EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Pérennisation de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d'état civil établis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Après une expérimentation de cinq ans initiée en 2019, l'article 1er de la proposition de loi pérennise, en l'insérant dans le code civil, la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits d'actes d'état civil établis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Constatant que le bilan de cette expérimentation apparaît satisfaisant et n'a connu aucun dysfonctionnement majeur, la commission a adopté cet article sans modification.

1. La loi « ESSOC » du 10 août 2018 a permis, à titre expérimental, de déroger au principe de gestion papier de l'état civil

a) Le cadre général de la gestion des actes d'état civil repose principalement sur des procédures manuscrites

Bien que la gestion de l'état civil, aussi bien sur le territoire national qu'à l'étranger, soit partiellement dématérialisée depuis la fin des années 1990, notamment à travers le dispositif COMEDEC (COMmunication Électronique des Données d'État Civil)1(*), l'authenticité de l'acte d'état civil découle toujours, en application de l'article 40 du code civil, d'une signature manuscrite de l'officier d'état civil. Les actes de l'état civil sont ainsi exclusivement établis sur support papier, et sont inscrits sur un ou plusieurs registres tenus en double exemplaire. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a toutefois introduit une dispense à la tenue de ce double registre à condition que la commune, ou le ministère des affaires étrangères, utilise un traitement automatisé des données répondant à des conditions de sécurité élevées, précisées par décret2(*). Le traitement automatisé n'exempte cependant pas de la signature manuscrite de l'officier d'état civil.

Article 40 du code civil

Les actes de l'état civil sont établis sur papier et sont inscrits, dans chaque commune, sur un ou plusieurs registres tenus en double exemplaire.

Lorsqu'elles ont mis en oeuvre des traitements automatisés des données de l'état civil, les communes s'assurent de leurs conditions de sécurité et d'intégrité. Les caractéristiques techniques des traitements mis en oeuvre pour conserver ces données sont fixées par décret en Conseil d'État.

Par dérogation au premier alinéa, les communes dont les traitements automatisés de données de l'état civil satisfont à des conditions et à des caractéristiques techniques fixées par décret sont dispensées de l'obligation d'établir un second exemplaire des actes de l'état civil.

Cette dispense est également applicable aux actes de l'état civil établis par le ministère des affaires étrangères.

L'établissement de l'état civil est l'une des quatre composantes de son traitement, à laquelle s'ajoutent la « mise à jour », la « délivrance » et la « conservation ».

La mise à jour des actes d'état civil s'effectue par le biais de mentions apposées en marge et de transcriptions d'autres actes de l'état civil, d'actes notariés ou de décisions judiciaires ou administratives, pour tenir compte de l'évolution de l'état civil d'une personne, comme un divorce ou un changement de prénom. Ces mentions sont apposées informatiquement dans les logiciels de gestion et de façon manuscrite sur les registres.

La délivrance d'un acte d'état civil constitue une mesure de publicité de l'acte qui prend la forme de la production d'une copie intégrale ou d'extraits de l'acte, qui sont des documents distincts des actes de l'état civil originaux, systématiquement conservés par l'État. Dans le droit commun, les copies ou les extraits sont des documents papier dont la validité résulte de la signature de l'officier de l'état civil, remis à leur titulaire ou aux personnes habilitées à les demander, en mains propres ou par voie postale. La délivrance recouvre aussi les vérifications de données de l'état civil, à l'occasion desquelles l'officier d'état civil examine et complète les données de l'état civil au bénéfice direct des administrations et professionnels demandeurs.

Enfin, la conservation des actes d'état civil est réalisée dans des registres papier dupliqués et stockés sur des sites distincts afin d'éviter toute déperdition. Ils sont détenus pour une durée de cent ans avant d'être versés aux archives.

