N° 416
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mars 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille,
Par Mme Isabelle FLORENNES,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16ème législ.) : |
1961, 2052 et T.A. 228 |
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Sénat : |
266 et 417 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
Afin d'assurer une meilleure justice patrimoniale entre les conjoints, la présente proposition de loi entend répondre, dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale, à deux difficultés posées par le régime juridique des avantages matrimoniaux : d'une part, l'impossibilité d'exclure du bénéfice des avantages matrimoniaux un époux ayant commis des violences à l'encontre de son conjoint voire s'étant rendu responsable de sa mort ; d'autre part, la révocation de plein droit au moment du divorce de tous les avantages matrimoniaux, y compris de clauses protectrices des époux telles que celles visant à exclure les biens professionnels.
Elle vise également à apporter une solution juridique à l'impossibilité, y compris dans des situations douloureuses, pour un époux ou partenaire de pacte civil de solidarité (PACS) d'obtenir auprès de l'administration fiscale une décharge de responsabilité solidaire dès lors qu'il dispose d'une situation patrimoniale et financière ne présentant pas de disproportion marquée quant à la dette fiscale due par le foyer fiscal.
La commission a accueilli favorablement ces dispositions dans leur principe et s'est attachée à en prolonger l'intention. D'une part, elle a souhaité mieux tenir compte des situations d'emprise, en particulier en supprimant la possibilité pour un époux victime d'accorder un « pardon » ouvrant à son époux déchu des avantages matrimoniaux la possibilité d'en bénéficier. D'autre part, elle a élargi le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d'un époux ayant eu un comportement frauduleux à l'égard de l'administration fiscale.
La commission a également sécurisé juridiquement plusieurs dispositifs. Elle a ainsi supprimé des dispositions dont la portée excédait manifestement l'objectif poursuivi et procédé à des précisions rédactionnelles garantissant la sécurité juridique de certaines dispositions. La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
I. UNE PROPOSITION DE LOI BIENVENUE DANS SON PRINCIPE
A. LA NÉCESSITÉ DE COMBLER UN VIDE JURIDIQUE CONCERNANT LES AVANTAGES MATRIMONIAUX EN CAS DE VIOLENCES CONJUGALES
En premier lieu, la proposition de loi entend répondre à l'inapplicabilité aux avantages matrimoniaux des régimes de l'indignité successorale et du régime en matière de libéralités. Faute d'un régime spécifique, cette lacune du droit matrimonial fait obstacle à l'exclusion du bénéfice des avantages matrimoniaux d'un époux ayant commis des atteintes à la personne de son conjoint, y compris dans le cas où il lui a donné la mort, de sorte qu'en la matière le crime peut malheureusement être profitable.
La présente proposition de loi tend à pallier cette difficulté en prévoyant un régime de déchéance matrimoniale, largement inspiré de celui de l'indignité successorale. Comme ce dernier, le dispositif prévoit un régime de déchéance de plein droit et un régime de déchéance facultative, prononcée par le juge à la demande des héritiers ou du ministère public. Le premier serait applicable aux époux condamnés à une peine criminelle ou correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ou pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner. La déchéance facultative serait prononcée pour les autres cas déjà prévus en matière d'indignité successorale.