III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Dans le cadre d'un « droit de tirage », la compétence de la commission des lois se limite strictement à l'examen de la recevabilité de la proposition de résolution, reposant sur l'évaluation du respect des critères précités.

a) Un effectif ne dépassant pas vingt-trois membres

L'article unique de la proposition de résolution présentée par Cécile Cukierman et plusieurs de ses collègues tend à créer une commission d'enquête composée de dix-neuf membres, « sur la paupérisation des copropriétés immobilières ».

L'effectif de la commission d'enquête n'excéderait donc pas la limite de vingt-trois membres fixée à l'article 8 ter du Règlement du Sénat.

b) Un objet non traité par une commission d'enquête au cours des douze derniers mois

Le régime juridique, économique et social des copropriétés a déjà fait l'objet de travaux parlementaires, aussi bien dans le cadre de l'examen de projets ou de propositions de loi que dans le cadre des travaux de contrôle des commissions permanentes, en particulier la commission des affaires économiques et la commission des lois.

À titre d'exemple, le chapitre V du titre IV de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi Elan », comportait quinze articles visant à « améliorer le droit des copropriétés ». Plusieurs dispositions concernant les copropriétés ont également été adoptées dans le cadre de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat et de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Le régime juridique des copropriétés a en outre été assoupli à plusieurs reprises lors des textes dits « d'urgence » liés à la crise sanitaire entraînée par la covid-19.

Plus récemment, et en parallèle des travaux des commissions permanentes, le Sénat a créé une commission d'enquête, ayant rendu ses conclusions le 29 juin 2023, sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique15(*), à l'occasion de laquelle a été évoquée la rénovation énergétique des copropriétés.

À l'exception de la loi Elan, ces travaux législatifs et de contrôle menés récemment par le Sénat ont cependant porté principalement sur l'adaptation des copropriétés aux évolutions du climat plutôt que sous l'angle de leur éventuelle « paupérisation ». À ce titre, la commission d'enquête que tend à créer la présente proposition de résolution aurait un objet plus ciblé.

À l'Assemblée nationale, aucune commission d'enquête liée à la situation ou au droit des copropriétés immobilières n'a été instaurée ni pendant la XVe législature, ni depuis le début de la XVIe législature.

En conséquence, la proposition de résolution n° 242 (2023 - 2024) n'a pas pour effet de reconstituer avec le même objet une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois, respectant ainsi l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

c) Une commission d'enquête portant sur la gestion des services publics

Estimant que la France fait face à « une crise du logement [...] qui semble s'aggraver ses dernières années », les auteurs de la proposition de résolution jugent « préoccupant[e] » la situation des copropriétés immobilières.

Les auteurs de la proposition de résolution évoquent le nombre de 100 000 copropriétés qui auraient été, en 2018, en situation de fragilité.

Or, depuis lors, les copropriétés ont fait face à « une hausse des coûts de l'énergie » ainsi qu'à « une augmentation globale du coût des charges de copropriété », chiffrée à 3,9 % pour la seule année 2021. Cette hausse des coûts s'ajoute aux travaux nécessaires « pour améliorer les performances énergétiques » des logements en copropriété.

Au total, les auteurs de la proposition de résolution évaluent à 5 millions le nombre de logements qui seraient concernés par un risque de dégradation de l'habitat résultant de l'incapacité, pour les copropriétaires, d'assumer ces coûts.

Cette dégradation de l'habitat aurait, toujours selon les auteurs, des incidences sanitaires, sociales et économiques, aussi bien pour les copropriétaires que pour les locataires, mais aussi pour tout le secteur du logement.

Partant de ce constat, les auteurs souhaitent « s'interroger sur la lutte contre la paupérisation des copropriétés immobilières ». Ils émettent l'hypothèse selon laquelle « cet aspect de la crise du logement est encore trop peu traité par les politiques publiques existantes ».

Il appert que les investigations de cette commission d'enquête devraient ainsi porter sur la politique publique du logement, notamment l'évaluation des règles qui encadrent le droit des copropriétés immobilières, l'application par les pouvoirs publics de leur rôle de lutte contre l'habitat indigne défini aux articles L. 511-1 à L. 551-1 du code de la construction et de l'habitation, et les modalités d'accompagnement, par les pouvoirs publics, de ces copropriétés dans la mise en oeuvre de leurs diverses obligations légales.

Outre les contrôles de la salubrité et de la sécurité, de nombreuses autorités publiques, notamment le préfet, le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou le procureur de la République peuvent saisir le président du tribunal judiciaire pour qu'il désigne un mandataire ad hoc lorsqu'une copropriété rencontre des difficultés financières, c'est-à-dire lorsque le taux d'impayés atteint 25 % si la copropriété comprend jusqu'à 200 lots et 15 % si elle comporte 201 lots et plus. Pour les copropriétés rencontrant des difficultés « graves », le préfet peut demander l'intervention d'une commission chargée d'élaborer un diagnostic et un « plan de sauvegarde » de l'immeuble16(*). Lorsque la situation apparaît irrémédiable, le juge peut, sur saisine notamment du préfet, du maire ou du président de l'EPCI, déclarer l'état de carence de la copropriété à la suite duquel l'immeuble est exproprié17(*).

Ainsi, les pouvoirs publics ont un rôle actif dans la prévention de la « paupérisation » des copropriétés immobilières.

Le champ d'investigation retenu peut bien être regardé comme portant sur la gestion d'un service public au sens large, non sur des faits déterminés.

Ainsi, la proposition de résolution entre-t-elle bien dans le champ défini à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, au titre de la gestion d'un service public, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux aux fins de connaître l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires en cours.

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Dès lors, la commission des lois a constaté que la proposition de résolution n° 262 (2023 - 2024) est recevable.

Il n'existe donc aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage ».


* 15 Rapport d'information n° 811 (2022 - 2023) de Guillaume Gontard, fait au nom de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, intitulé : « Rénovation énergétique des logements : relever le défi de l'accélération », déposé le 29 juin 2023.

* 16 Articles L. 615-1 à L. 615-10 du code de la construction et de l'habitation.

* 17 Idem.

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