Confiées sur le territoire national aux maires et à leurs adjoints, les fonctions d'état civil sont exercées, conformément à l'article 48 du code civil, au sein du ministère des affaires étrangères, d'une part, par les chefs de mission diplomatique et chefs de poste consulaire et, d'autre part, par le service central d'état civil (SCEC) de Nantes. Ils exercent leurs missions sous le contrôle du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nantes. À l'étranger, les officiers d'état-civil des postes consulaires peuvent dresser les actes d'état civil des ressortissants français ou procéder à la transcription des actes d'état-civil étrangers dans les registres d'état-civil français. Le SCEC de Nantes assure, pour sa part, la conservation et l'exploitation des quinze millions d'actes d'état civil dont il est le dépositaire. Il conserve en effet la totalité des actes d'état civil établis par les postes consulaires ainsi que l'état civil des Français issus des anciennes colonies. Il établit également les actes d'état civil des personnes nées à l'étranger et qui acquièrent la nationalité française.

Article 48 du code civil

Tout acte de l'état civil des Français en pays étranger sera valable s'il a été reçu, conformément aux lois françaises, par les agents diplomatiques ou consulaires.

La conservation des données de l'état civil est assurée par un traitement automatisé satisfaisant aux conditions prévues à l'article 40 et mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères, qui peut en délivrer des copies et des extraits.

b) Le législateur a autorisé, à titre expérimental, la dématérialisation des actes d'état civil des Français de l'étranger

i. Une expérimentation portant sur les quatre composantes du traitement l'état civil

Dans un quintuple objectif d'amélioration de la qualité de service aux usagers, de simplification des procédures et de modernisation de l'État et de l'environnement de travail des officiers d'état civil, mais aussi de réduction des coûts de production des actes et de leur gestion, le législateur a accordé au Gouvernement, par l'article 46 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite « loi ESSOC », une habilitation à légiférer par ordonnance afin d'expérimenter, initialement pour une durée de trois ans, « la dématérialisation de l'établissement, de la conservation, de la gestion et de la délivrance des actes de l'état civil dont le service central d'état civil du ministère des affaires étrangères et les autorités diplomatiques et consulaires sont dépositaires ».

Cette expérimentation a été mise en oeuvre par l'ordonnance n° 2019-724 du 10 juillet 2019 relative à l'expérimentation de la dématérialisation des actes de l'état civil établis par le ministère des affaires étrangères. Si elle devait prendre fin le 10 juillet 2022, sa durée d'application a été prorogée de deux ans par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « loi 3DS », soit jusqu'au 10 juillet 2024.

Pour ce faire, cette ordonnance crée un nouveau système de traitement automatisé de données à caractère personnel, le registre d'état civil électronique (RECE), composé en pratique d'un registre électronique centralisé et d'un système de gestion des données de l'état civil. Elle précise en outre les modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation.

S'agissant d'abord de l'établissement, est autorisée la création d'actes d'état civil sur support électronique ayant un caractère authentique, au moyen d'un procédé de signature électronique sécurisée, incluant la signature de l'officier de l'état civil, ainsi que la signature, selon les cas, du déclarant, du comparant, du témoin, du représentant légal ou du fondé de procuration. Pour ces derniers, la signature est authentifiée « au moyen d'un procédé permettant l'apposition sur l'acte, visible à l'écran, de l'image de leur signature manuscrite »3(*).

Concernant la gestion, il est prévu que les actes pourront être mis à jour sous forme électronique selon les mêmes modalités que l'établissement. L'article 5 de l'ordonnance dispose également que les déclarations de naissance et de décès survenus à l'étranger ainsi que les demandes de transcription d'actes de l'état civil de personnes de nationalité française établis à l'étranger par les autorités locales peuvent être effectuées par l'intermédiaire d'un téléservice.

S'agissant ensuite de la délivrance, l'article 10 de l'ordonnance prévoit que les copies intégrales et les extraits d'actes seront délivrés sur support électronique, la signature électronique de l'officier d'état civil garantissant leur authenticité. À cet effet, d'une part, la direction de l'information légale et administrative (DILA) a été chargée de créer un téléservice permettant aux usagers d'effectuer, par voie électronique et à titre gratuit, une demande de délivrance d'une copie intégrale ou d'un extrait d'acte de l'état civil et de recevoir en retour, dans leur espace personnel sécurisé, la copie intégrale ou l'extrait électronique d'acte de l'état civil correspondant. D'autre part, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a été chargé de créer un téléservice de vérification de la fiabilité de l'impression éventuelle des copies intégrales et des extraits d'actes de l'état civil délivrés électroniquement, dénommé RECE vérification. Il permet à tout destinataire d'une copie intégrale ou d'un extrait d'acte d'état civil dématérialisé, présenté imprimé sur support papier par un usager, d'en vérifier, gratuitement et pendant une durée de six mois à compter de sa date de délivrance, la fiabilité, conformément à l'original préalablement délivré par l'autorité compétente par voie électronique.

