SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ENDOCRINOLOGIE
ET DIABÉTOLOGIE PÉDIATRIQUE

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Les mineur.e.s en questionnement de genre et leurs familles sont accompagné.e.s par les centres hospitaliers suivants, organisés en réseau de soin, pour une prise en charge pluridisciplinaire :

Au sein de l'AP-HP :

- Hôpital Robert Debré à Paris (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

- Hôpital Pitié Salpêtrière à Paris (services de pédo-psychiatrie)

- Hôpital Bicêtre au Kremlin Bicêtre (services d'endocrinologie pédiatrique)

- Hôpital Trousseau (service de médecine pour adolescents)

Au CHU de Lille (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Marseille (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Montpellier (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Strasbourg (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Bordeaux (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Nantes (maison des adolescents)

Au CHU de Tours (maison des adolescents)

Au CHU d'Angers (maison des adolescents)

Au CHU de Toulouse (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Lyon (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie adulte)

Au CHU de Dijon (service d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Rouen (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de la Réunion Saint Pierre et Saint Denis (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Tous ces services travaillent en réseau de soin pluridisciplinaire et au sein du groupe de travail de la SFEDP (RCP régionale, RCP nationale de recours pour les situations les plus complexes)

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

La prise en soin des jeunes et de leurs familles est assurée de manière pluridisciplinaire par des professionnel.le.s ayant une expertise dans le développement de l'enfant et de l'adolescent.e tant sur le plan psychoaffectif (psychologues, pédopsychiatres) que somatique (endocrinologues pédiatres).

L'accompagnement, qui est toujours singulier, s'articule autour d'un temps exploratoire concernant l'identité de genre mais également de l'évaluation du développement du jeune dans ses différentes dimensions (cognitive, sociale, affective), de la dynamique familiale et des éventuelles co-occurrences psychiatriques, dans une perspective intégrative. L'accompagnement intègre les médecins traitants de ville, les associations de personnes concernées grâce à de la pair aidance, et le lien avec les établissements scolaires, quand souhaités ou nécessaires.

Quand un traitement spécifique d'affirmation de genre est envisagé avec le jeune et ses parents, en fonction des besoins du jeune, d'une balance bénéfices/risques, de la compréhension des enjeux d'un traitement par le jeune, celui-ci est systématiquement discuté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire associant professionnel.les de santé mentale, endocrinologues pédiatres, médecins de la reproduction, juristes, travailleurs sociaux, chirurgiens et chirurgiennes, associations de personnes concernées, chercheurs et chercheuses.

Cet accompagnement pluridisciplinaire se déploie en amont, pendant et après la mise en place des éventuels traitements d'affirmation de genre afin d'en évaluer les bénéfices sur le fonctionnement du sujet et les éventuels effets non souhaités.

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

La transidentité n'est pas une pathologie psychiatrique. C'est une construction singulière de l'identité qui s'inscrit dans différents champs : sociétal, sociologique, anthropologique, psychologique, politique, ....

L'expression des caractéristiques de genre, identités incluses, qui ne sont pas stéréotypiquement associées au sexe d'assignation de naissance, est un phénomène humain commun et culturellement diversifié qui ne doit pas être considéré comme intrinsèquement pathologique ou négatif.

Quand les adultes souhaitent entrer dans un parcours de transition médico-chirurgicale, il est nécessaire que les professionnel.le.s de santé qui reçoivent ces demandes soient formés aux enjeux de santé mentale et en capacité d'orienter vers la psychiatrie quand il existe des co-occurences psychiatriques qui sont plus fréquentes qu'en population générale en raison du risque de stigmatisation (troubles anxieux, troubles dépressifs, ...). L'accès au parcours de transition médico-chirurgicale ne doit pas dépendre de l'obligation d'une évaluation psychiatrique.

