II. LA POSITION DE LA COMMISSION : SÉCURISER JURIDIQUEMENT ET PROLONGER L'INTENTION DE LA PROPOSITION DE LOI

A. PROLONGER L'INTENTION DE PLUSIEURS DISPOSITIFS

1. Répondre aux cas d'emprise s'agissant des avantages matrimoniaux

En premier lieu, en plein accord avec l'objectif poursuivi par le régime de déchéance matrimoniale prévu à l'article 1er, la commission a souhaité parachever le dispositif, en prolongeant ses effets, notamment pour parer aux cas d'emprise. À cet égard, prévoir une disposition de « pardon » par l'époux victime du conjoint maltraitant, voire meurtrier, a paru problématique à la commission, qui l'a en conséquence supprimée.

Par ailleurs, l'obligation faite à l'époux déchu de rendre les fruits et revenus d'un avantage matrimonial dont il a eu la jouissance depuis la liquidation du régime matrimonial n'a pas paru à la commission devoir s'appliquer - comme le prévoyait le texte adopté par l'Assemblée nationale - aux seuls cas où la déchéance est de plein droit. Bien que la victime puisse en principe divorcer dans le cas d'une déchéance facultative, une telle disposition paraît faire peu de cas des situations d'emprise dans lesquelles peuvent se trouver ces victimes et qui peuvent faire obstacle à un éventuel divorce. La commission a en conséquence élargi cette obligation à l'ensemble des cas de déchéance.

2. Assouplir de façon proportionnée les conditions d'octroi de la décharge de responsabilité solidaire

En second lieu, la commission a estimé utile de compléter le dispositif de décharge gracieuse de responsabilité solidaire prévu par la proposition de loi en modifiant légèrement les conditions dans lesquelles une décharge de responsabilité solidaire peut être octroyée dans le régime de droit commun.

Elle a ainsi souhaité ouvrir le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d'un époux ayant eu un comportement frauduleux à l'égard de l'administration fiscale. La commission a ainsi prévu la suppression des exceptions au principe d'une décharge totale des pénalités d'assiette et intérêts de retard, qui ne se justifient pas dès lors qu'elles font peser sur le conjoint ou l'époux vertueux la charge indue de la sanction du comportement frauduleux de son époux ou conjoint.

B. SÉCURISER JURIDIQUEMENT CERTAINS DISPOSITIFS

Premièrement, si la commission s'est montrée favorable au dispositif, attendu tant par les professionnels que la doctrine, tendant à faire échec à la révocation de plein droit des clauses d'exclusion des biens professionnels, elle a souhaité lui donner une portée élargie et pérenne.

Elle a en conséquence prévu que l'opposition de l'époux ayant consenti à accorder à son conjoint des clauses constituant des avantages matrimoniaux à la révocation de celles-ci peut être exprimée dès la conclusion de la convention matrimoniale. Ce faisant, il donne un effet juridique supplémentaire à cette faculté - qui dans le silence dans la loi existait déjà - en lui rendant applicable l'irrévocabilité de l'avantage qu'elle emporte.

Deuxièmement, elle a supprimé deux dispositifs lui paraissant excéder l'intention poursuivie par le texte. Ainsi, l'article 1er bis A, ajouté à l'Assemblée nationale, prévoyait l'obligation de réalisation d'un inventaire au décès de l'un des époux lorsque ceux-ci étaient soumis au régime de la communauté universelle. D'une part, cette disposition a paru superfétatoire, en ce que la faculté de demander un inventaire est déjà prévue, y compris pour le ministère public ou les personnes ayant une vocation successorale, qui sont susceptibles de demander une déchéance matrimoniale facultative. D'autre part, la commission a estimé que faire de cette faculté une obligation reviendrait à faire supporter à l'ensemble des communautés concernées une charge excessivement lourde et a donc procédé à sa suppression.

De façon analogue, la commission a supprimé l'ajout opéré à l'Assemblée nationale de la disposition tendant à prévoir que, dès lors qu'un époux est déchu du bénéfice des avantages matrimoniaux, toute clause stipulant un apport à la communauté par l'époux défunt de biens propres est réputée non écrite. En remettant en cause des avantages matrimoniaux prenant effet pendant le mariage et non à la dissolution du régime, une telle disposition remettrait en cause le droit de propriété de l'époux déchu sur des biens acquis et sur lesquels il exerce déjà une jouissance. La constitutionnalité d'un tel dispositif paraîtrait incertaine et son application concrète source de complexités. La commission l'a donc supprimé.

Enfin, la commission s'est attachée à préciser la rédaction du régime de déchéance matrimoniale pour en garantir la solidité juridique.

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La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

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