N° 1859


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 107


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 15 novembre 2023

 

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 novembre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi
portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise,

PAR M. Louis MARGUERITTE,
Rapporteur,

Député

PAR Mme Frédérique PUISSAT,
Rapporteur,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, sénateur, président ; Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, députée, vice-présidente ; Mme Frédérique Puissat, sénateur, M. Louis Margueritte, député, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Laurent Burgoa, Olivier Henno, Mmes Monique Lubin, Corinne Féret, M. Xavier Iacovelli, sénateurs ; Mme Michèle Peyron, M. Frédéric Cabrolier, Mme Aurélie Trouvé, M. Stéphane Viry, Mme Anne Bergantz, députés.

Membres suppléants : Mmes Pascale Gruny, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, Laurence Rossignol, Cathy Apourceau-Poly, Corinne Bourcier, Raymonde Poncet Monge, sénateurs ; MM. Didier Le Gac, Victor Catteau, Jérôme Guedj, Mme Félicie Gérard, M. Michel Castellani, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16e législ.) :

Première lecture : 1272, 1404 et T.A. 149

Sénat :

Première lecture : 816 (2022-2023), 25, 26 et T.A. 7 (2023-2024)
Commission mixte paritaire : 108 (2023-2024)

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de la Première ministre, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise se réunit au Sénat le mercredi 15 novembre 2023.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Philippe Mouiller, sénateur, président, de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, députée, vice-présidente, de Mme Frédérique Puissat, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Louis Margueritte, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

*

* *

M. Philippe Mouiller, sénateur, président. - Le texte déposé par le Gouvernement était composé de 15 articles. L'Assemblée nationale a inséré 7 nouveaux articles dans ce projet de loi. Lors de son examen, le Sénat a adopté conformes 6 articles, inséré un nouvel article, modifié 11 articles et supprimé 5 autres. Au total, 17 articles sont donc soumis à notre commission mixte paritaire (CMP).

Au vu des travaux préparatoires des rapporteurs et de l'approche de nos deux assemblées sur ce texte, j'aborde cette réunion avec confiance dans notre capacité à élaborer un texte commun tout en respectant les termes de l'accord conclu par les partenaires sociaux.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, députée, vice-présidente. - L'assemblée nationale a eu le plaisir, hier, de voter le texte issu de la CMP sur le projet de loi pour le plein emploi. Sans préjuger du travail de nos rapporteurs, il semble que nous nous orientons également vers une CMP conclusive. Je me félicite, en tout cas, de nos échanges sur ce texte très attendu par nos concitoyens.

Mme Frédérique Puissat, sénateur, rapporteur pour le Sénat- À la suite de la conclusion de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur, signé le 10 février 2023, le Gouvernement s'est engagé à en assurer la transposition fidèle et complète. Ce projet de loi a pour objectif d'assurer la transcription des mesures de cet accord qui nécessitent des modifications législatives. Nous pouvons saluer cette démarche de respect du dialogue social. Le rôle des partenaires sociaux est essentiel pour bâtir notre droit du travail, dans l'esprit de l'article L. 1 du code du travail, issu de la loi Larcher du 31 janvier 2007.

Sous réserve de quelques modifications, l'Assemblée nationale a adopté un texte assurant la transposition de l'accord. Pour l'examen de ce texte, la majorité sénatoriale a retenu une ligne simple : assurer une transposition fidèle et complète des mesures de l'ANI nécessitant l'intervention du législateur. Cette ligne nous a conduits à revenir sur certaines mesures adoptées par l'Assemblée nationale qui s'écartaient, à notre sens, de la stricte transposition de l'ANI, ou qui prévoyaient de transposer des stipulations de l'ANI relevant du domaine réglementaire ou d'application directe.

Malgré ces quelques divergences, mon collègue rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Louis Margueritte, et moi-même sommes parvenus à trouver un compromis qui permettra de retranscrire fidèlement l'accord conclu par les partenaires sociaux, en conservant des apports de nos deux assemblées. Je le remercie pour la qualité de nos échanges, parfois vifs, en amont de cette réunion ; ils nous ont permis de lever nos désaccords et de vous proposer un texte commun.

Concernant les articles relatifs au dialogue social, nous proposons de retenir l'article 1er dans la rédaction du Sénat. Celui-ci prévoit l'ouverture, avant le 31 décembre 2023, d'une négociation en vue de l'examen de la nécessité de réviser les classifications au sein des branches n'ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.

