EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er

Détermination du rayon des douanes

. L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois4(*).

La commission des lois a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 2

Mise en conformité du droit de visite douanière

. L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois5(*).

À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a adopté huit amendements rédactionnels, de précision et de clarification ( COM-26, COM-28, COM-29 rectifié, COM-30, COM-34 rectifié à COM-36 et COM-65), ainsi que quatre amendements visant à :

- renvoyer à un arrêté conjoint du ministre des douanes et du ministre des transports la détermination des gares intérieures entre lesquelles un contrôle douanier est possible ( COM-27) ;

- préciser que la visite des personnes ne peut pas constituer en une fouille intégrale ( COM-31) ;

- obliger à conduire les fouilles des personnes à l'abri du regard du public, sauf impossibilité liée aux circonstances ( COM-32) ;

- préciser le contenu des opérations matérielles de visite ( COM-33).

Elle a également adopté l'amendement COM-19 de Jean-Yves Leconte substituant à la notion « d'abords » d'un lieu celle d'un rayon maximal de dix kilomètres ainsi que l'amendement COM-7 d'André Reichardt étendant la possibilité de conduire des visites douanières de 6 heures à 21 heures, contre 8 heures à 20 heures dans le texte initial.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3

Adaptation du droit d'accès et de visite des navires

. L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois6(*).

À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a adopté l'amendement COM-66 afin de prévoir que le droit de visite des navires peut être exercé par les agents des douanes pour les contrôles de l'argent liquide entrant et sortant de l'Union européenne au sens du règlement européen du 23 octobre 20187(*).

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4

Remise à officier de police ou de douane judiciaire
en cas d'infraction flagrante de droit commun

. L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois8(*).

La commission des lois a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 5

Précision sur le fondement des contrôles
aux frontières extérieures

. L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois9(*).

La commission des lois a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 6

Création d'une retenue temporaire d'argent liquide
sur le territoire national

. Le présent article instaure un dispositif de retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire lorsqu'il existe des indices que cet argent est lié à l'une des activités criminelles suivantes : terrorisme, fabrication et trafic de stupéfiants, criminalité organisée, corruption, fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne et fraude fiscale grave. Ce nouveau dispositif se veut le pendant des dispositifs de retenue temporaire applicable aux flux d'argent liquide en provenance ou à destination de l'étranger, en cas de violation des obligations déclaratives ou en cas d'indices faisant état de lien avec l'une des activités criminelles précédemment énumérées.

L'argent liquide, au sens du règlement européen du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union, recouvre les espèces, les cartes prépayées et les marchandises servant de réserves de liquide, par exemple les lingots d'or.

Le rapporteur soutient la création de cette retenue : il avait défendu avec son collègue Claude Nougein un mécanisme similaire dans leur rapport d'information d'octobre 2022 sur la Douane face au trafic de stupéfiants. Ce dispositif viendrait utilement compléter les retenues « aux frontières » en permettant aux agents des douanes d'appréhender des flux qui leur échappent jusqu'ici. La lutte contre les trafics illicites doit en effet s'accompagner en parallèle d'une lutte contre les flux financiers qui y sont liés, l'effet dissuasif s'en trouvant renforcé. De plus, les réseaux criminels se sont adaptés aux contrôles aux frontières et recourent de plus en plus à des collecteurs de fonds sur le territoire national. Or, en l'état actuel du droit, si les agents des douanes détectent une importante somme d'argent, avec des indices laissant présager d'une activité criminelle, ils ne peuvent que dénoncer les faits au procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le rapporteur s'est donc attaché à examiner si cette nouvelle retenue temporaire d'argent liquide « sur le territoire national » était entourée des mêmes garanties que la retenue « aux frontières », s'agissant notamment des indices sur lesquels pourront s'appuyer les agents des douanes (faisceau d'indices identiques à ceux retenus pour le dispositif « aux frontières »), de la durée de retenue (30 jours renouvelables jusqu'à un maximum de 90 jours) et de recours. À cet égard, pour tenir compte d'un arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2023, la commission a, sur proposition du rapporteur, adopté l'amendement COM-67 visant à préciser qu'en plus de la personne à laquelle a été notifiée la décision de retenue temporaire, le propriétaire de l'argent liquide, s'il s'agit d'une autre personne, peut aussi exercer un recours contre cette décision.

La commission a adopté deux autres amendements rédactionnels ( COM-68 et COM-69) puis adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DEPUIS 2020, UN DISPOSITIF RENFORCÉ DE RETENUE D'ARGENT LIQUIDE AUX FRONTIÈRES

La réintroduction de produits illicites dans l'économie et le détournement de fonds pour financer des activités illicites constituent des atteintes au bon fonctionnement du marché intérieur, à l'intégrité du système financier et à l'efficacité de la lutte contre les activités criminelles.

Par conséquent, sous l'impulsion du droit européen, dont les dispositions ont été traduites en droit national par l'article 13 de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière10(*) (loi DDADUE), le contrôle des flux d'argent liquide aux frontières a été renforcé. Il se compose désormais d'un double dispositif, articulé autour, d'une part, des obligations déclaratives des personnes physiques auprès des agents de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et, d'autre part, de la possibilité pour la Douane de retenir temporairement l'argent liquide lorsqu'il existe des indices que cet argent pourrait être lié à une activité criminelle.

Les articles 134 et 267 du code des douanes de l'Union11(*) (CDU) prévoient, respectivement à l'entrée et à la sortie du territoire douanier, que les marchandises soumises à la surveillance douanière puissent faire l'objet de mesures de prohibition ou de restriction et de contrôles douaniers, parmi lesquels le contrôle de l'argent liquide. Ce dernier suppose en effet une vigilance particulière au regard de la lutte contre le blanchiment des infractions douanières.

La définition « d'argent liquide » a été précisée par le règlement européen 2018/1672 du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union12(*) (règlement « cash control »). L'argent liquide recouvre les espèces, les instruments négociables au porteur, les cartes prépayées et les marchandises servant de réserves de liquide, ces dernières désignant les pièces contenant au moins 90 % d'or et le métal non monnayé tel que les lingots, les pépites et les autres agglomérats d'or natif contenant au moins 99,5 % d'or.

Le règlement européen13(*) a également enjoint aux États membres de renforcer leur dispositif en matière de contrôle des flux d'argent liquide, en incluant les flux d'argent liquide « non accompagné », sans porteur physique, et en étendant la retenue temporaire. Le règlement demandait également aux États membres de prévoir un recours contre les décisions de retenue temporaire.

A. DES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES RENFORCÉES POUR COUVRIR LES FLUX D'ARGENT LIQUIDE « NON ACCOMPAGNÉ » AUX FRONTIÈRES

Aux termes de l'article 464 du code des douanes, les transports par porteur et les envois sans l'intervention d'un porteur d'argent liquide doivent être déclarés auprès de la douane, dans les conditions prévues aux articles L. 152-1 à L. 152-1-2 du code monétaire et financier (CMF).

L'article 465 du code des douanes précise que la méconnaissance de ces obligations déclaratives est recherchée, constatée et réprimée par les agents des douanes, dans les conditions prévues à l'article L. 152-4 du CMF. Il ajoute que les agents des douanes peuvent procéder à la retenue temporaire de l'argent liquide à destination ou en provenance de l'étranger, cette décision étant susceptible de recours.

Ces obligations et les prérogatives de la Douane ont été progressivement renforcées, en particulier par l'article 13 de la loi DDADUE, qui avait pour principal objectif de modifier le cadre national afin qu'il soit conforme aux dispositions du règlement européen « cash control ».

1. Une obligation déclarative générale pour les porteurs d'argent liquide d'un montant supérieur à 10 000 euros, étendue aux flux d'argent liquide « non accompagné »

Aux termes de l'article L. 152-1 du CMF, les porteurs transportant de l'argent liquide vers ou en provenance d'un État membre de l'Union européenne doivent en faire la déclaration à la Douane lorsque le montant transporté est égal ou supérieur à 10 000 euros. Toute personne physique transportant de l'argent liquide sur elle, dans ses bagages ou dans ses moyens de transport, pour elle ou pour le compte d'un tiers, est considérée comme un porteur.

Conformément à l'article 3 du règlement « cash control », l'article R. 152-6 du CMF fixe les informations devant obligatoirement figurer sur cette déclaration. Il s'agit des informations concernant le porteur (noms, prénoms, coordonnées, date et lieu de naissance, nationalité, numéro d'un document d'identité), le propriétaire de l'argent liquide, le destinataire projeté de l'argent liquide si l'information est disponible, la nature et le montant de l'argent liquide, sa provenance économique, l'usage qu'il est prévu d'en faire, l'itinéraire de transport et enfin les moyens de transport.

L'article 13 de la loi DDADUE a étendu ces obligations en prévoyant, à l'article L. 152-1-1 du CMF, une obligation de divulgation pour l'argent liquide « non accompagné ». Ainsi, lorsqu'une somme d'argent liquide, égale ou supérieure à 10 000 euros, fait partie d'un envoi en provenance ou vers un État membre de l'Union européenne, sans l'intervention d'un porteur, les agents des douanes peuvent exiger que l'expéditeur, le destinataire ou leur représentant fasse une déclaration de divulgation, dans un délai de 30 jours. Ils peuvent également retenir cet argent jusqu'au dépôt de la déclaration.

Les informations devant figurer sur la déclaration de divulgation sont listées à l'article R. 152-7 du CMF, conformément à l'article 4 du règlement « cash control ». Il s'agit des informations concernant le déclarant, le propriétaire de l'argent liquide, l'expéditeur de l'argent liquide, le destinataire ou le destinataire projeté de l'argent liquide, la nature et le montant de l'argent liquide, sa provenance économique et l'usage qu'il est prévu d'en faire.

Il convient de relever que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la retenue temporaire d'argent liquide aux frontières, en l'espèce en l'absence de satisfaction aux obligations déclaratives, ne constituait pas en soi une atteinte disproportionnée au droit à la propriété14(*). Elle estime que les États ont un intérêt légitime à mettre en oeuvre de telles mesures pour lutter contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme, le trafic de stupéfiants, le crime organisé ou l'évasion fiscale, à condition que ces mesures soient proportionnées et qu'il existe un droit au recours effectif.

2. Des obligations déclaratives assorties de sanction

L'article L. 152-1-2 du CMF précise que les obligations déclaratives et de divulgation ne sont pas réputées exécutées si les informations fournies sont incorrectes ou incomplètes, ou bien si l'argent liquide n'est pas mis à la disposition de l'administration des douanes à sa demande, à l'occasion d'un contrôle lors d'un transport.

De plus, depuis la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement15(*), il est précisé que les obligations ne sont pas non plus considérées comme exécutées lorsque l'argent liquide transporté par un porteur ou non accompagné excède 50 000 euros et n'est pas accompagné de documents permettant de justifier de sa provenance16(*). Ce seuil était issu d'un amendement du rapporteur, également rapporteur pour avis de ce projet de loi.

La méconnaissance des obligations de déclaration et de divulgation est punie d'une amende égale à 50 % du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction ou la tentative d'infraction17(*). Le Conseil constitutionnel a déclaré cette sanction conforme à la Constitution et au principe de proportionnalité des peines18(*). Il a rappelé que la sanction de cette obligation déclarative vise à assurer l'efficacité de la surveillance par l'administration des mouvements financiers internationaux. Il a ajouté que le législateur, en voulant ainsi lutter contre le blanchiment des capitaux, la fraude fiscale et les mouvements financiers portant sur des sommes d'origine frauduleuse, a poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi que celui de sauvegarde de l'ordre public.

L'article L. 152-4 du CMF précise qu'en sus de cette amende, les agents des douanes peuvent prononcer la retenue temporaire de cet argent liquide en cas de méconnaissance de ces obligations.

La durée de la retenue ne peut être supérieure à 30 jours, renouvelable jusqu'à un maximum de 90 jours. Les motifs de la retenue doivent être notifiés à l'auteur de l'infraction aux obligations déclaratives ou de divulgation. Au terme de la durée de 90 jours, l'argent liquide est soit remis, soit consigné, si les nécessités de l'enquête l'exigent et sur autorisation du procureur de la République. Dans ce cas, la consignation ne peut excéder 12 mois à compter du premier jour de la retenue temporaire. Les agents des douanes peuvent en parallèle retenir, pour les besoins de l'enquête, les documents se rapportant à l'argent liquide retenu temporairement ou en prendre copie.

L'argent liquide peut également être saisi et la confiscation prononcée par la juridiction compétente si, pendant la durée de la retenue temporaire ou de la consignation, il est établi que l'auteur de l'infraction aux obligations déclaratives19(*) est ou a été l'auteur présumé d'une ou de plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes.

B. UNE EXTENSION DE LA RETENUE TEMPORAIRE D'ARGENT LIQUIDE AUX FRONTIÈRES EN CAS D'INDICES LAISSANT PRÉSUMER D'UN LIEN AVEC UNE ACTIVITÉ CRIMINELLE

1. Une retenue temporaire d'argent liquide « aux frontières » en cas de liens avec une activité criminelle

Inscrivant en droit national les dispositions de l'article 7 du règlement (UE) 2018/1672, l'article 13 de la loi DDADUE a conduit à la création de l'article L. 152-4-1 du CMF, entré en vigueur le 3 juin 2021. Il étend la possibilité pour les agents des douanes de procéder à la retenue temporaire d'argent liquide aux frontières lorsqu'il existe des indices qu'il est lié à l'une des activités énumérées au 4 de l'article 3 de la directive du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme20(*) (« 4e directive anti-blanchiment »). Ces activités sont celles relevant du terrorisme, de la fabrication et du trafic de stupéfiants, de la criminalité organisée, de la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, de la corruption ainsi que de la fraude fiscale punie d'une peine privative de liberté.

La retenue peut donc être décidée même si la somme est inférieure à 10 000 euros ou que les obligations de déclaration et de divulgation ont été accomplies, et pour tous les flux en provenance d'un État non-membre de l'Union européenne ou d'un État membre, ou à destination de tels États.

Elle s'exerce dans les conditions prévues à l'article L. 152-4 du CMF précédemment décrites, notamment en ce qui concerne sa durée. Les motifs de la retenue temporaire doivent être notifiés au porteur, à l'expéditeur ou au destinataire de l'argent liquide, ou à son représentant.

La décision de retenue temporaire, que ce soit celle prévue à l'article L. 152-4 (infraction aux obligations déclaratives) ou celle prévue à l'article L. 152-4-1 (indices) du CMF, est susceptible de recours, ce recours n'étant pas suspensif. L'article L. 152-5 du CMF précise que ce recours doit être exercé devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, par la personne à laquelle la décision de retenue temporaire a été notifiée. Le recours doit obéir à des conditions formelles : il doit être formé par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de 15 jours qui court à compter de la notification de la décision. L'ordonnance du président de la chambre d'instruction est elle-même susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale.

2. Un dispositif désormais régulièrement mobilisé par les agents des douanes

Le contrat d'objectifs et de moyens de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) pour la période 2022-2025 comprend un axe relatif à l'amplification de la lutte contre les trafics et la criminalité organisée ainsi que contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L'un des enjeux soulignés dans le cadre de ce contrat est de mettre en oeuvre les nouvelles règles européennes en matière de déclaration et de contrôle d'argent liquide, adoptées à la fin de l'année 2020.

D'après les informations communiquées au rapporteur21(*), il y aurait eu au total 54 retenues temporaires d'argent liquide du fait d'indices de lien avec une activité criminelle en 2021 et en 2022, pour un montant d'environ 1,5 million d'euros. 11 recours avaient été déposés sur le premier semestre 2021, tous rejetés.

4 retenues sur 20 ont donné lieu à une enquête administrative ou judiciaire en 2021 et 10 sur 34 en 2022. Le nombre de ces retenues demeure toutefois encore limité par rapport aux retenues effectuées en cas de manquement aux obligations déclaratives, à savoir 500 en 202222(*), pour un montant total de 18,5 millions d'euros.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PRÉVOIR UN DISPOSITIF DE RETENUE TEMPORAIRE DE L'ARGENT LIQUIDE CIRCULANT À L'INTÉRIEUR DU TERRITOIRE NATIONAL

Le présent article insère au sein du chapitre VI du titre II du code des douanes une nouvelle section 7 ter intitulée « Retenue temporaire d'argent liquide ». Cette nouvelle section serait composée de trois articles (articles 67 ter B à 67 ter D).

Aux termes du nouvel article 67 ter B du code des douanes, les agents des douanes pourront, à l'occasion de leurs contrôles, retenir temporairement l'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire national et n'étant pas en provenance ou à destination de l'étranger, lorsqu'il existe des indices que cet argent liquide, au sens du règlement européen 2018/1672 (« cash control »), est lié à l'une des activités criminelles énumérées au 4 de l'article 3 de la directive 2015/489 précitée. Il n'y a donc pas de « plancher », même si la nécessité de disposer d'indices pour procéder à la retenue su

Lors de cette retenue, les agents des douanes pourront également retenir, pour les besoins de l'enquête, les documents se rapportant à l'argent liquide retenu temporairement ou en prendre copie, quel qu'en soit le support.

La durée de la retenue temporaire sera de 30 jours, renouvelables jusqu'à un maximum de 90 jours. Les motifs de la retenue devront être notifiés au porteur, au détenteur, à l'expéditeur ou au destinataire de l'argent liquide ou à leur représentant.

L'article 67 ter C porte les dispositions applicables en matière de recours. La décision de retenue temporaire pourra faire l'objet d'un recours par la personne notifiée devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure. L'ordonnance du président de la chambre de l'instruction sera susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale.

Le recours devra respecter des conditions formelles, notamment être remis par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour d'appel dans un délai de 15 jours courant à compter de la notification de la décision de retenue temporaire, étant précisé que ce recours n'est pas suspensif. Les voies et délais de recours seront mentionnés dans la décision de retenue temporaire.

L'article 67 ter D précise enfin qu'au terme de la retenue temporaire, l'argent liquide est restitué à la personne à qui il a été retenu, sauf en cas de saisie.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DISPOSITION NÉCESSAIRE POUR PERMETTRE AUX AGENTS DES DOUANES D'APPRÉHENDER LES FLUX FINANCIERS À L'INTÉRIEUR DU TERRITOIRE NATIONAL ET LIÉS À DES ACTIVITÉS ILLICITES

Le rapporteur soutient la création d'une retenue temporaire d'argent liquide sur le territoire national, d'autant qu'elle est assortie des garanties nécessaires à son bon usage. Il avait par ailleurs défendu cette mesure avec son collègue Claude Nougein dans le cadre de leur rapport sur la Douane face au trafic de stupéfiants23(*). Une telle prérogative est en effet de nature à permettre aux agents des douanes de mieux appréhender certains flux financiers illicites, liés par exemple au trafic de stupéfiants.

A. UNE PRÉROGATIVE NOUVELLE POUR LES AGENTS DES DOUANES, QUI DOIT ÊTRE ENTOURÉE DES GARANTIES NÉCESSAIRES À SON BON EXERCICE

1. Un cadre d'intervention et une durée de retenue précisément définis

Le présent article vise concrètement à créer, en parallèle de la retenue temporaire d'argent liquide aux frontières, une retenue temporaire d'argent liquide sur le territoire national, lorsqu'il existe des indices d'un lien avec les activités criminelles que sont le terrorisme, la fabrication et le trafic de stupéfiants, la criminalité organisée, la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, la corruption ainsi que la fraude fiscale grave. Il vient donc utilement compléter les dispositions existantes en matière de déclaration, de divulgation et de retenue temporaire d'argent liquide aux frontières.

Cependant, contrairement au contrôle des flux d'argent liquide non accompagné ou de la retenue temporaire aux frontières en cas d'indices de lien de cet argent avec une activité criminelle, le présent dispositif ne répond pas à une exigence imposée et encadrée par le droit européen. Le rapporteur s'est donc attaché à vérifier qu'il était entouré des garanties nécessaires, et notamment de celles prévues pour les retenues temporaires d'argent liquide aux frontières.

Le cadre d'intervention serait tout d'abord celui des contrôles pouvant être opérés par les agents des douanes aux termes des dispositions du chapitre IV du titre II du code des douanes, relatif aux « Pouvoirs des agents des douanes », c'est-à-dire le droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, tel que modifié par les dispositions du présent projet de loi, ainsi que les visites domiciliaires, les contrôles douaniers des envois par la poste, le contrôle des titres ou encore les enquêtes douanières. Ces contrôles sont eux-mêmes entourés de garanties propres à leur exercice (personnels concernés, rôle de l'autorité judiciaire, recours, encadrement des prérogatives douanières).

La retenue temporaire d'argent liquide ne pourrait ensuite être opérée par les agents des douanes qu'en cas d'indices faisant état de lien entre cet argent et des activités criminelles au sens de la directive 2015/489 précitée, indices justifiant des vérifications complémentaires pour rechercher les éléments constitutifs d'une infraction douanière. Une formulation identique est employée pour la retenue aux frontières et la direction générale des douanes et des droits indirects a confirmé en audition que la même technique du faisceau d'indices serait employée par les agents des douanes (déclarations contradictoires du porteur, factures inexpliquées, déplacements antérieurs, existence de caches naturelles ou aménagées, conditionnement des sommes et répartition dans des enveloppes numérotées, détection positive aux stupéfiants sur les billets ou leur contenant, manoeuvres de dissimulation, etc.). Ainsi, s'il n'y a pas de seuil « plancher » pour la retenue, à l'instar de la saisie aux frontières en cas d'indices de lien avec une activité criminelle, l'importance de la somme d'argent liquide transporté constituera toutefois un indice pouvant être pris en compte, parmi d'autres, pour apprécier l'existence d'un lien potentiel entre cet argent et une activité de blanchiment ou de trafic par exemple.

Les motifs de la retenue devront également être notifiés au porteur, au détenteur, à l'expéditeur ou destinataire de l'argent liquide.

Ces précisions sont importantes : dans plusieurs décisions, y compris celle portant sur la non-conformité à la Constitution du droit de visite des agents douaniers24(*), le Conseil constitutionnel a rappelé que, pour apprécier la conciliation opérée par le législateur entre la recherche des auteurs d'infractions d'une part et les droits et libertés des personnes concernées d'autre part, il tenait compte des précisions apportées au cadre applicable à la conduite des opérations douanières, y compris donc l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction. Il est dès lors impératif, pour les agents des douanes, de pouvoir circonstancier l'application de leurs prérogatives.

La durée de rétention serait également la même que celle prévue pour la rétention temporaire d'argent liquide aux frontières, à savoir 30 jours renouvelable dans la limite de 90 jours maximum. La DGDDI estime que c'est un délai suffisant pour procéder aux premières vérifications, avant éventuellement de saisir l'argent liquide.

2. Un droit au recours à préciser pour tenir compte de la jurisprudence de la Cour de cassation

Les modalités de recours contre la décision de retenue temporaire sont identiques : les dispositions du nouvel article 67 ter C du code des douanes reprennent celles de l'article L. 152-5 du code monétaire et financier.

L'existence d'un droit au recours est essentielle puisqu'elle répond à une double exigence européenne et constitutionnelle. L'article 44 du code des douanes de l'Union dispose ainsi que « toute personne a le droit d'exercer un recours contre les décisions relatives à l'application de la législation douanière prise par les autorités douanières et qui la concernent directement et individuellement », recours exercé « au minimum en deux temps », avec une procédure de pourvoi. L'article 45 précise que, sauf situations particulières, ce recours n'est pas suspensif de l'exécution de la décision contestée.

Dans un arrêt du 22 mars 202325(*), la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l'article L. 152-5 du CMF, reprises à l'identique au sein du nouvel article 67 ter C créé par le présent article, ne faisaient pas obstacle à ce que le propriétaire de l'argent liquide puisse exercer un recours contre une retenue temporaire d'argent liquide aux frontières, même lorsque ce n'est pas lui qui a été notifié de cette décision mais un tiers, en l'espèce le porteur des sommes. Dans son raisonnement, la Cour de cassation s'est appuyée sur les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatifs au droit au procès équitable et au droit à un recours effectif, ainsi que sur l'article 1 du Protocole additionnel n° 1, relatif au droit de propriété.

À l'initiative du rapporteur, la commission a donc adopté l'amendement  COM-67 pour apporter cette précision aux articles L. 152-5 du CMF et 67 ter C du code des douanes et intégrer la jurisprudence de la Cour de cassation.

3. À l'issue de la retenue temporaire, l'argent liquide devra être restitué, sauf en cas de saisie

À l'issue de la retenue temporaire, le nouvel article 67 ter D du code des douanes précise que l'argent liquide sera restitué, sauf en cas de saisie. Cette disposition est conforme à ce qui est prévu pour la retenue temporaire d'argent liquide aux frontières en cas d'indices de lien avec une activité criminelle mais diffère de ce qui est prévu pour la retenue temporaire en cas de manquements aux obligations déclaratives.

Aux termes du II de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier, les douanes peuvent en effet décider de consigner l'argent liquide retenu si les nécessités de l'enquête l'exigent et sur autorisation du procureur de la République, dans une limite de 12 mois à compter du premier jour de la retenue. Dans ce cadre, la saisie intervient si les agents des douanes ont établi, pendant la retenue temporaire ou pendant la consignation, que l'auteur de l'infraction aux obligations de déclaration ou de divulgation est en possession d'objets laissant présumer qu'il est ou a été l'auteur d'une ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu'il a participé à leur commission.

Le rapporteur s'est donc interrogé sur l'opportunité de répliquer cette disposition pour la retenue temporaire d'argent liquide sur le territoire national. Cependant, comme l'ont confirmé les informations qui lui ont été transmises, la consignation de l'argent liquide s'inscrit dans la situation particulière où il y a eu auparavant infraction aux obligations déclaratives. Dans ce cas, un temps supplémentaire peut être nécessaire pour procéder aux investigations douanières afin de déterminer s'il s'agit simplement d'un défaut de déclaration ou bien de la volonté de dissimuler le produit d'une infraction douanière. Or, dans le cas des retenues temporaires du fait d'indices faisant état de liens entre l'argent liquide et une activité criminelle, aux frontières comme sur le territoire national, les agents des douanes doivent avoir pris cette décision sur la base des indices dont ils disposent.

Dans ce cas, c'est bien le délai de retenue de 90 jours maximum qui doit leur permettre de procéder à leurs investigations et de décider ou non d'ouvrir une enquête, administrative comme judiciaire. Prévoir une alternative simple entre restitution et saisie peut dès lors apparaître plus protecteur pour la personne visée, qui n'a pas commis d'infraction au préalable, en l'absence de toute obligation déclarative pour la circulation d'argent liquide à l'intérieur du territoire.

B. UN DISPOSITIF VENANT UTILEMENT COMPLÉTER LA RETENUE TEMPORAIRE D'ARGENT LIQUIDE AUX FRONTIÈRES

À l'instar de ce qu'avait pu dire la commission lors de l'examen de l'article 13 du PJL DDADUE, qui a étendu les prérogatives de la Douane en matière de contrôle des flux d'argent liquide, en ciblant les envois sans porteur et les flux liés à une activité criminelle, la disposition proposée au présent article est indispensable dans la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment d'argent, le crime organisé et le trafic de stupéfiants, y compris par l'intermédiaire des « mules ». Elle couvrirait à la fois l'argent liquide transporté par les personnes physiques et les flux non accompagnés.

La création d'une retenue temporaire d'argent liquide sur le territoire national vient dès lors utilement compléter les dispositifs de retenue aux frontières, soit en l'absence de déclaration, soit en cas d'indices de lien avec une activité criminelle. Les agents des douanes pourront s'appuyer sur l'expérience acquise ces deux dernières années dans la mise en oeuvre du dispositif aux frontières, d'autant qu'il s'agit de l'un des axes prioritaires d'action de la Douane.

Le contrat d'objectifs et de moyens de la DGDDI pour la période 2022-2025 comprend en effet un axe 6 relatif à l'amplification de la lutte contre les trafics et la criminalité organisée ainsi que contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L'une des principales mesures prévues dans ce cadre a trait aux procédures de déclaration et de retenue d'argent liquide.

Comme le rapporteur l'avait souligné dans le rapport qu'il avait commis avec son collègue Claude Nougein sur la Douane et le trafic de stupéfiants26(*), pour être efficace, la lutte contre les trafics illicites doit être conçue et opérée conjointement avec la lutte contre les flux financiers qui y sont liés. La Douane dispose dans ces deux situations d'un positionnement privilégié, de par son action aux frontières et sa possibilité de contrôler les flux sur le territoire national.

L'une des recommandations du rapport portait ainsi sur la possibilité de créer une retenue temporaire d'argent liquide à l'occasion des sommes découvertes lors de la fouille d'un véhicule ou d'un contrôle de marchandises sans passage de frontières. La DGDDI avait en effet expliqué aux rapporteurs spéciaux être insuffisamment armée juridiquement pour pouvoir lutter contre les flux financiers illicites sur le territoire, en dehors de tout franchissement de frontière. De même, matérialiser un délit de blanchiment douanier (article 415 du code des douanes) est particulièrement difficile pour des mouvements physiques d'argent allant d'un point à un autre du territoire national, sauf à pouvoir caractériser une opération avec l'étranger réalisée par compensation, ce qui suppose une enquête approfondie et excède donc généralement le cadre du contrôle.

Dans ces situations, et ne s'agissant pas d'une infraction douanière, les agents des douanes peuvent donc soit dénoncer les faits au procureur de la République (article 40 du code de procédure pénale) qui, en retour, peut saisir des officiers de police judiciaire, soit, en situation de flagrance, remettre la personne à l'officier de police judiciaire le plus proche (article 73 du code de procédure pénale). La Douane ne dispose pas pour autant du pouvoir de retenir les personnes concernées ou leurs biens. Il lui est dès lors impossible, dans le droit actuel, de retenir de l'argent découvert dans le cadre d'un contrôle douanier à l'intérieur du territoire, même s'il y a des traces de stupéfiants sur les billets.

L'absence de dispositif de retenue temporaire sur le territoire pose d'autant plus de difficultés qu'il y a de moins en moins de mouvements de fonds aux frontières, les réseaux criminels ayant adapté leurs circuits financiers. C'est notamment le cas en matière de trafics illicites, les organisations criminelles recourant de plus en plus, sur le territoire national, à des collecteurs de l'argent liquide issu de ces trafics (stupéfiants, armes, tabac, contrefaçons) ou servant à les financer (activités terroristes).

