B. LA CONVENTION DU 15 JUIN 2022 VIENT COMBLER L'ABSENCE DE CADRE FISCAL BILATÉRAL
1. Depuis la dénonciation par la Moldavie de la convention franco-soviétique, les deux pays ne sont plus liés par aucun cadre conventionnel en matière fiscale
La Moldavie est actuellement un des seuls États européens, avec la Suède et jusqu'il y a peu, le Danemark3(*), à ne pas disposer de convention fiscale bilatérale avec la France.
Suite à la dissolution de l'URSS, la convention fiscale signée le 4 octobre 1985 entre la France et l'ex-URSS a continué à produire ses effets à l'égard de la fédération de Russie et des ex-républiques soviétiques, à l'exception des pays baltes. Actuellement, la doctrine fiscale précise que cette convention est encore applicable à la Biélorussie4(*), au Kirghizistan5(*) et au Turkménistan6(*).
La Moldavie a déclaré le 2 mars 1998 son intention de ne plus être liée par la convention fiscale franco-soviétique du 4 octobre 1985.
Un premier projet de convention fiscale bilatérale a été signé le 30 octobre 2006 et un projet de loi autorisant l'approbation de cette convention, déposé au Parlement. Toutefois, en 2007, la France a décidé d'interrompre le processus d'approbation. Cette décision est intervenue en réponse à l'adoption par la Moldavie d'un taux de droit commun de 0 % pour l'impôt sur les sociétés.
Par suite, la France a fixé une double condition préalable à la reprise des négociations sur une nouvelle convention :
- d'une part, le rétablissement du taux de droit commun pour l'impôt sur les sociétés antérieur à la réforme fiscale moldave ;
- d'autre part, un plus fort investissement de la Moldavie dans la lutte contre la fraude et notamment son adhésion au forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements mis en place par l'OCDE.
En l'absence de convention, les deux États appliquent concurremment leur droit interne en matière fiscale. Ce vide conventionnel est propice à l'émergence de situations de double imposition.
2. Dans un contexte de rapprochement franco-moldave, la convention du 15 juin 2022 vient combler un vide conventionnel
Dans un contexte de rapprochement entre les deux pays, la négociation d'une nouvelle convention a été ouverte à l'été 2019. Les relations franco-moldaves ont, en effet, connu une nouvelle impulsion avec l'élection à la présidence de la République de la candidate pro-européenne Maia Sandu en 2020. Les discussions se sont fondées sur un projet de texte proposé par la partie française.
La rédaction d'une nouvelle convention s'est inscrite dans la suite du respect par la Moldavie des conditions préalables posées par la France.
D'une part, dès 2012, la Moldavie a rétabli un taux de droit commun de 12 % pour l'impôt sur les sociétés.
D'autre part, elle a accentué ses efforts de lutte contre la fraude. Non seulement le pays a rejoint le forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements, mais il a aussi adhéré à la convention mutuelle d'assistance administrative en matière fiscale (MAAC) de l'OCDE au 1er mars 2012. Selon les réponses écrites au questionnaire du rapporteur, si les flux de demandes en matière d'échange de renseignements à des fins fiscales ont été très faibles sur la période 2021-2023, les réponses des autorités moldaves sont considérées comme satisfaisantes par l'administration fiscale.
Outre son adhésion à la MAAC, la Moldavie a également mené une série de réformes dans le cadre de son accord d'association avec l'Union européenne, en particulier dans le domaine judiciaire et la lutte contre la corruption, dans le domaine de l'administration et de la gestion des finances publiques, ainsi que dans le domaine économique et financier.
La convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale
Élaborée conjointement par le Conseil de l'Europe et l'OCDE, la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale du 25 janvier 1988 (dite MAAC) est entrée en vigueur le 1er septembre 2005. Elle a été amendée par un protocole signé le 27 mai 2010 afin de l'aligner sur la norme internationale d'échange de renseignements sur demande.
La convention vise à renforcer la coopération internationale en matière fiscale afin d'améliorer l'application des législations fiscales internes. Encouragé par les États du G20, cet instrument a vocation à devenir le cadre international de référence en matière de coopération fiscale.
Les stipulations de la convention couvrent l'ensemble des impositions obligatoires, exception faite des droits de douane. La convention prévoit un ensemble d'instruments de coopération en matière fiscale. Il s'agit notamment de dispositifs d'échanges de renseignements sur demande, d'échange automatique de renseignements, d'échange spontané de renseignements, de contrôles fiscaux simultanés et de contrôles fiscaux à l'étranger, d'aide au recouvrement des créances fiscales et d'assistance dans la notification de documents.
La mise en oeuvre et le développement de la MAAC sont supervisés par un organe de coordination composé des autorités compétentes désignées par les États parties. Cet organe constitue notamment un forum d'étude sur des recommandations d'évolutions de la MAAC et fournit des avis sur l'interprétation de la convention.
Au 1er septembre 2023, la convention regroupait 147 juridictions parmi lesquelles l'ensemble des membres du G20, des BRIICS et de l'OCDE. Un nombre croissant de pays en développement ont également rejoint ce mécanisme.
Source : commission des finances, d'après le site internet de l'OCDE et le guide d'adhésion à la convention
Compte tenu du contexte sanitaire, le premier tour de négociation en juillet 2022 s'est déroulé en visioconférence. Un second tour de négociations a conduit à la conclusion d'un accord technique.
Le projet de convention a été signé le 15 juin 2022 à Chisinau par le vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères et de l'intégration européenne Nicolae Popescu et la ministre de l'Europe et des affaires étrangères Catherine Colonna. Elle a fait l'objet d'une ratification par le Parlement de la République de Moldavie, réuni en session plénière le 15 juillet 2022.
La convention du 15 juin 2022 poursuit le triple objectif d'éliminer les doubles impositions, d'améliorer la sécurité juridique et de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.
Du côté moldave, le gouvernement de la République de Moldavie a notifié les autorités françaises de l'accomplissement de ses procédures internes d'approbation de la convention.
Du côté français, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi autorisation l'approbation de la convention le 25 janvier 2024.
* 3 La France et le Danemark ont signé le 4 février 2022 une convention pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, approuvée par la loi n° 2023-1232 du 22 décembre 2023.
* 4 Cf. BOI-INT-CVB-BLR.
* 5 Cf. BOI-INT-CVB-TJK.
* 6 Cf. BOI-INT-CVB-TKM.