Nous invitons à maintenir l'article 1er bis, introduit par l'Assemblée nationale, qui demande aux branches d'établir un bilan de leur action sur la mixité des emplois. Le Sénat avait supprimé cet article, considérant que les travaux demandés pouvaient être réalisés sans nouvelle mesure législative, mais sur le fond nous ne sommes pas opposés à cette mesure qui, en outre, figure dans l'ANI.

Concernant le développement du partage de la valeur dans les PME, nos deux chambres se sont accordées sur l'article 2 qui permet, à titre expérimental, aux entreprises de moins de 50 salariés de recourir à une formule de calcul de la participation dérogatoire lorsqu'elles mettent volontairement en place un dispositif de participation. Nous proposons de maintenir les précisions relatives au rapport d'évaluation introduites à l'Assemblée nationale, et de conserver la disposition demandant un suivi annuel de la mesure, transmis aux partenaires sociaux.

Nos deux assemblées ont approuvé l'article 3 qui oblige les entreprises de 11 à 49 salariés réalisant, durant trois exercices consécutifs, un bénéfice d'au moins 1 % de leur chiffre d'affaires d'instituer un régime de participation ou d'intéressement, d'abonder un plan d'épargne salariale, ou bien encore de verser la prime de partage de la valeur (PPV). Cette mesure expérimentale sera également applicable au secteur de l'économie sociale et solidaire, dans les termes de l'article 3 bis.

Alors que l'ANI prévoit une entrée en vigueur de cette obligation au 1er janvier 2025, l'Assemblée nationale l'a rendue applicable aux exercices ouverts après le 31 décembre 2023. Le Sénat, de son côté, a fait le choix de rétablir le texte initial du Gouvernement, afin de retenir la date choisie par les partenaires sociaux : une application aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024. Nous vous proposerons de retenir la date fixée par l'ANI et votée par le Sénat, afin d'assurer une transposition fidèle de l'ANI.

Je comprends que nos collègues députés aient souhaité avancer d'un an l'application de cette mesure, dans le souci de soutenir le pouvoir d'achat des salariés. Pour autant, nous devons être cohérents avec notre engagement de traduire fidèlement l'ANI ; je remercie mon collègue rapporteur du compromis trouvé sur ces articles 3 et 3 bis.

Nous nous sommes également accordés sur l'article 5 qui met en place un nouveau dispositif de partage de la valeur en cas d'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l'entreprise. À la demande de mon collègue rapporteur, nous proposons d'ajouter un critère parmi ceux à prendre en compte pour la définition de cette augmentation : le cas des opérations de rachat d'actions par l'entreprise.

Nos deux chambres ont adopté l'article 6 qui propose que la PPV puisse être attribuée deux fois par année civile et que son montant puisse être affecté aux plans d'épargne salariale. Il prolonge le régime temporaire d'exonérations sociales et fiscales jusqu'à la fin de l'année 2026 pour les entreprises de moins de 50 salariés. Nous proposons quelques modifications rédactionnelles sur ces dispositions fidèles à l'ANI.

La création d'une prime de partage de la valorisation de l'entreprise, qui figure à l'article 7, a été approuvée par nos deux assemblées. Nous proposons de préciser que les plans de partage de valorisation ne soient pas soumis à l'obligation de publicité, comme c'est le cas actuellement pour les plans d'épargne salariale, afin de respecter le secret des affaires.

Par ailleurs, le Sénat a supprimé l'article 9 bis, considérant qu'une disposition qui figure déjà dans un décret et qui n'est pas prévue par l'ANI ne trouvait pas sa place dans le texte. Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, inscrit dans la loi un nouveau calcul de la participation due aux salariés en cas de rectification de la déclaration de résultat de l'entreprise. Étant favorables sur le fond à cette mesure, nous proposons de la conserver.

A contrario, nous proposons de maintenir la suppression de l'article 10 bis, au motif que la prise en compte des critères de responsabilité sociale et environnementale dans le calcul de l'intéressement est déjà permise par le droit existant.

Forts de notre conviction commune de l'importance de l'actionnariat salarié, nous sommes également parvenus à un consensus sur ces mesures qui permettent d'associer les salariés à la vie de l'entreprise.

Aussi, nous saluons la possibilité ouverte par l'article 13 de rehausser les plafonds globaux d'attribution gratuite d'actions aux salariés, en les portant par exemple à 20 % pour les PME. Dans un esprit de compromis, nous proposons de supprimer l'article 13 bis, introduit par le Sénat, afin de ne pas prendre le risque de fragiliser juridiquement le régime fiscal des apports d'actions consécutifs à une attribution gratuite d'action démocratique ou quasi démocratique.

