu'il ne peut le faire que guidé par d'impérieux motifs éthiques ou de santé publique. Or, dans le cas d'espèce, plusieurs éléments tendent à justifier cette intervention.
D'abord, plusieurs études internationales récentes remettent en cause la solidité des preuves scientifiques présentées à l'appui des traitements prescrits. La revue indépendante coordonnée par le Dr. Hilary Cass, au Royaume-Uni, souligne ainsi la faible qualité des études existantes sur l'efficacité des bloqueurs de puberté et des traitements par hormones croisées pour améliorer le bien-être et la santé psychique des jeunes présentant une dysphorie de genre, ainsi que sur les effets à long terme de ces médicaments. En Suède, le Conseil national de la santé et du bien-être a recommandé, pour les mêmes raisons, de réserver la prescription de tels traitements, chez les mineurs, à des situations exceptionnelles, marquées notamment par une dysphorie de genre ancienne et stable dans le temps.
En outre, il faut souligner le caractère irréversible de certains traitements. Si les bloqueurs de puberté permettent de ralentir le processus pubertaire et sont largement reconnus comme réversibles, les hormones croisées sont susceptibles, elles, d'entraîner des effets définitifs. Dans le cas de traitements par testostérone, ainsi, les modifications de la voix, de la pilosité faciale, l'apparition d'une calvitie et l'hypertrophie clitoridienne sont irréversibles. Par ailleurs, plusieurs publications font état d'effets importants, à terme, sur la fertilité du patient.
Enfin, il nous faut nous souvenir que nous parlons de mineurs, particulièrement fragiles dans la période de l'adolescence. La Fédération française de psychiatrie apparaît divisée sur la question, mais, pour l'une des deux pédopsychiatres que nous avons entendus, les demandes de réassignation peuvent être liées à un mal-être adolescent, à une histoire familiale ou des antécédents complexes qui justifient un examen psychologique approfondi avant toute prescription. L'Académie nationale de médecine elle-même a recommandé de prolonger, dans toute la mesure du possible, l'accompagnement psychologique des enfants et des adolescents se présentant en consultation et de ne prescrire des bloqueurs de puberté ou des traitements hormonaux qu'avec prudence.
Des cas de regrets et de « détransition » sont désormais documentés, et apparaissent particulièrement difficiles lorsque des traitements irréversibles ont été administrés. Leur existence incite à renforcer encore l'exigence de prudence dans la prescription.
Compte tenu de ces éléments, il me paraît nécessaire d'encadrer par la loi les modalités de prise en charge de ces jeunes. Celles-ci doivent concilier, à mon sens, deux impératifs. Il s'agit, d'une part, de soulager les souffrances des patients qui se présentent en consultation : c'est là une obligation déontologique des médecins, directement issue du serment d'Hippocrate, et, à vrai dire, du coeur même de leur utilité sociale. Il convient, d'autre part, de limiter autant que faire se peut le recours à des thérapies ou interventions irréversibles, sur des mineurs encore en développement et susceptibles de les regretter.
Les amendements que je vous présenterai, aux articles 1er et 2, viseront tous à ménager cet équilibre.
Je crois nécessaire, en particulier, de permettre la prescription de bloqueurs de puberté aux mineurs dans des services hospitaliers de référence assurant une prise en charge pluridisciplinaire des patients et dans des conditions permettant de s'assurer du consentement éclairé de ces derniers. S'ils ne sont pas dépourvus d'effets secondaires, ces traitements visent toutefois à améliorer l'état psychologique des patients en réduisant la souffrance et l'anxiété dues à la dysphorie et aggravées par le développement pubertaire. Largement reconnus comme réversibles, ils visent aussi à donner au mineur du temps pour apprécier la situation et réfléchir à ses besoins, avant d'envisager une éventuelle poursuite de son parcours de transition par des traitements plus lourds.
En revanche, je vous proposerai d'adopter et de préciser l'interdiction, portée par le texte, de prescrire des hormones croisées à des mineurs ou de réaliser, sur eux, des interventions de réassignation. Ces modalités de prise en charge, difficilement réversibles, voire définitives, doivent pouvoir être mûrement réfléchies.
Ces interdictions n'auront aucune incidence sur la faculté, pour un mineur, d'entreprendre une transition administrative, les procédures associées ne comportant plus de condition tenant à l'existence de traitements médicaux de réassignation.
Elles n'empêcheront pas davantage la mise en place d'un suivi psychosocial, souvent nécessaire compte tenu des souffrances ressenties, ni d'accompagner le mineur dans son questionnement et, le cas échéant, dans son parcours de transition sociale.
Enfin, parce que nous traitons ce matin d'un sujet délicat sur lequel les connaissances scientifiques sont susceptibles d'évoluer, je vous présenterai un amendement visant à inscrire dans ce texte une clause de revoyure d'ici à cinq ans, sur le modèle de celles qui figurent dans les lois de bioéthique.
Le législateur pourra, alors, tenir compte de l'avancée de la science comme des recommandations actualisées que la Haute Autorité de santé (HAS) doit produire ces prochaines années en matière de prise en charge des personnes transgenres. Les recommandations visant les mineurs de moins de seize ans ne sont pas attendues avant la fin de l'année prochaine.