De même, dans le cas du recours aux « mules » en provenance de Guyane pour le transport de la cocaïne, les agents des douanes ne sont aujourd'hui pas en mesure d'agir sur les flux « retour », en retenant par exemple l'argent transporté par les personnes en rémunération de leur passage. Ce transport d'argent n'implique en effet aucun franchissement de frontières, les déplacements s'effectuant entre la métropole et la Guyane.

Or, la DGDDI comme la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ont confirmé qu'il était presque plus efficace de travailler sur les flux retour et sur les « mules financières », avec un effet dissuasif plus important à l'égard des personnes qui seraient tentées d'accepter de transporter de la drogue, à corps ou ingérée, et de prendre ce risque très lourd pour leur intégrité physique et pour leur santé.

Le rapporteur ne peut donc que se féliciter que sa recommandation trouve une traduction dans le présent article. Plus généralement, la retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire national permettra aux agents des douanes de pouvoir rechercher davantage d'éléments constitutifs d'infractions douanières.

Elle participe aussi du renforcement de la complémentarité entre la Douane et l'autorité judiciaire : les agents des douanes pourront signaler certains dossiers aux procureurs de la République, qui pourront ouvrir des enquêtes judiciaires.

Dans cette perspective, pour donner sa pleine portée à ce dispositif et faciliter les investigations des agents de la douane, le rapporteur s'est interrogé sur la possibilité d'autoriser les agents des douanes à demander certaines informations sur l'argent liquide retenu au porteur, à l'expéditeur ou au destinataire de l'argent liquide, ou à leur représentant. La liste de ces informations pourrait être fixée par décret en Conseil d'État.

Une telle disposition s'inspirerait de ce qui est prévu pour la retenue temporaire d'argent liquide aux frontières en cas d'indices de lien de cet argent avec une activité criminelle. Aux termes de l'article L. 152-4-1 du code monétaire et financier, les porteurs, expéditeurs, destinataires ou leurs représentants sont tenus de fournir à l'administration des douanes des informations dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État. Le décret27(*) renvoie aux articles R. 152-6 et R. 152-7 du code monétaire et financier, qui listent les informations qui doivent figurer sur les déclarations d'argent liquide et les déclarations de divulgation, conformément aux articles 3 et 4 du règlement européen « cash control » (cf. supra).

Le rapporteur ne disposant pas encore d'éléments suffisants pour apprécier la portée de cette modification, d'autant plus qu'il n'y a pas d'obligations déclaratives pour l'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire national, il n'a pas proposé d'amendement au stade de l'examen en commission.

Il importera enfin de pouvoir disposer de données fiables sur l'utilisation de cette nouvelle retenue temporaire d'argent liquide, alors que la Douane vise 100 retenues sur le territoire national par an28(*). L'un des indicateurs de suivi du contrat d'objectifs et de moyens de la DGDDI porte sur le nombre de retenues d'argent liquide effectuées aux frontières : il conviendrait d'y inclure à la fois les retenues « aux frontières » et les retenues effectuées sur le territoire national, en les distinguant. Cet indicateur ne pourra pas seulement être quantitatif : les douanes devront être en mesure de préciser si les retenues ont ensuite donné lieu à des saisies, à des confiscations ou à des enquêtes, en cas d'infractions douanières caractérisées.

*

Sur proposition du rapporteur, la commission a également adopté deux amendements rédactionnels ( COM-68 et COM-69).

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 7

Création d'une réserve opérationnelle douanière

. Le présent article a pour objet de créer une réserve opérationnelle douanière, dont le cadre s'inspire de celui applicable à la réserve opérationnelle de la police nationale. La réserve serait composée de retraités de l'administration des douanes et de personnes volontaires qui exerceraient des missions de renfort temporaire des agents des douanes ainsi que des missions plus spécialisées.

L'un des principaux objectifs poursuivis par la création de cette réserve est en effet de pouvoir fidéliser des profils d'experts qui n'ont pas nécessairement vocation à travailler à temps plein pour la Douane, soit qu'ils exercent un autre métier, soit qu'ils aient atteint l'âge de la retraite. Il s'agit par exemple de garde-frontières, de moniteurs de tirs, d'experts en maintenance aérienne ou navale ou de militaires en mesure d'assurer certaines fonctions d'entrainement opérationnel.

La commission estime tout à fait justifié que la Douane dispose d'une réserve opérationnelle, alors qu'elle est le dernier corps en uniforme de l'État à ne pas avoir de réservistes. Elle est également favorable au « double emploi » prévu pour la réserve opérationnelle, avec à la fois des missions de soutien, pour pallier des urgences ou des pics d'activité - dans un contexte où la France s'apprête à accueillir des grands événements internationaux comme les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 - et des missions de « spécialistes », faisant appel à des compétences rares.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : CONTRAIREMENT À D'AUTRES CORPS EN UNIFORME, LA DOUANE NE DISPOSE PAS DE RÉSERVE OPÉRATIONNELLE

A. « PARIS-SPÉCIAL », UN SERVICE POUR FAIRE FACE AUX ACCROISSEMENTS TEMPORAIRES D'ACTIVITÉ DE LA DOUANE

Pour faire face à un accroissement temporaire de la charge de travail d'une brigade, d'un service ou d'une direction, la Douane dispose aujourd'hui du service Paris-Spécial, composé de 315 agents, dont 117 de la branche surveillance et 198 de la branche administration générale/ opérations commerciales29(*).

Ces agents peuvent exercer l'ensemble des fonctions dévolues aux agents des douanes : tenue des points de passage frontaliers ou lutte contre la fraude pour la branche surveillance ; fonctions support, dédouanement, fiscalité et management pour la branche administration générale/opérations commerciales. Ils sont principalement mobilisés pour répondre aux situations suivantes :

- une hausse conjoncturelle d'activité, notamment dans le cadre d'événements internationaux (sommets de chefs d'État, événements sportifs) ou de trafic à forte variation saisonnière (renfort de certains points de passage frontaliers en été ou en hiver) ;

- un service temporairement en sous-effectif (maladie, absence, vacance de poste) ;

- la création d'une nouvelle structure, avec la constitution d'une équipe dédiée pour amorcer son fonctionnement en l'attente de l'affectation pérenne de personnels (création des bureaux Brexit) ;

l'accompagnement à la réorganisation de missions et à la gestion des périodes de transition, par exemple en cas de fermeture d'un service.

Paris-Spécial ne constitue donc pas une réserve opérationnelle mais est composé d'agents des douanes, mobilisables pour diverses missions sur le territoire.

B. UN EXEMPLE RÉCENT : LA CRÉATION DE LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DE LA POLICE NATIONALE

Les autres corps de fonctionnaires « en uniforme » disposent tous de réserves opérationnelles : armées, gendarmerie nationale, police nationale. La réforme la plus récente est intervenue avec la création de la réserve opérationnelle de la police nationale (articles L. 411-7 à L. 411-17 du code de la sécurité intérieure)30(*), issue de la transformation de la réserve civile de la police nationale.

Les dispositions du présent article s'inspirent très largement de celles applicables à la réserve opérationnelle de la police nationale, telles qu'issues de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.31(*) Les policiers réservistes peuvent exercer des missions de renfort temporaire des forces de sécurité intérieure, à l'exception des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public.

Il convient de rappeler que la création de la réserve opérationnelle de la police nationale avait été portée par le Sénat dans le cadre de la loi du 25 mai 2021 dite « Sécurité globale »32(*), mais que la disposition avait été déclaré cavalier législatif par le Conseil constitutionnel.

L'un des objectifs de la transformation de la réserve civile en réserve opérationnelle était de répliquer pour les policiers réservistes ce qui avait cours pour les gendarmes réservistes : les volontaires sont considérés comme des militaires à part entière, ils exercent les mêmes missions que les gendarmes d'active, ils peuvent être armés et ils bénéficient d'une formation.

La réforme de la réserve de la police nationale visait ainsi à pouvoir proposer à l'ensemble des réservistes, y compris ceux qui ne sont ni retraités des corps actifs de la police nationale ni anciens policiers-adjoints, de remplir, après une période de formation, des missions de nature opérationnelle en tenue d'uniforme et armés, à l'exception des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION D'UNE RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DOUANIÈRE, SUR LE MODÈLE DE LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DE LA POLICE NATIONALE

Le présent article insère au sein du titre II du code des douanes un nouveau chapitre II bis intitulé « Réserve opérationnelle de l'administration des douanes ». Ce nouveau chapitre serait composé de dix nouveaux articles (articles 52 bis à 52 undecies), relatifs à la doctrine d'emploi de la réserve ainsi qu'à la composition, au fonctionnement et au statut des douaniers réservistes.

Un décret en Conseil d'État devrait également déterminer les conditions d'application de ce chapitre (article 52 undecies).

A. UNE RÉSERVE COMPOSÉE D'AGENTS DES DOUANES RETRAITÉS ET DE VOLONTAIRES

L'article 52 bis dispose tout d'abord que la réserve opérationnelle des douanes est destinée à des missions de renfort temporaire de la Douane. Elle serait constituée de deux types de profils :

- des retraités de l'administration des douanes, qui conserveraient le grade qu'ils détenaient lorsqu'ils étaient en activité ;

- des personnes volontaires, dans les conditions définies aux articles 52 ter à 52 quinquies. Les volontaires ne seraient admis qu'à l'issue d'une période de formation initiale, en qualité d'agent des douanes réserviste. Plusieurs grades seraient prévus : agent de constatation réserviste, agent de constatation principal réserviste, contrôleur réserviste, contrôleur principal réserviste, inspecteur réserviste, inspecteur régional réserviste, inspecteur principal réserviste, directeur des services douaniers réserviste et spécialiste réserviste.

L'article 52 ter liste les critères que les candidats devraient satisfaire pour être admis en tant que volontaire :

- être de nationalité française ;

- être âgé d'au moins 18 ans ;

- ne pas avoir été condamné soit à la perte des droits civiques ou à l'interdiction d'exercer un emploi public, soit à une peine criminelle ou correctionnelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;

- satisfaire à certaines conditions de santé requises pour exercer une activité dans la réserve. Ces conditions seraient définies par un arrêté du ministre chargé du budget.

Toutefois, même si un candidat venait à répondre à ces critères, il pourrait ne pas être admis dans la réserve si l'enquête administrative, à laquelle il peut être procédé au préalable pour certains emplois publics, démontrait que son comportement était incompatible avec les missions envisagées. Cette enquête est prévue à l'article L. 114-1 du code de sécurité intérieure et peut précéder les décisions administratives de recrutement ou d'affectation concernant des « emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'État » ou « relevant du domaine de la sécurité ou de la défense ».

Pour les agents retraités, la seule condition serait qu'ils n'aient pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice des missions dans la réserve opérationnelle.

B. UNE DOCTRINE D'EMPLOI QUI COUVRE LA QUASI-TOTALITÉ DES MISSIONS DE LA DOUANE

L'article 52 quater définit le cadre d'emploi des agents douaniers réservistes : ils exerceraient des missions de renfort temporaire à la demande des fonctionnaires sous l'autorité desquels ils seraient placés ou des missions de spécialiste correspondant à leur qualification professionnelle.

Ils pourraient pour ce faire être habilités à mettre en oeuvre les pouvoirs dévolus aux agents des douanes, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État. Par conséquent, et s'ils participent à des missions qui les exposent à un risque d'agression, ils pourraient être autorisés à porter une arme. Le décret en Conseil d'État devrait préciser l'autorité compétente pour délivrer ces autorisations, les types d'armes pouvant être autorisés ainsi que les conditions exigées des réservistes, que ce soit en termes de formation, d'entrainement ou d'aptitude physique.

C. DES DISPOSITIONS POUR ASSURER UNE CONCILIATION ENTRE ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES ET ACTIVITÉS DE RÉSERVISTE

Les modalités du contrat d'engagement des agents douaniers réservistes sont définies à l'article 52 quinquies. Souscrit pour une durée comprise entre un an et cinq ans, le contrat définirait les obligations de disponibilité et de formation initiale et continue des réservistes - la durée d'affectation ne pouvant excéder 90 jours - et leur conférerait la qualité de collaborateur occasionnel du service public.

Les collaborateurs occasionnels du service public

Les collaborateurs occasionnels du service public sont des personnes qui contribuent à l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif pour le compte d'une personne publique ou privée, lorsque cette activité revêt un caractère occasionnel.

Au titre de cette activité occasionnelle, ils perçoivent une rémunération fixée par des dispositions législatives ou réglementaires ou par décision de justice. Les collaborateurs occasionnels sont affiliés au régime général de la Sécurité sociale par détermination de la loi. C'est l'organisme pour le compte duquel est effectuée la mission de service public qui est chargé du versement des cotisations et contributions sociales.

Source : Urssaf, «  Les collaborateurs occasionnels du service public »

La Douane pourrait prononcer la radiation de la réserve opérationnelle de tout agent manquant aux obligations prévues par le contrat d'engagement ou ayant un comportement incompatible avec l'exercice de ses missions. Le contrat pourrait également être résilié ou suspendu en cas de manquement, si l'agent des douanes réserviste cessait de remplir les conditions d'éligibilité ou en cas de nécessité tenant à l'ordre public.

L'article 52 sexies prévoit que les périodes de formation continue et d'emploi sont indemnisées, tandis que l'article 52 septies précise les conditions de « conciliation » de la vie professionnelle des salariés avec leur temps en réserve :

- sous réserve de dispositions plus favorables33(*), l'accord de l'employeur serait nécessaire dès lors que la période d'emploi ou de formation effectuée sur le temps de travail du salarié excède 10 jours ouvrés par année civile. Cet accord ne serait pas nécessaire lorsque le réserviste effectue, durant ses activités au sein de la réserve opérationnelle, une formation professionnelle au titre de l'article L. 6313-1 du code du travail ;

- si le contrat de travail du salarié est suspendu pendant les périodes d'emploi et de formation dans la réserve opérationnelle, ces périodes sont considérées comme des périodes de travail effectif pour tout ce qui relève des avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales ;

- l'employeur qui maintient tout ou partie de la rémunération de son salarié pendant son absence pour une formation suivie dans le cadre de la réserve opérationnelle des douanes pourra admettre la rémunération et les prélèvements sociaux afférents à cette absence au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue (article L. 6131-1 du code du travail).

Pour les fonctionnaires, deux statuts sont à distinguer, à l'instar de ce qui est prévu pour les membres de la réserve militaire ou de la réserve de la police nationale :

- en-deçà de 45 jours (30 jours pour les militaires), les fonctionnaires accomplissant une activité dans la réserve, sur leur temps de travail, sont placés en position d'accomplissement des activités. Concrètement, ils conservent leur traitement (administration d'origine) et sont indemnisés au titre de leur participation aux activités de la réserve opérationnelle ;

- au-delà de 45 jours, et en l'absence de précision dans les textes34(*), les agents seraient placés en situation de détachement auprès de la Douane. Ils ne perçoivent plus leur traitement (à partir du 46e jour) mais ils sont indemnisés au titre de leur participation aux activités de la réserve professionnelle.

Pour les agents publics non contractuels, un décret en Conseil d'État devra préciser leur situation. 

Il est enfin précisé qu'aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire, ne peut être prononcé à l'encontre de l'agent des douanes réserviste en raison de ses absences au titre de ses activités au sein de la réserve opérationnelle des douanes.

D. DES DROITS ET DES OBLIGATIONS POUR LES AGENTS DES DOUANES RÉSERVISTES

Aux termes de l'article 52 octies, les réservistes et leur ayants-droit bénéficieraient, pendant la période d'activité dans la réserve, des prestations d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès du régime de sécurité sociale dont ils relèveraient en dehors de leur service dans la réserve.

L'article 52 decies ajoute qu'en cas de dommages subis pendant les périodes de formation et d'emploi dans la réserve, l'agent douanier réserviste, ou ses ayants-droit en cas de décès, bénéficie de la réparation intégrale du préjudice subi, à la charge de l'État, sauf si le dommage est imputable à un fait personnel détachable du service.

L'article 52 nonies précise enfin que les réservistes bénéficieraient de la protection contre les discriminations, de la protection contre le harcèlement et de la protection fonctionnelle, respectivement prévues aux chapitres Ier, III et IV du titre III du livre Ier du code général de la fonction publique. Ils seraient en revanche soumis aux obligations listées au chapitre Ier du titre II du livre Ier du même code, à savoir exercer leurs fonctions avec dignité, impartialité, intégrité, probité et neutralité, prévenir ou faire cesser les conflits d'intérêt, respecter le secret professionnel et faire preuve de discrétion professionnelle ou encore se conformer aux instructions du supérieur hiérarchique.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DOIT PERMETTRE À LA DOUANE TANT DE RÉPONDRE AUX SITUATIONS D'URGENCE QUE DE POUVOIR BÉNÉFICIER DE COMPÉTENCES RARES

Le rapporteur estime tout à fait nécessaire que la Douane dispose enfin d'une réserve opérationnelle, alors qu'elle est la dernière administration en uniforme de l'État à ne pas disposer de cette facilité opérationnelle. Il se félicite également du « double emploi » des agents douaniers réservistes, avec à la fois des missions de soutien, pour pallier des urgences ou des pics d'activité - dans un contexte où la France s'apprête à accueillir des grands événements internationaux, à l'instar des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 - et des missions de « spécialistes », pour lesquelles la Douane pourra utilement bénéficier de compétences rares.

A. DES DISPOSITIONS ÉQUILIBRÉES ET PROTECTRICES POUR LES AGENTS DOUANIERS RÉSERVISTES

Le présent article s'inspire, pour la création de la réserve opérationnelle des douanes, du cadre régissant la réserve opérationnelle de la police nationale. Sont donc reprises les dispositions que le Sénat avait saluées pour cette réserve, en estimant qu'elles permettaient de faciliter et de mieux reconnaître l'engagement des réservistes :

- la durée maximale du contrat d'engagement est fixée à cinq ans, ce qui peut donner davantage de visibilité aux réservistes et faciliter la gestion des ressources humaines par l'administration des douanes. Pour autant, le contrat d'engagement peut prévoir une durée inférieure, laissant ainsi une certaine souplesse aux réservistes ;

- des dispositions sont prises pour faciliter la conciliation entre temps de réserve et temps de travail, en permettant par exemple aux employeurs maintenant la rémunération de leur salarié réserviste de déclarer ces sommes au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle ;

- les périodes de formation initiale et continue obligatoires sont inscrites dans la loi et dans le contrat d'engagement. Le module de formation initiale durerait environ 128 heures, une durée élevée, et se composerait d'un volet académique centré sur les missions, les valeurs et le positionnement de la Douane et d'un volet plus opérationnel pour couvrir les besoins en termes de qualification aux techniques professionnelles de contrôle et d'intervention, le cas échéant en incluant le maniement des armes35(*). Ce volet de la formation se déroulerait en grande partie sur les sites des écoles des douanes, et notamment à La Rochelle, avec une prise en charge du transport et du logement.

Concernant les dispositions du présent article, le rapporteur s'est plus particulièrement interrogé sur un point : la possibilité que les douaniers réservistes bénéficient, pour les missions qu'ils effectuent et sous réserve d'une habilitation, de l'ensemble des pouvoirs dévolus aux agents des douanes, que ce soit pour le contrôle des flux, avec des dispositions pourtant fortement encadrées comme le droit de visite, ou pour des interventions sur le terrain, dont certaines nécessitent un port d'armes. Le rapporteur a d'ailleurs insisté sur ce dernier point : les conditions d'habilitation devront être strictes et ne pas conduire à ce que tous les réservistes puissent être armés.

D'après les informations qui lui ont été transmises, les douaniers réservistes n'interviendraient pas sur des actes de procédure et, pour ce qui relève des missions de garde-frontières, n'interviendraient que sur des contrôles de « première ligne », c'est-à-dire de vérification du droit de circulation et de séjour des ressortissants franchissant la frontière36(*), les agents des douanes prenant en charge les contrôles complémentaires. L'objectif n'est pas non plus, même s'ils seraient en mesure de le faire, de mobiliser ces réservistes en réponse à des besoins de renfort ponctuel sur certaines missions douanières relevant de la branche administration générale/opérations commerciales (dédouanement, fiscalité).

Par ailleurs, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) a confirmé que si elle pourrait recourir à la réserve pour bénéficier de l'expertise de certains métiers spécialisés, notamment dans le domaine informatique, tous les agents réservistes amenés à travailler pour cette direction devraient être habilités au secret. La DNRED est en effet un service de renseignement dit du « premier cercle »37(*).

B. LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE, UN INSTRUMENT DE FLEXIBILITÉ POUR RÉPONDRE AUX SITUATIONS D'URGENCE ET DISPOSER DE COMPÉTENCES RARES

La commission est favorable à la création de la réserve opérationnelle douanière, qui doit permettre à la Douane de pouvoir répondre aux urgences ou aux pics d'activités sans avoir à détourner l'ensemble de ses agents permanents de leurs missions quotidiennes, au détriment des usagers, que ce soit pour leurs activités de surveillance ou de facilitation des échanges. La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) s'est en effet engagée, dans le cadre de son contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2022-2025 sur une stabilisation de son plafond d'emplois, à 16 580 équivalents temps plein travaillé (ETPT).

En audition, la directrice générale des douanes a indiqué que l'objectif était d'atteindre 300 douaniers réservistes en 202538(*) (150 d'ici 2024 puis 150 supplémentaires en 2025), pour un effectif total au sein de la Douane de 16 500 équivalents temps plein (ETP)39(*). À titre de comparaison, la réserve opérationnelle de la police nationale, formellement instituée au mois d'août 2022 vise 30 000 réservistes d'ici 203040(*), pour un effectif total de 151 700 ETP rattachés au programme 176 « Police nationale » de la mission « Sécurités »41(*).

Ces données attestent du fait que la création de cette réserve opérationnelle ne doit pas être considérée comme un moyen de « substituer » des réservistes à des emplois douaniers permanents, mais bien comme la constitution d'un réservoir d'urgence et de compétences pour la Douane.

La DGDDI vise en priorité à recruter et à fidéliser de jeunes adultes, pour bénéficier de leurs compétences sur une longue période. Cibler ces profils apparaît très pertinent alors que la Douane, comme d'autres administrations, peine de plus en plus à recruter et souffre d'un déficit d'attractivité : certains réservistes pourraient ensuite vouloir intégrer la Douane, comme contractuel ou en passant les concours. Le rapporteur insiste toutefois sur un point : le recrutement des volontaires devra être strictement encadré, tout comme le suivi des réservistes. Au regard des enjeux en termes de sécurité, de souveraineté et de contrôle de marchandises prohibées mais lucratives, la Douane devra être en mesure de s'assurer que les douaniers réservistes ont un comportement constamment en adéquation avec leurs missions.

En « effectif complet », la réserve disposerait d'un budget prévisionnel d'1,27 million d'euros, pour la formation comme pour l'indemnisation des réservistes, avec une prévision à 30 jours de mobilisation par année et par réserviste. Les données transmises dans l'étude d'impact indiquent que l'indemnisation tiendrait compte des corps et des catégories des agents (A, B et C) et que les coûts de formation initiale (128 heures) et d'équipement (vestiaire adapté, arme de service) s'élèveraient à respectivement 845 600 euros et 547 200 euros pour 300 agents.

La création d'une réserve opérationnelle est donc perçue par la commission comme un complément utile et nécessaire à l'action de la Douane, avec des réservistes mobilisables sur des missions de soutien comme plus spécialisées. Ils pourront en effet autant être mobilisés42(*) sur des opérations de maintenance des navires et des avions - et la direction nationale des garde-côtes des douanes pourra s'appuyer sur cette réserve - que sur des contrôles douaniers ou migratoires aux frontières, par exemple durant la période estivale, lors de grands événements internationaux ou en remplacement d'agents mobilisés dans les équipes d'intervention de Frontex43(*).

Les auditions menées par le rapporteur ont très clairement montré que l'un des principaux objectifs de cette réserve était de pouvoir fidéliser ou éventuellement de conserver, après leur retraite, des profils très spécialisés qui n'ont pas nécessairement vocation à travailler à temps plein pour la Douane, soit qu'ils exercent un autre métier, souvent plus rémunérateur, soit qu'ils aient atteint l'âge de la retraite. La DGDDI a indiqué au rapporteur cibler plus spécifiquement des garde-frontières, des moniteurs de tirs et des experts en maintenance aérienne et navale, mais aussi des militaires en mesure d'assurer des fonctions d'entrainement opérationnel des unités navales.

De ce point de vue, la réserve apporte une souplesse d'action à l'administration des douanes. Elle répond également à un facteur conjoncturel, lié à la mise en place du nouveau système européen d'entrée et de sortie du territoire visant à enregistrer les mouvements des ressortissants des pays tiers en court séjour. D'après les informations transmises au rapporteur, ce nouveau système se traduira par une augmentation du volume d'activités des garde-frontières en raison de la prise en charge des données biométriques des voyageurs, l'objectif étant d'éviter que cela ne conduise à de longues files d'attente en période d'affluence.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 8

Sonorisation et captation d'images dans le cadre des enquêtes douanières

. L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois44(*).

La commission des lois a adopté cet article sans modification.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 8 bis (nouveau)

Mise en cohérence avec le code des douanes des dispositions du code de procédure pénale relatives à la criminalité organisée

. À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a adopté l'amendement COM-64 rectifié introduisant un article additionnel après l'article 845(*).

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article additionnel.

ARTICLE 9

Adaptation de la saisie et de la retenue douanières
aux nouvelles réalités numériques

. Le présent article vise à permettre aux agents des douanes de prendre connaissance et de saisir, au cours d'une retenue douanière, des objets et des documents qui se rapportent à un flagrant délit douanier, y compris lorsque le support de ces documents est numérique. Il s'agit de répondre à un besoin opérationnel : des informations nécessaires aux enquêtes douanières sont par exemple souvent contenues dans les téléphones portables des personnes retenues.

Des copies pourront être faites des données numériques ainsi saisies, soit au cours de la retenue, soit postérieurement, sur autorisation du procureur de la République. Les objets saisis devront être restitués par les agents des douanes soit dans un délai de 30 jours à compter de la réception d'une requête en ce sens, soit dans un délai de deux mois après la saisie, les décisions de non restitution étant susceptibles de recours.

Des amendements rédactionnels ( COM-70 et COM-47) et de précision ( COM-71 et COM-82) ont été adoptés par la commission pour rapprocher ces dispositions de celles prévues par le code de procédure pénale tout en respectant les spécificités des procédures douanières.

La commission a adopté le présent article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DROIT DE SAISIE DOUANIÈRE NE S'ACCOMPAGNE PAS DE LA POSSIBILITÉ DE CONDUIRE DES INVESTIGATIONS SUR LES OBJETS SAISIS

A. LA RETENUE DOUANIÈRE EST SOUVENT LE PRÉLIMINAIRE D'UNE ENQUÊTE DOUANIÈRE OU PÉNALE

La retenue douanière est une mesure privative de liberté analogue à la garde à vue. Elle est décidée par un agent des douanes et se déroule sous le contrôle du procureur de la République.

Le placement en retenue douanière est donc soumis à de strictes conditions : aux termes de l'article 323-1 du code des douanes, la retenue ne peut concerner une personne qu'en cas de flagrant délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement, et seulement si les nécessités de l'enquête douanière le justifient. Sont principalement concernés les délits suivants :

- la contrebande et l'importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées ou de tabacs (article 414 du code des douanes) ;

- les délits relatifs à l'or natif de Guyane, à savoir l'exportation sans autorisation ou sous couvert d'une autorisation inapplicable, la soustraction de la marchandise au droit de visite des douanes, la détention ou le transport illicite dans le rayon des douanes de Guyane (article 414-1 du code des douanes) ;

- les atteintes intentionnelles aux intérêts financiers de l'Union européenne ou de l'État (article 414-2 du code des douanes) ;

- le délit de blanchiment douanier (article 415 du code des douanes) ;

- l'opposition à fonction et le refus d'obtempérer à des injonctions d'arrêt (article 416 du code des douanes) ;

- le contentieux des relations financières avec l'étranger (article 459 du code des douanes).

La retenue douanière se déroule dans des conditions analogues à celles qui sont applicables au régime de la garde à vue. En particulier, le procureur de la République est informé du placement en retenue douanière et peut s'y opposer, une exigence identique à celle concernant la garde à vue. La personne retenue dispose également des mêmes droits que la personne gardée à vue46(*). Enfin, la retenue douanière ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelable une fois sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République47(*).

Le procureur de la République décide des suites à donner à la retenue. Il peut ordonner que la personne retenue soit, alternativement48(*) :

- présentée devant lui, généralement en vue d'une comparution immédiate ;

- présentée devant un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité à exercer des pouvoirs de police judiciaire, si des investigations complémentaires doivent être menées ;

- remise en liberté.

B. LES SAISIES DOUANIÈRES CONCERNENT UNIQUEMENT LES OBJETS PASSIBLES DE CONFISCATION

Aux termes du 2 de l'article 323 du code des douanes, les agents des douanes qui constatent une infraction ont le droit de saisir « tous objets passibles de confiscation ». Ce pouvoir de la Douane ne peut donc être mis en oeuvre que dans des situations précises : à l'occasion de la constatation d'une infraction pour laquelle est prévue la sanction de confiscation, seulement pour les objets passibles de cette confiscation.

Sont ainsi visés, sous réserve de quelques différences selon les délits concernés :

- les marchandises litigieuses (ou l'objet de la fraude, ou le corps du délit, ou les sommes en infractions) ;

- les moyens de transport ;

- les objets ayant servi à masquer la fraude ;

- les biens ayant servi à commettre la fraude ou destinés à la commettre ;

- les biens et avoirs qui sont le produit de la fraude.

En sommes, seuls les objets ayant un lien avec le délit poursuivi peuvent en principe être saisis.

C. LE CODE DES DOUANES EST PEU ADAPTÉ AUX NOUVELLES RÉALITÉS NUMÉRIQUES DES ENQUÊTES DOUANIÈRES

1. Les objets saisis, en particulier les téléphones portables, ne peuvent faire l'objet d'investigations par les agents des douanes dans le cadre de la retenue douanière

La possibilité, pour les agents des douanes, de prendre connaissance du contenu d'objets en possession des personnes est strictement encadrée, que ce soit par la loi, comme dans le cadre de la retenue douanière, ou de la jurisprudence, comme pour le droit de visite49(*).