L'article 14 permet quant à lui de renforcer l'offre de produits d'épargne finançant la transition énergique et écologique ou l'investissement socialement responsable pour les salariés-épargnants. En revanche, nous proposons de maintenir la suppression de l'article 14 bis, afin de ne pas introduire de hiérarchie entre les différents motifs de déblocage anticipé de l'épargne salariale. Sur cet aspect, la transposition de l'ANI doit relever du décret.

Nous proposons d'approuver l'article 15, afin de répondre à la volonté exprimée par les signataires de l'ANI de simplifier les règles de gouvernance des fonds communs de placement d'entreprise. Enfin, nous invitons à supprimer l'article 16 qui prévoit la remise d'un rapport au Parlement.

Chers collègues, je vous invite donc à adopter les modifications proposées, afin d'aboutir à un texte commun. Celui-ci assure une transposition fidèle et complète des mesures de l'ANI nécessitant de modifier la loi, tandis que nous comptons sur la diligence du Gouvernement pour transposer les mesures relevant du règlement. Nous faisons également confiance aux branches et aux entreprises pour appliquer l'ANI et se saisir des apports de ce texte. C'est ainsi que, dans l'intérêt des salariés et des employeurs, nous faisons vivre la démocratie sociale.

M. Louis Margueritte, député, rapporteur pour l'Assemblée nationaleAvant de mieux répartir les richesses, nous sommes un certain nombre à considérer qu'il s'agit, au préalable, de les créer. Mais le partage de la valeur s'avère à la fois un levier essentiel de valorisation du travail, de fidélisation et de motivation des salariés, et un facteur de compétitivité des entreprises.

Ces dispositifs de partage de la valeur sont multiples et complexes. Ils recouvrent, entre autres, l'intéressement, la participation, les plans d'épargne salariale, les opérations d'actionnariat salarié. Parmi eux, certains datent de plusieurs décennies.

Toutefois, malgré une progression de 8 % du nombre de salariés couverts entre 2017 et 2020, ces dispositifs sont davantage déployés, du fait de l'obligation de participation, dans les moyennes et les grandes entreprises. En 2020, 39 % des salariés des entreprises de 50 à 99 salariés avaient accès à la participation, et 25 % à l'intéressement, quand 70 % des salariés des entreprises de plus de 1 000 salariés avaient accès à l'un comme à l'autre.

Les marges de progrès sont réelles. C'est donc opportunément que nos deux assemblées s'apprêtent à transposer l'ANI sur le partage de la valeur au sein de l'entreprise, signé le 10 février dernier par les organisations syndicales de salariés et les organisations patronales. Il s'agit d'un véritable progrès, surtout dans le contexte de la réforme des retraites de l'époque.

L'article 1er impose à toutes les branches qui n'ont pas procédé depuis cinq ans à un examen de leurs classifications une négociation sur le sujet avant la fin de l'année 2023. Tout ce qui est relatif aux discussions de branche s'avère essentiel, et nous proposons de garder l'article en l'état.

L'article 1er bis, que nous proposons également de conserver, impose aux branches d'établir un bilan de l'objectif de mixité des métiers, conforme à la volonté des partenaires sociaux de renforcer l'égalité professionnelle.

Le titre II rassemble les dispositions ayant pour objet de faciliter la généralisation des outils de partage de la valeur : l'accord sanctuarise les trois outils principaux et propose de les étendre.

L'article 2 A, introduit en séance publique à l'Assemblée nationale et adopté sans modification par le Sénat, inscrit dans la loi le principe selon lequel la participation ne peut se substituer à aucun des éléments de rémunération ; ce principe, très important, est rappelé dans l'article 1er de l'ANI.

L'article 2 ouvre aux entreprises de moins de 50 salariés, qui ne sont pas tenues d'appliquer un régime de participation, la possibilité de le faire, par accord, en retenant une formule de calcul de réserve dérogatoire à la formule de droit commun et susceptible d'aboutir à un résultat plus ou moins favorable pour les salariés.

À l'article 3, nous proposions initialement d'avancer d'un an la généralisation des outils de partage de la valeur dans les entreprises entre 11 et 49 salariés. Dans un esprit de compromis, je propose que nous revenions sur cette modification et que nous nous en tenions à la rédaction stricte de l'ANI ; il en est de même pour l'article 3 bis concernant les entreprises qui relèvent du champ de l'économie sociale et solidaire.

L'article 4, visant l'accélération de la mise en place de la participation dans les entreprises d'au moins 50 salariés couvertes par un accord d'intéressement, a été adopté dans des termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat.

