EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LE DANEMARK ET LA GRÈCE, DEUX PARTENAIRES ÉCONOMIQUES IMPORTANTS DE LA FRANCE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE AVEC LESQUELS LE CADRE FISCAL CONVENTIONNEL MÉRITAIT D'ÊTRE MODERNISÉ
A. LA CONVENTION FRANCO-DANOISE DU 4 FÉVRIER 2022 VISE À ENCOURAGER L'INTENSIFICATION DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE LES DEUX PAYS ET INTERVIENT APRÈS LA DÉNONCIATION DE LA PRÉCÉDENTE CONVENTION PAR LE DANEMARK
1. Le Danemark dispose d'une économie dynamique et intégrée avec laquelle la France entretient des relations économiques, financières et commerciales soutenues
Le Danemark, pays de 5,8 millions d'habitants membre de l'Union européenne depuis 19735(*), s'appuie sur un appareil productif solide et dynamique concentré dans le secteur des services qui représente 77,5 % du produit intérieur brut (PIB). Le Danemark bénéficie d'un niveau élevé de PIB par habitant (68 000 dollars en 2021) et il se situe en 2021 à la 6e place mondiale en matière d'indice de développement humain (IDH) établit par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Après un ralentissement maîtrisé de l'économie danoise dans le cadre de l'épidémie de Covid- 19 (- 2 % de PIB en 2020), l'activité économique a connu un redressement dynamique avec une croissance de 4,9 % du PIB en 2021 puis de 3,8 % en 2022. Si la Commission européenne anticipe un ralentissement de la croissance danoise en 2023, elle resterait pour autant positive avec un taux prévisionnel de 0,3 %.
L'économie danoise repose sur le dynamisme de ses exportations, notamment en matière de produits pharmaceutiques, de produits agro-alimentaires et d'équipements mécaniques. Elle profite par ailleurs de la présence au Danemark de la plus grande entreprise mondiale dans le secteur du transport maritime avec la société Maersk, qui explique que le pays représente 16 % du trafic mondial de conteneurs.
La France et le Danemark entretiennent une relation diplomatique dense et croissante, qui s'inscrit notamment dans le cadre de leur appartenance conjointe à l'Union européenne et à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). La convergence entre les positions du Danemark et de la France sur la scène internationale, notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de promotion du respect du droit international, a été renforcée dans la période récente par le réinvestissement des autorités publiques danoises dans les questions de sécurité et de défense. En premier lieu, le Danemark participe à l'Initiative européenne d'intervention promue par la France et les armées danoises ont déployé des militaires au Sahel dans le cadre de la force opérationnelle « Takuba » pilotée par la France. En second lieu, le Danemark a décidé le 1er juin 2022 de lever la dérogation (opt-out) à la participation à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'Union européenne.
Les relations diplomatiques franco-danoises s'appuient également sur la présence au Danemark de 5 600 ressortissants français inscrits au registre et sur la communauté danoise en France qui est estimée à 3 000 personnes environ.
En matière commerciale, la France et le Danemark ont des échanges croissants qui ont atteint en 2022 un total de 7,4 milliards d'euros, soit une croissance de 12 % par rapport à 2021 et une croissance totale de 27 % depuis 2018. Avec une part de marché de 3,3 %, la France est devenue en 2021 le 9e client et le 9e fournisseur du Danemark - tandis que le Danemark est le 33e partenaire commercial de la France.
Les principaux secteurs d'exportation des entreprises françaises au Danemark sont les produits chimiques, parfums et cosmétiques, les produits des industries agroalimentaires (IAA) et les produits pharmaceutiques, qui représentent au total 42 % des exportations françaises. Les produits pharmaceutiques et les produits des IAA font par ailleurs partie des principaux postes d'importation de produits danois en France, ce qui témoigne du phénomène d'intégration de ces filières entre les deux pays.
Les relations commerciales franco-danoises sont globalement équilibrées et la France a un solde légèrement positif à hauteur de 437 millions d'euros pour ses échanges commerciaux avec le Danemark en 2022.
Source : commission des finances, d'après les données de la Direction générale des douanes et des droits indirects
En matière financière, la France représente un investisseur d'envergure au Danemark où elle dispose du 10e stock d'investissements directs à l'étranger (IDE) en 2021. Les investissements français au Danemark ont augmenté de 190 % entre 2014 et 2019 en lien notamment avec deux opérations structurantes intervenues en 2018 : le rachat par Total de Maersk Oil et le rachat par Thalès de la société Cubris, spécialisée dans les systèmes de conduite ferroviaire assistée. La France est également implantée au Danemark par la présence de 220 entreprises françaises parmi lesquelles figurent notamment Total, Keolis, BNP Paribas et Renault.