Enfin, en ce qui concerne la conservation, l'article 3 de l'ordonnance autorise l'archivage électronique, au sein du RECE, des actes d'état civil établis dans le cadre de cette expérimentation. Ce registre électronique doit cependant « garantir l'intégrité et la confidentialité ainsi que l'inaltérabilité et la préservation de la lisibilité [...] des actes qu'il contient ». En parallèle, les pièces nécessaires à l'établissement des actes d'état civil électroniques sont également conservées sous format électronique, « au moyen d'un procédé de numérisation garantissant leur reproduction à l'identique »4(*). Une conservation de ces pièces en format papier est toutefois autorisée. L'article 9 de l'ordonnance permet en outre que les actes de l'état civil établis sur support papier antérieurement à la mise en oeuvre du registre électronique puissent faire l'objet d'un double numérique dans le RECE.

ii. Une expérimentation soutenue par le Sénat

L'article 46 de la loi ESSOC a été adopté avec le soutien du Sénat, sans qu'aucun groupe politique ne formule d'objection. Les rapporteurs de la commission spéciale constituée pour l'examen du texte, Pascale Gruny et Jean-Claude Luche avaient estimé que le « projet de dématérialisation [était] pertinent au regard des distances qui peuvent séparer les postes diplomatiques et consulaires du SCEC et du délai conséquent d'acheminement du courrier postal ou du coût de l'acheminement par valise diplomatique, utilisé dans les pays sensibles »5(*).

La prorogation de l'expérimentation, par l'article 167 de la loi 3DS a été insérée lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale par deux amendements identiques présentés par le Gouvernement et par six députés, alors membres groupe La République en Marche, représentant les Français de l'étranger, et n'a donc pas été discutée au Sénat, première assemblée saisie. Cette mesure a cependant fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire.

c) Un bilan « positif » dressé par les deux rapports d'évaluation de l'expérimentation, bien que celle-ci soit encore majoritairement inachevée

Conformément à l'article 12 de l'ordonnance du 10 juillet 2019 précitée, deux rapports d'évaluation de l'expérimentation ont été rédigés et transmis au Parlement, le premier en mars 2022, rédigé par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice et la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, le second en décembre 2023 par l'inspection générale de la justice (IGJ) et l'inspection générale des affaires étrangères (IGAE).

Tous dressent un bilan globalement « positif » de l'expérimentation, bien que celle-ci ait pris du retard par rapport au calendrier initial et ne soit pas encore totalement déployée. Le budget de l'expérimentation a en outre été fortement dépassé, le budget initial de 5 millions d'euros s'établissant à 7,85 millions d'euros en 2023, tandis que le budget prévisionnel total est désormais estimé, selon les inspections générales, à 11,35 millions d'euros.

i. Le bilan satisfaisant de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d'état civil établis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

L'expérimentation a été mise en oeuvre en plusieurs étapes, dont la plus significative fut la mise en service de la dématérialisation de la délivrance des extraits et copies d'actes d'état civil le 12 mars 2021, les trois autres fonctionnalités n'étant pas encore pleinement opérationnelles.

La délivrance dématérialisée des extraits et copies d'actes d'état civil est, sur le plan quantitatif, un succès : sur les plus de 15 millions d'actes dont il est dépositaire, le SCEC a délivré, en 2022, 1 088 007 copies et extraits d'actes aux usagers, dont 1 082 909 via le RECE, soit environ 99,53 %. Le delta de 0,47 % correspond aux délivrances signées manuscritement en réponse aux demandes des usagers ne transitant pas par le RECE, c'est-à-dire faites à l'appui d'un courrier ou d'un courriel et non pas via le site service-public.fr.

