EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 mars 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport et du texte proposé par la commission sur la proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 (M. Christian Cambon, rapporteur).

M. Cédric Perrin, président. Nous examinons le rapport de Christian Cambon sur la proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021.

M. Christian Cambon, rapporteur. Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi qui vise à sortir de l'ornière en mettant enfin sur pied la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, plus de deux ans et demi après sa création théorique par la loi d'orientation et de programmation sur l'aide au développement.

Je vais d'abord rappeler dans ses grandes lignes la réforme de l'évaluation opérée par la loi de 2021, que le Sénat avait largement enrichie et améliorée.

Actuellement, il existe trois organismes d'évaluation en matière d'aide au développement, au sein, respectivement, du ministère de l'économie et des finances, du Quai d'Orsay et de l'Agence française de développement (AFD). Concrètement, les évaluations pilotées par ces services sont en général réalisées par des cabinets de conseil sélectionnés sur appels d'offres, sous la direction d'une équipe de responsables administratifs des ministères concernés ou de l'AFD.

Ces évaluations sont en général effectuées avec sérieux et peuvent permettre aux services d'améliorer leurs pratiques, mais elles présentent aussi des lacunes, qui imposaient une réforme.

Tout d'abord, elles aboutissent souvent à des conclusions stéréotypées et peu incisives faute d'indépendance des organismes cités par rapport à leurs ministères de tutelle. En somme, le résultat est proche de celui auquel aurait abouti une évaluation interne.

Ensuite, la France est largement en retard dans les classements internationaux en ce qui concerne la transparence de l'aide. L'ONG Publish What You Fund ne classe ainsi l'AFD qu'au vingt-huitième rang sur cinquante en matière de transparence de l'aide. Cela montre que les structures existantes ne jouent pas suffisamment leur rôle d'information du public.

Par ailleurs, l'évaluation reproduit l'éclatement du pilotage de la politique d'aide publique au développement (APD) entre deux ministères et un établissement public, ce qui rend plus difficile la réalisation d'études transversales ou globales, mais aussi le contrôle du Parlement.

Enfin, la nature même des évaluations réalisées apparaît insatisfaisante. Une évaluation est, en principe, une analyse ayant pour objet d'apprécier l'impact d'une politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre. Or les instances d'évaluation actuelles concentrent leur analyse sur les processus de gestion, l'organisation institutionnelle et les enjeux financiers et budgétaires, négligeant trop souvent l'impact et la durabilité des interventions françaises.

Concrètement, elles ne répondent pas toujours à la question qui compte le plus  : tel projet a-t-il réellement permis à ses destinataires d'être mieux soignés, mieux nourris ou de trouver un emploi leur permettant d'assurer leur subsistance ?

C'est pour remédier à toutes ces limites que nous avons créé la nouvelle commission d'évaluation indépendante, qui sera compétente de manière transversale sur l'ensemble des projets et des programmes de développement. Cette commission s'inspire de la commission indépendante pour l'impact de l'aide (Independent Commission for Aid Impact, Icai) mise en place par le Royaume-Uni, qui est composée de spécialistes du sujet et est capable d'évaluer l'impact final des projets.

Cette nouvelle commission sera ainsi séparée et indépendante de l'AFD, dont elle sera tout particulièrement appelée à examiner l'activité, étant donné la place prédominante de l'agence dans cette politique, qui s'appuie sur 12 milliards d'euros d'engagement. La présence d'un collège de parlementaires, introduite par notre commission lors de l'examen de la loi, renforcera son indépendance par rapport à l'exécutif, tout en assurant la prise en compte de nos préoccupations.

La solution instaurée par la loi n'est certes pas parfaite. Une autre option aurait été de créer une véritable autorité administrative indépendante (AAI), avec un personnel plus nombreux et des moyens importants. Cela aurait cependant signifié un coût considérable et l'ajout d'une nouvelle structure au millefeuille administratif, que nous dénonçons régulièrement. Ce n'est pas ce que nous souhaitions. Dès lors, il fallait bien adosser la commission à une administration préexistante, apte à en assurer le secrétariat.

Initialement, l'Assemblée nationale avait choisi un rattachement à la Cour des comptes. Dès le départ, nous avons pressenti que cette option n'était pas idéale. La Cour est avant tout un organe de vérification et de contrôle de la régularité de la dépense, composée de magistrats financiers qui ne sont pas spécialistes des domaines qu'ils contrôlent, même si elle a aussi un rôle en matière d'évaluation.