J'en viens, enfin, à l'article 3, dont la présence au sein de cette proposition de loi a pu surprendre certains et susciter quelques interrogations.
Cet article prévoit la mise en place d'une stratégie nationale de soutien à la pédopsychiatrie. Cette stratégie doit être mise en place dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi et révisée au moins tous les cinq ans. L'article précise également les objectifs et l'organisation territoriale de cette stratégie nationale.
Alors que, comme je l'ai déjà souligné, la dysphorie de genre n'est plus considérée comme une maladie mentale et qu'il n'est à mon sens pas question ici de « repsychiatriser » la transidentité, je souhaite m'attarder un instant sur l'intérêt de cet article au sein du texte qui nous est soumis.
La dégradation de la santé mentale de nos jeunes est un véritable enjeu de santé publique. Selon l'enquête Escapad menée par l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, la prévalence des symptômes anxiodépressifs chez les jeunes de 17 ans est passée de 4,5 % à près de 10 % entre 2017 et 2022. Chez les plus jeunes, l'enquête Enabee publiée l'année dernière et conduite par Santé publique France indiquait que 13 % des enfants en élémentaire présentent un trouble probable de santé mentale.
Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes intitulé La pédopsychiatrie, un accès et une offre de soins à réorganiser, paru en mars 2023, constatait l'absence d'une politique de soins adaptée aux besoins de la jeunesse, une offre de soins trop inégalement répartie sur le territoire et globalement saturée, ainsi qu'une grave crise d'attractivité touchant la pédopsychiatrie : le Conseil national de l'ordre des médecins fait état d'une diminution de 34 % des professionnels spécialisés entre 2010 et 2022. Ce constat a été confirmé lors des auditions que j'ai pu mener, notamment celle de la Société française de psychiatrie.
En conséquence, il me paraît important d'agir, et d'agir tout de suite, pour améliorer la prise en charge des enfants et des adolescents et de structurer cette offre de soins. C'est l'objectif visé par cet article au travers de la création d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie - j'y souscris pleinement.
Concernant plus spécifiquement les mineurs en questionnement de genre, la mise en place de cette stratégie ne pourra qu'être utile pour améliorer leur bien-être. Il s'agit, je le rappelle, d'une population particulièrement vulnérable dans le champ de la santé mentale. Les troubles psychiques en lien avec l'identité de genre peuvent conduire à un état dépressif, et, à l'inverse, un état dépressif peut conduire à des interrogations plus générales sur l'identité. Par ailleurs, la transidentité peut entraîner un risque de stigmatisation et de discrimination, à l'origine de troubles anxieux, voire dépressifs, qui doivent également faire l'objet d'un accompagnement et d'une prise en charge. Sur les 239 jeunes reçus à la consultation spécialisée de la Pitié-Salpêtrière entre 2012 et 2022, 28 % d'entre eux présentaient des antécédents d'hospitalisation psychiatrique et 38 % rapportaient avoir été victimes de harcèlement avant la prise en charge.
La « dépsychiatrisation » de la dysphorie de genre ne doit donc pas conduire, pour reprendre la formule des auteurs d'un rapport remis en janvier 2022 à Olivier Véran, à une « a-psychiatrisation » du parcours de soin et de l'accompagnement. Dès lors, le développement sur l'ensemble du territoire de structures spécialisées et coordonnées dans le cadre d'une stratégie nationale permettra d'améliorer également le suivi et l'accompagnement de l'enfant et des parents.
Je vous proposerai trois amendements sur cet article. Le premier visera à marquer dans la structure du texte la distinction entre l'encadrement de la prise en charge de la dysphorie de genre et la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie. Le deuxième tend à enrichir les objectifs de la stratégie nationale en y ajoutant un volet lié à la formation des professionnels de santé aux enjeux de santé mentale des enfants et des adolescents et un volet relatif à l'amélioration des conditions d'exercice de la pédopsychiatrie en France. Le dernier amendement, quant à lui, prévoit que le réseau de structures pédopsychiatriques est développé dans le cadre des projets territoriaux de santé mentale préexistants afin d'en renforcer la cohérence d'ensemble.
Vous l'aurez compris, ce texte me semble nécessaire pour mieux encadrer la prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre et consacrer, en la matière, les meilleures pratiques des services spécialisés pluridisciplinaires. Il permettra, en outre, d'apporter une première réponse aux difficultés structurelles que connaît la pédopsychiatrie. C'est pourquoi je vous invite à l'adopter.
Il me revient, enfin, de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que celui-ci inclut des dispositions relatives aux modalités de prise en charge médicale des mineurs en questionnement de genre, ainsi qu'à la protection de la santé mentale des mineurs et au développement d'une offre de soins pédopsychiatriques adaptée sur le territoire. En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux traitements et modalités de prise en charge des personnes transgenres majeures, aux questions relatives à la transition sociale ou administrative des majeurs comme des mineurs et aux études de médecine ou aux droits et obligations des médecins.