En ce qui concerne la retenue douanière, aucun texte n'autorise expressément les agents des douanes à consulter ou à exploiter les indices et éléments susceptibles de constituer des preuves, y compris ceux sur support numérique.

Quant au droit de visite, la Cour de Cassation a jugé, dans un arrêt du 26 octobre 201650(*), que « si les agents des douanes peuvent appréhender matériellement les indices recueillis dans le cadre d'un contrôle effectué en vertu de ce texte, c'est à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s'abstenir de tout acte d'investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire compétent pour qu'il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s'assurer, dans l'intervalle, qu'ils ne puissent faire l'objet d'aucune atteinte à leur intégrité ».

Cet arrêt portait sur une affaire au cours de laquelle, dans le cadre de l'exercice de leur droit de visite, les agents des douanes avaient consulté le téléphone portable d'une personne afin d'obtenir des éléments permettant de confirmer la présence d'un convoi de véhicules transportant des stupéfiants.

Ainsi, cette jurisprudence de la Cour de cassation empêche, même dans le cadre du droit de visite, la consultation des téléphones, documents ou objets en possession des personnes qui font l'objet d'une fouille. Un raisonnement similaire aurait probablement pu, au moins en partie, s'appliquer à la retenue douanière.

En somme, seul le cadre de la visite domiciliaire prévue à l'article 64 du code des douanes permet de procéder à de telles investigations.

2. Une perte de nombreux éléments indispensables à la poursuite et à la compréhension de la criminalité douanière

Selon l'étude d'impact du projet de loi, « les services douaniers sont de plus en plus sollicités par les procureurs de la République, informés de placements en retenue douanière, souhaitant savoir si les investigations menées durant la procédure douanière peuvent conduire à mettre en évidence l'existence d'un trafic organisé impliquant plusieurs personnes. Ces éléments participent, en effet, de manière déterminante, à la prise de la décision concernant les suites immédiates à donner à la procédure douanière. » De tels besoins se concrétisent souvent par des demandes de consultation des objets personnels des personnes placées en retenue, et en premier lieu de leurs téléphones portables, mais aussi d'ordinateurs, voire de données GPS.

Or, l'interdiction de prendre connaissance du contenu des téléphones portables des personnes retenues entraine bien souvent des pertes opérationnelles importantes. En l'état du droit en effet, l'exploitation du contenu d'un téléphone portable saisi dans le cadre de la retenue douanière n'est possible qu'en cas de saisine d'un service judiciaire par le procureur de la République.

Dans les autres cas - remise en liberté de la personne retenue, et même présentation au parquet pour jugement en comparution immédiate sur la base de la seule procédure douanière - les éléments de preuve contenus dans les téléphones portables ne peuvent pas être exploités. La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), entendue par le rapporteur, a insisté sur les lacunes dans la compréhension de la criminalité douanière qui résultent de ces limitations.

L'exemple des personnes transportant de la drogue (« mules ») en provenance de Guyane illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les agents des douanes dans le cadre juridique existant. En l'absence de possibilité de consulter les téléphones portables des « mules » placées en retenue douanière, les agents des douanes ne disposent d'aucun moyen de recueillir des éléments de preuve - le recours à une visite domiciliaire étant exclu pour des personnes résidant en Guyane ou ressortissant d'un pays étranger.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN DROIT DE SAISIE, DANS LE CADRE DE LA RETENUE DOUANIÈRE, DES OBJETS ET DOCUMENTS, Y COMPRIS SUR SUPPORT NUMÉRIQUE, SE RAPPORTANT AU FLAGRANT DÉLIT DOUANIER

Le présent article vise, par l'insertion dans le code des douanes d'un article 323-11, à permettre aux agents des douanes, au cours d'une retenue douanière, de saisir des documents et objets en possession de la personne retenue.

Le 1 de cet article 323-11 détermine les conditions dans lesquelles les saisies peuvent avoir lieu. Au cours d'une retenue douanière, les agents des douanes peuvent, pour les nécessités de l'enquête douanière, prendre connaissance du contenu des documents et des objets en la possession de la personne retenue. Pour les supports numériques, les opérations nécessaires à la mise à disposition des données sont effectuées par un agent des douanes titulaire d'une habilitation ministérielle ou par un expert requis à cet effet.

Les agents des douanes peuvent ensuite procéder à la saisie de ces objets se rapportant au flagrant délit douanier. L'ensemble de ces opérations doit se dérouler en la présence constante et effective de la personne retenue et sous le contrôle de l'autorité judiciaire, en la personne du procureur de la République, qui en est informé et peut s'y opposer.

Les 2 et 3 précisent les conditions dans lesquelles les objets et informations saisis peuvent être transmis ou faire l'objet d'une copie.

Lorsqu'à l'issue de la retenue douanière, la personne retenue est remise, soit au procureur de la République, soit à un officier de police judiciaire ou un agent des douanes habilité à exercer des pouvoirs de police judiciaire, les objets saisis leur sont transmis. S'ils n'y ont pas procédé durant la retenue douanière, les agents des douanes peuvent être autorisés par le procureur de la République à procéder à une copie des données informatiques dans un délai de trente jours après la saisie. La personne retenue et le propriétaire, s'il est différent, sont présents ou représentés.

Le 4 prévoit les conditions dans lesquelles les biens saisis peuvent être restitués à leur propriétaire, ainsi que les modalités de la restitution.

Lorsque leur propriété n'est pas sérieusement contestée, les biens saisis sont restitués à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisie, ou de trente jours après réception d'une requête, par une décision prise par les agents des douanes qui est notifiée à l'intéressé.

Lorsque la restitution serait dangereuse, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit de l'infraction ou lorsqu'il doit être détruit ou confisqué en vertu de la loi, aucune restitution n'a lieu. La décision de non-restitution peut être déférée dans un délai de trente jours suivant sa notification au président de la chambre de l'instruction, dont l'ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation.

Si la restitution n'a pas été demandée dans un délai de six mois après la clôture du dossier, si la décision de non-restitution n'a pas été contestée ou si le bien n'a pas été réclamé dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision de restitution, les biens saisis deviennent propriété de l'État, sous réserve du droit des tiers.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN INTÉRÊT OPÉRATIONNEL INDÉNIABLE, DES GARANTIES À RENFORCER

A. UNE EXTENSION DU DROIT DE SAISIE DANS LE CADRE DE LA RETENUE DOUANIÈRE, QUI DOIT ÊTRE SÉCURISÉE ET MIEUX ENCADRÉE

1. Un intérêt opérationnel certain

Le droit de prendre connaissance, avant de les saisir, des objets et documents en possession de la personne retenue permettrait aux agents des douanes :

de recueillir et exploiter des éléments de preuve afin de confirmer l'implication des infracteurs, ce qui suppose par exemple d'appréhender des éléments découverts dans des effets personnels lors du contrôle. L'exploitation de ces éléments peut permettre d'étayer un élément de l'infraction douanière, par exemple le franchissement de frontière ou la tentative de le faire dans le cas des délits de blanchiment douanier ;

d'identifier les éventuels co-auteurs et complices, notamment dans le cadre de convois d'acheminement de marchandises de fraude et les personnes intéressées à la fraude, c'est-à-dire en particulier les commanditaires. En pratique, il pourra notamment s'agir de vérifier le journal d'appel d'un téléphone afin de matérialiser la présence d'un convoi ;

de sécuriser les procédures douanières, et les enquêtes judiciaires dont elles constituent le support nécessaire, notamment dans le cas des remises en flagrance à un service judiciaire. La poursuite des délits dits « mixtes », c'est-à-dire des infractions douanières qui ont aussi une qualification pénale, comme en matière de stupéfiants, en serait ainsi facilité sur la seule base de la procédure douanière. La complémentarité entre douane et justice en sortirait renforcée.

2. Le cas des documents dont il ne peut être pris connaissance durant la retenue douanière

Le rapporteur a interrogé à plusieurs reprises la Douane sur l'éventualité dans laquelle les agents des douanes ne pourraient pas prendre connaissance de certains objets ou documents au cours de la retenue douanière. Cette hypothèse concerne, par exemple, les données informatiques cryptées dont les agents des douanes ne pourraient pas prendre connaissance durant la retenue douanière.

La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), entendue par le rapporteur, a indiqué que, concrètement, des supports contenant des données cryptées pourraient être considérés comme pouvant se rapporter au flagrant délit douanier, avec par ailleurs la volonté d'en masquer le contenu, et être dans ce cas saisis pour être analysés. Les douaniers ne pourraient donc pas « en prendre connaissance » pendant la retenue, mais les saisir s'ils ont des raisons plausibles de considérer que ces objets contiennent des données en lien avec un délit douanier, par exemple s'ils ont recueilli des éléments en ce sens au cours de l'audition. La saisie ne serait possible qu'après information du procureur de la République, qui pourrait s'y opposer.

Le présent article prévoit par ailleurs la possibilité de procéder à une copie des données, mais sur autorisation du procureur de la République et si les nécessités de l'enquête le justifient. Enfin, toute personne s'opposant à l'exercice des fonctions dont sont chargés les douaniers, tel que par exemple la prise de connaissance de documents sur tout support en cas de retenue douanière, s'expose à une peine d'emprisonnement d'un an et à une amende de 15 000 euros. Ce délit dit « d'opposition à fonction », prévu à l'article 416 bis du code des douanes, pourrait donc être utilisé par les agents des douanes.

Le rapporteur relève toutefois qu'il s'agit là de « solutions » opérationnelles, résultant de la lecture conjuguée de plusieurs dispositions du présent article et du code des douanes, mais dont aucune ne se rapporte exactement à la situation qu'il a évoquée devant les représentants de la Douane. Il s'est donc interrogé sur la nécessité de proposer à la commission de clarifier les prérogatives des douaniers dans ce contexte, sans disposer à ce stade d'éléments suffisants pour présenter un amendement.

B. LA RESTITUTION DES OBJETS SAISIS : CONCILIER LES GARANTIES DU DROIT COMMUN DE LA PROCÉDURE PÉNALE AVEC LES SPÉCIFICITÉS DU CADRE DOUANIER

Le projet de loi est inspiré, en ce qui concerne le dispositif de restitution des biens saisis, de la procédure prévue à l'article 41-4 du code de procédure pénale. Pourtant, des différences peuvent être relevées entre les deux dispositifs. Dès lors, la commission a tenu à rapprocher autant que possible la rédaction du présent article du droit commun, sans méconnaitre les spécificités des procédures douanières.

La commission a ainsi adopté, outre deux amendements rédactionnels COM-70 et COM-47, un amendement de précision COM-71 modifié par un sous-amendement COM-82 du rapporteur de la commission des lois, afin d'inscrire dans le nouvel article 323-11 :

- le caractère suspensif du recours adressé au président de la chambre de l'instruction contre la décision de non-restitution ;

- que les objets saisis ne deviennent propriété de l'État, dans le cas où ils auraient fait l'objet d'une décision de restitution sans avoir été réclamés par le bénéficiaire de cette décision, qu'après une mise en demeure adressée au domicile de la personne concernée, et non, comme le prévoyait le présent article, après la notification de la décision.

Elle a également, par le même amendement, modifié le point de départ du délai à compter duquel les objets saisis deviennent propriété de l'État, là encore en se rapprochant de la rédaction du code de procédure pénale. Sur ce point, la commission a adopté le sous-amendement COM-82 présenté par le rapporteur pour avis de la commission des lois et remplaçant la mention de « la clôture du dossier » par une rédaction reprise du code de procédure pénale : « à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence ». La référence à la clôture du dossier, qui n'a pas d'équivalent dans le droit existant, peut en effet être jugée trop imprécise au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui considère qu'un délai borné trop peu précisément peut méconnaître le droit au recours effectif51(*).

Si le rapporteur s'était interrogé sur l'opportunité de prévoir un strict alignement sur le code de procédure pénale, les enquêtes douanières ne donnant pas systématiquement lieu à une procédure judiciaire, il a préféré retenir, au stade de la commission, l'énoncé le plus protecteur.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10

Accès et saisie des données numériques
dans le cadre des visites domiciliaires

. Le présent article a pour objet de permettre à des agents des douanes dûment habilités à cet effet de procéder, dans le cadre de visites domiciliaires douanières, au gel de données hébergées sur un serveur distant, en vue de leur téléchargement ultérieur.

La commission soutient ces dispositions, qui permettront aux agents des douanes, et plus particulièrement de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), de garantir l'intégrité de ces données et des éléments de preuves qui en découlent.

La commission a néanmoins estimé nécessaire de renforcer l'encadrement du dispositif de manière à le sécuriser juridiquement. Elle a ainsi adopté, à l'initiative de son rapporteur, d'une part, un amendement COM-72 introduisant un délai de 30 jours au terme duquel les agents des douanes devront avoir procédé au téléchargement des données gelées, et d'autre part, un amendement COM-73 précisant explicitement que les données finalement saisies doivent être en lien avec l'infraction recherchée, en accord avec la jurisprudence constitutionnelle sur le téléchargement des données.

La commission a également adopté, à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des lois, un amendement COM-54 visant à appliquer aux occupants des lieux visités qui feraient obstacle à l'accès aux données hébergées sur un serveur informatique distant les mêmes sanctions que celles prévues par le code des douanes en cas d'obstacle à l'accès aux données hébergées sur un support informatique situé sur le lieu de visite.

Le présent article prévoit en outre que les officiers de douane judiciaire (ODJ) pourront assister les douaniers lors des visites domiciliaires, en lieu et place des officiers de police judiciaire (OPJ), dont le nombre apparait aujourd'hui trop limité pour répondre aux besoins opérationnels de la Douane.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : SI LES AGENTS DES DOUANES PEUVENT AUJOURD'HUI SAISIR DES DONNÉES NUMÉRIQUES EN VUE DE LEUR EXPLOITATION ULTÉRIEURE, ILS N'ONT PAS LA POSSIBILITÉ DE GELER LES DONNÉES STOCKÉES SUR UN SYSTÈME INFORMATIQUE DISTANT

A. POUR PRÉSERVER LES PREUVES DES INFRACTIONS QU'ILS RECHERCHENT, LES DOUANIERS PEUVENT TÉLÉCHARGER DES DONNÉES HÉBERGÉES SUR UN SYSTÈME INFORMATIQUE PRÉSENT SUR LE LIEU DE VISITE

1. Dans le cadre des visites domiciliaires les agents douaniers habilités peuvent saisir tout type de document se rapportant à l'infraction, y compris sur des supports informatiques, en présence d'un officier de police judiciaire

(1) Le droit de visite domiciliaire

L'article 64 du code douanes et l'article L. 38 du livre des procédures fiscales (LPF) permettent aux agents des douanes spécialement habilités de procéder, dans le cadre de la recherche et la constatation de certains délits douaniers, « à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles. »

L'article 64 précité précise que ce droit de visite domiciliaire peut être exercé en vue de la recherche et de la constatation des infractions douanières suivantes :

- l'ensemble des délits douaniers de première, deuxième et troisième classe prévus aux articles 414 à 416 bis du code des douanes ;

- les délits de contrebande prévus aux articles 417 à 422 du code des douanes ;

- les infractions relatives aux importations et aux exportations sans déclaration, définies aux articles 423 à 429 du code des douanes ;

- les infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger, ou toute infraction visant à contrevenir aux mesures de restriction des relations économiques et financières prévues par la réglementation européenne ou par les traités et accords internationaux régulièrement approuvés et ratifiés par la France (article 459 du code des douanes).

Environ 80 % des visites domiciliaires prévues à l'article 64 du code des douanes sont effectuées en flagrance : en 2019, sur 408 visites domiciliaires, 322 relevaient d'une situation de flagrant délit et 76 avaient été autorisées par le juge des libertés et de la détention (JLD)52(*).

L'article L. 38 du LPF prévoit également un droit de visite domiciliaire pour les infractions fiscales que les douaniers sont susceptibles de rechercher dans le cadre de leurs missions53(*). Le ratio est ici inverse, avec 80 % des visites autorisées par le juge des libertés et de la détention : en 2019, sur 27 visites, 22 ont été autorisées par le JLD et 5 effectuées en flagrant délit.

(2) La faculté pour les agents douaniers de saisir des documents présents sur des supports informatiques

Le 1 des articles 64 du code des douanes et L. 38 du LPF prévoit la faculté pour les douaniers, dans le cadre de l'exercice de leur droit de visite domiciliaire, de saisir toute marchandise et document, et ce « quel qu'en soit le support », dès lors qu'ils se rapportent à l'infraction concernée.

Les agents douaniers habilités peuvent ainsi être amenés à saisir des documents présents sur un support informatique, comme cela est explicitement prévu par le c) du 2 de l'article 64 du code des douanes et par le 4 bis de l'article L. 38 du LPF.

Enfin le b) du 2 de l'article 64 du code des douanes et le 4 de l'article L.38 du LPF prévoient la réalisation d'un inventaire des différents éléments saisis au cour de l'enquête, annexé au procès-verbal puis signé par les agents des douanes, l'officier de police judiciaire (OPJ) ainsi que l'occupant des lieux ou son représentant.

(3) L'autorité judiciaire est aujourd'hui représentée dans le cadre de cette visite domiciliaire par des officiers de police judiciaire

Les visites domiciliaires réalisées hors flagrance doivent être autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire compétent (a) du 2 de l'article 64 du code des douanes) ou, dans le cadre des infractions de nature fiscale, du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter (2 de l'article L. 38 du LPF). Cette autorisation n'est toutefois pas prévue pour les visites domiciliaires réalisées à la suite d'un flagrant délit.

Dans tous les cas, la présence d'un OPJ est requise. Cette visite doit par ailleurs être effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ou, en cas d'impossibilité, de deux témoins choisis par l'OPJ, dès lors que ces témoins ne relèvent pas de son autorité ou de celle de l'administration des douanes.

Le a) du 2 de l'article 64 du code des douanes précise que cet OPJ est chargé d'assister à la visite domiciliaire et d'informer le juge de son déroulement. Sa présence permet en outre d'assurer une assistance judiciaire aux agents douaniers dans le cadre de l'exercice de leur droit de visite domiciliaire.

L'importance de l'implication des OPJ et du juge des libertés et de la détention aux différentes étapes des visites domiciliaires réalisées par certaines autorités administratives a en effet plusieurs fois été rappelée par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a plus particulièrement été amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution des visites domiciliaires fiscales ou des perquisitions réalisées dans le cadre de l'état d'urgence. Dans ces décisions, les dispositions contrôlées par le juge constitutionnel s'appliquaient uniquement à des cas de visites hors flagrance.

Dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a notamment censuré des dispositions qui, dans le cadre de l'état d'urgence, offraient la possibilité pour l'autorité administrative de perquisitionner des données stockées sur un support informatique, sans que l'autorisation d'un juge ne soit prévue54(*).

Le Conseil constitutionnel a ultérieurement souligné l'importance de la présence d'un OPJ à tous les stades de la procédure, tant au stade de la visite que de la saisie ultérieure des données55(*). Le juge des libertés et de la détention doit ainsi être en mesure, tout au long de l'exécution des opérations de visite et de saisie, de suivre ces opérations voire de les suspendre ou de les arrêter56(*).

2. Lorsque la saisine des données numériques présente des difficultés, les agents douaniers habilités peuvent procéder au téléchargement de ces données en vue de leur saisine et de leur exploitation ultérieures

Le b) du 2 de l'article 64 du code des douanes et le 4 de l'article L. 38 du LPF prévoient qu'en cas de difficultés dans la réalisation de l'inventaire des pièces et documents saisis, ces éléments sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'OPJ. L'inventaire est alors établi dans ce cadre.

Le c) du 2 de l'article 64 du code des douanes et le 4 bis de l'article L. 38 du LPF s'appliquent spécifiquement aux difficultés rencontrées dans le cadre de la saisie des documents présents sur un support informatique.

Ils prévoient tout d'abord une mention au procès-verbal de ces difficultés. Les agents des douanes peuvent dès lors procéder à la copie de ce support, à sa saisine et à son placement sous scellés. Ils disposent par la suite « d'un délai de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à leur saisie ainsi qu'à la restitution de ce dernier et de sa copie. » Ce délai est prorogé sur autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention.

L'occupant des lieux ou son représentant doit par ailleurs être avisé de leur possibilité d'assister à l'ensemble de ces opérations.

Ce même c) du 2 de l'article 64 prévoit en outre l'établissement d'un procès-verbal décrivant l'ensemble des opérations réalisées, auquel il est annexé un inventaire des pièces et documents saisis. Le procès-verbal et l'inventaire doivent par la suite être signés par les agents des douanes, l'OPJ, ainsi que par l'occupant des lieux ou son représentant.

Il prévoit par ailleurs une obligation de restitution du support informatique et de sa copie à l'occupant des lieux ou son représentant. Dans l'hypothèse où ces derniers ne seraient pas présents, l'administration doit mettre en oeuvre toute diligence pour restituer ces éléments.

B. LE CODE DES DOUANES NE PRÉVOIT TOUTEFOIS AUCUNE POSSIBILITÉ, EN CAS DE DIFFICULTÉ DE TÉLÉCHARGEMENT DES DONNÉES SUR UN SERVEUR DISTANT, DE PROCÉDER À LEUR GEL DANS UNE OPTIQUE DE PRÉSERVATION DE LA PREUVE

La faculté pour l'autorité administrative de saisir des données stockées sur des serveurs distants du lieu de visite, par exemple, sur des systèmes de cloud, a récemment été reconnue par le Conseil constitutionnel, qui, le 11 mars 202257(*), a déclaré conforme à la Constitution le dispositif prévu à l'article L. 16 B du LFP permettant à l'administration fiscale de saisir des données informatiques accessibles ou disponibles depuis les locaux visités, « quand bien même ces documents sont stockés sur des serveurs informatiques situés dans des lieux distincts ».

Il a plus particulièrement considéré que la notion de documents « accessibles ou disponibles » depuis les lieux visités, prévue par le premier paragraphe de l'article L. 16 B du LPF, permettait à l'administration de saisir des données stockées non pas sur un support informatique présent sur le lieu de visite, mais également sur des serveurs situés en dehors de ce même lieu de visite.

Le gel des données stockées sur un serveur distant du lieu de visite, déjà pratiqué par la direction du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) par le passé, ne dispose toutefois d'aucune base légale dans le code des douanes. Le gel de données situées dans un serveur est toutefois déjà pratiqué dans le cadre des enquêtes judiciaires, sur le fondement de l'article 57-1 du code de procédure pénale (CPP). L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique en outre que la Douane, et plus particulièrement la DNRED, a elle-même déjà eu une fois recours au gel de données à la demande d'un service de police, dans le cadre du démantèlement de la plateforme French Deep Web Market.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN RENFORCEMENT DES PRÉROGATIVES DES DOUANES PAR LA POSSIBILITÉ DE GELER LES DONNÉES HÉBERGÉES SUR UN SERVEUR DISTANT DU LIEU DE VISITE

A. LA POSSIBILITÉ POUR DES AGENTS DOUANIERS DÛMENT HABILITÉS DE GELER DES DONNÉES STOCKÉES SUR DES SERVEURS DISTANTS

Le présent article vise tout d'abord à garantir la possibilité pour les services des douanes, dans le cadre d'une visite domiciliaire, de geler les données hébergées dans un système informatique distant. Pour ce faire, il insère, au b) du 2 de l'article 64 du code des douanes et après le 4 de l'article L. 38 du LPF, un nouvel alinéa définissant les modalités d'application de ce gel de données (b) du 1° du I et 3° du II du présent article.

Il prévoit ainsi les situations dans lesquelles la copie des données « stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités présente des difficultés », des agents des douanes dûment habilités auront la possibilité d' « appliquer toute mesure permettant de protéger l'accès en ligne aux données concernées afin de veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître. » Concrètement, les agents spécialisés de la DNRED seront amenés à modifier les mots de passe du serveur afin que les infracteurs ne puissent plus y accéder.

Ils pourront ensuite procéder ultérieurement au téléchargement à distance des données gelées. Dans le cadre des auditions du rapporteur, la directeur de la DNRED a précisé que ces agents habilités feraient systématiquement partie des services de sa direction, et notamment de services spécialisés en matière d'investigations numériques, tels que le service Cyberdouane.

Le téléchargement ultérieur des données pourra être réalisé en présence de l'occupant des lieux visités ou de son représentant. Il est donc prévu que l'occupant ou son représentant soit« avisé qu'il peut assister » à ce téléchargement, en présence d'un OPJ ou d'un officier de douane judiciaire (ODJ).

Cette opération est effectuée dans les locaux du service chargé de la procédure selon les mêmes modalités que celles prévues par les quatrième à septième alinéas de l'article 57-1 du code de procédure pénale, ce qui impliquera donc :

- la possibilité pour les agents des douanes de copier les données sur tout support ;

- la possibilité pour les OPJ et les ODJ de requérir toute personne susceptible d'avoir connaissance des mesures appliquées pour protéger les données auxquelles il est permis d'accéder dans le cadre de la perquisition ou de leur remettre les informations permettant d'accéder aux données.

B. LA PRÉSENCE D'UN OFFICIER DE DOUANE JUDICIAIRE SERAIT DÉSORMAIS POSSIBLE DANS LE CADRE DE LA VISITE DOMICILIAIRE

Le présent article prévoit en outre la possibilité pour les agents des douanes effectuant une visite domiciliaire d'être accompagnés par un ODJ, et plus uniquement par un OPJ.

Pour ce faire, il procède à de multiples modifications au sein des articles 64 du code des douanes et L. 38 du LPF, de manière à assurer la possibilité qu'un ODJ puisse, à tous les stades de la procédure requérant aujourd'hui la présence d'un OPJ, se substituer à cet OPJ.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF NÉCESSAIRE MAIS QUI DOIT TOUTEFOIS ÊTRE DAVANTAGE ENCADRÉ

A. UNE ADAPTATION DES MODALITÉS D'INTERVENTION DES DOUANES EN CONSÉQUENCE DE L'ESSOR DES DONNÉES NUMÉRIQUES DÉMATÉRIALISÉES

1. Le gel de données permettra de répondre aux difficultés posées par la multiplication des outils informatiques de cloud

La commission approuve l'introduction de cette disposition, qui répond à un besoin opérationnel auquel les agents des douanes, et plus particulièrement de la DNRED, sont confrontés dans le cadre de leurs missions. En effet, les agents des douanes ont constaté une multiplication des outils informatiques de conservation de données sur des systèmes distants, et notamment des systèmes de cloud. Les nombreuses opérations de téléchargement qui en découlent peuvent s'avérer, du propre aveu de la DNRED, particulièrement fastidieuses et techniquement délicates.

Cette disposition permettra donc de moderniser les prérogatives techniques dont disposent les agents des douanes dans le cadre de leurs pouvoirs d'enquête en leur permettant de geler les données hébergées sur des supports informatiques distants. Ils pourront ainsi garantir l'intégrité des données et préserver les éléments de preuve contenus dans ces données en évitant que ces dernières ne soient altérées voire effacées en cours de visite.

2. Le recours aux ODJ offrira une nouvelle flexibilité pour l'organisation des visites domiciliaires, sans remettre en cause les droits des personnes visées et l'encadrement de cette procédure

La nouvelle possibilité de recourir à des ODJ lors des visites domiciliaires douanière s'inscrit dans le contexte de la disparition programmée du service de police nationale détaché (SPND) auprès de la DNRED. La disparition de ce service composé d'OPJ exclusivement consacrés à la représentation du juge dans le cadre des procédures de visite domiciliaire douanière a été décidée par la direction générale de la police nationale (DGPN), qui a décidé de ne pas renouveler les OPJ en poste au SPND afin de les réintégrer dans leur administration d'origine. Le SPND est ainsi passé de 25 OPJ à 20 OPJ en 2022, avec une prévision à 8 OPJ en 2025.

Il convenait donc de trouver une solution opérationnelle, mais qui ne remette pas en cause les garanties et l'encadrement de la procédure de visite domiciliaire. Le fait de pouvoir recourir à un ODJ favorisera en outre le recentrage des OPJ sur leurs missions prioritaires, le déficit d'officiers de police judiciaire (OPJ) en charge de la conduite au sein des services d'enquêtes étant, comme l'a souligné la commission des lois du Sénat dans son rapport sur la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), un « phénomène particulièrement marqué dans la police nationale.58(*) »

Des discussions seraient par ailleurs en cours entre la DGPN, le service des enquêtes judiciaires des finances (SEJF), service d'origine des ODJ, et la DNRED dans le but de prévoir les modalités de recours à des OPJ dans les services déconcentrés de la Douane et de s'assurer que ces assistances judiciaires ne détourneront pas les ODJ de leurs missions d'investigation prioritaires.

Le rapporteur souligne par ailleurs que cette mesure ne vise pas à substituer les ODJ aux OPJ, mais plutôt à permettre de recourir à l'un ou à l'autre pour certaines opérations douanières, en fonction de la situation opérationnelle.

B. UN DISPOSITIF COMPLÉTÉ PAR DE NOUVELLES GARANTIES DE PROCÉDURE ET DES SANCTIONS RENFORCÉES À L'ÉGARD DES OCCUPANTS S'OPPOSANT AU TÉLÉCHARGEMENT

1. L'introduction d'un délai maximal de téléchargement des données gelées

Le rapporteur a jugé nécessaire de proposer à la commission d'introduire une durée maximale pendant laquelle les agents des douanes pourront procéder au téléchargement des données gelées, de manière à assurer la conciliation de ces nouvelles prérogatives accordées aux douaniers - et l'objectif de recherche des auteurs d'infraction qui en découle - avec la protection du droit au respect de la vie privée.

La commission a donc adopté un amendement COM-72 qui permet de fixer ce délai de téléchargement des données gelées à 30 jours.

Le rapporteur souligne toutefois que l'objet de cette mesure est bien de n'encadrer que le délai de téléchargement, et non le délai d'exploitation de ces données, dont l'analyse peut s'avérer complexe et fastidieuse.

2. La nécessité de prévoir explicitement un lien entre les données saisies à l'issue du téléchargement et l'infraction constatée

Dans une décision du 2 décembre 2016 relative à la saisie de documents numérique lors de perquisitions réalisées dans le cadre de l'état d'urgence, le Conseil constitutionnel a souligné la nécessité que les données visées par le téléchargement soient bien en lien avec les infractions supposées59(*). Il a ensuite réaffirmé ce principe dans une décision du 29 mars 201860(*) relative aux dispositions de l'article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure résultant de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT)61(*), en estimant que « la copie des données informatiques (...) n'est possible que lorsque la visite révèle l'existence de données relatives à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics que constitue le comportement de la personne ».

