CHAPITRE 2
JURIDICTIONS
DISCIPLINAIRES DES OFFICIERS MINISTÉRIELS ET DES AVOCATS
Article 13
Présence de magistrats honoraires exerçant des
fonctions juridictionnelles dans les juridictions disciplinaires des officiers
ministériels et des avocats
La création de nouvelles instances disciplinaires à caractère juridictionnel pour les officiers ministériels et les avocats par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire suppose que la participation de magistrats honoraires soit autorisée par une disposition de valeur organique et non par la loi ordinaire comme c'est le cas aujourd'hui. Cette modification est opérée par l'article 7 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire et l'article 13 ajuste en conséquence les dispositions ordinaires relatives à la composition de ces juridictions, au procédé de nomination des magistrats honoraires y siégeant et à l'âge de leur départ en retraite.
Sous réserve de modifications rédactionnelles, la commission a adopté l'article 13 qui permettra de sécuriser la situation juridique de ces magistrats honoraires et autorisera en outre leur indemnisation.
1. Un cadre juridique aujourd'hui inadapté à la situation des magistrats honoraires siégeant dans les formations disciplinaires des officiers ministériels
Une importante réforme du régime déontologique et disciplinaire des officiers ministériels263(*) et des avocats est intervenue à la suite de la publication d'un rapport de l'inspection générale de la justice sur le sujet en octobre 2020. Ledit rapport soulignait « l'hétérogénéité et la complexité des régimes, leurs failles et leur lourdeur au plan procédural, résultats d'évolutions menées successivement, profession par profession »264(*) et plaidait notamment pour l'harmonisation des différents régimes existants.
Dans le sillage de ce rapport, les articles 31 à 43 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire ont procédé à une refonte d'ampleur du cadre disciplinaire et déontologique applicable à ces professions. Cette opération de simplification avait été largement approuvée par la commission des lois puis par le Sénat. Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère, rapporteurs pour la commission des lois, avait ainsi estimé qu'il proposait, d'une part, « une réforme attendue et relativement consensuelle en harmonisant et modernisant le régime disciplinaire des officiers ministériels devenu aujourd'hui obsolète » et, d'autre part, que les dispositions correspondantes étaient « de nature à renforcer l'accessibilité et la sécurité juridiques ainsi que les droits des usagers »265(*).
L'une des principales modifications introduites par cette réforme réside, pour les officiers ministériels, dans la création de juridictions disciplinaires échevinées propres à chaque profession, en lieu et place de la dualité de juridiction qui avait cours jusqu'alors266(*). Le régime juridique de ces nouvelles juridictions disciplinaires est aujourd'hui fixé par l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels267(*), dont les articles 11 et 12 précisent en particulier la composition et les modalités de désignation de leurs membres.
Des évolutions similaires ont été apportées s'agissant du régime disciplinaire des avocats et ont notamment conduit à ce que le caractère juridictionnel du conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d'appel soit consacré à l'article 22-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
La consécration du caractère juridictionnel des instances disciplinaires de ces professions a néanmoins entraîné des difficultés juridiques et matérielles pour les magistrats honoraires y siégeant. Pour rappel, l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 comme la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitées prévoient systématiquement la présence de magistrats au sein des juridictions nouvellement créées268(*), dont il est précisé qu'ils peuvent être « en activité ou honoraire ».
Or, les magistrats honoraires peuvent seulement exercer les activités juridictionnelles limitativement énumérées par l'article 41-25 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Si ledit article 41-25, de valeur organique, a bien été modifié en parallèle de la refonte par la loi ordinaire des instances disciplinaires des officiers ministériels et des avocats269(*), la possibilité pour les magistrats honoraires de siéger au sein de ces instances n'y a pas été intégrée.
Il en résulte, d'une part, que la présence de magistrats honoraires au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats souffre d'une fragilité juridique et, d'autre part, que lesdits magistrats honoraires ne peuvent pas prétendre à une indemnisation pour cette activité. Comme cela est en effet précisé dans l'étude d'impact, une « rémunération est prévue pour les seuls magistrats honoraires nommés pour exercer les fonctions juridictionnelles limitativement prévues par les dispositions de l'article 41-25 de l'ordonnance statutaire au nombre desquelles ne [figurent] pas les fonctions de membre d'une juridiction disciplinaire. En conséquence, les missions confiées aux magistrats honoraires amenés à composer ces instances rattachées à des ordres professionnels ne [peuvent] pas être indemnisées sur le programme 166 »270(*).