En parallèle, une forte tendance à la baisse du nombre de demandes d'impression faites sur le site service-public.fr a été constatée par le dernier rapport d'évaluation, et confirmée par les chiffres actualisés transmis au rapporteur par la DFAE. Ainsi, en 2023, seules 4 344 des 1 264 372 demandes de délivrance de copie ou d'extrait d'acte d'état civil formulées sur service-public.fr ont été accompagnées d'une demande d'impression, soit 0,3 %. Ce taux s'établissait à 2,2 % en 2022.

 

2022

2023

Nombre de demandes de copie ou d'extrait d'acte d'état civil formulées sur service-public.fr

1 192 323

1 264 372

Nombre de demandes d'impression faites sur service-public.fr

25 267

4 344

Source : commission des lois, d'après les données transmises par la DFAE.

En termes de sécurité, les deux rapports notent par ailleurs « ne pas avoir constaté de cas de fraude sur les huit premiers mois du dispositif expérimental » tandis qu'un audit indépendant « n'a révélé à l'époque aucun risque majeur mais a seulement identifié six risques résiduels à surveiller ».

Sur l'aspect qualitatif, les deux rapports mettent également en avant un constat satisfaisant, aussi bien pour l'usager que pour l'administration et les officiers d'état civil :

Ø Pour l'usager, les rapports estiment que l'expérimentation a permis « une simplification des démarches » et un « raccourcissement des délais de délivrance des copies et des extraits d'actes d'état civil ». Le service est considéré comme « plus accessible » et « dans le sens de l'histoire » car 90 % des demandes d'extraits et d'actes s'effectuaient déjà de façon dématérialisée avant l'expérimentation (seule la délivrance s'effectuait par voie postale). Le service présenterait un intérêt particulièrement marqué pour les Français de l'étranger qui résident parfois loin du service consulaire et qui ne peuvent pas dépendre, pour leurs demandes, de services postaux locaux fiables. Le « taux d'adhésion » des usagers est ainsi élevé, comme l'illustre la proportion décroissante de demandes d'impression (voir supra). Le taux de satisfaction, mesuré par l'observatoire des démarches en ligne de l'État, se situe quant à lui à 8,7/10. Quant au gain de temps lié à la suppression des délais postaux, celui-ci est moins probant puisque le délai moyen de traitement a augmenté entre 2021 (8,5 jours) et 2023 (14 jours), des difficultés d'ordre technique expliquant cette contre-performance.

Ø Pour l'administration, la dématérialisation aurait engendré des économies aussi bien budgétaires qu'en termes de ressources humaines. Le second rapport évalue à 1,068 million d'euros les économies engendrées par la dématérialisation en 2022, cette somme étant estimée à 1,2 million d'euros en 2023. Interrogée par le rapporteur, la DFAE a confirmé et actualisé cet ordre de grandeur, en évaluant à « plus de 1,3 million d'euros » les dépenses évitées grâce à la dématérialisation en 2023. Ces économies sont principalement liées aux coûts d'affranchissement évités, à hauteur de 729 000 €, et d'achat de papier sécurisé, à hauteur de 532 000 €. La dématérialisation a également entraîné la suppression de 11 équivalents temps plein en 2021, dont huit sous forme de vacations non reconduites et trois postes de catégorie C.

Ø Pour les officiers d'état civil, les rapports notent « une adhésion progressive au projet », qui est néanmoins « en évolution positive ». La DFAE considère quant à elle que les officiers d'état civil voient dans la dématérialisation « la possibilité de disposer d'outils de travail plus performants et plus ergonomiques ».

ii. Un important retard sur les trois autres composantes de l'expérimentation

Les constats plus mitigés dressés par les deux rapports d'évaluation concernent principalement les autres volets de l'expérimentation, qui accusent un retard significatif, voire même décevant.

Les trois autres pans de l'expérimentation, à savoir l'établissement, la mise à jour et la conservation des actes n'étaient en effet pas assez développés, au moment de la rédaction du rapport des inspections générales, en novembre 2023, pour pouvoir faire l'objet d'une évaluation approfondie. Ledit rapport relève par ailleurs que « l'expérimentation ne sera pas achevée au 10 juillet 2024 », date de fin de l'expérimentation fixée par le législateur, après une première prorogation de deux ans.