Mme Laurence Rossignol. - Vous avez mentionné que les risques de stigmatisation étaient réels pour les mineurs en situation de dysphorie de genre. Je propose de préciser que la stigmatisation vient du regard que nous portons sur cette dysphorie de genre et de la manière dont nous en parlons sans forcément bien connaître le dossier.
Le sujet est sérieux et terriblement idéologique. Je ne crois pas que le « péril trans » soit ce qui menace notre civilisation aujourd'hui. L'angoisse de la fin de la civilisation occidentale, personne n'en parle mieux que Vladimir Poutine, dès lors qu'il s'agit de dire que nos sociétés sont rongées par l'homosexualité, la transidentité ou l'effondrement du patriarcat.
Le sujet est donc avant tout médical. Tout le monde conviendra que la chirurgie chez les mineurs n'est pas souhaitable - les cas sont d'ailleurs très rares.
L'idée originelle de cette proposition de loi, qui est d'interdire les bloqueurs de puberté et les hormones croisées, n'est pas sérieuse ni raisonnable. En effet, de nombreux adolescents ont besoin des bloqueurs de puberté, les pubertés précoces étant la conséquence de la dégradation environnementale et de la multiplication des perturbateurs endocriniens. Il en est de même pour les hormones croisées qui sauvent certains enfants. L'adolescence est une période de grande perturbation. En aucun cas, la loi ne doit décider à la place des médecins, car chaque cas médical est unique. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'enfants qui seraient victimes d'une « mode » de la transition de genre. Nous devons donc faire confiance aux médecins.
En réalité, vous proposez qu'il n'y ait plus de prescription en dehors des centres référencés et que ces prescriptions soient établies dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire et collégiale. Y a-t-il besoin de légiférer pour cela ? Je crois que le sujet relève du domaine non pas de la loi, mais de HAS et du Comité consultatif national d'éthique (CCNE).
M. Xavier Iacovelli. - Je veux remercier le rapporteur pour la qualité de son travail.
En 2020, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a recensé 8 952 personnes titulaires d'une affection de longue durée pour transidentité, dont 3,3 % de mineurs.
Les jeunes souffrant de dystrophie de genre peuvent, dans le cadre d'une procédure encadrée, recourir à des bloqueurs de puberté et à des traitements adaptés. Pour la plupart, ce sont des procédés réversibles, contrairement aux interventions chirurgicales de changement de genre - celles-ci sont de toute façon interdites pour les mineurs.
Cette proposition de loi tend à pénaliser très lourdement ce qui est aujourd'hui possible, alors même que nous n'avons pas de retour scientifique en la matière. J'entends que le rapporteur souhaite nous rassurer, mais je ne le suis pas du tout !
L'article 3 prévoit la mise en place d'un accompagnement thérapeutique, mais cette disposition est particulièrement floue et elle ne me semble pas nécessaire au regard de l'arsenal juridique existant.
Comment nos jeunes en situation de souffrance vont-ils vivre l'interdiction proposée, alors qu'il existe aujourd'hui une solution réversible pour résoudre leur détresse mentale et physique ? Nous parlons bien de mineurs qui souffrent, parce qu'ils ne sont pas en adéquation avec le corps que la nature leur a offert à la naissance.
Quelles actions les auteurs de cette proposition de loi envisagent-ils pour éviter que ces accompagnements dits thérapeutiques ne deviennent à terme l'équivalent des théories de conversion que nous avons interdites par la loi du 31 janvier 2022 ?
Le groupe RDPI a encore beaucoup trop d'interrogations à ce stade et, même si les amendements proposés par le rapporteur semblent aller dans le bon sens, votera contre ce texte. Nous préférons attendre les données chiffrées scientifiquement étayées que nous fournira la HAS dans ses avis.
M. Bernard Jomier. - Je remercie également Alain Milon pour les explications qu'il nous a fournies, mais de quel texte devons-nous parler ici ?
La proposition de loi ne contient rien, dans sa rédaction initiale, sur la prise en charge des jeunes en quête d'identité de genre. C'est un texte ultra-politique, ultra-idéologique et assez violent envers les personnes concernées. Il a ainsi pour prétention de « temporiser l'initiation de parcours médicaux » - je reprends son exposé des motifs. Est-ce à la loi de faire cela ? Qui plus est, son article 2 vise à sanctionner durement les professionnels de santé qui auraient l'outrecuidance de donner la priorité à l'intérêt de l'enfant ou de l'adolescent présentant un questionnement sur son identité de genre.
Il y a donc bien un contexte de politisation extrême. D'ailleurs, le débat public se fait l'écho de beaucoup de désinformation et de contre-vérités et il tend parfois à projeter en fait des fantasmes identitaires. Les responsables politiques ou associatifs qui tiennent ce type de propos ne prennent pas suffisamment en compte, à mon sens, l'intérêt de l'enfant ou de l'adolescent ; ils mènent un combat que je récuse. La loi ne doit pas être le lieu de ce combat, en particulier lorsqu'on parle d'enfants.