Il est donc apparu nécessaire, dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de préciser, dans le dispositif de gel de données prévu au présent article, que les données finalement saisies doivent être en lien avec l'infraction en cause.

En effet, si le 1 des articles 64 du code des douanes et L. 38 du livre des procédures fiscales précisent la nécessité pour les agents des douanes d'établir un lien entre, d'une part, les biens et les documents saisis dans le cadre de la visite, y compris sur des supports informatiques, et, d'autre part, l'infraction recherchée ou constatée, le dispositif prévu dans le présent projet de loi n'apporte à cet égard aucune garantie concernant les opérations de téléchargement des données gelées réalisées à l'issue de la visite.

La commission a donc adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-73 visant à s'assurer que les données finalement saisies à l'issue de ce téléchargement ont bien un lien avec l'infraction supposée.

3. Des sanctions prévues en cas d'opposition des occupants aux opérations de téléchargement

La commission a enfin adopté, à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Alain Richard, un amendement COM-54 visant à appliquer aux occupants qui feraient obstacle à l'accès aux données hébergées sur un serveur informatique distant les mêmes sanctions que celles prévues par le code des douanes en cas d'obstacle à l'accès aux données hébergées sur un support physique.

Le rapporteur de la commission des finances soutient cette mesure, qui s'inscrit dans l'esprit du présent article par son objectif de dissuader les comportements d'opposition aux opérations de téléchargement.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 bis (nouveau)
Échanges d'informations entre l'autorité judiciaire et la Douane

. Le présent article, introduit par l'amendement COM-74 du rapporteur, actualise l'article 343 bis du code des douanes, qui prévoit que l'autorité judiciaire communique à l'administration des douanes toute information recueillie lors d'une procédure judiciaire de nature à faire présumer une infraction commise en matière douanière ou une manoeuvre quelconque ayant pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre le recouvrement de droits et taxes prévus par le code des douanes.

Les modifications apportées par le présent article prévoient que l'information en question peut être recueillie à l'occasion de toute procédure judiciaire, quelle que soit sa forme et quelle que soit sa nature - civile, pénale ou commerciale. L'actualisation de l'article 343 bis qui n'a fait l'objet d'aucune modification depuis 1964, doit permettre de sécuriser et d'améliorer les échanges d'informations entre l'autorité judiciaire et la Douane.

La commission a adopté cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LA TRANSMISSION PAR L'AUTORITÉ JUDICIAIRE DES INFORMATIONS DONT ELLE DISPOSE DE NATURE À FAIRE PRÉSUMER UNE FRAUDE DOUANIÈRE

Aux termes de l'article 343 bis du code des douanes, l'autorité judiciaire doit transmettre au service des douanes toute indication qu'elle peut recueillir de nature à faire présumer une fraude commise en matière douanière ou une manoeuvre quelconque ayant pour objet ou ayant eu pour résultat d'enfreindre les dispositions législatives ou règlementaires se rattachant à l'application du code des douanes. L'obligation de transmission de ces indications s'applique qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information judiciaire.

Créé par l'article 39 de la loi du 23 décembre 1964 de finances rectificative pour 1964, le dispositif prévu au code des douanes est similaire dans son objet à ce qui prévaut pour la transmission d'informations de l'autorité judiciaire à l'administration fiscale :

l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales (LPF) prévoit qu'à l'occasion de toute procédure judiciaire, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances ;

l'article L. 101 du LPF impose à l'autorité judiciaire de communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle recueille, à l'occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt.

Ces trois dispositions, du code des douanes comme du LPF, sont généralement considérées comme le corolaire de l'article 40 du code de procédure pénale (CPP), qui impose aux fonctionnaires acquérant la connaissance de faits délictueux de porter spontanément et sans délai à la connaissance du procureur de la République tous renseignements et documents relatifs à ces faits.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : REPRENDRE UNE DISPOSITION PERMETTANT D'ACCROÎTRE LA PORTÉE DES INFORMATIONS TRANSMISES À LA DOUANE PAR L'AUTORITÉ JUDICIAIRE

A. LA REPRISE D'UN DISPOSITIF DÉJÀ ADOPTÉ EN LOI DE FINANCES POUR 2023 MAIS DÉCLARÉ CAVALIER BUDGÉTAIRE

Le présent article reprend les dispositions de l'article 82 de la loi de finances pour 2023 telle qu'issue de la lecture définitive à l'Assemblée nationale, et avant sa promulgation62(*). Cet article était issu d'un amendement du député Louis Margueritte, non examiné en séance publique à l'Assemblée nationale mais retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il avait engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Le Sénat, suivant l'avis de la commission des finances, l'avait adopté en séance publique. Le Conseil constitutionnel a toutefois considéré qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire, adopté selon une procédure contraire à la Constitution, et l'a donc censuré63(*).

Le présent article procède à une nouvelle rédaction globale de l'article 343 bis du code des douanes, en s'inspirant de l'article L. 101 du LPF relatif aux renseignements communiqués par l'autorité judiciaire à l'administration fiscale sans demande préalable de sa part.

Il est ainsi prévu que l'autorité judiciaire communique à l'administration des douanes toute information qu'elle recueille, à l'occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une infraction commise en matière douanière ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre le recouvrement de droits ou taxes prévus au code des douanes.

B. UNE MODERNISATION QUI DOIT PERMETTRE D'AMÉLIORER LES ÉCHANGES D'INFORMATIONS ENTRE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE ET LA DOUANE

Le rapporteur reprend ici les arguments développés par la commission des finances pour approuver ce dispositif lors de son examen dans le cadre du projet de loi de finances pour 202364(*).

L'actualisation de l'article 343 bis est à la fois utile et nécessaire : ce dispositif n'a fait l'objet que d'une seule modification substantielle depuis 1964, à savoir que les indications recueillies par l'autorité judiciaire et de nature à faire présumer une fraude peuvent être transmises même lorsque l'information judiciaire se termine par un non-lieu.

La principale évolution permise par le présent article porte sur le fait que l'autorité judiciaire devra communiquer les informations de nature à faire présumer une fraude douanière recueillies à l'occasion de toute procédure judiciaire, et non plus seulement en instance civile ou commerciale ou lors d'une information judiciaire. La précédente rédaction apparaissait en ce sens datée et ne permettait pas de tenir compte des évolutions apportées aux procédures judiciaires ni de l'ensemble de ces procédures, par exemple les enquêtes préliminaires ou les flagrances. La nouvelle rédaction permet également de couvrir les procédures judiciaires pénales, et non plus seulement civiles ou commerciales.

L'actualisation de l'article 343 bis du code des douanes doit dès lors permettre d'améliorer les échanges d'informations entre l'autorité judiciaire et la douane et de renforcer la lutte contre la fraude douanière, en facilitant le signalement à la Douane de certaines manoeuvres ayant pour but de frauder ou de compromettre le recouvrement de droits ou de taxes prévus au code des douanes et en lui donnant accès à de nouvelles informations pour conduire ses contrôles et investigations.

D'un point de vue opérationnel, les agents des douanes pourront s'appuyer sur l'accès dont ils disposent déjà, pour certaines informations, au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « dossier pénal numérique », mis en place par le ministère de la justice pour rassembler les données et les informations collectées tout au long du processus judiciaire pénal65(*).

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.

ARTICLE 11

Expérimentation d'un élargissement de la durée ouverte
pour des traitements informatiques de données fondées sur le LAPI

. L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois66(*).

À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a adopté cinq amendements rédactionnels, de clarification et de coordination ( COM-37, COM-38, COM-40 à COM-42) ainsi que trois amendements visant à :

- prévoir que plusieurs durées de conservation des données des lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation soient testées au cours de cette expérimentation ( COM-39) ;

- encadrer l'expérimentation en prévoyant la remise de trois rapports d'évaluation, en précisant la nature des données collectées ainsi que la méthodologie d'évaluation ( COM-43) ;

- clarifier et préciser le périmètre du décret en Conseil d'État qui doit fixer les modalités de mise en oeuvre du présent article ( COM-44).

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 12

Prévention des infractions commises par l'intermédiaire d'internet

. Le présent article vise à donner de nouvelles prérogatives aux agents des douanes pour prévenir la commission d'infractions par l'intermédiaire d'internet. Les agents habilités pourront adresser un avis motivé aux intermédiaires en ligne afin de les inviter à prendre les mesures nécessaires pour retirer ou pour rendre inaccessibles les contenus ayant permis la commission d'infractions douanières graves, à savoir les délits douaniers de contrebande de marchandises prohibées ainsi que la vente et l'acquisition de tabac en ligne.

Si les intermédiaires en ligne ne répondent pas à l'avis motivé des agents des douanes, ces derniers pourront demander aux opérateurs de registre, aux bureaux d'enregistrement de domaines ou aux exploitants de moteur de recherche, d'annuaire ou de service de référencement de prendre toutes les mesures utiles pour faire cesser le référencement des contenus illicites ou de procéder à la suspension du nom de domaine. Enfin, ils pourront également demander au tribunal judiciaire de supprimer, en raison de leurs contenus, un ou plusieurs noms de domaines ou un ou plusieurs comptes de réseaux sociaux.

Sans être identique, ce dispositif s'inspire largement de celui mis en place pour les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a pu être qualifié de « pouvoir d'injonction numérique ». Lorsque qu'ils constatent la commission d'une infraction susceptible de porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs, les agents habilités de la DGCCRF peuvent en effet demander le retrait de contenus manifestement illicites. Cette prérogative a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision QPC du 21 octobre 2022.

Si la commission est favorable au dispositif proposé par le présent article et en perçoit les avancées pour la lutte contre les infractions douanières les plus graves, elle considère que plusieurs ajustements sont nécessaires pour assurer sa pleine effectivité et le sécuriser juridiquement. La possibilité de déréférencer des sites, de suspendre ou de supprimer des noms de domaine et de supprimer des comptes de réseaux sociaux constitue en effet une atteinte à la liberté d'expression et de communication, qu'il convient dès lors de strictement encadrer.

Sur proposition du rapporteur, la commission a donc adopté l'amendement  COM-75 afin de réécrire les alinéas 5 à 14 du présent article. L'amendement vise à :

- préciser le champ d'application du présent article et les infractions concernées ;

- prévoir que les agents des douanes seront habilités par le directeur général ;

- remplacer le décret simple d'application du présent article par un décret en Conseil d'État, qui devra notamment préciser le contenu des avis motivés et des demandes transmis par les agents des douanes aux intermédiaires en ligne, aux opérateurs de registre ou aux exploitants de moteurs de recherche ;

- modifier le fondement sur lequel les agents des douanes pourront saisir le tribunal judiciaire ;

- encadrer le délai de réponse des intermédiaires en ligne pour ce qui concerne la procédure contradictoire préalable à l'envoi d'un avis motivé pour demander le retrait de certains contenus, et le délai de réponse des opérateurs de registre ou des exploitants de moteur de recherche pour ce qui concerne les demandes de déréférencement ou de suspension d'un nom de domaine ;

- préciser que les agents des douanes devront adopter une approche « graduée », la saisine du tribunal judiciaire ne pourra intervenir qu'en dernier lieu, en cas d'échec des mesures précédentes ;

- apporter quelques corrections rédactionnelles et de précision.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA RÉGULATION CROISSANTE DES PLATEFORMES EN LIGNE S'EST TRADUITE PAR DE NOUVELLES OBLIGATIONS EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LES CONTENUS ILLICITES ET CONTRE LA FRAUDE SUR INTERNET

Le développement de l'économie numérique et l'impératif de construire un édifice normatif cohérent ont conduit le législateur, de sa propre initiative ou sous l'impulsion du droit européen, à définir en droit les acteurs et les technologies liés à l'usage d'internet.

Transposant en droit français la directive « e-commerce » du 8 juin 200067(*), la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN)68(*) prévoit un régime de responsabilité spécifique pour les hébergeurs à raison des contenus à la diffusion desquels ils contribuent. Aux termes du 2 du I de l'article 6 de la LCEN, les hébergeurs sont les personnes physiques ou morales qui assurent, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services.

L'article 49 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique69(*) a introduit une définition des opérateurs de plateforme en ligne, désormais inscrite au I de l'article L. 111-7 du code de la consommation : « Est qualifiée d'opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :

1° Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;

2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service. »

L'article 182 de la loi de finances pour 202070(*) a conduit à aligner la définition des opérateurs de plateforme en ligne en droit fiscal sur celle prévue au 2° du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation.

Enfin, l'article 61 de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent71(*) définit les interfaces en ligne comme « tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finaux d'accéder aux biens ou aux services qu'il propose ». Cette définition est reprise à l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, relatif aux injonctions que les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) peuvent adresser aux plateformes (cf. infra), ainsi que dans le règlement (UE) 2017/2394 relatif à la coopération des autorités nationales en matière de protection des consommateurs72(*).

Le développement des intermédiaires en ligne s'est accompagné d'une régulation croissante de ces acteurs, avec la mise en place d'obligations de plus en plus fortes au titre de la lutte contre la fraude sur internet et contre les contenus illicites. L'implication des intermédiaires demeure toutefois strictement encadrée, afin notamment de préserver la liberté d'expression et de communication.

A. DE NOUVELLES OBLIGATIONS IMPOSÉES AUX PLATEFORMES EN LIGNE POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE FISCALE

Dans le cadre de ses travaux sur la numérisation de l'économie et sur la lutte contre la fraude fiscale, la commission des finances a régulièrement souligné que l'essor du commerce numérique et des plateformes en ligne rendait nécessaire une actualisation des règles fiscales73(*). Les plateformes agissent en effet comme des tiers facilitateurs d'échanges, qui s'affranchissent des règles de territorialité.

La commission des finances avait formulé plusieurs recommandations pour améliorer l'appréhension fiscale des transactions opérées sur les plateformes, certaines ayant ensuite été introduites par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude74(*).

1. L'imposition de nouvelles obligations déclaratives aux plateformes en ligne, une innovation française reprise dans la directive dite « DAC 7 »

L'article 10 de la loi du 23 octobre 2018 a tout d'abord fortement étendu le périmètre des obligations déclaratives des plateformes, qui s'imposent quel que soit le lieu d'établissement de l'opérateur75(*), à l'égard des utilisateurs, personnes physiques ou morales, qui résident dans l'Union européenne et réalisent des opérations en France. Les dispositions introduites par cet article ont été modifiées par l'article 134 de la loi de finances pour 202276(*), qui a procédé à la transposition de la directive du 22 mars 2021 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal77(*) (dite « DAC 7 »).

Les plateformes en ligne doivent désormais :

- informer les utilisateurs, à l'occasion de chaque transaction, des obligations fiscales et sociales qui leur incombent (article 242 bis du code général des impôts [CGI]);

souscrire auprès de l'administration fiscale une déclaration relative aux opérations réalisées par des vendeurs et prestataires par leur intermédiaire (article 1649 ter A du CGI) ;

informer chaque vendeur ou prestataire78(*) concerné par la déclaration prévue à l'article 1649 ter A du CGI des données qui ont été transférées à l'administration fiscale le concernant (1649 ter D du CGI). Aux termes de l'article 1649 ter C, ne sont toutefois pas concernées par la déclaration les personnes ayant effectué, au cours de l'année civile, moins de 30 opérations de vente de biens pour lesquelles le montant total de la contrepartie n'excède pas 2 000 euros.

Si, lors d'un contrôle, l'administration fiscale constate que la plateforme n'a pas respecté son obligation d'informer l'utilisateur sur ses obligations fiscales et sociales, elle peut sanctionner la plateforme d'une amende forfaitaire, plafonnée à 50 000 euros (article 1731 ter du CGI). La plateforme en ligne s'expose à la même sanction (article 1736 du CGI) si elle n'a pas respecté ses obligations déclaratives, auprès de l'administration fiscale comme de l'utilisateur.

2. La responsabilité solidaire des plateformes en ligne, un mécanisme pour mieux lutter contre la fraude à la TVA

L'article 11 de la loi du 23 octobre 201879(*) a ensuite instauré, à l'initiative du rapporteur, également rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, un mécanisme de responsabilité solidaire pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), prévu à l'article 283 bis du CGI.

L'engagement de la responsabilité solidaire de la plateforme se déroule en plusieurs étapes :

- lorsqu'il existe des présomptions quant au fait qu'une personne qui exerce son activité par l'intermédiaire d'une plateforme en ligne se soustrait à ses obligations de déclaration et/ou de paiement de la TVA, l'administration fiscale peut tout d'abord signaler cette personne à l'opérateur de la plateforme en ligne afin que cette dernière prenne les mesures nécessaires pour inciter l'utilisateur à régulariser sa situation. Ces mesures doivent être notifiées à l'administration ;

- ensuite, si les présomptions persistent après un délai d'un mois à compter de la notification ou du premier signalement, l'administration fiscale peut mettre en demeure la plateforme en ligne de prendre ces mesures et, à défaut, d'exclure la personne. La plateforme doit là-encore notifier à l'administration les mesures prises ;

- enfin, en l'absence de mise en oeuvre de ces mesures par la plateforme et après un délai d'un mois à compter de la notification ou de la mise en demeure, la TVA est solidairement due par l'opérateur de la plateforme en ligne. Cette mesure s'applique aux plateformes en ligne recevant plus de cinq millions de visiteurs uniques par mois.

La mise en place d'un principe de responsabilité solidaire était proposée de longue date par la commission des finances, qui avait alerté dès 2013 sur l'ampleur de la fraude à la TVA dans le commerce électronique. Ce constat avait été confirmé par l'inspection générale des finances, qui, dans un rapport portant sur la sécurisation du recouvrement de la TVA, avait souligné que près de 98 % des sociétés étrangères opérant sur les plateformes en ligne n'étaient pas immatriculées à la TVA. De même, dans une évaluation publiée au mois de juillet 2022, l'Insee estime que les montants manquants de versements de TVA représentent environ 20 à 25 milliards d'euros par an80(*).

3. Un dispositif de « name and shame » avec la publication des sanctions infligées aux plateformes en ligne

Enfin, l'article 18 de la loi du 23 octobre 2018 a introduit la possibilité, pour l'administration fiscale, de publier les sanctions qu'elle prononce à l'encontre de personnes morales à raison de manquements graves, caractérisés et à caractère frauduleux, la publication étant toutefois écartée si des poursuites pénales sont engagées. Cette procédure, dite de « name and shame », figure à l'article 1729 A bis du CGI et est strictement encadrée.

La publication des sanctions administratives requiert en effet l'avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF) qui apprécie, au vu des manquements et des circonstances dans lesquelles ils ont été commis, si la publication est justifiée. Une copie de la saisine de la CIF est adressée au contribuable, qui dispose d'un délai de 30 jours pour faire valoir ses observations écrites. Si la CIF émet un avis conforme, l'administration peut prendre la décision de publication, qui n'intervient toutefois pas immédiatement. La décision est notifiée au contribuable, qui dispose alors d'un délai de 60 jours pour former un recours. Ce n'est qu'à l'expiration de ce délai et en l'absence de recours que la publication est effectuée, sur le site de l'administration fiscale et pour une durée maximale d'un an.

Cette procédure n'exclut toutefois pas d'éventuels recours formés au fond, à l'encontre de l'imposition ou de la majoration ou amende en cause. Deux situations doivent alors être distinguées :

- si le recours est formé avant l'expiration du délai de 60 jours enserrant le recours contre la décision de publication, la publication est suspendue tant que les impositions et amendes ou majorations ne sont pas devenues définitives ;

- si le recours est formé après l'expiration du délai de 60 jours, la publication doit être retirée du site internet de l'administration fiscale tant qu'une décision juridictionnelle conformant de manière définitive le bien-fondé de la décision de publication n'est pas intervenue. Cette garantie avait été introduite par le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur.

Par ailleurs, l'administration fiscale est tenue de rendre publique sur son site internet toute décision juridictionnelle revenant sur les impositions et les amendes ou majorations ayant fait l'objet d'une publication.

L'article 149 de la loi de finances pour 2020 a complété ce dispositif en introduisant un article 1740 D au sein du CGI afin de permettre à l'administration fiscale de publier sur son site internet la liste des plateformes non coopératives, à savoir celles ayant fait l'objet d'au moins deux mesures de mise en recouvrement d'une taxation d'office ou d'une amende au cours d'une période maximale de douze mois.

Le même encadrement est prévu pour ce « name and shame » que pour la publication des sanctions administratives prévue à l'article 1729 A bis du CGI.

B. LA POSSIBILITÉ, POUR LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES, D'ENJOINDRE AUX PLATEFORMES EN LIGNE DE RETIRER DES CONTENUS ILLICITES

En parallèle de ces obligations en matière de la lutte contre la fraude fiscale, les plateformes en ligne ont vu leurs obligations de diligence en matière de lutte contre les contenus illicites être renforcées, que ce soit contre les contenus « haineux » ou pour la protection des intérêts des consommateurs.

1. L'obligation, pour les opérateurs de plateforme en ligne et les hébergeurs de contenus, de coopérer à la lutte contre les contenus illicites sur internet

Le blocage administratif de certains contenus internet, sans contrôle préalable du juge, est strictement encadré par la jurisprudence constitutionnelle au titre de la liberté d'expression et de communication. Il n'a donc d'abord été autorisé que pour des contenus illicites d'une particulière gravité tels que des contenus à caractère terroriste81(*) ou pédopornographique.

La loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) a instauré, sous l'égide du droit européen, un régime de responsabilité protecteur pour les hébergeurs en ligne, dont la responsabilité civile ou pénale ne peut pas être engagée en l'absence de connaissance de l'illicéité des contenus stockés ou, en cas de connaissance de l'illicéité manifeste des contenus stockés, s'ils ont procédé promptement à leur retrait (2 et 3 du I de l'article 6 de la LCEN). Ce régime, destiné à protéger la libre expression sur internet des citoyens, principe qui justifie également que les hébergeurs ne peuvent être soumis à une obligation générale de surveillance des informations qu'ils stockent ni de recherche des activités illicites (7 du I de l'article 6 de la LCEN), s'accompagne toutefois de contreparties.

Les intermédiaires techniques doivent en effet coopérer avec les pouvoirs publics pour lutter contre la diffusion des contenus illicites graves, à savoir ceux contenant une apologie des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des crimes d'esclavage ainsi que les contenus incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap. Aux termes du 7 du I de l'article 6 de la LCEN, les hébergeurs doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible pour permettre à toute personne de porter à leur connaissance ce type de contenus. Par ailleurs, le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut également prescrire à toute personne susceptible d'y contribuer toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne (8 du I de l'article 6 de la LCEN).

L'article 42 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République82(*) a étendu ces obligations aux opérateurs de plateforme en ligne. Aux termes de l'article 6-4 de la LCEN, ils doivent de plus mettre en oeuvre des procédures et des moyens humains et technologiques proportionnés pour :

- informer, dans les meilleurs délais, les autorités judiciaires ou administratives des actions qu'ils ont mises en oeuvre à la suite des injonctions émises par ces autorités contre les contenus illicites précédemment détaillés ;

- conserver certains contenus aux fins de les mettre à la disposition de l'autorité judiciaire ;

- mettre en place des dispositifs de recours interne permettant de contester la décision prise par l'opérateur de retirer ou de rendre inaccessible un contenu.

L'article 42 de la loi confortant le respect des principes de la République reprenait, sous réserve d'importantes modifications, certaines des dispositions de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. L'impératif de préserver l'équilibre entre la lutte contre les contenus illicites et la préservation de la liberté d'expression avait en effet conduit le Conseil constitutionnel83(*) à censurer la grande majorité des articles de cette loi84(*).Le Sénat avait pourtant alerté sur la nécessité de sécuriser davantage ses dispositions, en vain85(*).

Le Conseil constitutionnel a notamment déclaré non conforme à la Constitution l'article 1er de la loi prévoyant que les contenus « haineux » manifestement illicites devaient être retirés dans un délai de 24 heures après leur notification par toute personne et les contenus à caractère terroriste ou pédopornographique signalés par l'administration retirés dans un délai d'une heure, sous peine de sanctions pénales, à savoir un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende.

2. La possibilité, pour la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de demander le déréférencement de certains contenus illicites

Les agents habilités de la DGCCRF disposent d'un pouvoir d'injonction général de mise en conformité. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation, ils peuvent, à l'issue d'une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, dans un délai raisonnable, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite. Ce pouvoir d'injonction a été précisé pour ce qui concerne les plateformes en ligne.

Le règlement (UE) 2017/2394 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs a en effet imposé aux autorités nationales de se doter d'un socle de compétences minimales pour sanctionner les infractions au règlement. L'article 9 précisait en particulier que les autorités compétentes en matière de protection des consommateurs devaient disposer du pouvoir de chercher à obtenir du professionnel responsable de l'infraction des engagements tendant à mettre fin à l'infraction et du pouvoir d'obtenir des engagements de sa part en vue d'offrir des mesures correctrices pour les consommateurs affectés par ladite infraction. Elles étaient également autorisées à publier leur décision, les engagements des professionnels ou encore les ordonnances. L'article 10 du règlement ajoutait enfin que les autorités compétentes pouvaient soit exercer directement ces pouvoirs, soit demander aux juridictions compétentes de rendre la décision nécessaire.

L'article L. 524-3 du code de la consommation a permis, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 201686(*), de satisfaire aux obligations du règlement européen. Il a autorisé les agents de la DGCCRF à saisir l'autorité judiciaire en référé ou sur requête en cas d'infraction ou de manquement aux dispositions du code de la consommation, pour lui demander de prescrire aux fournisseurs d'accès à internet ou aux hébergeurs en ligne de prendre « toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne. ».

L'article 5 de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière87(*) (loi DDADUE) a ensuite renforcé les prérogatives des agents de la DGCCRF pour lutter contre les contenus illicites en ligne.

Ces dispositions permettent de répondre aux exigences du règlement (UE) 2017/2394, mais également à celles du règlement (UE) 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits soumis à la législation d'harmonisation de l'Union88(*). En des termes proches de l'article 9 du règlement (UE) 2017/2394, l'article 14 du règlement (UE) 2019/1020 impose en effet aux autorités nationales de surveillance du marché, lorsqu'il n'existe pas d'autre moyen efficace pour éliminer un risque grave, qu'elles puissent, directement ou par l'intermédiaire d'un juge :

- « exiger le retrait du contenu d'une interface en ligne qui mentionne les produits concernés ou exiger l'affichage d'une mise en garde explicite des utilisateurs finals lorsque ceux-ci accèdent à une interface en ligne » ;

- ou, lorsque l'injonction précédente est restée sans suite, « exiger du prestataire de services de la société de l'information qu'il restreigne l'accès à l'interface en ligne concernée, y compris en demandant à des tiers concernés d'appliquer de telles mesures. »

Par conséquent, l'article 521-3-1 du code de la consommation prévoit désormais que, pour faire cesser les manquements aux règles de protection des consommateurs et de conformité des produits, et lorsqu'aucun autre moyen n'est disponible, la DGCCRF dispose d'un pouvoir d'injonction à l'égard des intermédiaires en ligne.

Ainsi, en cas d'infraction portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs ou de manquement aux règles relatives à la sécurité des produits, et si l'auteur de la pratique ne peut être identifié ou s'il n'a pas déféré aux injonctions de mise en conformité, deux types de mesures sont prévues en fonction de la gravité de l'infraction constatée, par voie de réquisition.

Premièrement, la DGCCRF peut ordonner aux opérateurs de plateforme en ligne, aux hébergeurs en ligne et aux personnes exploitant des interfaces en ligne d'afficher un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu'ils accèdent au contenu manifestement illicite.

Deuxièmement, lorsque l'infraction constatée est passible d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement et est de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs, la DGCCRF dispose de la faculté d'émettre plusieurs injonctions, pour :

- ordonner aux opérateurs de plateforme en ligne, en leur notifiant les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites, de prendre toute mesure utile au déréférencement de ces adresses ;

- ordonner aux opérateurs et aux hébergeurs en ligne de prendre toute mesure utile destinée à limiter l'accès aux interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites et dont les adresses leur ont été notifiées ;

- ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d'un nom de domaine pour une durée maximale de trois mois renouvelable une fois. Si l'infraction persiste, le nom du domaine peut être supprimé ou transféré à l'autorité compétente.

Ces mesures doivent être prises dans un délai qui ne peut être inférieur à 48 heures et peuvent faire l'objet d'une mesure de publicité. Le déréférencement89(*) a pour conséquence que, lorsqu'un consommateur recherche sur un moteur de recherche un produit figurant au catalogue du professionnel mis en cause et qui était auparavant indexé par ce moteur de recherche, il ne peut plus être dirigé vers la page internet du produit sur le site internet du professionnel. Il peut toutefois toujours y accéder en saisissant l'adresse exacte.

Enfin, aux termes de l'article L. 532-5 du code de la consommation, le non-respect des mesures ordonnées ou devant être appliquées aux adresses électroniques notifiées par la DGCCRF est puni des peines prévues au 1 du VI de l'article 6 de la LCEN, à savoir un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PERMETTRE AUX AGENTS DES DOUANES DE DEMANDER LE DÉRÉFÉRENCEMENT DES CONTENUS AYANT PERMIS LA COMMISSION D'INFRACTIONS DOUANIÈRES

Le présent article insère au sein du titre II du code des douanes un nouveau chapitre V bis intitulé « Prévention des infractions commises par l'intermédiaire d'internet ». Ce nouveau chapitre serait composé de quatre articles (articles 67 D-5 à 67 D-8).

L'article 67 D-5 définit tout d'abord les intermédiaires en ligne concernés par l'application du chapitre V bis, ce terme générique visant deux types d'acteurs :

- les opérateurs de plateforme en ligne au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation (cf. supra) ;

- les personnes mentionnées au 2 du I de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), c'est-à-dire les hébergeurs de contenus ou de données (cf. supra).

Ce même article précise la définition des interfaces en ligne, qui s'entendent de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d'accéder aux biens ou aux services qu'il propose.

L'article 67 D-8 prévoit qu'un décret devra préciser les modalités d'application du chapitre V bis, et notamment des procédures définies aux articles 67 D-6 et 67 D-7 aux termes desquelles les agents des douanes pourront obtenir le déréférencement de certains contenus, la suspension ou la suppression de noms de domaine et la suspension de comptes de réseaux sociaux.