Le rapport d'évaluation évoque une nouvelle échéance au mois de décembre 2025. La mise en oeuvre de la totalité de l'expérimentation accuserait donc un retard d'au moins trois ans et demi, en comparaison avec l'échéance de juillet 2022 fixée initialement par le législateur lors de l'adoption de la loi ESSOC.

Ce nouveau calendrier prévisionnel est cependant « construit sur la base des développements restant à réaliser ainsi que sur l'hypothèse d'un maintien de la capacité budgétaire et humaine à périmètre constant et sans modification des priorités ». Autrement dit, « ce nouveau calendrier prévisionnel reste à stabiliser ».

Lors de son audition par le rapporteur, la DFAE a justifié cet important retard notamment par « l'incidence de la crise sanitaire » qui a désorganisé le service et a entraîné le départ de plusieurs développeurs, « la sous-appréciation des difficultés techniques », ainsi que « la volonté du législateur de réduire la durée initiale de l'expérimentation à trois ans », alors que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères avait sollicité une durée de quatre ans. Ce retard s'explique aussi par le choix, assumé, de la DFAE de privilégier la dématérialisation de la délivrance des copies et actes d'état civil, au détriment des trois autres volets de l'expérimentation, la délivrance concernant directement l'usager du service public, contrairement aux trois autres volets qui affectent principalement les méthodes de travail internes de l'administration.

Depuis la transmission du rapport d'évaluation au Parlement, en décembre 2023, des avancées ont toutefois été relevées. En premier lieu, bien que le procédé ne soit pas encore en phase de systématisation et ne puisse traiter que les cas les plus simples, un premier acte d'état civil a pu être établi de façon entièrement dématérialisée en janvier 2024 et le RECE a été formellement ouvert à la même date. En second lieu, le calendrier prévisionnel mentionné par le rapport d'évaluation a été confirmé par la DFAE lors de son audition par le rapporteur, la probabilité d'un nouveau retard étant considérée comme faible.

2. L'article 1er de la proposition de loi pérennise la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d'état civil établis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

L'article 1er la proposition de loi, complété par l'article 2 (voir infra), met un terme à l'expérimentation de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d'état civil établis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en la pérennisant au sein du code civil.

Un nouvel alinéa serait ainsi inséré à l'article 101-1 du même code, relatif aux modalités de publicité des actes d'état civil, afin d'autoriser la délivrance « sur support électronique » des copies intégrales et des extraits des actes de l'état civil établis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. La rédaction proposée, qui fait de la délivrance électronique une possibilité et non une obligation, maintient par conséquent la faculté, pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, de délivrer des copies ou extraits d'actes d'état civil sous format papier, pour répondre par exemple à une demande de l'usager ou dans l'hypothèse d'un dysfonctionnement des applications informatiques.

3. Une simplification des démarches pour les usagers de l'état civil des Français de l'étranger soutenue par la commission

Conformément à sa position en 2018 et en 2022, et au regard du bilan satisfaisant dressé, à deux reprises, par les rapports d'évaluation transmis au Parlement en application de l'article 12 de l'ordonnance du 10 juillet 2019 précité, la commission a jugé opportune et souhaitable la pérennisation de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits d'actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Elle relève que les avantages de la dématérialisation sont nombreux et substantiels, aussi bien pour l'administration, qui voit ses méthodes de travail facilitées, que pour l'usager du service public de l'état civil, qui n'est plus dépendant de la fiabilité des services postaux et peut, en théorie du moins, obtenir plus rapidement les documents demandés. Par les économies qu'elle entraînerait une fois amortis les coûts de développement, la pérennisation devrait en outre participer du bon usage des deniers publics.

Dans la mesure où une alternative est ménagée pour les usagers éloignés du numérique, qui pourront toujours formuler une demande de délivrance d'une copie ou d'un extrait d'acte d'état civil par courrier ou solliciter une impression à partir du site service-public.fr, la commission a estimé que ces avantages justifiaient la pérennisation de cette expérimentation.

La commission a adopté l'article 1er sans modification.