Aujourd'hui, la prise en charge de ces enfants ou adolescents est organisée, mais il est vrai qu'elle est de qualité variable : elle peut être faite par des équipes pluridisciplinaires de bonne qualité comme par des professionnels plus isolés et moins formés spécifiquement. Cela mérite effectivement, monsieur le rapporteur, d'être revu.
Pour le reste, il faut rappeler qu'il n'y a pas de réelle controverse médicale sur la question de la transidentité. Il existe des débats sur la prise en charge parce que celle-ci doit être individualisée : les parcours, l'accompagnement psychologique sont évidemment différents. En tout état de cause, aucune controverse médicale ne nécessite l'intervention du législateur.
La transidentité ne se combat pas, contrairement à ce qu'entend faire cette proposition de loi ; elle ne s'encourage pas non plus. Elle s'écoute et elle s'accompagne avec comme seule boussole le bien-être de l'enfant ou de l'adolescent. Je récuse les deux approches militantes et idéologiques : l'encouragement comme la répression.
Pour conclure, j'évoquerai deux points.
Tout d'abord, mêler la question générale de la pédopsychiatrie à la dysphorie de genre est au minimum une maladresse politique. Le rapporteur nous dit qu'il faut dissocier les deux choses, mais le fait est qu'elles sont inscrites dans le même texte ! Cela envoie un signal de retour à la psychiatrisation. Les jeunes en situation de transidentité doivent évidemment bénéficier d'un accompagnement psychologique, mais cela ne justifie pas de mêler les deux thématiques.
Ensuite' nous avons examiné la question des enfants présentant des troubles du développement génital lors de l'examen de la dernière loi de bioéthique. J'étais rapporteur du texte sur cette question et j'y ai passé beaucoup de temps. L'affrontement était vif, les points de vue très tranchés, même si cela transparaissait peu dans le débat public. Nous avons réussi à dépolitiser cette question et sommes parvenus à un accord avec l'Assemblée nationale pour que des équipes pluridisciplinaires prennent en charge les enfants dans des centres de référence. Pour autant, la loi n'est pas intervenue - et c'est heureux - dans la manière dont ces équipes doivent être composées.
Les enfants et les adolescents présentant une question de transidentité doivent en tout cas être pris en charge par des équipes pluridisciplinaires dans des centres de référence, au moins pour l'initialisation du parcours - pour la suite, notamment le renouvellement des prescriptions, on peut le cas échéant faire appel à d'autres professionnels. C'est l'objet d'un amendement du rapporteur et c'est le seul point qui pourrait justifier une disposition législative.
À l'exception de cette disposition proposée par le rapporteur, nous rejetons cette proposition de loi qui n'a pas lieu d'être.
Mme Silvana Silvani. - Cette proposition de loi m'inquiète et me préoccupe franchement, comme nombre de personnes concernées - professionnels de santé, parents, personnes trans, etc. Son point de départ est le rapport dont on a déjà parlé sur la transidentification des mineurs.
Sans ses annexes, le rapport fait 368 pages. Une petite dizaine de pages seulement est consacrée aux données chiffrées françaises ; pourtant, les partisans de cette proposition de loi évoquent une flambée exponentielle et un péril trans qui n'existent évidemment pas.
Ce rapport met clairement en cause des pratiques de professionnels de santé, alors que ceux-ci prescrivent sur la base de diagnostics, d'évaluations, de rencontres. Je trouve regrettable que des médecins, du fait de leurs positions idéologiques, mettent en cause l'intégrité de certains de leurs confrères.
Je trouve également regrettable de mettre en cause des parents qui entendent la détresse de leurs enfants et qui veulent simplement les accompagner.
Je trouve enfin regrettable de mettre en cause le corps enseignant, qui, prétendument, ferait tout et n'importe quoi. Je rappelle que le changement d'état civil ou les mesures mises en place par Jean-Michel Blanquer requièrent toujours l'accord des parents.
Le rapporteur a bien indiqué que nous disposions de très peu de données, mais c'est tout simplement parce que nous ne sommes pas face à une pandémie de la transition ! De plus, il s'agit principalement de données sur les adultes.
Le rapport de Mme Eustache-Brinio va même jusqu'à proposer d'étendre l'interdiction jusqu'à 25 ans sous prétexte que le cerveau n'est pas encore complètement formé avant cet âge. Peut-être faudrait-il alors s'interroger sur l'ensemble des décisions prises par les personnes de moins de 25 ans ?... Sous couvert de protéger les mineurs, on vise donc bien aussi la population adulte.
En 2020, environ 300 mineurs, bien évidemment accompagnés par leurs parents, ont demandé une consultation - je ne parle pas d'un traitement ou d'une opération, mais d'une simple consultation -, certains traversant toute la France pour cela...
La proposition de loi laisse très clairement entendre que le questionnement de genre est une anomalie, une pathologie, et qu'il nécessite des soins. En effet, elle parle uniquement de dysphorie de genre, pas de transition, ce qui suppose évidemment une psychiatrisation. Le questionnement de genre ne pourrait donc pas avoir d'issue positive !
Il s'agit d'un sujet méconnu parce que les recherches scientifiques sont encore limitées. Alors, comment trancher entre un médecin qui affirme que les bloqueurs de puberté ont des effets réversibles et d'autres qui affirment le contraire ?