2. L'article 13 : sécuriser la participation de magistrats honoraires aux instances disciplinaires des officiers ministériels et autoriser leur indemnisation
L'article 13 tire les conséquences au niveau ordinaire des modifications apportées par l'article 7 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire à l'article 41-25 de l'ordonnance statutaire précisée. Celui-ci prévoit explicitement la possibilité de nommer des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles « pour siéger auprès des juridictions connaissant des procédures disciplinaires ouvertes à l'encontre d'officiers ministériels ou d'avocats ».
En conséquence, l'article 13 modifie premièrement les modalités de nomination des magistrats honoraires dans les juridictions disciplinaires des officiers ministériels, celle-ci revenant aujourd'hui au ministre de la justice sur proposition, selon les cas, du vice-président du Conseil d'État, du premier président de la cour d'appel compétente ou du premier président de la Cour de cassation. Les magistrats exerçant des fonctions juridictionnelles intéressés seraient directement nommés par ces différentes autorités, dans leur champ respectif de compétence.
Deuxièmement, l'article 13 supprime la mention relative à la limite d'âge des magistrats honoraires exerçant dans les instances disciplinaires des avocats, aujourd'hui fixée à 71 ans. La limite d'âge des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles est en effet déjà fixée à 72 ans par l'article 41-31 de l'ordonnance statutaire précitée et commission a par ailleurs approuvé son relèvement à 75 ans par l'article 7 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire.
Troisièmement, l'article 13 supprime toute mention du terme « honoraire » dans les deux textes régissant les juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats. Au cours de son audition, la direction des affaires civiles et du sceau a justifié cette suppression par un risque de confusion avec la notion de magistrat honoraire telle que prévue par l'article 77 de l'ordonnance statutaire, qui désigne les magistrats qui ne sont plus en activité.
3. La position de la commission : une disposition nécessaire au bon fonctionnement des juridictions disciplinaires
La commission a approuvé ce dispositif indispensable pour sécuriser la situation juridique des magistrats honoraires siégeant dans les instances disciplinaires des officiers ministériels et permettre leur indemnisation. Comme le rappelait Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère lors de l'examen du projet de loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, « Nombre de juridictions ne pourraient fonctionner sans l'apport précieux [...] des magistrats honoraires aujourd'hui en activité »271(*).
La commission a néanmoins considéré que la suppression systématique de la précision selon laquelle les magistrats siégeant dans les instances disciplinaires des officiers ministériels et des avocats peuvent être en activité ou honoraires n'était pas dictée par un impératif juridique, ceux des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles étant expressément autorisés à siéger au sein de ces instances par l'article 41-25 de l'ordonnance statutaire précité272(*).
En termes de la lisibilité de la norme, il apparaît également préférable de maintenir dans la loi cette formulation apportant davantage de précision. Celle-ci figure par ailleurs déjà dans plusieurs textes législatifs ou règlementaires sans que cela ne porte à confusion. Par l'adoption d'un amendement COM-130 des rapporteurs, elle a donc procédé à la suppression des dispositions correspondantes.
La commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.
* 263 Sont concernés les notaires, les commissaires de justice, les greffiers des tribunaux de commerce ainsi que les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
* 264 Inspection générale de la justice, Rapport n° 074-20 sur la discipline des professions du droit et du chiffre, octobre 2020, p.3.
* 265 Commission des lois, rapport n° 834 (2020-2021) d'Agnès Canayer et de Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, 15 septembre 2021.
* 266 Les manquements les moins graves étaient en principe jugés par l'instance disciplinaire tandis que les manquements les plus graves étaient portés, selon les cas, devant le tribunal judiciaire, le Conseil d'État ou la Cour de cassation (voir rapport n° 834 (2020-2021) d'Agnès Canayer et de Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, 15 septembre 2021, commentaire de l'article 24).
* 267 Prise en application de l'article 41 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.
* 268 Sont concernées les chambres de discipline et les cours nationales des notaires et des commissaires de justice, la cour nationale de discipline des greffiers des tribunaux de commerce, la cour nationale de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de Cassation, ainsi que le conseil de discipline des avocats lorsque la poursuite disciplinaire fait suite à une réclamation présentée par un tiers ou lorsque l'avocat mis en cause en fait la demande.
* 269 Lors de l'examen en séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 3 rect de Thani Mohamed Soilihi ajoutant aux compétences des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, l'ensemble des compétences des magistrats exerçant à titre temporaire.
* 270 Étude d'impact, p. 261.
* 271Commission des lois, rapport n°834 (2020-2021) d'Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, 15 septembre 2021.
* 272 Tel que modifié par l'article 7 du projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire