B. UNE COOPÉRATION FRUCTUEUSE DE LONGUE DATE
Depuis 1868, la Convention de Mannheim, signée entre les quatre États riverains du Rhin (Belgique, France, Allemagne, Pays-Bas) et la Suisse, et révisée notamment en 1963 et 2010, vise à garantir la gratuité de la circulation des marchandises, la simplification du dédouanement et l'uniformisation des règles de sécurité. L'Acte de Mannheim crée, à cet effet, la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), dont le siège est au Palais du Rhin à Strasbourg et qui est seule responsable dans le domaine de la police. Elle édicte notamment le Règlement de police de la navigation du Rhin (RPNR)1(*), qui s'applique de manière uniforme à l'ensemble de la voie fluviale dans sa partie internationale, en particulier sur sa partie formant frontière entre la France et l'Allemagne.
La CCNR est la plus ancienne organisation internationale au monde et constitue l'un des acteurs majeurs de la navigation intérieure européenne. Sa pérennité est la preuve de la plus-value représentée par l'Acte de Mannheim, dont les membres restent solidaires et coopératifs depuis plus de 165 ans.
S'agissant des questions de coopération policière à proprement parler, la Convention d'application de l'accord de Schengen (CAAS)2(*), constitue le socle juridique permettant aux États parties de conclure entre eux des accords ou arrangements d'exécution complétant ou approfondissant les mécanismes généraux qu'elle établit.
C'est sur cette base que fut signé, le 9 octobre 1997, l'accord franco-allemand de Mondorf-les-Bains, entré en vigueur le 9 avril 2000, qui constitue, par son dynamisme et sa capacité d'adaptation, l'une des coopérations les plus abouties à l'échelle européenne. Il concerne tant les domaines de la sécurité publique que ceux de la police aux frontières ou de la police judiciaire, et revêt un caractère opérationnel particulièrement marqué :
- en intégrant dans son champ l'ensemble des domaines de l'action policière (sécurité publique, ordre public, lutte contre l'immigration irrégulière, lutte contre les trafics illicites et la criminalité transfrontalière, etc.) et en s'ouvrant au champ de la coopération douanière ;
- en conférant une base juridique pour la création de centres de coopération policière et douanière (CCPD), devant permettre d'approfondir les échanges d'informations opérationnelles dans la zone frontalière ;
- en établissant une panoplie extrêmement riche d'outils de coopération directe entre services opérationnels (patrouilles mixtes, centres de commandement communs, groupes de recherche et de contrôle, coordination du déploiement des forces et information réciproque sur les plans de recherche) et en élargissant autant que possible les échanges d'informations opérationnelles entre services locaux.
La construction de la coopération policière franco-allemande s'est poursuivie, le 10 novembre 2000, avec la signature de l'Accord de Vittel, entré en vigueur le 1er novembre 2003, relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin, concrétisant la volonté de renforcer la coopération transfrontalière en matière policière et de veiller à sa cohérence d'ensemble.
L'innovation juridique principale de l'Accord de Vittel réside dans la possibilité, pour les autorités de police fluviale des deux pays, d'intervenir sur toute la largeur du « secteur franco-allemand » du Rhin, sans préjudice du fait que la frontière physique est définie par le talweg (ligne de collecte des eaux) du fleuve, par nature susceptible d'évolution et qui ne peut en tout état de cause être physiquement démarqué, et d'y exercer l'ensemble des missions de police de la navigation et de police judiciaire qui leur échoient.
Le Traité de Prüm3(*), signé le 27 mai 2005 par sept États de l'Union européenne (dont la France et l'Allemagne), visait à donner une impulsion renouvelée à la coopération policière entre États membres, avec notamment le développement d'opérations conjointes et un système d'échanges d'informations dit « hit/no-hit » concernant les données relatives à l'ADN, les données dactyloscopiques et les données relatives à l'immatriculation des véhicules.
Le Traité est entré en vigueur le 31 décembre 2007, et l'essentiel de ses dispositions a été intégré dans le droit de l'Union européenne dès le 23 juin 2008, par la décision 2008/615 JAI du Conseil de l'Union européenne4(*) (surnommée « décision de Prüm »).
Dans ce contexte, l'« Agenda franco-allemand 2020 », adopté le 4 février 2010, fixe l'objectif d'une coopération policière plus intégrée entre les deux pays « notamment en créant une unité fluviale franco-allemande sur le Rhin ». Cette volonté a trouvé sa concrétisation, dans un premier temps, dans le cadre d'un arrangement administratif.
* 1 https://www.ccr-zkr.org/13020500-fr.html#01
* 2 Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen 19 juin 1990.
* 3 Décret n° 2008-33 du 10 janvier 2008 portant publication du traité entre le royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le royaume d'Espagne, la République française, le Grand-duché de Luxembourg, le royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale (ensemble deux annexes et une déclaration), fait à Prüm le 27 mai 2005.
* 4 Décision 2008/615/JAI du Conseil du 23 juin 2008 relative à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière. À ce jour, 14 états membres de l'Union européenne sont parties au traité.