Même s'il concerne finalement très peu de personnes, c'est un sujet important qui mérite mieux qu'une proposition de loi écrite de cette façon. J'ajoute que son article 3 sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie n'a pas sa place dans un tel texte.
Pour conclure, j'en viens aux amendements proposés par le rapporteur que je félicite pour son travail. Soulager les souffrances des patients ? Qui peut être contre ? Mais ce n'est pas le sujet du texte ! Limiter le recours à des thérapies irréversibles ? Je rappelle que ces thérapies ne sont quasiment pas pratiquées sur des mineurs. Interdire les opérations ? Les opérations de chirurgie pelvienne ne sont pas non plus pratiquées sur des mineurs. Une clause de revoyure ? Mais pour faire quoi ? S'il existe un doute sur la pertinence de la proposition de loi, ne la votons pas !
Mme Laurence Muller-Bronn. - J'ai participé au groupe de travail qui a travaillé sur ce sujet pendant huit mois. Avec Jacqueline Eustache-Brinio et Muriel Jourda, nous avons auditionné soixante-dix personnes - des parents, des enfants, etc. -, rencontré les représentants d'associations et d'institutions qui avaient des positions diverses. Nous voulions comprendre un sujet qui est très présent dans nos vies, en nous extrayant des idéologies. Les programmes scolaires ont évolué et beaucoup de parents sont venus nous en parler.
Loin de nous l'idée de défendre telle ou telle idéologie ! Au contraire, ce que nous vous proposons, comme ce que propose le rapporteur, correspond plutôt à une volonté de prudence au bénéfice des enfants. L'adulte fait ce qu'il veut de son corps et nous ne voulons pas que les gens souffrent. C'est pourquoi cette proposition de loi ne concerne que les enfants.
Je voudrais vous lire un propos que nous avons entendu durant nos auditions : « La demande de réassignation sexuelle est à la fois ce procès fait au corps hérité et détesté et l'expression d'une confiance sans borne dans le corps de l'autre sexe, doublée d'une confiance non moins démesurée dans les capacités de la médecine et de la chirurgie de le faire réel. »
Aujourd'hui, les enfants sont très vite pris en charge par des équipes pluridisciplinaires et une forte pression pèse sur eux. Sont-ils en capacité de gérer leurs émotions et cette pression ?
Les situations dans lesquelles un enfant ne naît pas dans le bon sexe existent, c'est la transsexualité, mais c'est une pathologie extrêmement rare qu'on détecte dans les deux premières années de la vie. Quelle est alors la différence entre un transsexuel et une dysphorie de genre ? Nous avons rencontré des personnes opérées qui ont témoigné de leur transsexualité de naissance. La transsexualité est reconnue médicalement, alors que la dysphorie de genre repose uniquement, de ce que nous avons entendu, sur des mots. Et ces mots accréditent une idéologie. La transsexualité autorise les bloqueurs de puberté ; une prise en charge médicale existe donc pour cette pathologie.
Pourquoi avons-nous déposé cette proposition de loi ?
Mme Silvani nous dit qu'il n'y a qu'une dizaine de pages sur la France dans notre rapport. Je peux vous dire que j'en suis heureuse ! Notre système nous a plutôt protégés jusqu'à présent de la tendance qui nous arrive des États-Unis ou des pays nordiques - la Norvège, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni.
Or, depuis quelques mois, plusieurs de ces pays ont appris de leur expérience et reculent. Ainsi, la Finlande a été la première à sonner l'alarme : en 2015, une étude a révélé une surreprésentation des filles parmi les jeunes qui voulaient changer de sexe et il est apparu que beaucoup présentaient d'autres troubles, notamment psychiatriques - dépression, anorexie, autisme... La même année, au Royaume-Uni, des lanceurs d'alerte ont révélé que le personnel soignant de la Tavistock Clinic s'étonnait que les patients mineurs soient systématiquement orientés vers des parcours de transition médicale, alors qu'ils estimaient que leur prise en charge devait être avant tout psychothérapeutique. De plus, le National Health Service (NHS) britannique a interdit, le 1er avril dernier, en raison de l'insuffisance des études, les traitements hormonaux et les bloqueurs de puberté pour les mineurs. En 2022, l'agence suédoise d'évaluation des technologies de santé a averti sur les risques de maladies cardio-vasculaires, de cancer et d'ostéoporose liés à la prise à vie de ces hormones.
Une pédopsychiatre belge que nous avons auditionnée s'est félicitée que son pays aille dans le même sens : elle estime que le consentement informé est très difficile à obtenir pour des enfants ou des adolescents.
On découvre peu à peu des effets secondaires de ces traitements.
Enfin, nous avons constaté que les personnes opérées n'avaient pas été suffisamment sensibilisées sur le fait qu'elles ne pourraient pas avoir d'enfant ni connaître de plaisir physique réel.
Il faut que les équipes pluridisciplinaires qui accompagnent les jeunes prennent tout cela en considération.
