N° 196
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 décembre 2023
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur
la proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale
après engagement de la procédure
accélérée,
visant à
faciliter la mobilité
internationale des alternants,
pour
un « Erasmus de
l'apprentissage »,
Par Mme Patricia DEMAS,
Sénatrice
Procédure de législation en commission,
en application de l'article 47 ter du
Règlement
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16ème législ.) : |
576, 1179 et T.A. 115 |
Sénat : |
598 (2022-2023) et 197 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi lève certains freins au développement de la mobilité internationale des apprentis, encore trop limitée, notamment par la création d'un droit d'option entre la mise en veille du contrat et la mise à disposition de l'alternant pendant sa mobilité. La commission l'a donc adoptée, en considérant qu'elle devrait s'accompagner de mesures complémentaires pour développer les moyens soutenant ces mobilités et pour faciliter les démarches des alternants.
I. JALONNÉE DE NOMBREUX OBSTACLES, LA MOBLITÉ INTERNATIONALE DES ALTERNANTS DEMEURE TRÈS LIMITÉE
A. LA MOBILITÉ INTERNATIONALE DES ALTERNANTS RESTE MARGINALE
Le cadre légal applicable à la mobilité des alternants - apprentis et salariés d'un contrat de professionnalisation - a été consolidé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a substantiellement réformé l'apprentissage en France.
Depuis lors, les alternants ont la possibilité d'effectuer une mobilité à l'étranger pour une durée qui ne peut excéder un an, la durée d'exécution de leur contrat en France devant également être d'au moins six mois. Lors de la mobilité à l'étranger, le contrat de l'alternant est « mis en veille », l'entreprise ou le centre de formation d'accueil étant seul responsable des conditions d'exécution du travail de l'alternant. Toutefois, pour les mobilités n'excédant pas quatre semaines, l'alternant peut être mis à disposition de la structure d'accueil à l'étranger, son contrat de travail continuant alors d'être exécuté.
Afin de faciliter le développement de la mobilité européenne des alternants, la loi du 5 septembre 2018 a prévu que chaque centre de formation d'apprentis (CFA) désigne un référent mobilité. Elle a confié aux opérateurs de compétences (Opco) le soin de financer ce référent et de pouvoir prendre en charge des frais annexes générés par la mobilité internationale des alternants. Ces dispositifs sont complémentaires des aides à la mobilité proposées par Erasmus+, programme de l'Union européenne en faveur de l'éducation et de la formation, par des programmes de coopération bilatérale ou encore par des collectivités territoriales.
L'objectif de la réforme de 2018 était ainsi de développer la mobilité internationale des alternants, qui permet l'acquisition de compétences et le développement de savoir-être favorisant l'employabilité et le développement personnel. Les données agrégées par le ministère du travail ne permettent pas de disposer d'une visibilité exhaustive du nombre d'alternants effectuant une mobilité internationale et de leur profil. Toutefois, l'agence Erasmus+ a estimé qu'en 2018-2019, 6 870 alternants ont effectué un séjour à l'étranger soutenu par le programme Erasmus+, contre 5 300 en 2016-2017. La durée moyenne de la mobilité de ces alternants, tous secteurs confondus, est estimée à 41 jours et la durée médiane à 18 jours. Ces données ne concernent toutefois que les mobilités soutenues par Erasmus+, d'autres étant réalisées sans le soutien de ce programme. Dans son rapport de décembre 2022 sur le développement de la mobilité européenne des apprentis, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) estime à 7 820 le nombre d'apprentis ayant effectué une mobilité en 2018-2019 soit 2,1 % des apprentis.
Nombre d'apprentis partis en mobilité en 2018-2019 selon l'IGAS |
Part des apprentis partis en mobilité en
2018-2019 |
Durée médiane de la mobilité des
alternants |
L'Igas constate ainsi que la mobilité des apprentis reste essentiellement une mobilité de court terme et qu'elle demeure très en-dessous de la mobilité des apprenants de l'enseignement supérieur, estimée à 16 % ou 17 %. Bien que les dernières données disponibles datent de 2019, il ressort des travaux de la rapporteure que le développement des mobilités des alternants n'a pas suivi la progression significative du nombre de contrats d'apprentissage, qui est passé de 321 038 contrats conclus en 2018 à 831 149 en 2022. Si la mobilité à l'étranger des alternants a été freinée par l'épidémie de covid-19, elle rencontre en outre de nombreux obstacles d'ordre plus structurel.