Il s'agit donc de dépsychiatriser la transidentité sans « a -psychiatriser » les personnes qui en besoin, en grande partie, du fait de la stigmatisation et des discriminations.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

L'objectif central de l'évaluation devrait être d'aider les jeunes à s'épanouir et à atteindre leurs objectifs de vie. Les mineurs doivent donc bénéficier d'un accompagnement pluriprofessionnel afin d'évaluer leur développement, leur discernement, leur compréhension des conséquences des décisions et d'accompagner les parents. Les enfants et les jeunes doivent recevoir une évaluation globale de leurs besoins pour éclairer un plan de soins individualisé. Cela devrait inclure le repérage des troubles neurodéveloppementaux, y compris les troubles du spectre de l'autisme, et une évaluation de la santé mentale.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

L'encadrement législatif sur la transidentité doit se limiter aux aspects juridiques concernant la place des personnes trans dans la société (identité, accès aux droits...). La pratique médicale doit faire l'objet de recommandations de bonnes pratiques qui sont produites soit par des sociétés savantes, soit par l'HAS.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

NON

b. Des hormones du sexe opposé ?

NON

6. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Ces traitements répondent aux besoins de certains mineurs et apportent un vrai soulagement, voire répondent à un besoin vital.

Ils doivent faire l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire spécifique et un passage en RCP avec évaluation des bénéfices/risques et prise en compte de l'autorité parentale. Leur interdiction conduira à des pratiques non médicales comme la vente de produits sur internet par exemple et/ou à un vrai risque en termes de suicidalité, de troubles anxiodépressifs, de décrochage scolaire.... Aucun pays occidental n'en a envisagé l'interdiction.

7. Pourquoi ces traitements sont-ils prescrits ? Quels sont les effets recherchés par les prescripteurs ?

8. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

L'accompagnement des mineurs trans a fait l'objet de recommandations internationales notamment de l'Endocrine Society en 2017 (Hembree et al, JCEM, 2017) et de la WPATH en 2022 (Coleman et al, Int J Transgend Health, 2022). Des recommandations européennes de l'European Society of Pediatric Endocrinology vont être soumises pour publication dans les prochaines semaines, et des recommandations françaises de la Société Françaises d'Endocrinologie et de Diabétologie Pédiatrique sont en cours de finalisation. Pour les plus de 16 ans, des travaux sont en cours à l'HAS.

L'accompagnement des mineurs est pluridisciplinaire, comportant professionnels de santé mentale et endocrinologues pédiatres, qui font le lien avec l'environnement du/de la jeune : famille, école, médecin traitant, etc. ; mais aussi, en fonction des besoins : biologistes de la reproduction, assistantes sociales, associations d'auto-support, juristes, etc.

Tous les traitements hormonaux chez les mineurs trans font l'objet de discussion en réunion collégiale pluridisciplinaire, à l'exception de la prescription des microprogestatifs dans le but d'arrêter les saignements menstruels, lorsque la puberté est terminée.

Analogues de la GnRH (freinateurs de l'axe gonadotrope)

Les analogues de la GnRH (aGnRH), sont des molécules de synthèse, analogues de la protéine GnRH (autre dénomination : LHRH) qui est sécrétée physiologiquement de manière pulsatile. L'abolition de cette pulsatilité par l'administration de cette molécule, à effet prolongé (28 jours, 3 mois ou 6 mois, selon la molécule), permet un arrêt de la sécrétion des gonadotrophines et de ce fait, des stéroïdes sexuels d'origine gonadique, très rapidement. Cet effet est totalement réversible à l'arrêt du traitement.

Ce traitement est très efficace dans l'arrêt de la progression pubertaire, comme en atteste les nombreuses publications dans les situations de puberté précoce, pour lesquelles ce traitement a une AMM (Carel & Leger, NEJM, 2008). Les aGnRH sont utilisés depuis 40 ans dans cette indication, et sont administrés pour une durée moyenne de 3-4 ans, pouvant aller jusqu'à 9-10 ans de traitement. Les effets secondaires à court terme rapportés dans cette population sont des bouffées de chaleur, des céphalées, une fatigue, qui s'amendent après quelques mois de traitement et un ralentissement de la vitesse de croissance et de la minéralisation osseuse, réversibles à l'arrêt du traitement. Aucun effet secondaire à long terme n'a été identifié, notamment il n'y a pas d'impact avéré de ce traitement sur la fertilité ou le risque de fracture à l'âge adulte (Bertelloni et al ; EJE, 1998 ; Martinerie et al., Hor Res Pediatr, 2020 ; Carel et al., Pediatrics, 2009).

Dans la situation des jeunes trans, ce traitement peut être proposé, une fois la puberté démarrée (à partir du stade 2 de Tanner), lorsqu'il existe une souffrance en lien avec l'apparition des caractères sexuels secondaires. Le traitement par aGnRH dans cette indication a été initié pour la première fois il y a plus de 20 ans aux Pays Bas (Cohen-Kettenis et al, Eur Child Adolesc psychiatry, 1998), et continue d'y être proposé, sans remise en cause de son bénéfice (van der loos et al., J sex med, 2023).

Les effets secondaires à court et moyen terme sont les mêmes que ceux existants dans le cadre de la puberté précoce. Il existe à l'heure actuelle encore peu de données au long cours dans cette population, mais il n'a pas été rapporté d'augmentation d'incidence de fracture dans la littérature et la minéralisation osseuse s'améliore après le démarrage des traitements par stéroïdes sexuels (testostérone/oestrogènes) (van der loos et al., JAMA Pediatr, 2023). De même les aGnRH n'ont pas d'effet négatif sur l'association entre le quotient intellectuel avant traitement et la réussite scolaire après mise en route du traitement (Arnoldussen et al., Clin Child Psychol Psychiatry, 2022) ni sur les performances exécutives (Staphorsius et al., Psychoneuroendocrinology, 2015).

La surveillance régulière de la densité minérale osseuse est recommandée sous aGnRH, de même que le renforcement des apports en calcium alimentaires (produits laitiers), des apports en vitamine D et une bonne hygiène de vie.

Ce traitement est arrêté une fois le traitement par testostérone démarré et stabilisé à doses efficaces, en cas de transition hormonale masculinisante. Dans la situation d'un transition hormonale féminisante, les oestrogènes ne permettant pas, à doses physiologiques, la freination de l'axe gonadotrope, ils seront poursuivis jusqu'à une éventuelle chirurgie (orchidectomie) à l'âge adulte, ou pourront être remplacés par d'autres traitements antigonadotropes ou anti-androgéniques à l'âge adulte si cela est souhaité. Ainsi la durée du traitement par aGnRH chez les jeunes trans est en moyenne de 4-5 ans, très exceptionnellement plus de 10 ans.

Testostérone et oestrogènes

Le traitement par testostérone ou oestrogène chez les mineurs suit les mêmes modalités que chez l'adulte, mais est démarré à doses plus progressives, afin de mimer une puberté physiologique.

Selon les recommandations, cette prescription est possible à partir de l'âge où le/la jeune est capable de peser les bénéfices/ risques de ses traitements. Il n'est pas proposé d'âge limite minimum ou maximum. Classiquement ce traitement est proposé vers 15-16 ans.

9.D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non les propositions sont adaptées à chaque situation en prenant en compte tous les facteurs de la vie de l'enfant et de l'adolescent.e en utilisation l'évaluation pluridisciplinaire des bénéfices/risques et un passage en RCP

Signatures

La SFEDP - Société affiliée à la Société Française de Pédiatrie

Pr Sylvie Rossignol, Présidente de la SFEDP

Pr Pascal Barat, Vice-Président de la SFEDP

Dr Cyril Amouroux, Secrétaire général de la SFEDP et membre du groupe de travail accompagnement des transidentités de la SFEDP

Les membres du groupe de travail accompagnement des transidentités de la SFEDP :

Pr Laetitia Martinerie

Dr François Brezin

Dr Clara Leroy

Dr Elodie Fiot

Dr Anne-Sophie Lambert

Dr Marie-Agathe Trouvin

Dr Vanessa Vautier

Dr Marylène Caquard

Dr Audrey Cartault

Dr Candace Bensignor

Dr Stephanie Rouleau

Dr Marie Devernay

Dr Marie Hoarau

Dr Claire Gayet

Dr Nathalie Magontier

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