Mme Brigitte Devésa. - Je remercie le rapporteur pour son travail sur ce rapport qui fait polémique et je fais confiance à toutes celles et à tous ceux qui ont approfondi cette question. Je ne reviens pas sur l'exemple du Royaume-Uni qui vient d'être évoqué par Laurence Muller-Bronn.
Nous ne sommes pas là pour parler idéologie ; nous sommes là pour essayer de répondre aux questions qui se posent. Or il faut être prudent, parce que l'adolescence est une période à la fois cruciale et difficile : on se cherche, on se pose des questions, on est en conflit avec les parents...
Les enfants transgenres doivent faire face à des défis importants, notamment en termes d'acceptation sociale et familiale. Pour la dysphorie de genre, il faut tenir compte de la détresse liée à l'incongruence entre l'identité de genre ressentie et le sexe assigné à la naissance. Je ne parle même pas des risques accrus de troubles mentaux, comme l'anxiété et la dépression. Le plus important est de pouvoir soulager la souffrance des patients.
Le groupe Union Centriste est opposé aux interventions chirurgicales en la matière avant la majorité. En ce qui concerne les traitements hormonaux, nombre de médecins sérieux avertissent sur les problèmes de santé qu'ils peuvent entraîner. Nous suivrons aussi les propositions du rapporteur en ce qui concerne l'article 3 du texte sur la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie.
Par conséquent, sous réserve d'une discussion ultérieure, mon groupe votera ce texte.
Mme Anne Souyris. - Le rapport préparatoire à cette proposition de loi a été rédigé par plusieurs sénatrices, mais aussi par deux femmes- Caroline Éliacheff et Céline Masson -, dont le discours est pour le moins idéologique. Par exemple, quand on leur parle d'irréversibilité, elles parlent également du parcours à l'école et des aspects sociaux de la transition.
Ce rapport pose de nombreux problèmes de fond - cela a déjà été mentionné -, mais en plus il est tronqué. Plusieurs personnes auditionnées dans le cadre de ce rapport n'y ont pas retrouvé leurs propos et croyaient qu'il était préparé au nom du Sénat ; certaines ne voulaient même pas revenir en audition... Or, je le rappelle, la préparation de ce document n'a aucunement associé les autres groupes politiques du Sénat. Il y a eu une incompréhension totale quant au statut de ce rapport. C'est un problème démocratique.
Les auteurs de ce rapport et de la proposition de loi avancent un objectif de prudence et de protection des jeunes. Or seuls 10 % des jeunes suivis dans les services spécialisés prennent des bloqueurs de puberté. Les professionnels n'y font pas la promotion des bloqueurs de puberté, des hormones ou de la transidentité ; ils sont là pour accompagner les jeunes. J'ajoute que 24 % des jeunes arrivant dans un service spécialisé ont auparavant fait une tentative de suicide et qu'ils ne sont plus que 2,5 % à en faire une lorsqu'ils sont accompagnés. De même, un tiers des jeunes qui arrivent dans ces services sont déscolarisés à ce moment-là ; ils se sont tous rescolarisés. Ces chiffres montrent clairement la considérable baisse du nombre de jeunes qui vont mal à partir du moment où ils sont accompagnés.
Dire qu'il n'y a pas de chiffre, que tout va mal et qu'il faut tout interdire, alors que ces services sont un atout majeur dans la prise en charge des jeunes, ne peut que contribuer à l'augmentation des tentatives de suicide.
Nous avons auditionné des représentants de plusieurs associations de parents : l'une est favorable à une interdiction jusqu'à 25 ans ; toutes les autres vont dans le sens d'un meilleur accompagnement des jeunes. Personne n'a envie de donner à foison des bloqueurs de puberté ou des hormones et de faire moult réassignations de genre ! Les parents n'ont tout simplement pas envie de voir leur enfant aller très mal, voire mourir de ce fait. Les problèmes sociaux qu'un adulte qui n'a pas été accompagné peut connaître ne sont pas dus à une maladie mentale, mais au harcèlement et à la grave discrimination qu'il a subis.
Le rapporteur a fait un excellent travail et il a organisé de nombreuses auditions. L'Académie nationale de médecine, le Conseil national de l'ordre des médecins et tous les professionnels entendus, à l'exception de l'Observatoire de la petite sirène - autrement dit La Manif pour tous... - et une psychiatre, sont défavorables au fait d'interdire et se sont beaucoup inquiétés de cette proposition de loi, largement considérée comme inappropriée et dangereuse. J'ajoute qu'évidemment les médecins sont déjà prudents en la matière.
Vous nous dites que le sujet n'est pas idéologique. Alors, attendez les avis de la HAS ! L'un est attendu pour début 2025, l'autre pour fin 2025. Pourquoi ne pas attendre ces avis, si ce n'est pas pour des raisons idéologiques !
Mme Véronique Guillotin. - J'étais inquiète à la suite de la publication du rapport qui a précédé cette proposition de loi et je veux remercier le rapporteur pour son travail et l'équilibre qu'il propose d'apporter.
Les chiffres montrent que l'utilisation de la chirurgie est exceptionnelle. La seule technique qui est utilisée est la mammectomie ; avec les bloqueurs de puberté, il n'y en aura quasiment plus. Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir rappelé le caractère exceptionnel de cet aspect de la question.