L'article 5 prévoit de mieux partager les résultats d'une augmentation exceptionnelle des bénéfices au sein des entreprises de plus de 50 salariés comptant au moins un délégué syndical ; près de 8 000 entreprises sont concernées par cette mesure. À la suite de remarques formulées par le Conseil d'État, l'Assemblée nationale a introduit de nouveaux critères indicatifs. Dans le texte actuel, sont précisés la taille de l'entreprise, le secteur d'activité et les bénéfices réalisés durant les années précédentes. Avec ma collègue Mme Frédérique Puissat, nous proposons d'ajouter le cas des rachats d'actions. Avec ce nouveau critère, nous visons les grandes entreprises qui rachèteraient leurs actions avant de les annuler.

Dans le prolongement de la loi Pouvoir d'achat, l'article 6 complète le mécanisme de la PPV plébiscité par les entreprises, notamment les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) de moins de 50 salariés. Le Sénat n'a que peu modifié ce mécanisme qui pourra entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2024.

L'article 7 introduit une nouvelle notion : le plan de partage de la valorisation de l'entreprise ; charge aux entreprises de déployer le dispositif dans les prochains mois.

L'article 8 procède aux coordinations nécessaires afin de permettre aux salariés de verser leur PPV, mais aussi leur prime de partage de la valorisation de l'entreprise, sur un plan d'épargne entreprise (PEE).

Le titre III n'a fait l'objet d'aucune modification au Sénat, à l'exception de l'article 9 bis. Avec Mme Frédérique Puissat, nous proposons de conserver cet article, qui confère une valeur légale au principe selon lequel le montant de la participation doit faire l'objet d'un nouveau calcul lorsque la déclaration des résultats d'un exercice est rectifiée par l'administration ou le juge de l'impôt.

Cette mesure ne couvre pas tous les cas. En effet, dans certaines situation, la modification de l'assiette de l'impôt sur les sociétés (IS) ne donne pas nécessairement lieu à un nouveau calcul de la réserve de participation. En remontant du décret au niveau de la loi, nous envoyons un signal afin de rendre justice aux salariés. Se posera un sujet de coordination entre le juge civil saisi par les organisations syndicales et la direction générale des finances publiques (DGFiP), seule autorité compétente pour calculer l'assiette et donc la réserve de participation.

Nous proposons de ne pas conserver l'article 10 bis, car la prise en compte de critères de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est déjà possible dans le cadre du droit existant.

Afin d'en assurer la diffusion et de renforcer son caractère collectif, l'article 13 rehausse les plafonds d'attribution d'actions gratuites. De manière à respecter les termes de l'ANI, nous nous sommes accordés sur la suppression de l'article 13 bis.

L'article 14 impose aux règlements des PEE et des plans d'épargne retraite (PER) de proposer au moins un fonds supplémentaire répondant aux critères de financement de la transition énergétique et écologique.

L'article 14 bis, introduit par l'Assemblée nationale, n'a pas été conservé, car ses dispositions relèvent davantage du domaine réglementaire.

L'article 15 aménage les règles de gouvernance des fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) en améliorant l'information des salariés épargnants. Il n'a fait l'objet que d'une modification relevant de la coordination.

Enfin, nous proposons la suppression de l'article 16 déjà couvert par l'article 2.

M. Stéphane Viry, député- Dans la mesure où il s'agit d'un ANI, le travail parlementaire s'avère quelque peu contraint. Naturellement, il convient de respecter le travail des partenaires sociaux. Toutefois, sur un sujet aussi fondamental, recouvrant des problématiques comme le pouvoir d'achat ou le mieux-vivre, le Parlement doit pouvoir s'exprimer.

Nous allons prochainement travailler sur un ANI concernant l'assurance chômage ; et il est probable que nous devions également travailler sur la question de l'emploi des seniors. Je suis le premier à plaider en faveur du respect des partenaires sociaux et à valoriser le dialogue social, mais je ne voudrais pas non plus que la voie parlementaire soit négligée. Même si l'on ne demande pas ici aux parlementaires de construire la loi, cela ne doit pas nous inciter à nous cacher lorsque des sujets compliqués sont en discussion.

Cela étant dit, je salue la qualité du travail de nos deux rapporteurs, qui permet une juste transcription de cet ANI.

Mme Monique Lubin, sénatrice. - À la suite du riche travail réalisé par les rapporteurs, nous prenons acte de certaines avancées. Toutefois, nous restons sur notre position d'abstention. Certes, ce texte est la traduction d'un accord entre les partenaires sociaux, mais le cadre fixé par le Gouvernement nous a paru trop contraint. Je considère également que, si les partenaires sociaux demeurent prioritaires dès lors qu'il s'agit de discuter de la situation des salariés dans les entreprises, le Parlement doit également avoir son mot à dire.