Le Danemark oriente également une partie importante de ses investissements à l'étranger vers la France qui représente le premier pays d'accueil des investissements danois en Europe en 2021, avec 46 décisions d'investissements qui ont permis la création de 700 emplois. Alors que l'on estime à 400 le nombre de filiales danoises en France, notamment dans les secteurs de la chimie-pharmacie ou de l'agroalimentaire, le premier employeur danois en France est la société ISS, avec 18 000 employés dans le secteur des services aux entreprises et aux collectivités.
2. La convention franco-danoise du 4 février 2022 fixe un cadre aux relations fiscales bilatérales en remplacement de la convention de 1957 dénoncée unilatéralement par le Danemark en 2008
Dès les années 1950, avant l'intégration du Danemark à la Communauté économique européenne (CEE), la France a négocié et conclu avec cet État la convention fiscale du 8 février 1957 entre la France et le Danemark tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur les revenus et sur la fortune.
Après l'adoption par le Parlement de la loi n° 58-184 du 21 février 1958 autorisant la ratification de cette convention, elle est entrée en vigueur le 30 avril 1958, quelques mois avant la fin de la IVe République.
Cette convention fiscale, qui a été appliquée pendant plus de cinquante ans, a fait l'objet de critiques par les autorités publiques du Danemark dans les années 2010, au motif qu'elle présenterait un déséquilibre dans les avantages accordés aux cocontractants.
En particulier, le gouvernement danois estimait que les stipulations de la convention de 1957 qui accordait au seul État de résidence le droit d'imposition sur les pensions privées n'étaient pas satisfaisantes. Dès lors que le système fiscal danois prévoit une déduction fiscale pour des versements à des régimes de pensions, le ministre danois des impôts soulignait que l'application de la convention rendait impossible le recouvrement de cet impôt différé pour les nombreux retraités ayant quitté le Danemark pour s'installer en France6(*).
Par conséquent, après que le parlement danois a adopté la loi du 20 février 2008 qui autorise la dénonciation des conventions fiscales avec la France et l'Espagne, le Danemark a notifié à la France par note diplomatique du 10 juin 2008 sa décision de dénoncer la convention du 8 février 1957. Cette décision a pris effet à partir du 1er janvier 2009.
Depuis cette date, le régime fiscal des résidents français et danois est fixé par le droit interne respectif des deux pays, sous réserve de l'application du droit de l'Union européenne. Cependant, le parlement danois a prévu un régime transitoire en application duquel les personnes résidant en France avant le 28 novembre 2007 et commençant à percevoir des pensions au plus tard le 31 janvier 2008, ainsi que leur conjoints, continuaient de se voir appliquer le régime de la convention de 1957.
En vue de clarifier le régime applicable et d'éliminer la plupart des doubles impositions, le Gouvernement français a, pour sa part, publié une instruction administrative le 2 août 2010 désormais versée, dans sa version mise à jour, dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP)7(*).
Pour autant, pour consolider le cadre des relations économiques franco-danoise et la sécurité juridique du dispositif d'élimination des doubles impositions, les gouvernements français et danois ont engagés, après s'être entendus sur la question des pensions, deux tours de négociation bilatérales en avril et mai 2021. Ces négociations ont permis d'aboutir à un projet de convention paraphé le 23 novembre 2021. La convention a finalement été signée à Paris le 4 février 2022 par Bruno Le Maire, ministre français de l'économie, des finances et de la relance, et par Nicolai Wammen, ministre danois des finances.
Elle a été approuvée par le Danemark, après autorisation de son parlement, le 28 mars 2023.
L'article 1er du présent projet de loi, examiné par la commission, a pour objet d'autoriser l'approbation par la France de cette convention.
* 5 Pour mémoire, la Communauté économique européenne (CEE) est devenue l'Union européenne à partir de l'entrée en vigueur du traité de Maastricht le 1er novembre 1993.
* 6 cf. not. la lettre du 10 juin 2008 du ministre danois des impôts adressé au ministre français du budget, des comptes publiques et de la fonction publique publiée au Journal officiel du 15 janvier 2009.
* 7 v. BOI-INT-CVB-DNK, dernière mise à jour le 28 juillet 2016.