Article 2
Prorogation, pour une durée de trois ans, de l'expérimentation de la dématérialisation de l'établissement, de la mise à jour et de la conservation des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

L'article 2 de la proposition de loi proroge, pour une seconde fois, l'expérimentation prévue à l'article 1er de l'ordonnance n° 2019-724 du 10 juillet 2019, afin d'étendre jusqu'au 10 juillet 2027 la dématérialisation de l'établissement, de la mise à jour et de la conservation des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il tire en outre les conséquences de la pérennisation, ouverte par l'article 1er de la proposition de loi, de la dématérialisation de la délivrance des copies et des extraits de ces actes.

La commission a adopté cet article, modifié par trois amendements présentés par son rapporteur, qui visent notamment à apporter davantage de transparence sur l'état d'avancée d'une expérimentation dont la durée prévisionnelle atteint désormais huit ans, contre trois initialement.

1. Une expérimentation accusant un lourd retard pour l'établissement, la mise à jour et la conservation des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Comme mentionné supra, de nombreux développements sont encore nécessaires avant de pouvoir assurer la dématérialisation de l'établissement, de la mise à jour et de la conservation des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Concernant l'établissement, les modèles actuellement à l'essai ne peuvent traiter que les situations les plus simples, notamment celles des célibataires sans enfant. Il reste encore à développer le traitement des situations plus complexes, à l'instar de celle d'une personne avec conjoint, divorcée ou avec des enfants. Un travail de compilation des données dématérialisées est également en cours, seules les démarches d'acquisition de la nationalité française par décret fournissant pour l'heure des données dématérialisées pouvant être utilisées pour créer un acte.

Concernant la mise à jour dématérialisée, « un premier module minimal de mise à jour automatisée » devait être testé en février 2024, sa mise en application étant encore lointaine.

Enfin, s'agissant de la conservation, les inspections générales notent laconiquement que « l'archivage de documents électroniques sur le très long terme constitue un défi auquel de nombreuses administrations sont confrontées. Le RECE utilisera des outils déjà existants au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, lesquels s'appuient plus largement sur le programme interministériel d'archivage VITAM ».

Au mieux et sous réserve que le financement de l'expérimentation soit maintenu, ces développements pourraient terminer en décembre 2025, soit un retard de plus de trois ans et demi par rapport au calendrier initial fixé par le législateur.

2. L'article 2 de la proposition de loi tend à proroger de trois ans l'expérimentation de la dématérialisation de l'établissement, de la mise à jour et de la conservation des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Le 1° de l'article 2 de la présente proposition de loi modifie l'ordonnance n° 2019-724 du 10 juillet 2019 précitée, afin de proroger partiellement l'expérimentation décrite supra, en la restreignant à l'établissement, la conservation et la mise à jour des actes d'état civil du ministère des affaires étrangères, la délivrance dématérialisée de ces mêmes actes étant pérennisée par l'article 1er de la proposition de loi. L'expérimentation serait ainsi prolongée jusqu'au 10 juillet 2027, au lieu du 10 juillet 2024 en l'état du droit. Sauf nouvelle prorogation, l'expérimentation atteindrait ainsi une durée prévisionnelle de huit ans, contre trois initialement. La DFAE estime en effet pouvoir mettre en application la totalité des quatre volets de l'expérimentation d'ici le mois de décembre 2025, ce qui laisserait par conséquent un an et demi pour en dresser un bilan exhaustif avant une éventuelle pérennisation.

Les 2° à 4° du même article 2 tirent la conséquence de la pérennisation de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits d'acte en abrogeant l'article 10 de l'ordonnance du 10 juillet 2019, qui précisait, dans le cadre de l'expérimentation, les modalités d'application de cette délivrance dématérialisée. L'actuel deuxième alinéa de l'article 101-1 du code civil précisant déjà que ses modalités d'application seront définies par décret, l'article 10 de l'ordonnance du 10 juillet 2019 ne peut en effet être maintenu dans un texte de valeur législative ; c'est pourquoi ses dispositions devraient être, selon les informations transmises au rapporteur par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, retranscrites presque à l'identique au sein du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil, qui devrait faire l'objet d'une modification dans les jours suivant la promulgation de la présente loi.