A. PREMIÈRE ÉTAPE : CONSTATER LES INFRACTIONS DOUANIÈRES ET EN INFORMER LES INTERMÉDIAIRES EN LIGNE AFIN DE LES INCITER À RETIRER OU À RENDRE INACCESSIBLES LES CONTENUS ILLICITES

L'article 67 D-6 établit ensuite le cadre dans lequel les agents des douanes pourront demander aux intermédiaires en ligne de prendre des mesures permettant de rendre inaccessibles ou de retirer les contenus ayant permis la commission d'infractions douanières.

Les agents des douanes devront d'abord constater qu'une infraction a été commise en ayant recours à un moyen de communication électronique. Les infractions couvertes sont celles mentionnées à l'article 414 du code des douanes, à savoir les délits douaniers de première classe (contrebande et importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées ou de tabac manufacturé90(*)) ainsi que les infractions de vente ou d'acquisition à distance de tabac (10° de l'article 1810 du code général des impôts).

Une fois cette infraction constatée, les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur, spécialement habilités par leur chef de circonscription, pourront inviter l'intermédiaire, c'est-à-dire l'opérateur de plateforme en ligne ou l'hébergeur, à leur faire connaître, dans un délai qu'ils fixent, si les services de communication au public en ligne qu'il propose ont permis la commission de l'infraction.

Après avoir pris connaissance des observations de l'intermédiaire, ou en l'absence d'observations dans le délai fixé, les agents des douanes habilités pourront signifier à l'intermédiaire, par un avis motivé, que les services de communication au public en ligne ou le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages qu'il a fournis ont permis la commission de l'infraction. L'intermédiaire disposera alors d'un délai de 48 heures pour informer la Douane des suites qu'il a données à cet avis motivé, en précisant les mesures prises ou à venir afin que les contenus ayant permis la commission des infractions soient retirés ou rendus inaccessibles ainsi que la date de leur effectivité.

B. DEUXIÈME ÉTAPE : UNE RÉPONSE GRADUÉE EN L'ABSENCE DE RETRAIT PAR LES INTERMÉDIAIRES EN LIGNE DES CONTENUS AYANT PERMIS LA COMMISSION DES INFRACTIONS DOUANIÈRES

L'article 67 D-7 précise les prérogatives des agents des douanes lorsque, malgré l'envoi de l'avis motivé, les contenus ayant permis la commission des infractions n'ont pas été retirés ou rendus inaccessibles.

Les agents des douanes pourront alors :

- soit « demander à tout opérateur de registre, bureau d'enregistrement de domaines ou exploitant de moteur de recherche, d'annuaire ou de service de référencement de prendre toutes mesures utiles destinées à faire cesser leur référencement ou de procéder à la suspension du nom de domaine pour une durée de trois mois renouvelable une fois, afin de prévenir la communication de l'adresse électronique des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites donnant accès aux services fournis au public par l'intermédiaire concerné » (1° de l'article 67 D-7) ;

- soit « demander au tribunal judiciaire, selon la procédure prévue à l'article 375 [du code des douanes] la suppression, en raison du caractère illicite de leurs contenus, d'un ou de plusieurs noms de domaine auprès de tout opérateur de registre ou tout bureau d'enregistrement de domaines, ou d'un ou de plusieurs comptes de réseaux sociaux auprès d'un opérateur de plateforme en ligne » (2° de l'article 67 D-7). L'article 375 du code des douanes fait référence à la procédure de simple requête à laquelle peut recourir la Douane pour demander, en l'espèce, au tribunal judiciaire, de confisquer en nature des objets saisis sur des inconnus ou des individus qui n'ont pas fait l'objet de poursuites en raison du peu d'importance de la fraude.

Il est précisé que les mesures prises au titre des 1° et 2° de l'article 67 D-7 pourront faire l'objet d'une mesure de publicité, cette dernière étant décidée par le tribunal judiciaire en cas de mise en oeuvre du 2°.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF UTILE POUR LUTTER CONTRE LES INFRACTIONS DOUANIÈRES COMMISES SUR INTERNET MAIS QUI NÉCESSITE D'IMPORTANTS AJUSTEMENTS

Sur proposition du rapporteur (amendement COM-75), la commission a procédé à une réécriture globale des dispositions du présent article, en s'appuyant d'une part sur les mécanismes déjà mis en place pour la lutte contre la fraude et pour la DGCCRF et, d'autre part, sur les exigences constitutionnelles et européennes. Ainsi, si la commission est favorable au dispositif proposé et en perçoit les avancées pour la lutte contre les infractions douanières les plus graves, elle considère que plusieurs ajustements sont nécessaires pour assurer la pleine effectivité du dispositif et le sécuriser juridiquement.

La possibilité de déréférencer des sites, de suspendre ou de supprimer des noms de domaine et de supprimer des comptes de réseaux sociaux constitue en effet une atteinte à la liberté d'expression et de communication - puisqu'elle limite l'accès des utilisateurs à certains sites, applications et contenus - mais aussi à la liberté d'entreprendre.

Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que les atteintes portées à la liberté d'expression et de communication, dont l'exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés, doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi91(*). Il soumet donc les atteintes à cette liberté à son degré de contrôle le plus exigeant.

A. DEMANDER LE DÉRÉFÉRENCEMENT DES CONTENUS ILLICITES, UN DISPOSITIF ÉPROUVÉ POUR LA DGCCRF ET DONT L'EXTENSION AUX DOUANES EST JUSTIFIÉE PAR LA LUTTE CONTRE LES DÉLITS DOUANIERS LES PLUS GRAVES

La disposition proposée s'inscrit dans les évolutions législatives apportées ces dernières années pour davantage impliquer les intermédiaires en ligne dans la lutte contre la fraude et contre les infractions commises par l'intermédiaire d'internet.

1. Pour la DGCCRF, une prérogative éprouvée et jugée conforme à la Constitution

Le dispositif proposé pour la Douane s'inspire très largement de celui mis en place pour la DGCCRF, en dépit de quelques divergences. Le rapporteur a donc interrogé le Gouvernement sur l'utilisation de ce dispositif par les agents chargés de la protection des consommateurs.

La DGCCRF a fait à plusieurs reprises usage des prérogatives d'injonction que lui confie l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, y compris à l'encontre d'acteurs systémiques. Elle a par exemple enjoint aux intermédiaires en ligne de déréférencer le site de commerce en ligne Wish ainsi que son application mobile des moteurs de recherche et des magasins d'application mobile.

Cette injonction, à l'encontre d'un acteur important des places de marché en ligne, faisait suite à une enquête du service national d'enquête (SNE) de la DGCCRF ouverte en septembre 2020 et concernant la sécurité des produits vendus sur cette plateforme. Parmi les 140 produits retenus dans l'échantillonnage, pour la plupart importés, les agents de la DGCCRF ont relevé que 95 % des jouets étaient non conformes, dont 45 % dangereux, que 95 % des appareils électriques étaient non conformes, dont 90 % dangereux et que 62 % des bijoux fantaisie étaient dangereux92(*). Par ailleurs, les procédures de retraits et de rappels de produits ne répondaient pas aux exigences applicables en la matière.

Au mois de juillet 2021, la DGCCRF a donc enjoint à la plateforme Wish de se conformer à ses obligations en cessant de tromper les consommateurs sur la nature des produits vendus, sur les risques inhérents à leur utilisation et sur les contrôles effectués, dans le délai de deux mois qui lui avait été octroyé. La plateforme ne s'étant pas conformée à ses obligations, la DGCCRF a demandé au mois de novembre 2021 le déréférencement du site et de son application. D'autres sites de commerce électronique ont fait l'objet de mesures similaires pour pratiques commerciales trompeuses93(*), tandis que 16 000 contrôles de site internet ont été réalisés.

Il convient enfin de souligner que le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par la société ContextLogic Inc - société exploitant Wish - a jugé que le dispositif d'injonction prévu à l'article L. 521-3-1 du code de la consommation était conforme à la Constitution dans sa rédaction résultant de la loi DDADUE du 3 décembre 202094(*).

2. Pour la Douane, une nouvelle prérogative pour faciliter la lutte contre les délits douaniers commis par le biais de contenus et de plateformes en ligne

Dans le cadre de la réflexion menée sur ses missions stratégiques, à la suite du transfert du recouvrement de la plupart des taxes et impôts à la direction générale des finances publiques (DGFiP), la Douane a rappelé son rôle « d'administration de la frontière et de la marchandise ».

Le contrat d'objectifs et de moyens de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) pour la période 2022-2025 comprend ainsi des mesures liées à la maîtrise de la frontière numérique (axe n° 2). Tenir cette frontière, « c'est faire en sorte que les produits achetés en ligne et acheminés depuis l'étranger [...] n'échappent pas à l'impôt et au respect des normes [...]. C'est aussi empêcher que ces colis servent à introduire des marchandises illicites comme les stupéfiants ou les contrefaçons ». Le présent article s'inscrit dans ce cadre et doit permettre à la Douane d'être plus efficace pour tenir une frontière numérique qui s'avère extrêmement poreuse à la fraude et aux marchandises prohibées.

La Douane a par exemple récemment initié et coordonné au niveau européen une opération de deux ans, entre décembre 2020 et décembre 2022, pour retirer des millions de contrefaçons vendues sur des plateformes de vente en ligne européennes95(*). Ces contrefaçons ciblaient les enfants, les adolescents et les jeunes adultes : 16,7 millions de produits ont été saisis ou bloqués dans l'ensemble des pays participants, dont 5,5 millions saisis en France. Au total, en 2021, en 2021, 9,1 millions d'articles contrefaits ont été retirés du marché par la Douane (+ 60 % par rapport à 2020) et 11,5 millions en 2022 (+ 26 % par rapport à 2021).

De manière plus générale, cette disposition peut être conçue comme l'acquisition par la Douane d'un nouvel outil pour répondre aux obligations de résultat imposées par le code des douanes de l'Union96(*) en matière de lutte contre la fraude et de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union (articles 310 et 325 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et article 3 du code des douanes de l'Union).

S'agissant d'une obligation de résultat, les mesures mises en place par les États membres doivent être suffisamment dissuasives et effectives pour lutter contre les activités illicites. Les douanes doivent en outre agir dans un contexte de plein essor du commerce en ligne. Selon la Fédération du e-commerce et des ventes à distance (Fevad), le secteur du commerce en ligne a totalisé 146,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022, soit une hausse de près de 14 % par rapport à l'année 2021, tandis que les transactions sur des sites de vente sur internet ont augmenté de 6,5 % pour atteindre un volume de 2,3 milliards d'opérations (biens et services)97(*).

En audition, le directeur du renseignement et des enquêtes douanières a indiqué que la Douane, et en particulier le service « Cyberdouane », travaillait de plus en plus sur les infractions commises par le biais d'internet. Or, elle se heurte à une difficulté opérationnelle majeure : il s'agit le plus souvent d'un « trafic de fourmis », avec une multitude de petits infracteurs. Le rapport entre l'ampleur de l'enquête douanière à mener pour mettre fin à ces infractions et le volume des marchandises prohibées concerné est donc extrêmement défavorable, au détriment de l'efficacité de la lutte contre les délits douaniers. Demander le retrait ou le déréférencement de certains contenus apparaît dès lors comme un moyen plus rapide et plus efficace pour mettre fin au trafic de « basse intensité » que d'apporter systématiquement une réponse judiciaire. L'objectif est donc bien de freiner voire d'entraver la publicité des annonces ou des sites diffusant des contenus illégaux.

À titre de comparaison, la DGCCRF indique que cette nouvelle prérogative lui permet de « faire cesser rapidement un trouble à l'ordre économique, en complément des suites administratives ou pénales qui permettent de sanctionner et, dans certains cas, de réparer des préjudices »98(*). La mesure doit en effet être conçue comme un moyen de mettre rapidement fin à la diffusion de contenus illicites qui servent de vecteurs à la commission d'infractions douanières, en préalable à une enquête administrative ou judiciaire qui sanctionnerait les personnes physiques ou morales auteurs de ces infractions.

Toutefois, contrairement à d'autres dispositions du présent projet de loi, aucune estimation n'est donnée, même à titre indicatif, sur le nombre de demandes qui pourraient être adressées chaque année par les agents des douanes aux intermédiaires en ligne ou au tribunal judiciaire. L'octroi d'une telle prérogative aux agents des douanes devra impliquer un suivi particulièrement documenté de son usage, des demandes adressées aux intermédiaires, aux opérateurs de registre et aux moteurs de recherche ainsi que des infractions empêchées grâce à ce dispositif.

B. UN DISPOSITIF QUI APPELLE TOUTEFOIS À DE PROFONDES MODIFICATIONS POUR ASSURER SON EFFECTIVITÉ ET LE SÉCURISER JURIDIQUEMENT

Si les agents des douanes disposent de pouvoirs généraux et reconnus qui peuvent trouver à s'appliquer à des pratiques frauduleuses ou illicites constatées sur des sites de commerce électronique, la nécessité de lutter plus efficacement contre la commission d'infractions douanières à partir de contenus en ligne justifie de prévoir un cadre d'action spécifique, à condition qu'il soit assorti de toutes les garanties nécessaires.

Pour sa proposition de rédaction globale (amendement COM-75), le rapporteur s'est donc en grande partie appuyé sur la décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022 (« pouvoir d'injonction numérique » de la DGCCRF) ainsi que sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) et le règlement (UE) 2022/2065 du 19 octobre 2022 sur les services numériques99(*), dit règlement DSA (Digital Services Act).

1. Clarifier le périmètre des infractions douanières visées

L'instauration de prérogatives pouvant conduire à porter atteinte au plein exercice de la liberté d'expression et de communication suppose d'abord que les infractions visées soient graves.

Ainsi, dans sa décision du 21 octobre 2022 sur la DGCCRF, le Conseil constitutionnel a relevé, en appui du dispositif, que les infractions visées étaient punies d'une peine d'au moins deux ans d'emprisonnement et étaient de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs100(*).

Les infractions douanières visées par le présent article recouvrent quant à elles les délits douaniers de première classe visés à l'article 414 du code des douanes. Ces délits, sanctionnés d'une peine d'emprisonnement de trois ans maximum, correspondent à des faits de contrebande, tels que l'importation de marchandises prohibées. Quant à la vente ou l'acquisition à distance de tabac, visée au 10 de l'article 1810 du code général des impôts, l'article 14 du présent projet de loi prévoit de porter d'un an à trois ans la peine d'emprisonnement pour cette infraction101(*).

Ensuite, dans plusieurs décisions, y compris celle portant sur la non-conformité à la Constitution du droit de visite des agents douaniers102(*), le Conseil constitutionnel a rappelé que, pour apprécier la conciliation opérée par le législateur entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, les droits et libertés des personnes concernées, il tenait compte des précisions apportées au cadre applicable à la conduite des opérations douanières. Ces précisions incluant l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction, il est impératif, pour les agents des douanes, de pouvoir circonstancier l'application de leurs prérogatives.

Le sujet n'est pas tant ici que l'infraction soit constatée par un agent des douanes : l'article 323 du code des douanes leur confie une attribution principale pour constater les infractions aux lois et règlements douaniers. La difficulté vient plutôt de la caractérisation de l'infraction douanière en ligne, qui suppose de disposer d'indices sérieux quant au fait qu'il y a eu franchissement d'une frontière par des marchandises prohibées ou par des marchandises introduites en contrebande.

La question qui se pose est donc de savoir à quel moment les agents des douanes pourront prouver qu'il y a eu vente en ligne puis expédition en France d'une marchandise prohibée importée sans déclaration. Dans le dispositif proposé, les agents des douanes pourront d'abord engager une procédure contradictoire avec les intermédiaires afin de recueillir des informations sur la commission ou non de ces infractions par le biais des contenus qu'ils proposent.

Le rapporteur s'est demandé si ces précisions étaient suffisantes au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et s'est interrogé sur la manière dont la Douane allait pouvoir attester de la matérialisation de l'infraction avant d'engager la procédure d'échanges avec les intermédiaires en ligne.

Dans sa décision sur la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet103(*), l'une des raisons qui avait conduit le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la Constitution les dispositions de la loi était en effet que la détermination du caractère illicite des contenus « ne repos[ait] pas sur leur caractère manifeste » et qu'elle était « soumise à la seule appréciation de l'administration ». En revanche, lorsqu'il a examiné la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne104(*), dont certaines des dispositions s'inspiraient de la loi sur les contenus haineux, le Conseil constitutionnel a relevé que l'injonction administrative ne pouvait porter « que sur des contenus à caractère terroriste précisément définis et limitativement énumérés à l'article 2 du règlement du 29 avril 2021105(*) ».

Ainsi, dans le commentaire de sa décision sur le pouvoir « d'injonction numérique » de la DGCCRF, le Conseil constitutionnel conclut que, pour apprécier la proportionnalité des atteintes portées à la liberté d'expression et de communication, il tient compte « de la certitude ou, au contraire, de l'incertitude quant à la licéité du comportement ou du message susceptible d'être réprimé. Plus la qualification juridique des messages ou comportements visés est susceptible de donner lieu à débat, appréciation ou controverse, plus le risque est grand que l'atteinte soit jugée disproportionnée »106(*).

Dès lors, au regard des éléments qui lui ont été transmis et en l'attente d'éventuelles justifications complémentaires, le rapporteur a proposé à la commission de préciser le champ d'application du présent article, en visant les infractions de vente ou d'acquisition à distance de tabac et les infractions de contrebande pour les marchandises réputées avoir été importées en contrebande au sens de l'article 419 du code des douanes. Cet article prévoit en effet que certaines marchandises sont réputées avoir été importées en contrebande à défaut de justification de leur origine, de présentation des documents nécessaires ou en cas de présentation de documents faux, inexacts, incomplets ou non applicables. Sont notamment concernées, à l'article 215 bis du code des douanes, les marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité et la moralité publiques ainsi que les marchandises contrefaites. Le but n'est en effet pas d'exclure du dispositif les marchandises prohibées de par leur nature-même.

À sa demande, deux exemples ont été transmis au rapporteur par la direction générale des douanes et des droits indirects :

- lors d'un contrôle de fret express, les agents des douanes découvrent des colis en provenance d'un État tiers contenant des jouets revêtus d'une marque connue. Suite à la procédure de retenue-contrefaçon prévue à l'article L. 716 du code de propriété intellectuelle107(*) et des informations obtenues de la part du titulaire de la marque, il s'avère que ces jouets sont des contrefaçons. Le délit d'importation de marchandises contrefaites est donc constaté. Par ailleurs, les agents découvrent dans les colis des documents établissant que la commande a eu lieu via une plateforme en ligne. Le service peut dès lors retrouver l'annonce et, si elle est toujours présente, recourir au dispositif prévu par le présent article pour demander son retrait ;

- lors d'un contrôle de colis postaux en provenance de Suisse, les agents des douanes découvrent des pièces de monnaie ancienne. Après expertise107(*), il est établi que ces objets entrent dans la définition des biens culturels, dont l'importation est interdite s'ils ont été sortis du territoire du pays dans lequel ils ont été créés ou découverts en violation des dispositions législatives et règlementaires de ce pays. Les agents des douanes de ce pays confirment que les pièces sont le fruit d'un cambriolage. Dans ce cas, le délit d'importation sans déclaration est constaté. Le destinataire a par ailleurs indiqué avoir acheté ces pièces sur un site d'enchères en ligne. Si les agents des douanes découvrent sur ce site des annonces du même expéditeur, portant sur des pièces anciennes, alors ils peuvent recourir au dispositif prévu par le présent article.

Il s'agit donc dans ces deux situations de contenus manifestement illicites, pour lesquels il a été démontré qu'il y a bien eu importation sans justificatif, et donc délit douanier de contrebande. Le dispositif proposé n'a pas non plus vocation à exclure de son application les marchandises prohibées en soi, par exemple les stupéfiants. L'utilisation du dispositif prévu au présent article reposera sur une articulation étroite avec les contrôles « physiques » exercés par les agents des douanes. En 2020, ces derniers avaient relevé plus de 27 000 infractions douanières dans les envois du e-commerce108(*).

Pour le tabac, la simple constatation d'acquisition ou de vente en ligne suffit. L'article 568 ter du code général des impôts prohibe en effet la vente et l'acquisition de tabac en ligne : le simple fait de proposer de tels produits sur une plateforme en ligne suffit donc à caractériser l'infraction et constitue un contenu manifestement illicite.

2. Prévoir un dispositif de réponse gradué et des délais d'action raisonnables pour les intermédiaires en ligne

a) Une demande strictement motivée

Le Conseil constitutionnel a précisé, dans sa décision sur l'article L. 521-3-1 du code de la consommation relatif au pouvoir « d'injonction numérique » de la DGCCRF, qu'il n'exigeait pas nécessairement l'intervention préalable d'un juge, « dès lors notamment que l'administration voit son action suffisamment encadrée et que des recours effectifs sont garantis par la loi »109(*).

D'abord, comme le relève le Conseil d'État dans son avis, une procédure contradictoire est instaurée par le présent article puisque l'intermédiaire disposera de la possibilité de faire part de ses observations, dans un délai dont l'amendement adopté par la commission fixe la durée minimale à sept jours, durée qui pourra être abaissée selon les éléments dont disposera la commission d'ici à la séance publique. Par ailleurs, seuls les agents habilités de la Douane pourront user de ces nouvelles prérogatives et, dans les faits, ce seront principalement les agents de Cyberdouane110(*). L'amendement adopté par la commission précise simplement que les agents ne seront pas habilités par leur chef de circonscription mais par le directeur général des douanes. Une centralisation des habilitations permettra en plus de disposer d'une vision « consolidée » des agents disposant de la faculté d'exercer ces prérogatives, ce qui semble d'autant plus nécessaire qu'elles sont susceptibles de porter atteinte à la liberté d'expression et de communication.

Le Conseil constitutionnel tient également compte du fait que la demande de retrait comporte la référence au type de contenu concerné ainsi qu'une motivation suffisamment détaillée pour justifier du caractère illicite du contenu111(*). Ces deux éléments sont pour partie prévus dans le dispositif proposé au présent article, puisque les agents des douanes habilités devront motiver l'avis envoyé aux intermédiaires pour leur signifier que leurs services de communication ou que les contenus qu'ils hébergent ont servi à la commission d'infractions douanières.

Le décret en Conseil d'État, issu de la réécriture de l'article 67 D-8 par l'amendement de la commission (cf. infra), devra permettre de préciser le contenu de l'avis motivé et des demandes adressées par les agents des douanes en application des articles 67 D-6 et 67 D-7. Devraient être intégrées une description du contenu illicite concerné, sa localisation et, le cas échéant, la ou les adresses auxquelles il est rendu accessible.

L'exemption de responsabilité dont bénéficient les fournisseurs de contenus en ligne a été confirmée par le règlement DSA, dans lequel est rappelé que les fournisseurs ne peuvent engager leur responsabilité que s'ils ont eu spécifiquement connaissance de l'activité illégale ou du contenu illicite et qu'ils n'ont pas agi rapidement pour retirer ce contenu ou en rendre l'accès impossible. Pour ce faire, comme le précise l'article 9 du règlement, l'injonction de retrait doit comprendre divers éléments de motivation, sur lesquels le Gouvernement pourra s'appuyer pour la rédaction du décret en Conseil d'État.

Article 9 du règlement DSA

Aux termes de l'article 9 du règlement DSA, toute injonction d'agir contre un ou plusieurs éléments spécifiques de contenu illicite, émise par les autorités judiciaires ou administratives nationales compétentes, doit comprendre les éléments suivants :

- une référence à la base juridique au titre du droit de l'Union ou du droit national pour l'injonction ;

- un exposé des motifs expliquant pourquoi les informations constituent un contenu illicite, en référence à une ou plusieurs dispositions spécifiques du droit de l'Union ou du droit national conforme au droit de l'Union ;

- des informations permettant d'identifier l'autorité d'émission ;

- des informations claires permettant au fournisseur de services intermédiaires d'identifier et de localiser le contenu illicite concerné, telles qu'un ou plusieurs URL exacts et, si nécessaire, des informations supplémentaires ;

- des informations relatives aux mécanismes de recours dont disposent le fournisseur de services intermédiaires et le destinataire du service ayant fourni le contenu ;

- le cas échéant, des informations sur l'autorité qui doit recevoir les informations relatives aux suites données aux injonctions.

Source : règlement (UE) 2022/2065 du 19 octobre 2022 sur les services numériques

b) Un dispositif de réponse gradué

Ensuite, dans son commentaire sur la décision concernant la DGCCRF, le Conseil constitutionnel explique avoir tenu compte du fait que le pouvoir de déréférencement n'a pas vocation à être exercé immédiatement, mais seulement après que l'administration a tenté en vain d'obtenir de l'intermédiaire en ligne qu'il se mette en conformité avec ses obligations.

D'après les éléments recueillis par le rapporteur, le dispositif proposé au présent article se veut être une réponse graduée : le recours au tribunal judiciaire n'interviendrait qu'en « dernier recours ».

Or, si ces intentions ont été confirmées par la DGDDI en audition, la rédaction du dispositif manque de clarté sur ce point. Il convient de la préciser pour la sécuriser. La demande adressée au tribunal judiciaire ne pourra intervenir que si l'infraction constatée par les agents des douanes persiste en dépit des demandes adressées aux intermédiaires en ligne pour la faire cesser ou pour faire déréférencer les contenus illicites concernés et en dépit des demandes de déréférencement ou de suspension du nom de domaine adressées aux opérateurs de registre, bureau d'enregistrement de domaines ou exploitant de moteur de recherche, d'annuaire ou de service de référencement.

De même, au regard de l'atteinte portée à la liberté d'expression et de communication et à la liberté d'entreprendre, l'amendement de rédaction globale conserve le fait que seule une décision judiciaire peut conduire à supprimer un ou plusieurs noms de domaines ou un plusieurs comptes de réseaux sociaux, ce qui excède la simple restriction des accès. C'est également ce qui justifie que la commission propose que le recours au tribunal judiciaire ne puisse intervenir que dans un troisième temps, après que les demandes adressées aux intermédiaires puis aux opérateurs de registre ou aux moteurs de recherche n'ont pas permis de rendre inaccessible le contenu illicite par lequel est commise l'infraction douanière.

c) Un fondement plus adapté pour le recours au tribunal judiciaire

Concernant la demande adressée au tribunal judiciaire, l'amendement de réécriture adopté par la commission des finances modifie le fondement sur lequel les agents des douanes pourront adresser cette demande.

En lieu et place de l'article 375 du code des douanes, qui prévoit une procédure de requête simplifiée pour la confiscation des objets saisis sur des inconnus, il est proposé que cette demande s'appuie sur la procédure prévue au 8 du I de l'article 6 de la LCEN. Ce fondement apparaît plus adapté en ce qu'il prévoit que le président du tribunal judiciaire statue selon la procédure accélérée au fond, en l'espèce pour prescrire à toute personne toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne.

d) Des délais de réponse strictement encadrés et précisés

Se pose ensuite la question des délais laissés aux intermédiaires pour répondre à l'avis motivé et prendre les mesures nécessaires ; un aspect primordial pour assurer la conformité du dispositif à la Constitution mais aussi au droit européen, qui prévient toute disposition qui forcerait les intermédiaires en ligne à pratiquer une surveillance généralisée des contenus, par définition excessivement attentatoire à la liberté d'expression et de communication.

Dans sa décision sur la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet112(*), le Conseil constitutionnel avait ainsi constaté que le délai d'une heure laissé à l'éditeur ou à l'hébergeur pour déférer à la demande de l'administration ne permettait pas un droit au recours effectif, alors même que l'intermédiaire s'exposait à une sanction pénale (un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende) s'il n'y déférait pas.

En revanche, concernant le dispositif mis en place par la DGCCRF, le Conseil avait positivement relevé qu'aux termes de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, le délai fixé aux intermédiaires pour procéder au déréférencement ne pouvait être inférieur à 48 heures.

C'est ce même délai qui est prévu dans le présent article : les agents des douanes habilités à cet effet ne pourront pas demander aux intermédiaires en ligne de procéder au déréférencement d'un contenu et à la suspension d'un nom de domaine dans un délai de moins de 48 heures. Ce délai laisse donc le temps aux intermédiaires de contester la décision par la voie d'un recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative113(*).

Le rapporteur a proposé que ce même délai minimal de 48 heures soit prévu pour les demandes adressées aux opérateurs de registre et moteurs de recherche, lorsque, en dépit de l'avis motivé, les intermédiaires n'ont pas retiré ou rendu inaccessibles les contenus manifestement illicites.

3. Encadrer les mesures de publicité

La publicité des demandes adressées par les agents des douanes aux intermédiaires, aux opérateurs de registre, aux plateformes en ligne ou aux moteurs de recherche constitue en soi des mesures imposées à ces acteurs, qui peuvent leur porter préjudice. Elles signalent en effet au public que la Douane a identifié des contenus manifestement illicites sur ces plateformes ou interfaces en ligne.

Dès lors, et à l'instar de ce qui est prévu pour les injonctions adressées par la DGCCRF, la commission propose que les conditions de publicité soient renvoyées à un décret en Conseil d'État et que seul le tribunal judiciaire puisse décider de la publicité des mesures qu'il a lui-même ordonnées.

Pour ce faire, l'amendement adopté par la commission remplace le décret simple prévu à l'article 67 D-8 par un décret en Conseil d'État, qui devra notamment préciser les conditions d'habilitation des agents des douanes, le contenu de l'avis motivé et des demandes adressées par les agents des douanes en application des articles 67 D-6 et 67 D-7 ainsi que les conditions dans lesquelles les mesures peuvent faire l'objet d'une mesure de publicité.

4. Une interrogation sur l'instauration d'un réel pouvoir d'injonction et la mise en place d'un mécanisme de sanction pour les intermédiaires en ligne

a) Une rédaction qui ne confère pas un pouvoir d'injonction aux agents des douanes

Le rapporteur s'est enfin interrogé sur les termes utilisés au présent article, qui s'écartent de ceux utilisés à l'article L. 521-3-1 pour les agents de la DGCCRF. Ces derniers disposent en effet d'un véritable pouvoir d'injonction puisqu'ils peuvent, contrairement aux agents des douanes, ordonner la mise en oeuvre de mesures de retrait des contenus illicites, la Douane ne pouvant que demander aux intermédiaires de prendre les mesures nécessaires en réponse à son avis motivé. La question d'une harmonisation entre les prérogatives de ces agents s'est donc posée.