Nous souhaitions au contraire créer un organisme spécialisé s'appuyant sur des méthodes d'évaluation permettant de mesurer l'impact final des projets. Le décret d'application du 6 mai 2022 a aggravé cette difficulté en accentuant le rôle de la Cour en imposant la présence de deux magistrats de l'institution au sein de la commission, dont le Premier président, qui aurait logiquement présidé le nouvel organisme.

C'est pourquoi, après la controverse que l'on sait, Jean-Louis Bourlanges a déposé cette proposition de loi qui vise à rattacher la commission d'évaluation au Quai d'Orsay et non plus à la Cour des comptes. Ce rattachement d'ordre administratif - je le précise -paraît finalement le plus simple à mettre en oeuvre.

Je rappelle que la loi prévoit toujours que les experts de la commission sont indépendants et qu'ils déposent une déclaration d'intérêts - un amendement a été déposé à ce sujet. En outre, n'oublions pas l'apport de notre commission, qui a intégré la présence des parlementaires au sein de la commission d'évaluation, ce qui constitue une autre garantie d'indépendance par rapport à l'exécutif.

Par ailleurs, il convient de rappeler que l'essentiel des projets et la plus grande part des dépenses bilatérales en matière de solidarité internationale sont le fait de l'AFD. Or le Quai d'Orsay manifeste depuis longtemps une réelle volonté de renforcer ses capacités de contrôle et d'évaluation de l'agence, compte tenu de la disproportion entre les moyens de celle-ci et ceux du ministère - ce dernier compte quatre fois moins de crédits que l'agence. Il n'y a donc aucune raison de penser que le ministère des affaires étrangères soit tenté de freiner ou de tempérer le processus d'évaluation de l'AFD - nos auditions tendent à prouver le contraire.

En tout état de cause, cette proposition de loi ne peut pas comporter un luxe de détails et nous avons demandé et obtenu de la part du Gouvernement d'être associés, comme Jean-Louis Bourlanges l'a fait au nom de l'Assemblée nationale, à la rédaction du décret qui précisera la composition et le fonctionnement de la nouvelle commission.

Au reste, nous avons déjà tenu une première séance de travail constructive avec le chef de service chargé de ce décret à Bercy, à qui j'ai pu expliquer en détail notre vision du rôle de la commission d'évaluation. Nous préférerions également qu'une personnalité indépendante, dont l'expertise en matière d'aide publique au développement est reconnue, soit élue à la tête de la commission par ses membres.

Pour conclure, cette proposition de loi nous permet de sortir de l'ornière : jusqu'à présent, le Parlement ne disposait que de la période budgétaire pour contrôler l'activité de ces organismes. Le Gouvernement restant l'arme au pied pour dégager les moyens nécessaires au lancement de cette commission, l'adoption de cette proposition de loi permettra d'accélérer enfin les choses.

Si ce texte n'est pas parfait, il nous semble satisfaisant. Aussi, je vous invite à ne pas le modifier, sans quoi il serait difficile de le voir adopter à l'Assemblée nationale, compte tenu des équilibres politiques. Un vote conforme permettrait de clore un feuilleton qui n'aura que trop duré et de nous doter enfin d'une instance d'évaluation de l'aide au développement digne de ce nom.

M. Cédric Perrin, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, nous devons arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021.

Je vous propose donc de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives au rattachement administratif de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, à ses missions, à son secrétariat, à la composition du collège d'experts, ainsi qu'à l'autorité chargée de recevoir la déclaration d'intérêt des membres de ce collège d'experts.

Il en est ainsi décidé.

M. Rachid Temal. - J'étais rapporteur, avec Hugues Saury, de la loi du 4 août 2021. Il est curieux de noter que le Gouvernement, qui disposait alors d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, nous avait poussés à nous tourner vers la Cour des comptes, alors qu'il bloque tout depuis deux ans et demi de majorité relative. S'ils ont déjà tout décidé, que tout est réglé et que nous n'avons d'autre choix que celui d'accepter leur texte, nul besoin de réunir le Sénat !

Sur le fond, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut avancer sur le sujet. Pascal Allizard, à propos du Ceta, a expliqué précédemment que cela pouvait poser problème lorsque le propre vétérinaire d'un exploitant bovin contrôlait lui-même les bêtes. Or c'est en quelque sorte ce qu'on nous propose au travers de cette proposition de loi : l'autorité de tutelle de l'AFD est le ministère des affaires étrangères, lequel sera chargé de l'évaluation. Autrement dit, il s'agit d'autoévaluation !

On nous rétorque que le rattachement est purement administratif. Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir laissé la tutelle à la Cour des comptes ou l'avoir octroyée à France Stratégie ?

En ce qui concerne l'argument selon lequel un vote non conforme entraînerait une perte de temps, je rappelle que les présidents de groupe ont reçu le 11 mars un courrier de la ministre chargée des relations avec le Parlement, Marie Lebec, adressé au président Larcher, dans lequel elle indique que les conclusions de la commission mixte paritaire seraient examinées au mois de mai.

Au reste, je tiens à rassurer Jean-Louis Bourlanges : il y aura une majorité lors de la commission mixte paritaire, qui sera peu ou prou la même que sur le projet de loi de programmation militaire. Encore faut-il que nous puissions améliorer le texte, comme nous avons amélioré la loi du 4 août 2021.

En l'état, plusieurs dispositions posent des problèmes. Il est ainsi prévu que la commission évalue la pertinence des projets. Il s'agit donc non pas d'une simple évaluation de l'efficacité, mais bien d'un jugement en opportunité.

Ce texte est largement perfectible. Nous avons déposé des amendements. Je vous invite à les adopter, et nous nous mettrons d'accord ensuite avec les députés lors de la CMP, en mai prochain.

Mme Marie-Arlette Carlotti. - Voilà deux ans et demi que dure l'imbroglio ! Au Sénat, nous avions pourtant trouvé un compromis et adopté une position commune. La situation actuelle n'est pas de notre fait. Si la commission d'évaluation est rattachée au ministère des affaires étrangères, elle ne sera pas indépendante. C'est pourquoi nous souhaitons qu'elle soit rattachée à France Stratégie. Le texte, à ce stade, n'est pas acceptable.

Mme Nicole Duranton. - La commission d'évaluation apportera de la clarté et de la transparence en ce qui concerne l'aide publique au développement. Si elle est rattachée au ministère des affaires étrangères, elle pourra mieux apprécier cette aide au regard des objectifs fixés par la loi, des ambitions de la France en la matière et de nos intérêts à l'étranger, en harmonie avec l'AFD, qui fait un travail remarquable. Je voterai ce texte.

M. Pascal Allizard. - La politique est l'art du possible. J'espère que nous sortirons de cette situation par le haut. Lors de l'examen du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, en 2021, j'avais émis des réserves. Depuis, il ne s'est rien passé, alors que les sommes en jeu sont considérables. La solution proposée aujourd'hui n'est sans doute pas la panacée, mais elle a le mérite d'exister et elle résulte d'un compromis avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement. Il est temps d'avancer. Les sénateurs qui siégeront au sein de la commission d'évaluation pourront faire leur travail de contrôle de l'action du Gouvernement. Je voterai cette proposition de loi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Inclure des parlementaires dans une commission indépendante d'évaluation d'une politique publique n'est pas judicieux. Cela revient à politiser l'analyse. J'ajoute que les parlementaires ne sont pas toujours disponibles ni assidus. Il aurait mieux fallu conserver l'équilibre de la rédaction initiale de l'article 9 du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire : il était prévu que la commission soit composée d'experts. Les membres de la Cour des comptes n'étaient d'ailleurs pas majoritaires - deux membres sur dix au total. Les parlementaires ont déjà tous les moyens nécessaires à leur disposition pour effectuer leur mission de contrôle, prévue à l'article 24 de la Constitution. Or ils ne s'emparent pas assez de cette compétence. Ils ont tendance à se concentrer sur la discussion des lois et à négliger leur exécution.

Nous en sommes arrivés à la situation actuelle parce que l'on a voulu à toute force que des parlementaires siègent au sein de la commission. D'autres solutions étaient possibles. On aurait pu prévoir que cette dernière soit purement et simplement indépendante. Elle pourrait aussi, éventuellement, travailler en lien avec le centre de développement de l'OCDE. Je suis donc réservé à l'égard de cette proposition de loi.

Mme Michelle Gréaume. - Il semble que l'APD ait été peu à peu intégrée au domaine réservé du Président de la République. Ainsi, lors du conseil présidentiel du développement, plusieurs orientations de la loi du 4 août 2021 ont été modifiées en profondeur. En juillet dernier, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement a bafoué toutes les orientations qui avaient été définies : l'objectif d'allouer à l'APD 0,7 % du revenu national brut (RNB) a été encore repoussé ; la liste des États prioritaires a été revue. La commission prévue par ce texte est donc nécessaire. Le Parlement doit reprendre la main. Nous voterons cette proposition de loi.

M. Patrice Joly. - Les montants financiers en jeu - 15 milliards d'euros - sont modestes au regard du montant global de l'APD dans le monde - 200 milliards - et surtout des besoins nécessaires pour lutter contre la pauvreté, qui sont estimés par l'ONU à plus 3 000 milliards. J'ajoute que les fondations des Gafam - Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft - sont les cinquièmes contributeurs à l'APD... Il n'en demeure pas moins qu'il est important, si nous voulons pouvoir exercer un contrôle sur cette politique, que nous disposions d'une information objective, fournie par une autorité indépendante.

M. Roger Karoutchi. - Voilà des années que l'on discute de la création de cette commission et que l'on s'interroge sur son rattachement. Finalement, on n'avance pas et pendant ce temps l'APD n'est pas évaluée. Il est temps de sortir de ce débat. J'entends dire que les parlementaires n'ont pas leur place dans cette commission, car ils risquent de politiser l'expertise, mais nul n'a les mains blanches ! Qui, d'ailleurs, nomme les experts ? Il n'y a rien d'idéal. Soyons donc pragmatiques, créons cette commission : il est urgent qu'elle puisse fonctionner.

M. Alain Cazabonne. - On peut dire que les sommes consacrées à l'APD ne sont pas assez élevées, mais elles ne sont pas négligeables ! Je suis favorable à la présence de parlementaires au sein de la commission : ils ne sont pas moins honnêtes que d'autres, fût-il Premier président de la Cour des comptes !

M. Cédric Perrin, président. - On peut toujours chercher à faire mieux, certes, mais l'essentiel, désormais, est d'être efficace et d'agir. Nous avons longtemps discuté avec M. Bourlanges, et la solution proposée semble être la meilleure possible en l'état.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Monsieur Temal, nous avons clairement une appréciation divergente de ce texte. Je ne conteste aucunement le droit d'amendement et j'espère que vous ne contestez pas non plus mon droit d'avoir un avis défavorable sur ces amendements...

Il est évident que la lettre envoyée par Mme la ministre Lebec était imprudente, mais elle relève d'une logique administrative habituelle : le Gouvernement envoie au Parlement une lettre de cadrage de l'ordre du jour pour les mois suivants afin que nous puissions nous préparer. Nous aurions pu nous passer de cette référence à une éventuelle commission mixte paritaire, mais il est normal que le Gouvernement anticipe toutes les possibilités. Je rappelle d'ailleurs que convoquer une CMP relève de la compétence du Gouvernement et que cela n'ôte rien à notre droit de voter un texte conforme.

Madame Carlotti, il est vrai que le compromis trouvé à l'époque était juridiquement douteux du point de vue du président de la Cour des comptes. C'est ce qui a créé ce blocage et cette longue attente. Le Gouvernement a tenté de passer par décret, mais cela n'était pas possible. C'est pourquoi nous devons changer le dispositif législatif.

Les évaluations que réalisera cette commission concerneront bien sûr les actions propres du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, mais l'objectif principal est d'évaluer les actions de l'AFD. Chaque année, les engagements de l'agence s'élèvent à 12 milliards d'euros. L'évaluation des projets de l'AFD est essentielle et tout le monde le dit depuis très longtemps.

La Cour des comptes continuera naturellement d'assurer ses missions de contrôle.

Monsieur Lemoyne, nous n'avons cessé ici de demander plus de contrôles et d'évaluations sur l'aide publique au développement. Alors, pour une fois qu'on crée un organisme sui generis, ne boudons pas notre plaisir !

En outre, nous savons fort bien que le rôle des parlementaires dans les différents organes de contrôle où ils sont présents est extrêmement important. Je pense à la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ou encore, bien sûr, à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) où siégeait, par exemple, Michel Boutant, ce qui lui prenait un temps considérable.

J'en profite pour dire qu'à mon sens la fonction de président de la commission d'évaluation représente un temps plein. C'est un point sur lequel j'insisterai pour le décret d'application.