3. Une prorogation nécessaire mais qui doit être la dernière

Prenant acte du retard accusé dans la mise en oeuvre de l'expérimentation de la dématérialisation de l'établissement, de la mise à jour et de la conservation des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et souhaitant parallèlement, conformément à sa position adoptée en 2018 et en 2022, que l'expérimentation soit pleinement déployée, la commission a approuvé la prorogation de ladite expérimentation pour une durée supplémentaire de trois ans.

Alors que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a indiqué au rapporteur que la fin des développements informatiques était prévue pour décembre 2025, la commission formule cependant le voeu que cette prorogation soit la dernière, la nouvelle durée prévisionnelle de huit ans constituant déjà un quasi-triplement par rapport à la période de trois ans fixée initialement par la loi ESSOC. Ce retard est en effet autant préjudiciable à l'État, qui engrangera plus tardivement les bénéfices des économies financières entraînées par la dématérialisation, que pour les officiers d'état civil et les usagers du service public de l'état civil, qui font face à des délais de traitement plus longs et à des procédures plus lourdes lorsqu'il est encore fait usage du papier.

Afin d'éviter tout nouveau retard, la commission a conditionné cette seconde prorogation à un effort accru de transparence, de la part du Gouvernement, quant à l'état d'avancée de l'expérimentation, par l'adoption de l'amendement COM-7, présenté par son rapporteur. Sur le modèle de l'article 10 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France qui impose au Gouvernement de dresser chaque année un état des lieux de la situation des Français établis hors de France et des politiques conduites à leur égard, ledit amendement COM-7 insère un nouvel article 12-1 au sein de l'ordonnance du 10 juillet 2019 précitée, prévoyant une présentation annuelle, par le Gouvernement, de la mise en oeuvre de l'expérimentation devant l'Assemblée des Français de l'étranger, suivie d'un débat en sa présence. Ce débat pourra donner lieu à un avis de l'Assemblée des Français de l'étranger.

La commission a en outre adopté deux amendements rédactionnels présentés par son rapporteur.

L'amendement COM-5 procède à une correction mineure au 1° de l'article 2 de la proposition, afin de rendre plus lisible l'augmentation de la durée de l'expérimentation.

L'amendement COM-6 apporte une précision à l'article 12 de l'ordonnance du 10 juillet 2019 précitée, qui prévoit qu'au terme de l'expérimentation, le registre des actes de l'état civil électronique sera clôturé et qu'il ne sera plus délivré de copies et extraits électroniques de ces actes.

Cette disposition vise à indiquer qu'à la clôture du registre d'état civil électronique, les actes du registre électronique ne pourront plus être exploités : ce seront les duplicatas en format papier des actes de ce registre, établis au cours de l'expérimentation, qui seront alors exploités.

Afin d'éviter une ambiguïté résultant de la rédaction actuelle de l'article 12 précité, l'amendement COM-6 précise que cette cessation concerne la délivrance des actes électroniques établis dans le cadre de l'expérimentation, et non la délivrance « électronique » en tant que telle, qui est pérennisée par l'article 1er de la présente proposition de loi. En effet, il sera toujours possible de procéder à une délivrance électronique des actes inscrits dans les duplicatas en format papier, au même titre que tous les autres actes détenus par le service central d'état civil.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.


* 1 L'adhésion d'une commune à ce dispositif est cependant facultative, sauf pour les communes disposant d'une maternité sur leur territoire. Supervisé par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), « ce dispositif permet l'échange dématérialisé de données d'état civil entre les destinataires des données d'état civil (administrations et notaires) et les dépositaires de ces données (mairies et service central de l'état civil de Nantes). Ces échanges concernent aujourd'hui les actes de naissance, mariage et décès suite à une demande de titre d'identité ou sur demande d'un office notarial. » Source : site internet de l'ANTS.

* 2 Ces conditions ont été précisées à l'article 13 du décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil.

* 3 Article 4 de l'ordonnance n° 2019-724 du 10 juillet 2019 relative à l'expérimentation de la dématérialisation des actes de l'état civil établis par le ministère des affaires étrangères.

* 4 Article 7 de l'ordonnance n° 2019-724 du 10 juillet 2019 précitée.

* 5 Rapport n° 329 (2017-2018) de Pascale Gruny et Jean-Claude Luche, fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, pour un État au service d'une société de confiance, déposé le 22 février 2018.

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