L'une des raisons mises en avant par le Gouvernement pour expliquer cette divergence est que le règlement DSA ferait obstacle à la mise en place d'un tel pouvoir d'injonction, ce qui supposerait d'ailleurs que le dispositif prévu pour la DGCCRF ne soit pas pleinement conforme aux exigences du règlement européen.

Cet argument n'est pas complètement convaincant. Le règlement DSA fait en effet référence aux « injonctions » émises par les autorités nationales, administratives comme judiciaires, et les éléments complémentaires transmis au rapporteur vont également dans ce sens. Le considérant 31 du règlement DSA dispose ainsi que « les autorités judiciaires ou administratives nationales, y compris les autorités répressives, peuvent enjoindre aux fournisseurs de services intermédiaires de prendre des mesures à l'encontre d'un ou de plusieurs éléments de contenus illicites spécifiques ou de fournir certaines informations spécifiques », les articles 4, 5, 6 et 54 du règlement précisant dès lors que leurs dispositions n'affectent pas la possibilité, pour ces autorités, d'exiger du fournisseur de services qu'il mette fin à une injonction ou qu'il prévienne une infraction.

La divergence provient donc peut-être davantage du fait que les agents de la DGCCRF disposent déjà d'un pouvoir général d'injonction de mise en conformité (article L. 521-1 du code de la consommation), adapté ensuite à la recherche et au constat d'infractions commises par l'intermédiaire d'internet (article L. 521-3-1 du même code).

Pour la DGCCRF comme pour la Douane, il est en revanche impossible, au regard du droit européen et des exigences constitutionnelles, de prévoir un dispositif qui reviendrait à imposer une obligation générale de surveillance ou de recherche active des faits par les intermédiaires en ligne (article 8 du règlement DSA), ce qui porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et de communication. C'est l'une des autres raisons pour lesquelles cette rédaction aurait été retenue, d'autant qu'elle permet également la mise en oeuvre d'un échange contradictoire avec les intermédiaires en ligne, avant toute mesure visant à rendre certains contenus inaccessibles.

Là encore, l'argumentaire n'est pas pleinement convaincant : octroyer à une administration la possibilité de demander le déréférencement de contenus signalés n'impose pas une surveillance généralisée des contenus par les plateformes, d'autant qu'elles auront justement la possibilité de transmettre leurs observations, dans le cadre de la procédure contradictoire.

b) Un effet dissuasif limité en l'absence de mécanisme de sanction des intermédiaires

À l'instar de ce qu'il avait défendu pour le paiement de la TVA en ligne, avec l'instauration d'un mécanisme de responsabilité solidaire pour les plateformes en ligne, le rapporteur s'est interrogé sur la nécessité de prévoir un mécanisme de responsabilité et/ou de sanction pour les intermédiaires en ligne qui ne répondraient pas avec suffisamment de diligence aux demandes de retirer ou de rendre inaccessibles les contenus manifestement illicites. D'après les informations qui lui ont été communiquées, le sujet de la responsabilité a suscité d'importants débats, dans un contexte où de plus en plus d'obligations sont imposées aux plateformes.

Pour mémoire, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière114(*), la mise en oeuvre de la responsabilité pénale de l'intermédiaire en ligne en cas de manquement à ses obligations de déréférencement ne devra pas présenter un caractère automatique mais prendre en compte des hypothèses dans lesquelles il est impossible pour l'intermédiaire d'y déférer (cas de force majeure, impossibilité de fait qui ne lui est pas imputable, insuffisance des informations contenues dans la demande).

Toutefois, cette jurisprudence n'interdit pas la mise en place d'une sanction, à l'instar de celle prévue pour le non-respect des mesures de déréférencement ordonnées par la DGCCRF. Aux termes de l'article L. 532-5 du code de la consommation, ce manquement est puni de la sanction prévue au 1 de l'article VI de l'article 6 de la LCEN, à savoir un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende. Pour le dispositif mis en oeuvre par la DGCCRF, la sanction est donc liée son pouvoir d'injonction, qui n'existe pas en tant que tel pour la Douane.

Le rapporteur a donc proposé à la commission d'approfondir ce sujet en vue de l'examen du présent article en séance publique.

*

L'amendement COM-75 apporte enfin quelques corrections rédactionnelles et de précision.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 13

Modernisation du délit de blanchiment douanier

. Le présent article a pour objet de renforcer la portée du délit de blanchiment douanier, par une triple extension de son champ d'application.

Il accroit tout d'abord le champ d'application territorial de ce délit. Pour ce faire, il prévoit explicitement que l'infraction d'origine peut être commise à l'étranger et alignant la territorialité du délit de blanchiment douanier sur le délit de blanchiment de droit commun. La commission a adopté un amendement COM-77, de manière à retenir une rédaction de cette disposition qui soit en cohérence avec les dispositions de la directive européenne anti-blanchiment du 20 mai 2015, dont l'article 1er a explicitement reconnu que les délits de blanchiment de capitaux pouvaient porter sur des infractions d'origine commises à l'étranger.

Le présent article précise ensuite que le blanchiment douanier pourra être caractérisé même si les opérations de transport et de collecte de fonds portant sur le produit de l'infraction à l'origine du blanchiment sont réalisées uniquement sur le territoire national. Cette disposition répond à un besoin opérationnel des agents des douanes, qui en l'état actuel du droit, ne peuvent pas sanctionner pour blanchiment douanier les fonds transportés par des « mules » entre le territoire métropolitain et la Guyane.

Il accroît enfin le périmètre des personnes susceptibles d'être sanctionnées au titre du blanchiment douanier, en étendant le champ de la notion de « personnes intéressées à la fraude ». Sur ce point, la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement COM-76 visant à remédier à une incohérence du code des douanes, qui permet actuellement d'appliquer l'intéressement à la fraude aux délits d'importation ou d'exportation sans déclaration, mais l'exclut des cas où ces délits ont été réalisés grâce à de fausses déclarations.

Le rapporteur se félicite par ailleurs de l'inclusion des cryptoactifs parmi les fonds couverts par le blanchiment douanier, ces modes alternatifs de transaction et de transport de fonds étant de plus en plus utilisés pour blanchir le produit des `infractions.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE CHAMP D'APPLICATION DU DÉLIT DE BLANCHIMENT DOUANIER EST RESTREINT

A. LE DÉLIT DE BLANCHIMENT DOUANIER A VU SA PORTÉE LIMITÉE PAR LA JURISPRUDENCE

1. Le délit de blanchiment douanier est une notion distincte du délit de blanchiment de droit commun

Le délit de blanchiment douanier est défini à l'article 415 du code des douanes. Créé par la loi du 23 décembre 1988 de finances pour 1989115(*), il visait initialement à accorder aux services des douanes une base légale pour leur permettre d'appréhender le blanchiment de produits financiers issus du trafic de stupéfiants.

L'article 415 du code des douanes prévoit plusieurs conditions cumulatives permettant de caractériser le blanchiment douanier. Ce délit implique d'abord nécessairement l'existence d'une opération financière116(*) entre la France et l'étranger.

Il doit en ce sens être distingué du délit de blanchiment de droit commun, qui ne comprend aucune précision sur la portée territoriale de cette infraction. L'article 324-1 du code pénal définit en effet le blanchiment comme « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect », et comme le fait « d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. ».

L'infraction à l'origine du blanchiment de droit commun peut par ailleurs concerner n'importe quel crime ou délit, contrairement au délit de blanchiment douanier, pour lequel les infractions d'origine sont limitativement énumérées à l'article 415 du codes des douanes. Ainsi, les fonds sur lesquels portent les opérations de blanchiment douanier doivent provenir, directement ou indirectement, d'une des infractions suivantes :

- un délit prévu au sein de ce même code ;

- une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants ;

- un délit portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne (UE)117(*).

Outre ces éléments matériels, la jurisprudence du la Cour de cassation a permis de dégager un élément moral constitutif de la fraude, selon lequel la caractérisation du délit de blanchiment douanier implique nécessairement que la personne poursuivie ait eu connaissance de la provenance délictueuse de ces fonds118(*). L'article 415-1 du code des douanes prévoit par ailleurs une présomption simple selon laquelle les fonds visés sont « le produit direct ou indirect » d'une des infractions précitées.

L'article 415 du code des douanes définit enfin les sanctions applicables à ce délit. Les auteurs d'un délit de blanchiment douanier s'exposent ainsi :

- à dix ans d'emprisonnement ;

- à la confiscation des sommes en infraction, ou d'une somme en tenant lieu lorsque la saisie n'a pas pu être prononcée ;

- à la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre ;

- à la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction ;

- à une amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction, et jusqu'à dix fois cette somme lorsque ladite infraction a été commise en bande organisée.

2. La portée territoriale de la notion de blanchiment douanier est aujourd'hui limitée, en raison notamment de la jurisprudence de la Cour de cassation

La portée territoriale du délit de blanchiment douanier apparait aujourd'hui doublement limitée. Il convient en effet de distinguer :

- d'une part, l'infraction à l'origine du blanchiment, qui ne peut avoir été commise que sur le territoire national, sauf pour les cas d'infractions à la législation sur les stupéfiants et aux délits portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne ;

- d'autre part, les activités en lien avec les fonds tirés de cette infraction d'origine, qui doivent nécessairement impliquer une opération financière avec l'étranger, comme cela est expressément indiqué à l'article 415 du code des douanes (voir supra).

1) Dans le cadre d'un délit visé par le code des douanes, l'infraction à l'origine du blanchiment est limitée au seul territoire national, comme l'a rappelé la Cour de Cassation

En l'état actuel du droit, la portée du délit de blanchiment douanier a été sensiblement limitée par l'interprétation retenue par le juge judiciaire concernant la territorialité de l'infraction à l'origine des activités incriminées.

Il ressort en effet de l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2016119(*) que, si le délit de blanchiment douanier implique nécessairement une opération financière entre la France et l'étranger, l'infraction d'origine ne peut en revanche avoir été commise, dans le cadre d'un délit prévu par le code des douanes120(*), qu'en France.

Le juge s'est ainsi référé à la lettre de l'article 415 du code des douanes121(*). Il a considéré que l'infraction d'origine devait être un délit prévu au code des douanes122(*). Il en a dès lors été déduit que l'infraction d'origine ne pouvait pas avoir lieu à l'étranger mais seulement sur le territoire douanier, puisque le code des douanes français se limite à la répression des règles d'entrée et de sortie des marchandises du territoire douanier français123(*).

Cet arrêt de la Cour de cassation conduit ainsi à opérer une distinction notable avec sa jurisprudence relative au délit de blanchiment de droit commun. Le juge a en effet estimé que, pour que le blanchiment commis en France d'une infraction d'origine commise à l'étranger soit puni, il suffisait que cette infraction d'origine soit qualifiée de crime ou de délit par la législation française, peu importe que les juridictions françaises soient incompétentes pour la poursuivre124(*).

Cette interprétation s'écarte également de la définition du champ d'application de l'infraction d'origine du blanchiment de capitaux opérée par la directive européenne anti-blanchiment du 20 mai 2015 qui a reconnu la possibilité d'inclure dans le champ du blanchiment de capitaux « des activités qui sont à l'origine des biens à blanchir et qui ont été exercées sur le territoire d'un autre État membre ou sur celui d'un pays tiers125(*) ».

2) Le code des douanes prévoit explicitement que les opérations financières portant sur les fonds tirés de cette infraction d'origine doivent être réalisées avec l'étranger

Deuxième élément limitant la portée territoriale du délit de blanchiment douanier, l'article 415 du code des douanes définit ce délit comme le fait de « procéder à une opération financière entre la France et l'étranger » portant sur des fonds d'origine illicite.

Sont par conséquent exclues du champ de l'incrimination de blanchiment douanier les opérations financières effectuées sur et à destination du seul territoire national126(*), par exemple, la collecte et le transport d'argent par des « mules » entre la France la Guyane, ou le transfert préalable d'argent en France et son regroupement sur un compte bancaire, en vue d'un transfert à l'étranger.

B. LA NOTION D'INTÉRESSEMENT À LA FRAUDE PORTE SUR UN NOMBRE LIMITÉ D'INFRACTIONS AU CODE DES DOUANES

L'intéressement à la fraude est défini à l'article 399 du code des douanes. Le 2 de cet article définit les personnes intéressées à la fraude comme :

« les entrepreneurs, membres d'entreprise, assureurs, assurés, bailleurs de fonds, propriétaires de marchandises, et, en général, ceux qui ont un intérêt direct à la fraude » ;

- « ceux qui ont coopéré d'une manière quelconque à un ensemble d'actes accomplis par un certain nombre d'individus agissant de concert, d'après un plan de fraude arrêté pour assurer le résultat poursuivi en commun » ;

- « ceux qui ont, sciemment, soit couvert les agissements des fraudeurs ou tenté de leur procurer l'impunité, soit acheté ou détenu, même en dehors du rayon, des marchandises provenant d'un délit de contrebande ou d'importation sans déclaration ».

En résumé, les personnes intéressées sont celles qui ont un intérêt direct à la fraude, qui ont coopéré avec les auteurs d'infraction, couvert leurs agissements, ou acheté ou détenu des marchandises provenant de l'infraction.

Le 1 de l'article 399 de ce même code énumère les infractions pour lesquelles l'intéressement à la fraude est susceptible d'être caractérisé. Sont ainsi concernés le délit de contrebande ainsi que le délit d'importation ou d'exportation sans déclaration : l'intéressement à la fraude n'est dès lors punissable que si cette fraude a un caractère délictuel127(*).

Ce même 1 prévoit que les personnes intéressées à la fraude sont passibles des mêmes peines que les auteurs de l'infraction, le 3 de l'article 399 précité précisant toutefois que l'intérêt à la fraude « ne peut être imputé à celui qui a agi en état de nécessité ou par suite d'erreur invincible ».

L'intéressement à la fraude doit être distingué de la notion de complicité mentionnée à l'article 398 du code des douanes, et qui par un renvoi à l'article 121-7 du code pénal, est définie par le fait de faciliter sciemment la « préparation ou la consommation » d'un délit « par aide ou assistance ». La notion de complicité recoupe également « toute personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN TRIPLE RENFORCEMENT DE LA PORTÉE DU DÉLIT DE BLANCHIMENT DOUANIER

A. UNE EXTENSION DU CHAMP DES PERSONNES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE SANCTIONNÉES, PAR L'APPLICATION DE LA NOTION D'INTÉRESSEMENT À LA FRAUDE AU DÉLIT DE BLANCHIMENT DOUANIER

Le dispositif prévu par le présent article prévoit tout d'abord d'étendre le champ d'application de l'intéressement à la fraude à l'ensemble des personnes prenant part à un délit de blanchiment douanier. Pour ce faire, le 1 du I du présent article modifie le 1 de l'article 399 du code des douanes, de manière à prévoir que sont couvertes par la notion d'intéressement à la fraude l'ensemble des infractions visées par l'article 415 de ce même code.

Le 2 du II modifie le a du 2 de ce même article 399, en proposant une nouvelle rédaction du a, plus englobante que la formulation actuelle qui désigne « les entrepreneurs, membres d'entreprise, assureurs, assurés, bailleurs de fonds, propriétaires de marchandises, et, en général, ceux qui ont un intérêt direct à la fraude ». Serait désormais visé par cet article l'ensemble des « personnes physiques ou morales qui ont un intérêt à la fraude ».

B. L'EXTENSION DE LA PORTÉE TERRITORIALE DU DÉLIT DE BLANCHIMENT DOUANIER

1. L'infraction à l'origine du délit de blanchiment pourrait désormais avoir été commise à l'étranger

En réponse à la jurisprudence de la Cour de cassation du 4 mai 2016, le a) du 1° du II du présent article modifie l'article 415 du code des douanes, afin de prévoir que les délits à l'origine du blanchiment douanier pourront désormais concerner « toute législation que les agents des douanes sont chargés d'appliquer », en plus des délits de stupéfiants et des délits portant atteinte aux intérêts de l'Union européenne.

Cette formulation se substituerait à celle prévue aujourd'hui à l'article 415 du code des douanes et visant « tout délit prévu au présent code [des douanes] », qui était à l'origine de l'interprétation restrictive de la Cour concernant la territorialité du délit à l'origine du blanchiment.

Le b) du 1° du II prévoit par ailleurs explicitement qu'un délit à la législation que les agents des douanes sont chargés d'appliquer pourra être sanctionné au titre du blanchiment « y compris s'il a été commis sur le territoire d'un autre État membre ou sur celui d'un pays tiers ».

2. Les opérations de transport et de collecte des fonds d'origine illicite pourront être sanctionnées au titre du blanchiment même si elles ont lieu uniquement sur le territoire national

Le 2° du II du présent article modifie également l'article 415128(*) du code des douanes, afin d'intégrer dans le périmètre du blanchiment douanier les activités de collecte ou de transport de fonds illicites, quand bien même ces opérations auraient uniquement été réalisées sur le territoire national.

Il prévoit ainsi explicitement que le blanchiment douanier peut être applicable « aux opérations de transport et de collecte des fonds d'origine illicite (...) qui sont réalisées sur le territoire douanier ». La caractérisation du délit de blanchiment douanier n'implique dès lors plus nécessairement la constatation d'une opération financière entre la France et l'étranger, tel que cela est prévu dans le droit aujourd'hui.

Cette nouvelle disposition a vocation à s'appliquer plus spécifiquement aux fonds transportés par des « mules » entre le territoire métropolitain et la Guyane, que le droit actuel ne permet pas de sanctionner au titre du blanchiment douanier (voir infra).

Par coordination, les mêmes modifications sont apportées à l'article 415-1 du code des douanes, relatif à la présomption simple selon laquelle les fonds sont le produit direct ou indirect d'un délit prévu au code des douanes lorsque les conditions de l'opération ne paraissent obéir à d'autre motif que de dissimuler leur origine (III du présent article).

C. L'INCLUSION DES CRYPTOACTIFS PARMI LES FONDS FAISANT L'OBJET DU BLANCHIMENT DOUANIER

Le code des douanes ne permet actuellement pas de conférer la qualification de blanchiment douanier à des opérations financières issues de délits douaniers au moyen d'actifs numériques. Le libellé de l'article 415 ne vise en effet que le transfert de « fonds », qui ne correspond pas à la définition légale des cryptoactifs.

Le 2° du II du présent article remédie à cette situation en prévoyant explicitement que les dispositions de l'article 415 s'appliquent lorsque l'opération de blanchiment douanier « se rapporte à des actifs numériques mentionnés à l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier », c'est-à-dire aux cryptoactifs de type bitcoins ou aux jetons.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : SI LE DISPOSITIF PRÉSENTE DES APPORTS NOTABLES, IL PEUT NÉANMOINS ENCORE ÊTRE CLARIFIÉ ET ENRICHI

A. UNE EXTENSION DU CHAMP D'APPLICATION TERRITORIAL DU DÉLIT DE BLANCHIMENT NÉCESSAIRE, MAIS DONT LA PORTÉE DOIT ÊTRE CLARIFIÉE

Le rapporteur soutient les dispositions qui permettront de donner au délit de blanchiment douanier sa pleine portée territoriale.

La possibilité de sanctionner au titre du blanchiment douanier des opérations telles que les transports et collectes de fonds réalisés uniquement sur le territoire national constitue tout d'abord une réponse à une difficulté opérationnelle rencontrée par les agents des douanes. Elle leur permettra en effet d'appréhender certains phénomènes de collectes et de transports de fonds liés à des opérations de blanchiment douanier, mais ne pouvant être sanctionnés à ce titre, dans la mesure où ces opérations sont réalisées sur le territoire national. Les opérations de transports de fonds réalisés par les « mules » entre le territoire métropolitain et la Guyane sont l'exemple le plus emblématique des limites du droit actuel face aux réalités opérationnelles auxquelles les douaniers sont confrontés. Le cadre existant ne permet pas de sanctionner ces opérations au titre du blanchiment douanier lorsque les personnes ayant été rémunérées pour avoir transporté des stupéfiants sont appréhendées à l'aéroport, dans la mesure où elles n'impliquent pas le franchissement d'une frontière. Elles ne peuvent dès lors pas être sanctionnées pour blanchiment douanier, alors même que ces fonds sont le produit du trafic de stupéfiants.

La disposition visant à étendre le périmètre de l'infraction à l'origine du blanchiment est également bienvenue et permettra de l'aligner avec le périmètre de l'infraction à l'origine du blanchiment de droit commun, dont l'absence de territorialité a été affirmée par la directive anti-blanchiment du 20 mai 2015.

La rédaction proposée n'apparait toutefois pas pleinement satisfaisante. Elle renvoie en effet à une faculté pour les agents douaniers de sanctionner un délit à toute législation que les agents des douanes sont chargés d'appliquer, qui serait « commis » sur le territoire d'un autre État membre ou sur celui d'un pays tiers. Cette formulation laisse subsister un doute sur la portée réelle du dispositif. En renvoyant à la notion de « délit commis » sur le territoire étranger, cette rédaction peut laisser supposer que le dispositif pourrait permettre aux agents de douanes de sanctionner une infraction relevant d'une législation douanière étrangère, ce qui ne constitue pas l'intention initiale de cet article. Dès lors, il n'est pas pleinement garanti que cette disposition apporte une réponse suffisante à l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2016.

La commission a donc adopté un amendement COM-77 visant à rapprocher la rédaction de cette disposition de celle de l'article 1er de la directive anti-blanchiment du 20 mai 2015129(*), de manière à clarifier l'intention du législateur.

B. SI L'INTÉRESSEMENT À LA FRAUDE DOIT ÊTRE ÉTENDU AVEC PRUDENCE, IL APPARAITRAIT JUSTIFIÉ DE L'APPLIQUER ÉGALEMENT AUX DÉLITS D'IMPORTATION OU D'EXPORTATION EN CAS DE FAUSSE DÉCLARATION

La rédaction actuelle de l'article 399 du code des douanes limite l'application de l'intéressement à la fraude aux délits de contrebande et aux délits d'importation et d'exportation sans déclaration (cf. supra).

Or, l'ordonnance du 29 septembre 2019 a créé, au sein de l'article 414-2 du code des douanes, un délit d'importation et d'exportation spécifique en cas de fausse déclaration, distinct du délit réalisé sans déclaration. Cette infraction n'est à ce jour pas couverte par la notion d'intéressement.

Il peut dès lors sembler incohérent que l'intéressement à la fraude, applicable aux cas de défaut de déclaration ou d'exportation sans déclaration, ne le soit pas aux cas de fausse déclaration. L'amendement COM-76, adopté par la commission à l'initiative de son rapporteur, vise donc à remédier à cette situation, en étendant l'intéressement à la fraude aux délits de déclaration ou d'exportation en cas de fausse déclaration intentionnelle.

Si l'extension du champ de l'intéressement à la fraude au délit de blanchiment douanier et au délit d'exportation ou d'exportation en cas de fausse déclaration apparaissait pleinement justifiée, le rapporteur souligne toutefois que, compte tenu de son caractère large, toute extension du champ d'application de cette notion devrait être envisagée avec prudence. Cette précaution est d'autant plus justifiée par le fait que cette notion n'a à ce jour jamais fait l'objet d'un contrôle de sa conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel, même si la Cour de cassation a refusé en 2012 de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur ce sujet130(*).

C. L'INCLUSION DES CRYPTOACTIFS DANS LE CHAMP DU DISPOSITIF DE MANIÈRE À LE METTRE EN COHÉRENCE AVEC LE PHÉNOMÈNE DE DÉMATÉRIALISATION DES FONDS À L'ORIGINE D'UN BLANCHIMENT DOUANIER

La commission se félicite de l'inclusion des cryptoactifs dans le dispositif. Le recours à ce mode de transaction dans le cadre d'opérations de blanchiment de capitaux a été récemment mis en lumière par les travaux de la commission.

Dans le cadre de son audition par la commission des finances le 5 avril 2023131(*), le directeur de Tracfin, Guillaume Valette-Valla, a en effet souligné que l'activité de son service spécialisé dans la lutte contre ces opérations de blanchiment avait été substantiellement affectée ces trois à quatre dernières années par l'essor de ces nouveaux supports. Les auditions du rapporteur ont permis de confirmer cette tendance en matière de blanchiment douanier : les enquêteurs des douanes ont constaté, sur le terrain, un recours accru à ces instruments pour commettre ce délit, sans être en mesure de les saisir. L'un des enjeux, souligné par la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, sera de bien former les agents pour repérer ces supports de transactions internationales.

La Douane considère que l'ensemble des modifications apportées à l'article 415 du code des douanes, relatives tant à la portée territoriale du délit de blanchiment douanier qu'aux personnes et aux fonds visés, devrait conduire à une hausse de 15 % du nombre de constatations de ce délit, avec une cible annuelle fixée, à titre indicatif, à 275 constatations par an132(*).

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 14

Renforcement des sanctions douanières et pénales en matière de trafics de tabacs

. Le présent article prévoit de renforcer les sanctions applicables aux trafics de tabacs, d'abord en élargissant la peine complémentaire de confiscation pour délit de contrebande aux biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre. Au-delà des produits de tabac manufacturé, cette disposition couvrira l'ensemble des marchandises prohibées.

Ensuite, il crée une peine complémentaire d'interdiction du territoire pour les étrangers condamnés pour contrebande de tabacs ou de stupéfiants, qui serait prononcée selon les conditions et les modalités d'application prévues par le code pénal.

Enfin, les sanctions pénales applicables à la fabrication, à la détention et au trafic de tabacs seraient portées d'un an à trois ans d'emprisonnement, voire de cinq ans à dix ans d'emprisonnement pour les faits commis en bande organisée.

Compte tenu de l'ampleur croissante des trafics de tabacs et de leurs conséquences financières et sanitaires, bien documentées, la commission a soutenu le renforcement des sanctions. Elle a simplement adopté un amendement rédactionnel ( COM-78).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DES SANCTIONS MULTIPLES ET CUMULABLES EN MATIÈRE DE TRAFICS DE TABACS, QUI NE PARVIENNENT TOUTEFOIS PAS À ENDIGUER LA FRAUDE ET LA CONTREBANDE

A. EN MATIÈRE DE TRAFICS DE TABACS, DE MULTIPLES SANCTIONS PEUVENT ÊTRE INFLIGÉES, PARFOIS CUMULATIVEMENT

En matière de trafics de tabacs, le code général des impôts (CGI) et le code des douanes prévoient trois types de sanctions :

- des sanctions de nature fiscale ;

- des sanctions de nature douanière ;

- des sanctions de nature pénale.

1. Les sanctions fiscales, qui consistent en des amendes et pénalités, sont particulièrement élevées en ce qui concerne les trafics de tabacs

L'article 1791 du CGI prévoit des sanctions fiscales applicables aux actes ayant pour objet ou pour effet de frauder ou de compromettre la perception des droits, taxes ou autres impositions relevant de contributions indirectes. Ces sanctions, dont l'objet est de réprimer les atteintes à la fiscalité, consistent - outre la confiscation des marchandises de fraude et des biens et avoirs qui sont le produit de l'infraction - en l'infliction cumulative :

- d'une amende dont le montant varie entre 15 et 750 euros ;

- et d'une pénalité dont le montant est fixé d'un à trois fois celui des droits fraudés ou compromis.

Aux termes de l'article 1791 ter du CGI, lorsque les faits sanctionnés relèvent d'actes de trafic de tabacs (fabrication, détention, vente ou transport illicites), les sanctions applicables sont alourdies :

- le montant de l'amende varie entre 2 000 et 10 000 euros, voire entre 100 000 et 500 000 euros lorsque les faits sont commis en bande organisée ;

- le montant de la pénalité est fixé d'un à dix fois celui des droits fraudés, voire de cinquante à cent fois ce montant lorsque les faits sont commis en bande organisée.

2. Les sanctions douanières prévues à l'article 414 du code des douanes ne sont pas cumulables avec les sanctions fiscales pour trafics de tabacs

L'article 414 du code des douanes prévoit les sanctions applicables aux délits douaniers de contrebande et d'importation ou exportation sans déclaration de produits du tabac et d'autres marchandises prohibées (contrefaçon, stupéfiants, etc.). Ces sanctions douanières revêtent une nature mixte, tant répressive que « réparatrice133(*) ».

Ces délits sont sanctionnés :

- d'une peine d'emprisonnement de trois ans (dix ans lorsque les faits sont commis en bande organisée) ;

- d'une amende pouvant atteindre deux fois la valeur de l'objet de la fraude (dix fois lorsque les faits sont commis en bande organisée) ;

- et d'une sanction de confiscation de l'objet de la fraude, des moyens de transport, des objets ayant servi à masquer la fraude, ainsi que des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction.

Outre les auteurs de l'infraction, ces peines peuvent également frapper les personnes intéressées aux délits mentionnés à l'article 414 du code des douanes134(*). Ces personnes sont en outre déclarées incapables de se présenter à la bourse, d'exercer les fonctions d'agent de change ou de courtier, d'être électeurs ou élus aux chambres de commerce, tribunaux de commerce et conseils de prud'hommes135(*).

Toutefois, en application du principe de la séparation des procédures en matière de douane et de contributions indirectes136(*), les sanctions prévues à l'article 414 du code des douanes ne peuvent être cumulées avec les sanctions fiscales dès lors que l'infraction est relevée au titre du code général des impôts.

3. Les sanctions pénales prévues en matière de trafics de tabacs sont cumulables avec les sanctions fiscales et douanières

Les trafics de tabacs (fabrication, détention frauduleuse, transport, vente...) font également l'objet de sanctions pénales, définies par l'article 1810 du CGI. Celles-ci peuvent se cumuler avec les sanctions fiscales précédemment mentionnées. Ces faits sont punis de la confiscation des moyens de transport et des contenants et appareils ayant servi à la fabrication, ainsi que d'une peine d'un an d'emprisonnement.

Lorsque ces faits sont commis en bande organisée, l'article 1811 du CGI porte cette peine d'emprisonnement à cinq ans.

Les sanctions pénales peuvent être infligées cumulativement avec des sanctions fiscales137(*) et des sanctions douanières138(*), dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la proportionnalité des peines selon laquelle il convient que « le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues139(*). »

B. LA LUTTE CONTRE LES TRAFICS DE TABACS EST D'AUTANT PLUS NÉCESSAIRE QUE L'AMPLEUR DE CES TRAFICS S'ACCROÎT

1. La nécessité de la lutte contre le développement du marché parallèle des produits du tabac

Le développement du marché parallèle du tabac a, pour citer les conclusions du rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'évolution de la consommation de tabac140(*), des conséquences « multiples et préjudiciables ». Outre la perte de recettes fiscales due à l'évitement des droits sur les tabacs, les conséquences de l'essor des trafics sont d'une particulière acuité en matière de santé publique : 27 % des cancers sont imputables à l'usage du tabac141(*).

La France s'est au demeurant engagée à éliminer toute les formes de commerce illicite de produits du tabac, en ratifiant la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT). Parmi les mesures nationales à adopter figure, notamment, le renforcement des sanctions dont sont passibles les trafics de tabacs142(*).

2. Le volume des trafics de tabacs suit depuis plusieurs années une tendance haussière

Les saisies de tabac n'ont cessé d'augmenter ces dernières années. Ainsi, en 2020, les services douaniers ont saisi 284 tonnes de tabac, 402 tonnes en 2021 et 649 tonnes en 2022. Entendue par le rapporteur, la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) a indiqué que la Douane avait procédé, au 30 avril 2023, à la saisie de 162 tonnes de tabacs depuis le début de l'année.

Les services douaniers, à l'instar des services la police et de la gendarmerie, font également le constat du développement de la poly-criminalité des individus impliqués dans les trafics de produits du tabac. Celle-ci se caractérise par la pratique concomitante d'autres types d'activités criminelles ou délictueuses aux côtés des trafics de tabac, notamment le trafic de stupéfiants, d'armes ou de contrefaçons.

Évolution des constatations et des saisies de tabac
par la Douane ces cinq dernières années

Source : commission des finances, à partir des rapports d'activité de la Douane pour les années 2018 à 2021 et du dossier de presse du présent projet de loi

Cette forte attractivité du trafic de tabac s'explique par l'ampleur des gains attendus et par la rentabilité de ce trafic, au regard des sanctions encourues. La moindre sévérité des sanctions pénales pour le trafic de tabacs, par rapport à celles encourues pour d'autres types d'infractions, notamment en matière de trafics de stupéfiants, constitue en effet un facteur aggravant.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN RENFORCEMENT DES SANCTIONS DOUANIÈRES ET PÉNALES APPLICABLES AUX TRAFICS DE TABACS

Le présent article vise à renforcer les sanctions applicables à plusieurs délits douaniers, particulièrement en ce qui concerne les trafics de tabacs.

Le du I vise à élargir la peine complémentaire de confiscation, prévue par l'article 414 du code des douanes, aux biens ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre - cette disposition couvrant non seulement les produits du tabac manufacturé, mais également les marchandises prohibées.

Le du I crée un nouvel article 432 ter du code des douanes, qui prévoit une peine complémentaire d'interdiction du territoire français pouvant aller jusqu'à 10 ans, applicable aux étrangers condamnés pour une infraction mentionnée à l'article 414 du code des douanes et portant sur les produits du tabac manufacturé ou sur les stupéfiants.

Le II procède à l'aggravation des sanctions en matière de trafics de tabacs prévues aux articles 1810 et 1811 du CGI. À cette fin, il alourdit les peines d'emprisonnement encourues de un à trois ans et, pour les infractions commises en bande organisée, de cinq à dix ans.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN RENFORCEMENT OPPORTUN DES SANCTIONS, ACCOMPAGNÉ DE GARANTIES

A. UNE HARMONISATION DES BIENS POUVANT ÊTRE CONFISQUÉS ASSORTIE DE GARANTIES CONFORTÉES

1. Un élargissement opportun de la liste des biens passibles de confiscation

La commission s'est montrée favorable à la possibilité pour les agents de la Douane, pour tout délit de contrebande ou infraction se rapportant à des marchandises prohibées ou à des produits du tabac manufacturé, de confisquer des objets ayant servi à commettre le délit douanier ou étant destiné à le commettre. En effet, l'article 414 du code des douanes ne prévoit pas, dans sa rédaction actuelle, la confiscation de ces objets.

Ce faisant, le projet de loi procède à une mise en conformité du code des douanes avec le droit de l'Union européenne. La directive sur le gel et la confiscation des instruments et produits du crime143(*), prévoit en effet que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des « instruments » de l'infraction144(*), c'est-à-dire tout bien employé ou destiné à être employé dans la commission d'une infraction145(*).

Il s'agit également, selon l'étude d'impact du projet de loi, de combler une lacune qui existerait à l'article 414. En effet, d'autres délits douaniers sont passibles d'une peine de confiscation des objets ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre : c'est le cas des atteintes portées aux intérêts financiers de l'Union européenne146(*), délit de première classe mais puni plus sévèrement, et du blanchiment douanier147(*), délit de deuxième classe.

2. Une intégration des garanties apportées par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne des droits de l'Homme

Le présent article tire les conséquences de décisions rendues par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'Homme visant à protéger le droit du propriétaire de bonne foi de sanctions confiscatoires.

Dans l'hypothèse où l'auteur de l'infraction n'est pas propriétaire de l'objet confisqué, il peut néanmoins en avoir la « libre disposition », c'est-à-dire qu'il est le véritable titulaire du droit de disposer de l'objet, nonobstant le titre de propriété d'un tiers. Dans ce cas, la Douane peut également confisquer l'objet en question.

La Cour européenne des droits de l'Homme et le Conseil constitutionnel ont néanmoins jugé, respectivement en 2009148(*) puis en 2010149(*), que la possibilité pour le propriétaire de bonne foi de se voir restituer ses biens était une garantie nécessaire au respect du droit de propriété.

Le présent article, en prévoyant que la confiscation est possible, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure, inscrit dans le code des douanes les jurisprudences constitutionnelle et conventionnelle, ce à quoi la commission est favorable.

B. UNE PEINE COMPLÉMENTAIRE ADAPTÉE À LA RÉPRESSION DES TRAFICS TRANSFRONTALIERS

L'introduction dans le code des douanes d'une peine d'interdiction du territoire français, d'une durée maximale de dix ans et applicable aux étrangers condamnés pour contrebande de tabacs ou de stupéfiants, permettrait de prononcer cette peine sur la seule base d'une infraction douanière, et non d'une infraction pénale, ce qui est actuellement impossible.

Cette peine complémentaire est en relation directe avec le délit réprimé : la contrebande de tabacs ou de stupéfiants constitue en effet un délit principalement transfrontalier150(*). Les services douaniers sont en effet de plus en plus souvent confrontés à des passeurs multi-récidivistes appartenant à des organisations de fraude qui se livrent à la contrebande de cigarettes. Il s'agit souvent de voyageurs aériens transportant d'importantes quantités de tabacs dans des bagages de soute.

Dès lors, le prononcé d'une peine d'interdiction du territoire permettrait d'empêcher ces passeurs, lorsqu'ils sont étrangers, d'importer des produits du tabac sur le territoire national. Il est bien entendu précisé que seul le ministère public pourra requérir l'application de cette peine, l'administration des douanes pouvant seulement demander l'application des sanctions fiscales en répression des infractions douanières.

Le cumul d'une telle peine complémentaire d'interdiction du territoire n'est pas en lui-même contraire au principe de non bis in idem tel qu'il est issu de l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales151(*), pas plus qu'il ne porte par principe une atteinte disproportionnée aux droits des personnes concernées152(*).

La rédaction du nouvel article 432 ter du code des douanes renvoie aux garanties prévues par le code pénal153(*). Dans ces conditions, la commission s'est montrée favorable à la création de l'article 432 ter du code des douanes.

C. UN RENFORCEMENT OPPORTUN DES SANCTIONS PÉNALES EN MATIÈRE DE TRAFICS DE TABACS

1. Le renforcement des sanctions fiscales pourrait ne pas avoir l'effet dissuasif espéré en matière de trafics de tabacs

Dans leur rapport d'information de septembre 2021 sur l'évolution de la consommation de tabac154(*), les rapporteurs de la mission d'information de l'Assemblée nationale constataient que « l'augmentation des prix du tabacs a eu pour conséquence indirecte de renforcer la profitabilité du trafic de cigarettes » et que les sanctions applicables en cas de trafics de tabacs devaient être « aussi dissuasives que celles prévues pour les trafics de stupéfiants ».

Sur ce point, il est essentiel qu'une évaluation du coût du trafic de tabacs mais aussi de la valeur des saisies puisse être menée, même à titre indicatif, à l'instar de ce qui est prévu pour les stupéfiants, où les saisies sont présentées en tonnes mais aussi en valeur théorique.

Il a été procédé en loi de finances pour 2022155(*) à un doublement des sanctions fiscales applicables en la matière au titre de l'article 1791 ter du CGI. Au vu de l'ampleur grandissante des trafics de tabacs, il semble que l'augmentation des sanctions financière n'ait pas eu, à elle seule, l'effet dissuasif espéré.

2. Un rapprochement des sanctions pénales avec celles applicables au trafic de stupéfiants

Le rapprochement avec les sanctions prévues pour le trafic de stupéfiants répond au constat des agents des douanes d'une diversification des activités des trafiquants de stupéfiants, qui se tournent de plus en plus vers le trafic des produits du tabac en raison de sa profitabilité croissante et des peines moins sévères qui sont encourues.

Le présent article porte ainsi les peines d'emprisonnement encourues pour fabrication, détention ou trafic de produits du tabac de un à trois ans et, pour les infractions commises en bande organisée, de cinq à dix ans. Pour être pleinement effectif, ce renforcement des peines devra s'accompagner, comme l'a expliqué la Douane, d'une augmentation en parallèle du nombre de saisines des juridictions répressives : la Douane vise d'ici trois ans 1 200 dossiers portés en justice par an, soit une augmentation de 10 %156(*).

Ces peines demeurent sensiblement inférieures aux peines d'emprisonnement applicables aux trafics de stupéfiants, qui sont de 10 ans en cas d'importation ou d'exportation illicite157(*), de 10 ans également en cas de transport, de détention, de vente ou d'achat158(*), voire de 20 ans en cas de fabrication ou de production de stupéfiants159(*). Sans déséquilibrer l'échelle des peines, le présent article vise ainsi à diminuer l'attractivité du trafic des produits du tabac par rapport au trafic de stupéfiants.

Tout en approuvant cet alourdissement des sanctions pénales, la commission a adopté un amendement rédactionnel  COM-78 pour garantir la clarté de la modification ainsi apportée à l'article 1810 du CGI.

Le rapporteur note en conclusion que si le renforcement des sanctions traduit « l'engagement 3 » pris par le Gouvernement dans le cadre du plan tabac 2023-2025160(*), il ne suffira pas, à lui seul, à lutter contre ce trafic. D'autres mesures du plan sont tout aussi importantes et dépendront des moyens dédiés par le Gouvernement et par la Douane à la lutte contre ce trafic, qu'il s'agisse de mieux en détecter les flux, d'intensifier les contrôles ou de renforcer la coopération européenne.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 14 bis (nouveau)
Accès automatique pour les agents des douanes aux informations de la DGFiP pour le contrôle des opérations de détaxe de TVA

. Le présent article, introduit par l'amendement COM-79 du rapporteur, a pour objet de renforcer la lutte contre la fraude à la détaxe de TVA, en permettant à des agents de la Douane dûment habilités d'accéder automatiquement aux informations de la direction générale des finances publiques (DGFiP) afin qu'ils puissent prendre connaissance de la résidence fiscale des voyageurs, et ainsi, mieux cibler leurs contrôles.

Cette automatisation des échanges d'informations entre Douane et DGFiP sera assortie de garanties robustes en matière de protection des données personnelles. Un décret en Conseil d'État devra en effet définir la nature des informations consultables par les agents des douanes ayant accès à ces informations, les modalités de désignation et d'habilitation de ces agents, ainsi que les conditions de traçabilité des consultations effectuées par les agents habilités.

Cet article traduit la recommandation n° 8 du rapport de la mission d'information de la commission des finances relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales du 25 octobre 2022. Il s'inscrit par ailleurs en cohérence avec la position constante exprimée par le Sénat sur ce sujet.

La commission des finances a adopté cet article additionnel.

I. LE DROIT EXISTANT : LA DÉTAXE TVA EST UN VECTEUR DE FRAUDE IMPORTANT

A. UNE PROCÉDURE PERMETTANT AUX VOYAGEURS N'AYANT PAS LEUR RÉSIDENCE HABITUELLE EN FRANCE DE BÉNÉFICIER D'UNE RESTITUTION DE TVA

La détaxe de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est permise par le droit européen, et plus particulièrement par les articles 146 et 147 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite « directive TVA »161(*).

L'article 146 précise que « les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acquéreur non établi sur leur territoire respectif, ou pour son compte, en dehors de la Communauté » sont exonérées de TVA à l'exportation. L'article 147 ajoute que lorsque la livraison « porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs », l'exonération ne s'applique que lorsque « le voyageur n'est pas établi dans la Communauté » que « les biens sont transportés en dehors de la Communauté avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée », et que « la valeur globale de la livraison, TVA incluse, excède la somme de 175 euros ».

La procédure de détaxe de TVA a été retranscrite en droit national à l'article 262 du code général des impôts (CGI). Cet article permet ainsi à un « voyageur qui n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne » de bénéficier d'une restitution de la TVA acquittée sur les marchandises achetées en France.

Il prévoit par ailleurs que la valeur globale minimale de la livraison permettant de bénéficier de la détaxe, actuellement de 100 euros162(*), est fixée par arrêté du ministre chargé du budget163(*). Un délai de trois jours calendaires entre plusieurs opérations de détaxe au sein d'un même magasin doit en outre être respecté164(*).

Le remboursement de la détaxe est effectué au moyen d'un bordereau de vente à l'exportation (BVE) que le vendeur édite par voie informatique et qu'il transmet au client bénéficiaire de la détaxe. Le vendeur est donc le premier responsable du contrôle du respect des conditions pour bénéficier de cette exonération de TVA. Le BVE est ensuite dûment visé par le service douanier de sortie de l'Union européenne (UE) définitive de la TVA.

B. UN RISQUE DE FRAUDE IMPORTANT, IDENTIFIÉ DE LONGUE DATE PAR LA COMMISSION DES FINANCES

Le contrôle de la régularité de cette procédure est effectué par les agents de la Douane présents dans les aéroports et les autres points de sortie du territoire. Ils sont ainsi chargés de vérifier le respect des conditions exigées pour que les voyageurs puissent bénéficier de cette détaxe, et notamment, le critère de résidence hors de France ou de l'UE.

Ces opérations de détaxe présentent un risque important de fraude, déjà identifié par la commission des finances lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude en 2018165(*), et rappelé par le rapport de la mission d'information de la commission des finances du Sénat relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale du 25 octobre 2022166(*).

Le schéma de fraude le plus classique consiste, pour les fraudeurs, qui sont les plus souvent des binationaux, à présenter leur passeport étranger au moment du contrôle, alors même qu'ils résident habituellement en France.

La commission des finances de l'Assemblée nationale, dans le rapport de Mohamed Laqhila sur les mécanismes de détaxe en matière de TVA du 23 février 2022, a mis en lumière un autre mécanisme frauduleux de « double vente167(*) » reposant sur le recours à des « opérateurs de détaxe », prenant en charge certaines formalités nécessaires à l'obtention de la détaxe, en échange d'une commission. Ces opérateurs jouent un rôle d'acheteur-revendeur, en achetant des biens au commerçant dans les conditions de droit commun, puis en les revendant au touriste. Ce schéma, qui permet certes d'alléger la charge administrative des vendeurs et de simplifier l'opération de détaxe pour les touristes, présente toutefois un risque important de fraude.

Il permet tout d'abord de contourner le seuil minimum d'achat de 100 euros ainsi que le délai de trois jours durant lequel des achats réalisés au sein d'une même enseigne peuvent faire l'objet d'une demande de détaxe de TVA. En effet, d'après le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale précité, « dans la mesure où l'opérateur de détaxe agit comme acheteur-revendeur entre le commerçant et le client final, c'est la transaction qui intervient entre l'opérateur et le touriste qui fait l'objet de la détaxe de TVA, et non l'achat de la marchandise, pour le compte de l'opérateur, auprès du vendeur initial. Cette opération permet aux touristes, au moment de l'émission du bordereau de détaxe, de rassembler l'ensemble des achats effectués sur le territoire français, même lorsqu'ils ont été réalisés chez des commerçants différents pour des montants chez chacun ou certains d'entre eux inférieurs à 100 euros »168(*).

Ce système de la « double vente » pose également des difficultés en matière de contrôle des opérations de détaxe par les services douaniers, qui sont essentiellement réalisés par voie informatique. En effet, « la vision informatique de l'administration des douanes ne porte que sur la transaction effectuée entre l'opérateur de détaxe et le touriste, sans qu'il soit possible de retracer l'origine des achats réalisés»169(*). Il en résulte un risque massif de fraude, sans possibilité de contrôle pour les douanes, puisque « en l'absence d'affiliation du commerçant à un opérateur de détaxe, et en l'absence de traçabilité informatique des achats qui font l'objet de la détaxe, il devient possible, pour le touriste éligible à la détaxe, d'en demander le bénéfice à plusieurs reprises pour la même transaction, par le recours à plusieurs opérateurs de détaxe. »170(*)

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : PERMETTRE AUX AGENTS DES DOUANES D'ACCÉDER AUTOMATIQUEMENT AUX SYSTÈMES D'INFORMATION DE LA DGFIP

A. L'ACCÈS AUX BASES DE DONNÉES DE LA DGFIP PERMETTRA AUX AGENTS DES DOUANES D'EFFECTUER UN MEILLEURE CIBLAGE DE LEURS OPÉRATIONS DE CONTRÔLE DE LA DÉTAXE

Le présent article vise à permettre à des agents de la Douane d'accéder automatiquement aux informations de la DGFiP relative à la résidence fiscale des voyageurs.

Pour ce faire, il introduit un article L. 83 A bis au sein du livre des procédures fiscales (LPF). Cet article prévoit ainsi un « droit d'accès direct aux informations détenues par la direction générale des finances publiques ».

La notion de résidence fiscale est certes distincte de la notion de résidence habituelle, et ne permettra donc pas de vérifier avec certitude les conditions d'éligibilité à cette exonération. Néanmoins, il est indéniable qu'en disposant des informations relatives à la résidence fiscale des voyageurs répertoriés dans les fichiers de la DGFiP, les douanes pourront opérer un meilleur ciblage de leurs contrôles, en concentrant leurs moyens sur les cas les plus suspects, du fait de leur résidence fiscale en France.

B. UN DISPOSITIF QUI BÉNÉFICIE DE SOLIDES GARANTIES EN MATIÈRE DE PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES

Le rapport de la mission d'information de la commission des finances du Sénat relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale du 25 octobre 2022 avait toutefois souligné la nécessité d'encadrer ce mécanisme d'échange automatique de données, de manière à « s'assurer que les agents des douanes ne puissent utiliser cet accès que dans un but précis, légitime et clairement défini par la loi. »

L'article L. 83 A bis du LPF introduit par le présent article prévoit à cet égard plusieurs garanties permettant de concilier l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude avec le cadre relatif à la protection des données personnelles.

Il prévoit tout d'abord que les agents des douanes pouvant accéder aux données de la DGFiP devront être « dument habilités ». Il renvoie en outre à un décret en Conseil d'État le soin de définir :

- la nature des informations consultables par ces agents ayant un accès direct à ces informations ;

- leurs modalités de désignation et d'habilitation ;

- ainsi que les conditions de traçabilité des consultations effectuées par ces agents.

C. UN DISPOSITIF QUI S'INCRIT DANS LE DROIT FIL DE LA POSITION CONSTANTE EXPRIMÉE PAR LE SÉNAT SUR CE SUJET

Cet article, qui traduit la recommandation n° 8 du rapport de la mission d'information de la commission, s'inscrit en cohérence avec la position exprimée par le Sénat sur ce sujet depuis plusieurs années.

Le Sénat avait en effet adopté dans le cadre de l'examen de la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018 un dispositif comparable qui n'avait finalement pas été retenu dans le texte final.

Plus récemment, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat avait adopté, à l'initiative de la commission des finances, un dispositif identique. Il n'avait de nouveau pas été retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement avait engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.

ARTICLE 15

Habilitation du Gouvernement à codifier la partie législative
du code des douanes

. Le présent article propose d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour procéder à la recodification du code des douanes. L'habilitation devra être prise dans un délai de 36 mois, une durée particulièrement longue qui s'explique par l'ampleur du chantier à mener, la dernière codification ayant eu lieu en 1948.

La recodification répondrait à un double objectif : prévenir l'inconstitutionnalité de certaines dispositions, qui ne tiennent pas compte des évolutions jurisprudentielles intervenues en matière de protection des droits et des libertés individuelles, et contribuer à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité du droit. Par ailleurs, plusieurs dispositions du code des douanes n'ont pas été modifiées depuis les années 1960 ou ne sont pas conformes au code des douanes de l'Union et sont donc obsolètes.

La commission a toutefois relevé que cette codification ne s'opérerait pas exactement à droit constant puisque le champ de l'habilitation prévoit d'harmoniser les dispositions d'autres codes ou lois relatives au recouvrement, au contrôle et à la gestion de certaines contributions indirectes avec celles prévues dans le code des douanes ainsi que d'harmoniser les pouvoirs dévolus aux agents des douanes, tant en ce qui concerne le contrôle douanier que les accises. Cette harmonisation se justifie néanmoins au regard de l'éclatement des dispositions en matière de contrôle douanier et de gestion des contributions indirectes, régulièrement critiqué par le Conseil d'État, qui a été jusqu'à qualifier « d'extravagant » le nombre de codes dans lesquels des articles portent sur les pouvoirs des agents des douanes.

La commission a donc fait preuve d'une vigilance particulière pour établir, dès l'examen du texte, ce qui ne relève pas d'une recodification à droit constant, de manière ensuite à pouvoir vérifier que le Gouvernement respecte le champ de l'habilitation. Cette grande prudence, voire méfiance, de la commission n'est imputable qu'à l'expérience vécue de la création du code des impositions sur les biens et services. Lors de la discussion de l'habilitation qui a mené à créer ce code, le Gouvernement avait affirmé que le seul objectif de l'habilitation serait de permettre le transfert du recouvrement de certaines taxes et impositions de la Douane à la direction générale des finances publiques (DGFiP), mais la recodification ne s'est pas faite à droit constant. Le rapporteur relève toutefois une approche différente dans ce projet de loi, avec une plus grande transparence sur la portée de la recodification.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : SI LE VOLUME DU CODE DES DOUANES A MÉCANIQUEMENT DIMINUÉ AVEC LA CRÉATION DU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES, PLUSIEURS DISPOSITIONS SONT OBSOLÈTES

A. DES DISPOSITIONS OBSOLÈTES QUI SOULÈVENT DES RISQUES JURIDIQUES

1. La non-conformité à la Constitution de l'article 60 du code des douanes, un signal d'alerte

La présentation du présent projet de loi fait suite à la décision du 22 septembre 2022171(*) du Conseil constitutionnel qui, à l'occasion de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a déclaré non conforme à la Constitution l'article 60 du code des douanes, relatif au droit de visite des agents des douanes.

Cette prérogative majeure leur permet, pour l'application des dispositions du code des douanes et la recherche de la fraude, de « procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ». Aucune autre précision n'était apportée à cette disposition, inchangée depuis 1948.

Seule la jurisprudence de la Cour de cassation était venue préciser ses conditions d'exercice, avec un encadrement « en négatif », sur ce qui ne pouvait pas être fait par les agents des douanes : pas d'audition de la personne contrôlée, pas de visite dans un véhicule libre de tout occupant, pas de fouille à corps, pas d'acte d'investigation sur les indices recueillis172(*).

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur n'avait pas assuré une « conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et venir et le droit au respect de la vie privée » en ne « précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations ». En dépit des objectifs de valeur constitutionnelle de lutte contre les fraudes transfrontières et de protection des intérêts financiers de l'Union européenne, le Conseil a estimé que « les dispositions ne soumettaient la mise en oeuvre du pouvoir de visite à aucune condition propre à en circonstancier l'application ». Il a toutefois reporté l'effet de sa décision au 1er septembre 2023.

Le Conseil constitutionnel avait déjà, lors de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité en 2013173(*), déclaré non conforme à la Constitution le droit de visite des navires, prévu aux articles 62 et 63 du code des douanes. Ces dispositions avaient été réécrites « en dur » dans le cadre de l'examen de la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires174(*).

La prévention d'inconstitutionnalité constitue un objectif général de la recodification, indépendant de risques de censure qui auraient été préalablement identifiés. La recodification doit permettre de tenir compte de l'évolution des jurisprudences du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

2. La dernière phase de codification du code des douanes a eu lieu en 1948

Trois phases de codification ont mené à la création du code des douanes tel qu'il est aujourd'hui utilisé. Elles ont eu lieu en 1934 (reproduction des textes des lois sources), en 1947 (recodification et suppression des dispositions de nature règlementaire) et 1948 (refonte de l'ensemble des codes fiscaux).

Les dispositions qui n'ont pas été modifiées depuis la dernière phase de codification n'intègrent pas, par définition, les évolutions apportées aux organisations administratives ou des réformes de l'État.

De fait, certaines des dispositions du code des douanes ne sont pas non plus conformes aux évolutions économiques ou au droit de l'Union européenne, et en particulier au code des douanes de l'Union (CDU)175(*). Pour s'assurer toutefois que la France se conforme à ses obligations européennes, l'article 17 bis du code des douanes prévoit que « le ministre chargé des douanes arrête les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des règlementations édictées par l'Union européenne ». Il peut dès lors parfois y avoir des contradictions entre des dispositions de niveau règlementaire et des dispositions de niveau législatif176(*), les premières primant exceptionnellement sur les secondes, du fait de l'impératif de se conformer au droit européen.

Cette incohérence juridique est source de confusion pour les opérateurs et amène à conserver dans le code des douanes, à défaut de véhicule législatif adapté, des dispositions obsolètes qui ne sont plus appliquées par l'administration.

B. EN TERMES DE TRANSPARENCE ET DE SINCÉRITÉ À L'ÉGARD DU PARLEMENT, LE CONTRE-EXEMPLE DU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES

Le Gouvernement a amorcé en 2018 une réforme du recouvrement des impositions et des amendes. Elle s'articule autour d'un axe principal : le transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP) du recouvrement et souvent de la gestion de la quasi-totalité des impositions jusqu'ici recouvrées et gérées par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)177(*).

Des premiers transferts de recouvrement ont eu lieu par la voie législative ordinaire, dans le cadre de dispositions adoptées en loi de finances pour 2019178(*) (taxe générale sur les activités polluantes, boissons non alcooliques). Selon un calendrier s'étalant sur la période 2021-2024, l'article 184 de la loi de finances pour 2020179(*) a poursuivi ces transferts de recouvrement (taxes sur les véhicules, taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, taxe sur la consommation finale d'électricité, droit de francisation et de navigation, amendes autres que celles de nature fiscale, accises sur les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés) ainsi que l'article 161 de la loi de finances pour 2021180(*) (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, taxe spéciale de consommation sur les produits énergétiques dans les départements d'outre-mer).

Toutefois, et contrairement aux dispositions adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2019, les transferts prévus en lois de finances pour 2020 et 2021 n'ont pas été inscrits « en dur » dans la loi. Le Parlement a en effet habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et nécessaires à la refonte de l'ensemble des impositions, taxes et amendes transférées de la Douane à la DGFiP. Ces mesures devaient assurer le transfert du recouvrement de l'ensemble de ces droits à la DGFiP ; éventuellement en harmonisant les conditions dans lesquelles ces impositions sont liquidées, recouvrées, remboursées et contrôlées. De nombreuses dispositions du code des douanes devaient donc, de fait, être modifiées ou abrogées.

L'ordonnance devait initialement être prise dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi de finances pour 2020, soit avant le 28 juin 2021, le projet de loi de ratification devant lui être déposé au Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

L'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19181(*) a toutefois prolongé de quatre mois les durées d'habilitation non expirées à sa date de publication, ce qui a donc reporté l'échéance de l'habilitation prévue à l'article 184 de la loi de finances pour 2020 du 28 juin 2021 au 28 octobre 2021. La durée d'habilitation a enfin été une nouvelle fois prolongée au 31 décembre 2021 par l'article 10 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2021182(*).

L'ordonnance portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne a finalement été prise le 22 décembre 2021183(*), et son projet de loi de ratification déposé sur le bureau du Sénat le 2 mars 2022.

Les dispositions du nouveau code sont donc entrées en vigueur le 1er janvier 2022 : le code des impositions sur les biens et services (CIBS) regroupe désormais le régime général des accises sur les énergies, les alcools et les tabacs ainsi que les impositions liées à la mobilité (déplacements routiers, navigation) et aux activités industrielles et artisanales.

L'article 128 de la loi de finances pour 2022184(*) a de nouveau modifié l'article 184 de la loi de finances pour 2020 afin d'octroyer une nouvelle habilitation au Gouvernement pour continuer à procéder à l'organisation du transfert de la gestion de certaines taxes et impositions à la DGFiP ainsi qu'à la construction du code des impositions sur les biens et services. Le travail de codification concernerait désormais les impositions générales sur les biens et services (TVA, octroi de mer), les taxes annexes sur les produits soumis à accises, les taxes sur les autres secteurs d'activité (alimentation-agriculture-pêche, santé, numérique-communication-culture, paris et jeux de hasard, environnement, finance).

Le délai laissé au Gouvernement pour publier cette ordonnance est long ; il s'établit à deux ans à compter de la promulgation de la loi de finances, le projet de loi de ratification devant ensuite être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance, soit au plus tard le 30 mars 2024.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020185(*), la commission des finances avait relevé que le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement était extrêmement large, ce qui l'avait d'ailleurs conduit à proposer au Sénat de supprimer l'article 184, ce qu'il avait fait, avant que l'Assemblée nationale ne le rétablisse en nouvelle lecture.

Les alertes de la commission des finances sur l'abandon de compétences très large concédé par le Parlement au Gouvernement se sont avérées fondées puisque le Gouvernement s'est appuyé sur cette habilitation pour procéder à la recodification des dispositions ayant trait aux impositions « sectorielles » au sein d'un nouveau code, dédié aux impositions sur les biens et les services. Si cette démarche peut se justifier, eu égard à la complexité du code général des impôts pour les agents économiques, elle interroge : le Gouvernement n'a jamais clarifié ses intentions en séance et n'a pas fait preuve de toute la sincérité qui pouvait être attendue sur un tel sujet, alors même qu'il connaissait les buts poursuivis par cette habilitation.