Examen de l'article unique

Article unique

M. Christian Cambon, rapporteur. - L'amendement COM-2 prévoit de placer la nouvelle commission d'évaluation auprès de France Stratégie. Le Gouvernement n'y est pas favorable. Parallèlement, l'amendement COM-5 prévoit que le secrétariat de la commission est assuré par le Cepii, qui fait lui-même partie des organismes rattachés à France Stratégie.

Or le Cepii est un think tank qui produit ses propres analyses et études d'économie internationale. Il n'a pas vocation à assurer le secrétariat d'un autre organisme, tel que la nouvelle commission d'évaluation. Il n'y aurait donc pas de logique de le charger d'un organisme qui ferait à son tour des analyses.

C'est pourquoi je propose un avis défavorable.

M. Rachid Temal. - Je suis surpris : faut-il demander l'accord du Gouvernement avant de déposer un amendement ?

M. Christian Cambon, rapporteur. - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Rachid Temal. - Ce sont les atermoiements du Gouvernement qui expliquent que rien ne se passe sur ce dossier depuis trois ans ! Le Gouvernement est un peu le pompier pyromane dans cette affaire... En outre, il propose au fond que l'organe qui est censé piloter l'AFD supervise les évaluations, ce qui est quand même surprenant.

Surtout, il y a une forme de contradiction dans la position du rapporteur. Nous parlons ici d'un rattachement administratif. Or France Stratégie est justement un organisme autonome rattaché au Premier ministre, dont le rôle est l'évaluation et la stratégie. Si j'ai bien compris la position du Gouvernement, ce sont les membres de la commission, c'est-à-dire les experts et élus qui y sont nommés, qui réaliseront les évaluations. On peut donc tout à fait rattacher administrativement la commission à France Stratégie.

Au fond, la question est simple : souhaitons-nous une évaluation indépendante ou une autoévaluation ? Rattacher la commission au ministère de l'Europe et des affaires étrangères est un enterrement de première classe !

M. Christian Cambon, rapporteur. - Nous n'avons rien négocié avec le Gouvernement : si France Stratégie était apparue comme un organisme pertinent de rattachement, nous aurions fait ce choix.

En matière d'indépendance, le Premier ministre, qui exerce la tutelle sur France Stratégie, supervise aussi le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid). Il y aurait donc aussi un mélange des genres entre contrôleurs et contrôlés...

Nous parlons bien d'un secrétariat administratif, d'un « hébergement » si je peux me permettre cette expression, pas de la mission d'évaluation en elle-même. Le ministère est plus qualifié pour accueillir un tel secrétariat administratif que France Stratégie.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

M. Christian Cambon, rapporteur. - L'amendement COM-3 entend apporter une précision rédactionnelle pour prendre en compte le fait que le ministère des affaires étrangères s'appelle ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Le décret précisera les choses. Cette imprécision n'empêche pas l'application du texte. J'y suis donc défavorable.

M. Rachid Temal. - Je rappelle quand même que le ministère s'appelle, depuis 2017 maintenant, ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Vous nous proposez donc d'adopter une formulation inexacte dans la loi, à charge pour le pouvoir réglementaire de rectifier les choses... Cela risque de créer de nouvelles incompréhensions et ambiguïtés, comme nous en connaissons depuis trois ans sur ce sujet. Cela ne me paraît pas très cohérent de la part d'un gouvernement qui donne des leçons à la terre entière !

M. Christian Cambon, rapporteur. - Je vois bien l'habileté de cet amendement, mais il est très fréquent que la loi ne reprenne pas l'appellation stricte d'un ministère, ne serait-ce que parce qu'elle change fréquemment !

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

M. Christian Cambon, rapporteur. - L'amendement COM-4 entend supprimer la notion d'évaluation de la « pertinence » des projets.

Contrairement à ce qui est affirmé par les auteurs de l'amendement, la proposition de loi ne prévoit pas une évaluation de la « pertinence » en général des projets, mais de leur pertinence « au regard des ambitions et des objectifs prévus par la loi », et elle précise que la commission « en examine les résultats pour apprécier leur efficacité, tant sur le plan financier que vis-à-vis des priorités de la politique extérieure et de coopération ainsi que des intérêts à l'étranger de la France ».