Je voterai certainement contre cette proposition de loi, le groupe du RDSE déterminera ultérieurement sa position. En effet, ce sujet est largement débattu dans la communauté médicale et des recommandations seront bientôt publiées par la HAS. Je ne suis donc pas certaine que ce soit le moment de légiférer et qu'il revienne de toute façon au législateur d'édicter des prescriptions médicales.
Pour autant, il est impératif de fixer un circuit de décision et d'affirmer l'importance des réunions de concertation pluridisciplinaire, car ce sont toujours des cas individuels et il serait dramatique de ne pas prendre en charge ces jeunes. Un psychologue doit juger de la maturité et du consentement de l'enfant et nous avons besoin d'autres spécialistes sur d'autres aspects.
M. Daniel Chasseing. - Actuellement, aucune disposition juridique n'interdit en France les opérations de changement de sexe sur les mineurs ; elles ne sont pas pratiquées du fait de recommandations internationales, mais elles ne sont pas interdites formellement.
Les mineurs peuvent aujourd'hui bénéficier d'un traitement réversible par bloqueurs de puberté visant à suspendre le développement des caractères sexuels en cas de dysphorie du genre. Cela est également possible en cas de puberté précoce. Il est aussi possible de prescrire des traitements hormonaux permettant de développer des caractéristiques physiques secondaires du sexe opposé dont les effets sont en partie irréversibles et qui ont un impact sur la fertilité. Il existe, comme l'a dit le rapporteur, des regrets. L'article 1er de ce texte édicte clairement l'interdiction des opérations chirurgicales et de tout traitement hormonal tendant à développer des caractères sexuels secondaires. Je n'ai rien vu d'idéologique dans cette proposition.
En ce qui concerne l'article 3 sur la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie, il faut que cela soit entendu de manière générale.
M. Alain Milon, rapporteur. - Beaucoup de collègues ont fait état de questionnements qui sont aussi les miens.
Pourquoi une proposition de loi maintenant ? Parce que la nature a horreur du vide. Or aucune loi ne prévoit comment les médecins doivent prendre en charge les mineurs transgenres et il n'est pas inutile de préciser les choses dans la loi.
Faut-il attendre les avis de la HAS ? Je rappelle tout de même que ce n'est pas la HAS qui écrit la loi. Elle édicte des recommandations de bonnes pratiques pour les médecins et les autres professionnels de santé. Nous avons auditionné ses représentants : la HAS travaille en ce moment sur les préconisations médicales à mettre en place pour les personnes de plus de 16 ans et elle les publiera uniquement à la fin de l'année 2024 ou au début de l'année 2025 ; elle travaillera ensuite sur les préconisations pour les moins de 16 ans et elle ne les publiera pas avant la fin de l'année 2025. Nous devons donc attendre au moins dix-huit mois pour disposer de ces recommandations, ce qui est long.
En ce qui concerne les positions idéologiques, on ne peut pas les nier, et il y en a de tout côté ! Je crois que les amendements que je vais vous proposer répondent en grande partie, voire en totalité, aux observations qui ont été faites. Mais il faut regarder ce qui se passe dans la société et ce qui se passe à l'Assemblée nationale : une proposition de loi sensiblement identique à celle-ci a été déposée par le Rassemblement national. De ce fait, si notre texte ne prospère pas dans le sens que je vous propose et si nous ne faisons rien pour encadrer le sujet, d'autres le feront à notre place et différemment ! Qui plus est, rappelez-vous que la loi s'imposera aux préconisations de la HAS.
Pourquoi prévoir une clause de revoyure ? Parce que la connaissance scientifique et les techniques évoluent. Ainsi, on ne sait pas ce que donneront dans quelques années les recherches en cours en matière de diagnostic ou de prise en charge de la dysphorie de genre. Certains professeurs de médecine estiment, par exemple, que l'imagerie fonctionnelle cérébrale pourrait contribuer au diagnostic, grâce à des stimuli filles ou garçons.
Mme Laurence Rossignol. - Je m'interroge sur la nature de ces stimuli.
M. Alain Milon, rapporteur. - Par ailleurs, il y a quelques années, une délégation de la commission s'est rendue en Espagne et a notamment rencontré le président de la Haute Autorité de santé espagnole. Il nous avait parlé du problème éthique de la conservation des gamètes : que faire des gamètes d'une fille qui est devenue garçon - c'est son droit - et qui a choisi de les faire conserver pour avoir un enfant par la suite ?
Vous le voyez, une clause de revoyure est importante.
J'ai essayé de ne pas faire d'idéologie ; je voulais surtout qu'on prenne en considération les mineurs - ce texte ne concerne qu'eux - pour qu'ils se sentent bien.
Je propose de donner un rôle particulier aux centres de référence spécialisés - il y en actuellement une quinzaine de services spécialisés. Ils ne sont pas reconnus en tant que tels par le ministère de la santé ; les reconnaître ici permettra de les faire connaître tant par les professionnels de santé que par les parents. Ces centres auront la responsabilité du diagnostic et de la primoprescription, la suite pouvant éventuellement être assurée par les médecins traitants.