Mme Aurélie Trouvé, députée. - Les évolutions portées par le Sénat n'ont pas convaincu mon groupe de changer d'avis. Tout au long de l'examen de ce projet de loi, vous vous êtes réfugié derrière l'argument de la négociation collective, qui serait l'assurance d'un résultat juste et profitable pour les salariés. Il s'agit surtout du reflet d'un rapport de force économique extrêmement défavorable aux salariés, dans une période où les crises se succèdent.

Une récente étude de l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires) montre que, depuis 2017, le salaire réel s'est effrité de presque 5 %. Ce texte était l'occasion d'un mieux-disant ; nous avons notamment proposé que les bas salaires soient rehaussés par un alignement obligatoire des premiers échelons des conventions collectives sur le salaire minimum.

Nous déplorons également le fait de faciliter les dispositifs d'intéressement et de participation par des exonérations de cotisations ou d'IS. Pour rappel, les cotisations donnent des droits aux salariés, et ces exonérations proposées par amendement auraient pu au moins faire l'objet de conditions sociales.

Par ailleurs, une récente étude du Conseil d'analyse économique (CAE) montre la réalité de la substitution aux salaires des mécanismes de primes et d'intéressement, et vient confirmer l'analyse effectuée par l'Insee en mars dernier au sujet de la PPV.

Enfin, le Sénat a retiré les quelques dispositions acceptables de ce texte ; je pense, par exemple, à l'obligation de rendre compte sur l'égalité salariale, aux critères sociaux et environnementaux pour le calcul de l'intéressement collectif, ou encore à la possibilité de recalculer les primes de participation après un contentieux fiscal, sachant que cette dernière demande était formulée par les syndicats et les comités d'entreprise.

Pour toutes ces raisons, mon groupe votera contre ce texte.

M. Laurent Burgoa, sénateur. - La commission des affaires sociales du Sénat a souhaité privilégier l'accord entre partenaires sociaux. Les rapporteurs de cette CMP sont parvenus à un accord, et je m'en félicite. Je remercie notamment le rapporteur de l'Assemblée nationale d'avoir pris en compte la date du 1er janvier 2025, point auquel nous tenions beaucoup au Sénat. Notre groupe votera donc ce texte sans aucune difficulté.

M. Olivier Henno, sénateur. - Nous souhaitions que l'ANI soit fidèle à la volonté d'une grande majorité des partenaires sociaux. Certes, dans notre culture française, le paritarisme peut bousculer et interroger sur la place du Parlement. Mais son champ reste restreint. De plus, si l'accord ne convient pas, le Parlement garde un rôle prépondérant. Sur le fond de l'accord, l'intéressement et la participation dans les plus petites entreprises constituent une question importante. Un accord paritaire a plus de chances d'être appliqué sur le terrain par les entreprises et les partenaires sociaux. Je salue cet accord, ainsi que le retour dans notre pays du paritarisme sur les questions sociales.

M. Frédéric Cabrolier, député. - Nous confirmons notre vote positif. Ce projet de loi permet la transposition d'une quinzaine d'articles sur les 35 que compte l'ANI. Un pas supplémentaire est fait vers le développement des dispositifs existants au profit des salariés.

Cependant, quelques mesures posent problème. D'abord, dans les sociétés cotées, le plan de valorisation des entreprises pourrait concurrencer les plans d'actionnariat salarié, car il est plus facile à mettre en place. Ensuite, il ne faudra pas oublier de conduire des négociations séparées, notamment pour les augmentations de salaire. Par ailleurs, le projet de loi ne prévoit rien sur la fraude fiscale.

En revanche, nous nous réjouissons de la réintroduction de l'article 9 bis, en cas de contestation du résultat des entreprises.

Ce texte permettra d'étendre la participation aux entreprises de moins de 50 salariés, de faire profiter les salariés des bénéfices exceptionnels et de développer l'actionnariat salarié. Ces évolutions contribueront au renforcement de la souveraineté économique et industrielle de la France et impliqueront davantage les salariés dans leurs entreprises. Nous soutiendrons ce texte de compromis.

Mme Anne Bergantz, députée. - Je voudrais rappeler que l'accord n'allait pas de soi. Il a fallu quatre mois de négociation pour y parvenir et, par respect pour cette démarche, il nous faut le soutenir.

EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION

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