C'est une formulation très large qui permet, d'une part, d'apprécier que les projets sont en ligne avec les objectifs fixés par la loi du 4 août 2021, et, d'autre part, d'éviter que la commission ne se borne à être une instance de contrôle des fonds publics déployés dans le cadre de l'APD. La suppression du rattachement à la Cour des comptes a d'ailleurs précisément pour objectif d'assurer que la nouvelle commission soit avant tout une instance d'évaluation et non de contrôle purement financier. L'avis est donc défavorable.

M. Rachid Temal. - Il ne s'agit pas d'un amendement rédactionnel ! Je crois que la rédaction choisie a un sens : parler de « pertinence » à cet endroit permettra au bout du compte d'évoquer l'opportunité des projets. Cela pourrait même aller jusqu'à remettre en cause les décisions du Parlement - il est vrai que ce gouvernement n'en a déjà pas grand-chose à faire... Comme nous l'avons vu au moment de la rédaction du projet de décret, une telle rédaction posera des problèmes à l'avenir. Cela touche directement à la capacité d'évaluation de la commission.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Il faut lire l'ensemble de la phrase et ne pas s'arrêter à ce mot ! Nous n'avons pas la même lecture.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Comme je l'ai dit, l'amendement COM-5 vise à rattacher le secrétariat de la commission d'évaluation au Cepii. Par cohérence, j'y suis défavorable.

M. Rachid Temal. - Dans sa rédaction actuelle, il est prévu que la direction générale chargée du développement international du ministère des affaires étrangères, qui pilote déjà l'AFD, assure le secrétariat de la commission. Elle n'est pas plus compétente que le Cepii pour assurer un secrétariat administratif.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

M. Christian Cambon, rapporteur. - L'amendement COM-6 prévoit que la présidence de la commission sera assurée par un parlementaire. Je n'y suis pas favorable parce qu'il s'agit d'une lourde tâche que les obligations des parlementaires ne leur permettront sans doute pas d'assumer. Je souhaite d'ailleurs que le décret permette de définir cette fonction comme étant à temps plein.

Il est essentiel que des parlementaires s'impliquent dans ce type d'organe de contrôle ou d'évaluation, mais il n'est pas nécessaire que l'un d'eux en soit président. En outre, nous serions obligés de prévoir une présidence alternée entre Assemblée nationale et Sénat, ce qui nuirait à l'efficacité du dispositif.

J'ajoute que les présidents des deux assemblées peuvent saisir la commission de demandes d'évaluation. En tout état de cause, les parlementaires joueront un rôle important dans cette commission, s'ils s'y impliquent.

M. Rachid Temal. - S'il s'agit d'un poste à temps plein, le décret devra prévoir que le président soit rémunéré.

Le conseil d'administration de l'AFD est notamment composé de parlementaires, qui n'ont pas franchement le temps d'examiner le budget de l'Agence.

Certains organismes sont présidés par des parlementaires sans que cela pose de problème : le président préside, voilà tout ! En amont, des rapporteurs feront leur travail d'analyse.

Nous considérons que nommer un parlementaire à la présidence de la commission d'évaluation donnerait un rôle plus important à cette fonction.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

M. Christian Cambon, rapporteur. - L'amendement COM-7 vise à faire en sorte que les experts déposent leur déclaration d'intérêts devant la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). L'article L. 122-2 du code général de la fonction publique prévoit que des agents publics nommés dans l'un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient doivent déposer une déclaration d'intérêts auprès de leur autorité de rattachement. En revanche si l'administration de rattachement n'est pas certaine de l'appréciation qu'il faut porter, elle peut saisir la HATVP.

La Haute Autorité n'est directement compétente que des postes prévus par la loi, notamment, s'agissant des AAI, pour celles qui ont des pouvoirs de sanction importants, ce qui confèrent une importance particulière à leur déclaration d'intérêts.

Mon avis est défavorable.

M. Rachid Temal. - Pourtant, l'article 12 de la loi évoque la possibilité d'un tel dépôt !

M. Christian Cambon, rapporteur. - Les experts doivent déposer leur déclaration devant leur autorité de rattachement.

M. Rachid Temal. - Le texte dit bien que l'expert déposera sa déclaration auprès du ministre des affaires étrangères.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Oui, auprès du ministère des affaires étrangères et non de la Haute Autorité ; il n'y a pas donc pas de raisons de modifier le texte.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

M. Christian Cambon, rapporteur. - L'amendement COM-1 tend à instaurer une commission uniquement composée de parlementaires. Avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est adopté sans modification.

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