Les amendements que je vous propose et que j'ai préparés avec le soutien du président de notre commission répondent à la plupart des observations qui ont été faites. Mon objectif était de répondre aux désirs des personnels soignants et d'assurer la prise en compte de l'intérêt des mineurs.
EXAMEN DES ARTICLES
Division additionnelle avant l'article 1er
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à inscrire formellement la distinction entre les deux sujets couverts par le texte : d'une part, la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs, d'autre part, la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie.
L'amendement COM-1 est adopté.
Une division additionnelle est ainsi insérée.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-10 entend supprimer l'article 1er. Je ne peux qu'y être défavorable.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à permettre et à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté aux mineurs, en la réservant aux services hospitaliers spécialisés assurant une prise en charge pluridisciplinaire de ces patients.
L'amendement COM-2 est adopté.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à lever une ambiguïté sur le périmètre de l'interdiction de chirurgies de réassignation, en précisant que celle-ci n'a vocation à s'appliquer qu'aux patients âgés de moins de dix-huit ans.
J'ajoute que les chirurgiens ne font pas d'interventions pelviennes avant la majorité et qu'ils ne souhaitent pas pratiquer d'opérations faciales - masculinisation ou féminisation - avant cet âge. Pour les torsoplasties ou gynécomasties, certains souhaiteraient en faire, en arguant qu'on peut ajouter des prothèses ensuite si besoin ; mais dans ce cas, l'allaitement n'est plus possible. C'est pourquoi je préfère interdire aussi ces pratiques.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-11 vise à supprimer l'article 2. J'y suis défavorable.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-4 tend à créer, dans le code pénal, une section spécifique relative aux sanctions applicables en cas de méconnaissance des règles légales relatives à la prise en charge de la dysphorie de genre.
L'amendement COM-4 est adopté.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-5 assure une coordination.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Division additionnelle après l'article 2
M. Alain Milon, rapporteur. - Pendant de l'amendement COM-1, l'amendement COM-6 vise à inscrire dans le texte une division additionnelle relative à la mise en place d'une stratégie nationale de pédopsychiatrie.
L'amendement COM-6 est adopté.
Une division additionnelle est ainsi insérée.
M. Alain Milon, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement COM-12 pour les raisons que je développerai en séance.
L'amendement COM-12 n'est pas adopté.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-13 vise à associer à l'établissement des stratégies de soins les associations d'usagers du système de santé. J'y suis défavorable.
L'amendement COM-13 n'est pas adopté.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-14 a pour objet d'ajouter que la stratégie nationale vise à prévenir activement les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle. Avis défavorable.
L'amendement COM-14 n'est pas adopté.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-7 prévoit que la stratégie nationale inclut un volet relatif à la formation de l'ensemble des professionnels de santé à la prise en charge des problématiques de santé mentale des enfants et des adolescents et un volet relatif à la revalorisation des conditions d'exercice de la pédopsychiatrie.
L'amendement COM-7 est adopté.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-8 vise à intégrer le réseau territorial de structures pédopsychiatriques dans le cadre existant des projets territoriaux de santé mentale.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-9 complète, sur le modèle des clauses de revoyure inscrites dans les lois de bioéthique, le texte par un article prévoyant le réexamen de la présente loi dans un délai de cinq ans.
L'amendement COM-9 est adopté et devient article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Division(s) additionnelle(s) avant Article 1er |
|||
M. MILON, rapporteur |
1 |
Ajout d'une nouvelle subdivision |
Adopté |
Article
1er |
|||
Mme SOUYRIS |
10 rect. |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. MILON, rapporteur |
2 |
Suppression de l'interdiction de prescrire des bloqueurs de puberté et encadrement de la prise en charge |
Adopté |
M. MILON, rapporteur |
3 |
Interdiction des actes chirurgicaux de réassignation de genre |
Adopté |
Article 2 |
|||
Mme SOUYRIS |
11 rect. |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. MILON, rapporteur |
4 |
Création d'une section dédiée dans le code pénal |
Adopté |
M. MILON, rapporteur |
5 |
Amendement de coordination |
Adopté |
Division(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
M. MILON, rapporteur |
6 |
Ajout d'une nouvelle subdivision |
Adopté |
Article 3 |
|||
Mme SOUYRIS |
12 rect. |
Modification des objectifs de la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie afin de placer l'enfant au centre des décisions partagées relatives à son parcours de transition |
Rejeté |
Mme SOUYRIS |
13 rect. |
Intégration des associations agréées d'usagers du système de santé dans les acteurs établissant la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie |
Rejeté |
Mme SOUYRIS |
14 rect. |
Ajout de la lutte contre les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre dans les objectifs de la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie |
Rejeté |
M. MILON, rapporteur |
7 |
Ajout de volets relatifs à la formation et à la revalorisation de la pédopsychiatrie |
Adopté |
M. MILON, rapporteur |
8 |
Intégration du réseau territorial dans le projet territorial de santé mentale |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 3 |
|||
M. MILON, rapporteur |
9 |
Ajout d'une clause de révision |
Adopté |