L'unification du recouvrement sous l'égide de la DGFiP n'était donc au final qu'un prétexte pour pouvoir procéder à cette recodification d'ampleur, d'ailleurs pas nécessairement à droit constant, à rebours des déclarations du Gouvernement. C'est pour cette raison que la commission des finances avait refusé de ratifier l'ordonnance du 22 décembre 2021, d'abord lors de l'examen de la première loi de finances rectificative pour 2022, puis lors de l'examen de la loi de finances pour 2023186(*).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : HABILITER LE GOUVERNEMENT À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE POUR PROCÉDER À LA RECODIFICATION DU CODE DES DOUANES

Le I du présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la refonte de la partie législative du code des douanes, afin :

- d'en aménager le plan et d'y inclure des dispositions non codifiées relevant du domaine de la loi et des dispositions d'autres codes relatives aux contributions indirectes et règlementations assimilées, portant sur les pouvoirs de contrôle, le régime de sanctions, les procédures devant les tribunaux, les remises et transactions à titre gracieux et le recouvrement des créances (1° du champ d'habilitation) ;

améliorer la lisibilité du droit en adaptant en tant que besoin aux dispositions recodifiées les dispositions relevant du domaine de la loi, en harmonisant et en simplifiant la rédaction des textes ainsi qu'en abrogeant les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet (2° du champ d'habilitation) ;

d'harmoniser les dispositions d'autres codes relatives aux contributions indirectes et règlementations assimilées avec celles relatives aux droits de douane et règlementations contrôlées et réprimées comme ces derniers (3° du champ d'habilitation) ;

- d'étendre l'application des dispositions visées aux 1° à 3° aux collectivités du Pacifique (îles Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française) pour ce qui relève de la compétence de l'État, ainsi qu'aux collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Terres australes et antarctiques françaises (4° du champ de l'habilitation).

De fait, le champ de l'habilitation indique que la recodification ne serait pas effectuée à droit constant et que d'autres lois ou codes que le code des douanes pourraient être modifiés pour en tirer les conséquences. Ainsi, si le présent article indique que les seules dispositions codifiées seraient celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance, c'est toutefois sous la réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour mettre en oeuvre les 3° et 4°, pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, pour adapter les dispositions de droit interne au droit de l'Union européenne ainsi qu'aux accords internationaux ratifiés et pour adapter les renvois au pouvoir règlementaire à la nature et à l'objet des mesures d'application concernées.

Le II du présent article précise que l'ordonnance devra être prise dans un délai de 36 mois à compter de la publication de la loi et que le projet de loi de ratification devra être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : SI LA RECODIFICATION EST IMPÉRATIVE POUR MODERNISER LE CODE DES DOUANES, ELLE NE DOIT PAS CONDUIRE À REPRODUIRE LES ERREURS CONSTATÉES SUR LE CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES

A. LA RECODIFICATION IMPÉRATIVE D'UN CODE PARFOIS ILLISIBLE ET OBSOLÈTE, TANT AU REGARD DES ÉVOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES QU'ÉCONOMIQUES

L'une des volontés affichées par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) est de rendre le code des douanes plus lisible et de s'assurer de sa conformité avec, d'une part, les évolutions jurisprudentielles intervenues en matière de protection des droits et des libertés individuelles et, d'autre part, avec le code des douanes de l'Union. Certains termes utilisés ne sont plus usités aujourd'hui, avec des dizaines de dispositions inchangées depuis les années 1960 ou depuis l'entrée dans le marché unique, tandis que l'organisation même du code des douanes ne répond plus aux exigences actuelles en matière de lisibilité du droit. Il n'existe par exemple pas de partie règlementaire dans le code des douanes, qui permettrait aux usagers et aux opérateurs de disposer dans un même code de l'ensemble des dispositions qui leur sont applicables, qu'elles soient de nature législative ou règlementaire.

Les décisions récentes du Conseil constitutionnel sur certaines des prérogatives fondamentales des agents des douanes (droit de visite) attestent également de la nécessité de moderniser les dispositions du code des douanes pour prévenir tout risque d'inconstitutionnalité. Cet objectif s'ajoute à celui de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi187(*).

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d'État s'est donc félicité de la décision du Gouvernement de procéder à la refonte du code des douanes, également préconisée de longue date par la commission supérieure de codification.

Sur un point de méthode, alors que des travaux sont en cours pour compléter le code des impositions sur les biens et services (CIBS), il sera impératif de respecter, sans le proroger, le délai de publication de cette ordonnance (30 mars 2024), afin que le travail de recodification du code des douanes puisse en tenir compte.

B. UNE VIGILANCE PARTICULIÈRE POUR UNE RECODIFICATION QUI NE S'EFFECTUERA PAS À DROIT CONSTANT

Si la commission n'est par principe pas favorable aux habilitations à légiférer par ordonnance, en particulier pas après ce qu'elle a constaté avec la création du code des impositions sur les biens et services (CIBS), elle admet que la recodification du code des douanes est un immense chantier, qui doit permettre d'actualiser des centaines d'articles et qui peut justifier une durée d'habilitation de 36 mois. D'après les informations transmises au rapporteur, la DGDDI s'est déjà réunie avec la commission supérieure de codification au mois d'avril 2023 pour évoquer les modalités pratiques de la constitution d'une mission de recodification.

La directrice générale a reconnu que la Douane devra s'assurer de proposer un texte lisible pour les utilisateurs et les opérateurs économiques, pour ne pas reproduire la situation créée par le CIBS, à l'origine de plusieurs incompréhensions et de critiques par les acteurs économiques, alors même que cette recodification devait, selon le Gouvernement, simplifier leurs démarches.

Si l'habilitation accordée initialement pour assurer le transfert du recouvrement de certaines taxes et impositions de la DGDDI à la DGFiP a conduit à la création d'un nouveau code, à l'encontre des informations données au Parlement sur une recodification à droit constant, le Gouvernement, qui a sans doute appris de cette situation, se montre plus transparent dans le présent projet de loi.

Le champ d'habilitation du présent article permet en effet de comprendre que la recodification ne s'effectuera pas à droit constant, un point confirmé au rapporteur par la Douane et par le Gouvernement. Dès lors, fort de la mauvaise expérience du CIBS, le rapporteur a certes proposé à la commission d'octroyer cette habilitation, mais en décrivant clairement dès le départ les aspects sur lesquels le Gouvernement est autorisé à excéder la recodification à droit constant, de manière à pouvoir ensuite vérifier qu'il respecte son champ d'habilitation.

Cette vigilance est d'autant plus importante que la durée d'habilitation est exceptionnellement longue, 36 mois, ce qui s'explique par l'ampleur de la recodification à mener et de la réécriture à opérer pour s'assurer de la conformité des dispositions à la hiérarchie des normes. Il conviendra d'opérer des comptes rendus réguliers de l'avancée de ces travaux et des réflexions menées pour harmoniser certaines dispositions qui ne sont pas dans le code des douanes avec les modifications apportées à ce code.

Ainsi, les éléments qui excèdent ce qui est communément admis au titre de la recodification à droit constant sont les dispositions visant à :

- harmoniser les dispositions relatives aux pouvoirs de contrôle, au régime de sanctions, aux procédures devant les tribunaux, aux remises, aux transactions à titre gracieux et au recouvrement des contributions indirectes contenues dans d'autres codes avec celles prévues pour les droits de douanes. Il s'agirait plus particulièrement d'intégrer dans le code des douanes des dispositions aujourd'hui inscrites dans le code général des impôts, dans le livre des procédures fiscales ou encore dans le code rural et de la pêche maritime pour ce qui concerne la viticulture par exemple ;

- d'harmoniser les pouvoirs dévolus aux agents des douanes, tant en ce qui concerne le contrôle douanier que celui des accises ;

- d'étendre l'application de certaines dispositions du code des douanes aux collectivités d'outre-mer, avec les adaptations nécessaires.

Sur l'harmonisation des pouvoirs de contrôle et le fait de les réunir au sein du code des douanes, le rapporteur relève que cette proposition répond pour partie aux recommandations du Conseil d'État dans son étude sur les pouvoirs de contrôle et d'enquête de l'administration188(*). Le Conseil d'État relevait en effet que les multiples pouvoirs d'enquête et de contrôle, en particulier ceux des agents des douanes, s'étaient construits « par sédimentation et par stratification : des pouvoirs sont attribués à de nouvelles catégories d'agents, sans véritable réexamen de l'existant - réexamen que le nombre et la diversité de ces pouvoirs rend de plus en plus difficile ». Il regrettait également que les pouvoirs de plusieurs agents soient fixés dans différents textes et codes, ce qui conduit « à la redondance ou à la fragmentation des dispositions relatives à certains types de contrôles », et en limite de fait l'efficacité. Pour les agents des douanes, le Conseil d'État parle même d'un « nombre extravagant de codes aux dispositions desquels [ils] sont habilités à rechercher et à constater des infractions ».

L'une des recommandations présentée dans l'étude est d'énoncer, dans des articles généraux relatifs aux pouvoirs de catégories d'agents, dont les agents des douanes, la liste complète des textes définissant les infractions qu'ils sont compétents pour rechercher et constater et des textes en application desquels ils effectuent ces recherches et ces constatations. La recodification devrait permettre de répondre à cette recommandation et de « ramener à un niveau raisonnable »189(*) le nombre de codes portant des dispositions relatives aux pouvoirs d'enquête et de contrôle de la Douane.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 16

Dispositions relatives à l'outre-mer

. Le présent article définit les conditions d'application des articles du présent projet de loi dans les collectivités d'outre-mer.

La commission a adopté l'amendement de coordination ( COM-80) présenté par le rapporteur et a adopté cet article ainsi modifié.

Le présent article porte les dispositions relatives à l'outre-mer. S'il dispose en préambule (dans son I) que les dispositions du projet de loi sont applicables à l'ensemble du territoire de la République190(*), plusieurs exceptions et adaptations sont prévues, pour tenir compte des compétences des collectivités.

Les dispositions du code des douanes relèvent en effet, selon les collectivités mais aussi selon la matière, pour partie de la compétence de la collectivité (impôts, droits et taxes, régimes douaniers, procédure civile) et pour partie de la compétence de l'État (pouvoirs, incriminations, sanctions). L'applicabilité peut également être directe ou nécessiter une mention expresse.

Application des dispositions du code des douanes dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 de la Constitution

Régime juridique

Collectivités

Application du droit douanier

Principe d'identité législative

Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon

Lois et règlements applicables de plein droit, sous réserve d'adaptation

Principe de spécialité législative

Polynésie française, îles Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie

Lois et règlement applicables sur mention expresse, sous réserve d'adaptation

Exception (Polynésie française et Nouvelle-Calédonie) : applicabilité de plein droit pour les pouvoirs de recherche et de constatation des infractions ainsi que pour les procédures contentieuses en matière douanière

Source : commission des finances, à partir de l'étude d'impact du présent projet de loi

Il convient également de prendre en compte le fait que le droit de l'Union européenne ne s'applique pas dans les pays et les territoires d'outre-mer. En droit européen, les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie relèvent en effet191(*) :

- soit du statut de région ultrapériphérique, à l'instar de Saint-Martin. Ces régions font partie intégrante de l'Union européenne et sont assujetties au droit européen ;

- soit du statut de pays et territoires d'outre-mer, à l'instar de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et des îles Wallis et Futuna. Ils ne font pas partie intégrante de l'Union européenne mais bénéficient d'un régime d'association : le droit de l'Union ne leur est pas applicable mais ils sont éligibles à plusieurs programmes européens.

*

· Les dispositions du projet de loi non-applicables en outre-mer

Aux termes du A du II du présent article, l'article 1er relatif au rayon des douanes, le II de l'article 10 relatif à la visite domiciliaire prévue à l'article L. 38 du livre des procédures fiscales (LPF) et le II de l'article 14 relatif au renforcement des peines d'emprisonnement pour la fabrication et le trafic de tabacs ne sont pas applicables dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Aux termes du B du II du présent article, les coordinations effectuées dans divers codes pour tenir compte de la réforme du droit de visite ne sont pas applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, les dispositions de ces codes n'étant pas applicables dans ces collectivités. Sur ce point, pour tenir compte des modifications rédactionnelles apportées à l'article 2, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement de coordination ( COM-80).

*

· Les dispositions du projet de loi applicables en outre-mer mais faisant l'objet d'une adaptation

Les III à VI du présent article prévoient plusieurs adaptations pour l'application des dispositions du présent projet de loi aux collectivités d'outre-mer.

L'article 67 du code des douanes, tel que modifié par l'article 5 du présent projet de loi, prévoit que les agents des douanes effectuent les vérifications aux frontières dans les conditions prévues au chapitre II du titre II et au chapitre II du titre III du règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen). Pour les départements d'outre-mer, à savoir la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion, ainsi que pour les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie, la référence au règlement européen est remplacée par une référence aux titres III et VI du livre III du code de l'entrée et du séjour pour les étrangers et du droit d'asile (III du présent article). Ces titres portent respectivement sur les contrôles aux frontières pour l'entrée en France et sur les dispositions relatives aux outre-mer.

Concernant l'application à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises du droit de visite, tel que modifié par l'article 2 du présent projet de loi, et du droit des visites des navires, modifié par l'article 3, plusieurs adaptations sont prévues au IV du présent article. Elles visent notamment à supprimer des références à plusieurs règlements européens.

Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la référence à la « cour d'appel » au sein de l'article 67 ter C du code des douanes, créé par l'article 7 du présent projet de loi, est remplacée par une référence au tribunal supérieur d'appel. Pour mémoire, cet article du code des douanes porte sur l'exercice du droit au recours contre les décisions de retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire national (V du présent article).

Des modifications sont également apportées s'agissant de l'application des dispositions relatives à la réserve opérationnelle des douanes dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie : le nouvel article 52 septies du code des douanes, relatif à la conciliation entre temps professionnel et temps de réserve, n'y est pas applicable tandis que les références au code du travail et au code de la sécurité sociale sont remplacées par des références aux dispositions locales ayant le même objet (VI du présent article).

*

· Les modifications directes du code des douanes et liées à des coordinations outre-mer

Le 1° du VII du présent article modifie le 1 de l'article 1er du code des douanes afin de préciser qu'en plus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion, le territoire douanier comprend également Saint-Martin.

Le 2° du VII du présent article modifie quant à lui l'article 452 du code des douanes pour préciser que les dispositions du titre XIV de ce code, relatives au contentieux des relations financières avec l'étranger, sont bien applicables dans tout le territoire de la République, et pas simplement dans les territoires d'outre-mer.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.


* 4 Se reporter à l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 5 Se reporter à l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 6 Se reporter à l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 7 Règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005.

* 8 Se reporter à l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 9 Se reporter à l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 10 Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

* 11 Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union.

* 12 Règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005.

* 13 Pour davantage de détails sur les dispositions du règlement (UE) 2018/1672, se reporter au commentaire de l'article 11 (article 13 dans la loi promulguée) du rapport n° 552 (2019-2020) de M. Jean BIZET sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 juin 2020.

* 14 Cour européenne des droits de l'homme, Karapetyan c. Géorgie, n° 61233/12, 15 octobre 2020.

* 15 Article 40 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

* 16 Les documents susceptibles de justifier de la provenance de l'argent liquide sont listés à l'article D. 152-8 du code monétaire et financier.

* 17 Aux termes de l'article 369 du code des douanes, le tribunal peut réduire le montant des amendes fiscales jusqu'à un montant inférieur à leur montant minimal eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise.

* 18 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-779/780 QPC du 10 mai 2019.

* 19 Déclaration ou divulgation.

* 20 Directive (UE) 2015/849 du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission.

* 21 Informations transmises par la direction générale des douanes et des droits indirects, qui diffèrent de celles inscrites dans l'étude d'impact. Cette dernière fait état de 55 retenues temporaires d'argent liquide en 2022 du fait d'indices de lien avec une activité criminelle, contre 54 au total en 2021 et en 2022 dans les données transmises en réponse au questionnaire du rapporteur.

* 22 Avec une incertitude sur le fait de savoir si ce chiffre recouvre la seule année 2022 ou les années 2021 et 2022, idem pour le montant.

* 23 Rapport d'information n° 45 (2022-2023) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN, « Donner à la Douane les moyens d'accomplir sa mission dans la lutte contre le trafic de stupéfiants », fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2022.

* 24 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022.

* 25 Cour de cassation, pourvoi n° 22-82.759, 22 mars 2023.

* 26 Rapport d'information n° 45 (2022-2023) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN, « Donner à la Douane les moyens d'accomplir sa mission dans la lutte contre le trafic de stupéfiants », fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2022.

* 27 Décret n° 2021-704 du 2 juin 2021 relatif aux modalités de déclaration et de divulgation auprès de l'administration des douanes des flux d'argent liquide entre la France et l'étranger.

* 28 D'après les éléments transmis dans l'étude d'impact.

* 29 D'après les données transmises en réponse au questionnaire du rapporteur.

* 30 Pour davantage de détails, se référer au commentaire de l'article 6 du rapport n° 46 (2021-2022) de Mme Muriel JOURDA et M. Loïc HERVÉ sur le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, fait au nom de la commission des lois, déposé le 13 octobre 2021

* 31 Loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

* 32 Article 57 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

* 33 Résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail ou de conventions conclues entre le ministre chargé du budget et l'employeur.

* 34 En reprenant ce qui est prévu pour la réserve militaire et la réserve opérationnelle de la police nationale.

* 35 D'après les informations transmises au rapporteur en réponse à son questionnaire.

* 36 Ce qui comprend par exemple l'étude de l'authenticité des documents de voyage, le compostage des documents de voyage, le calcul de la durée de séjour des ressortissants des pays tiers ou encore la vérification du respect des règles sanitaires.

* 37 Visé aux articles L. 811-2 et R. 811-1 du code de la sécurité intérieure.

* 38 À noter, ces effectifs ne s'imputent pas ni sur le schéma d'emplois annuel de la Douane, ni sur son plafond d'emplois.

* 39 D'après les prévisions pour 2023 inscrites dans le projet annuel de performance de la mission « Gestion des finances publiques », programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges », annexé au projet de loi de finances pour 2023.

* 40 Cet objectif a toutefois été qualifié de « peu probable » par notre collègue Philippe Dominati dans son rapport budgétaire sur la mission « Sécurités » dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. Voir le rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Philippe DOMINATI, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022.

* 41 D'après les données inscrites dans le projet annuel de performance de la mission, annexé au projet de loi de finances pour 2023.

* 42 D'après les exemples donnés dans l'étude d'impact du présent article.

* 43 Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Frontex a demandé aux États membres de l'Union européenne de mettre en place des équipes d'intervention rapide, composées d'agents volontaires pour des missions de courte durée de contrôle des flux migratoires aux frontières.

* 44 Se reporter à l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 45 Se reporter à l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 46 Articles 323-4, 323-5 et 323-6 du code des douanes.

* 47 Article 323-2 du code des douanes.

* 48 Article 323-9 du code des douanes.

* 49 Droit de visite faisant l'objet d'une réforme dans le cadre du présent projet de loi. Pour davantage de détails, se reporter au commentaire de l'article 2 de l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 50 Cour de cassation, pourvoi n° 16-82.463 du 26 octobre 2016.

* 51 Conseil constitutionnel, décision n° 2014-406 QPC du 9 juillet 2014.

* 52 D'après les données reprises par le Conseil d'État dans son étude sur les pouvoirs de contrôle et d'enquête de l'administration, avril 2021.

* 53 Définies au sein du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts et aux chapitres III et IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

* 54 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016.

* 55 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018.

* 56 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-980 QPC du 11 mars 2022.

* 57 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-980 QPC du 11 mars 2022.

* 58 Rapport n° 19 (2022-2023) de MM. Marc-Philippe DAUBRESSE et Loïc HERVÉ sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, fait au nom de la commission des lois, déposé le 5 octobre 2022.

* 59 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-600 QPC du 2 décembre 2016.

* 60 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018.

* 61 Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

* 62 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 63 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-847 DC du 29 décembre 2022.

* 64 Commentaire de l'article 10 ter dans le rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général, sur le projet de loi de finances pour 2023, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022.

* 65 Décret n° 2020-767 du 23 juin 2020 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « dossier pénal numérique ».

* 66 Se reporter à l' avis n° 613 (2022-2023) de M. Alain RICHARD, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 mai 2023.

* 67 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur.

* 68 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

* 69 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

* 70 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 71 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 72 Règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004.

* 73 Voir en particulier le rapport n° 481 (2016-2017) du 29 mars 2017, « La fiscalité de l'économie collaborative : un besoin de simplicité, d'unité et d'équité », fait par MM. Éric Bocquet, Michel Bouvard, Michel Canevet, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, André Gattolin, Charles Guené, Bernard Lalande et Albéric de Montgolfier, au nom de la commission des finances du Sénat.

* 74 Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 75 Les conditions sont précisées à l'article 1649 ter B du code général des impôts.

* 76 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 77 Directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.

* 78 Personne physique.

* 79 Pour une description détaillée de ce dispositif, se reporter au commentaire de l'article 4 ter du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, dans le rapport n° 602 (2017-2018) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 juin 2018.

* 80 Insee, « Estimation des montants manquants de versements de TVA : exploitation des données du contrôle fiscal », 25 juillet 2022.

* 81 Pour ces contenus, les règles applicables ont été profondément modifiées par la loi n° 2022-1159 du 16 août 2022 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne. Pour davantage de détails, se référer rapport n° 752 (2021-2022) de M. André REICHARDT, fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juillet 2022.

* 82 Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

* 83 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-801 DC du 18 juin 2020.

* 84 Loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

* 85 Rapport n° 197 (2019-2020) de M. Christophe-André FRASSA, sur la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 décembre 2019.

* 86 Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation.

* 87 Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

* 88 Règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011.

* 89 D'après la définition reprise dans le commentaire par le Conseil constitutionnel de la décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022.

* 90 L'article 414 du code des douanes vise les faits de contrebande ainsi que d'importation ou d'exportation sans déclaration lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées au sens du code des douanes ou aux produits du tabac manufacturé. Les marchandises prohibées sont listées à l'article 38 du code des douanes.

* 91 Voir par exemple : Conseil constitutionnel, décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet. Le Conseil constitutionnel soumet alors expressément les atteintes à la liberté d'expression et de communication à un contrôle entier de proportionnalité, à savoir le degré de contrôle le plus exigeant.

* 92 Communiqué de presse du ministère de l'économie, des finances et de la relance du 24 novembre 2021.

* 93 Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, «  Bilan 2021 et programme national d'enquêtes 2022 », 11 juillet 2022.

* 94 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022.

* 95 Direction générale de la douane et des droits indirects, «  Résultats de 22 mois d'opérations coordonnées contre les contrefaçons vendues sur des plateformes de vente en ligne européennes à destination du jeune public », septembre 2022.

* 96 Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union.

* 97 D'après les données de la Fevad reprises et transmises dans l'étude d'impact du présent article.

* 98 Bilan 2021 de la DGCCRF.

* 99 Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques).

* 100 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022.

* 101 Pour davantage de détails sur cette modification apportée à l'article 1810 du code général des impôts, se reporter au commentaire de l'article 14 du présent projet de loi.

* 102 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022.

* 103 Conseil constitutionnel, décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020 sur la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

* 104 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-841 DC du 13 août 2022 sur la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.

* 105 Règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne.

* 106 Commentaire par le Conseil constitutionnel de la décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022.

* 107 Sur le fondement de l'article 67 quinquies A du code des douanes, qui prévoit que les agents des douanes peuvent recourir à toute personnalité qualifiée pour effectuer des expertises techniques nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.

* 108 D'après les données figurant dans le contrat d'objectifs et de moyens pour la direction générale des douanes et des droits indirects pour la période 2022-2025.

* 109 Commentaire par le Conseil constitutionnel de la décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022.

* 110 D'après les informations transmises en audition au rapporteur.

* 111 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-841 DC du 13 août 2022.

* 112 Conseil constitutionnel, décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020.

* 113 Il s'agit des procédures de référé-suspension et de référé-liberté.

* 114 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-841 DC du 13 août 2022.

* 115 Loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989.

* 116Plus particulièrement, des opérations d'exportation, d'importation, de transfert ou de compensation.

* 117 Ordonnance n° 2019-963 du 18 septembre 2019 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne au moyen du droit pénal.

* 118 Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 février 2016, n° 15-80-050.

* 119 Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 mai 2016, n° 15-87716.

* 120 Ce constat ne s'applique pas aux cas concernant les infractions à la législation sur les stupéfiants et aux délits portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne.

* 121 Sébastien Fucini, Blanchiment douanier et localisation de l'infraction d'origine, Dalloz actualité 27 mai 2016.

* 122 Ou bien à un délit portant sur la législation sur les produits stupéfiants et depuis, 2019, à un délit portant atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne.

* 123 Sébastien Fucini, op cit, 27 mai 2016.

* 124 Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 février 2010, n° 09-82.857.

* 125 Article 1er de la directive 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission.

* 126 À moins d'être en mesure de prouver qu'il y a eu tentative de réaliser une opération avec l'étranger ou que le flux contrôlé ait précédemment fait l'objet d'une opération avec l'étranger, ou encore de matérialiser l'existence d'un processus de compensation.

* 127 Ce qui a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-85.747.

* 128 Et par coordination, l'article 415-1 sur la présomption simple selon laquelle les fonds en question sont le produit d'une infraction.

* 129 « La nouvelle rédaction renvoie à « toute législation que les agents des douanes sont chargés d'appliquer » (...) « y compris si les activités à l'origine de ces fonds ont été exercées sur le territoire d'un autre État membre ou sur celui d'un pays tiers ».

* 130 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 mars 2012, 11-81.535.

* 131 Compte-rendu de l'audition de M. Guillaume Valette-Valla, directeur de Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), 5 avril 2023.

* 132 D'après les données figurant dans l'étude d'impact du présent projet de loi.

* 133 Aux termes de l'étude d'impact du présent projet de loi.

* 134 Article 399 du code des douanes.

* 135 Article 432 du code des douanes.

* 136 Article 321 du code des douanes.

* 137 Voir par exemple : Conseil constitutionnel, décision n° 2018-745 QPC, 23 novembre 2018(Pénalités fiscales pour omission déclarative et sanctions pénales pour fraude fiscale).

* 138 Voir par exemple : Cour de cassation, chambre criminelle, décision du 11 juillet 2017, pourvoi n° 16-81.797 (Cumul des qualifications d'infraction à la législation sur les stupéfiants et de contrebande de marchandises prohibées).

* 139 Conseil constitutionnel, décision n° 89-260 DC, 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, cons. 22.

* 140 Rapport d'information de M. Éric Woerth et Mme Zivka Park relatif à l'évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés, 29 septembre 2021.

* 141 OMS, Bureau régional pour l'Europe, Tobacco use causes almost one third of cancer deaths in the WHO European Region, février 2020.

* 142 Article 15 § 4 et 16 § 1 de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac.

* 143 Directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne.

* 144 Article 4 § 1 de la directive 2014/42/UE.

* 145 Aux termes du 3 de l'article 2 de la directive 2014/42/UE.

* 146 Article 414-2 du code des douanes.

* 147 Article 415 du code des douanes.

* 148 Cour européenne des droits de l'Homme, 5e Sect. 23 juillet 2009, Bowler International Unit c. France, n° 1946/06.

* 149 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-66 QPC, 26 novembre 2010.

* 150 Aux termes de l'article 417 du code des douanes, la contrebande s'entend notamment comme « des importations ou exportations en dehors des bureaux » de la Douane.

* 151 Voir par exemple Cour de cassation, chambre criminelle, 30 mai 2001, pourvoi n° 99-84.867 ou 3 décembre 2014, pourvoi n° 13-84.597.

* 152 Cour européenne des droits de l'homme, 21 octobre 2021, (requête n° 21643/19, Ngumbu Kikoso c/ France.

* 153 Articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal.

* 154 Rapport d'information n° 4498 de M. Éric WOERTH et Mme Zivka PARK relatif à l'évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés, 29 septembre 2021.

* 155 Article 143 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 156 D'après les données inscrites dans l'étude d'impact du présent projet de loi.

* 157 Article 222-36 du code pénal.

* 158 Article 222-37 du code pénal.

* 159 Article 222-35 du code pénal.

* 160 Plan tabac 2023-2025 présenté par le Gouvernement le 6 décembre 2022.

* 161 Directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 162 Article 24 bis de l'annexe 4 du code général des impôts.

* 163 Arrêté du 23 juillet 2020 relatif à l'abaissement du seuil des achats en détaxe.

* 164 Article 24 bis de l'annexe 4 du code général des impôts.

* 165 Rapport n° 602 (2017-2018) de M. Albéric de MONTGOLFIER sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 juin 2018.

* 166 Rapport d'information n° 72 (2022-2023) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 octobre 2022.

* 167 Rapport d'information n° 5108 en conclusion des travaux d'une mission d'information sur les mécanismes de détaxe en matière de TVA, par Mohamed LAQHILA, , , déposé le 23 février 2022.

* 168 Ibid.

* 169 Ibid.

* 170 Ibid.

* 171 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022.

* 172 Pour davantage de détails, se reporter au commentaire de l'article 10 octodecies dans le rapport général n° 115 (2023-2023) de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général, sur le projet de loi de finances pour 2023, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022.

* 173 Conseil constitutionnel, décision ° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013.

* 174 Article 28 de la loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires.

* 175 Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union.

* 176 Sur ce point, pour un exemple, se référer au commentaire de l'article 10 du rapport n° 552 (2019-2020) de M. Jean BIZET sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 juin 2020

* 177 Pour davantage de détails sur ces transferts, se reporter au commentaire de l'article 3 bis

* 178 Articles 193 et 199 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 179 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 180 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 181 Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 182 Loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 183 Ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

* 184 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 185 Se reporter au commentaire de l'article 61 dans le tome III du rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances pour 2020, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.

* 186 Lors de la commission mixte paritaire relative à la première loi de finances rectificative pour 2022, un accord avait été trouvé pour supprimer la disposition prévoyant la ratification de l'ordonnance du 22 décembre 2021.

* 187 Conseil constitutionnel, décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999.

* 188 Étude du Conseil d'État sur les pouvoirs de contrôle et d'enquête de l'administration (avril 2021).

* 189 Ibid.

* 190 Pour chacune des dispositions visées, le lecteur est invité à se reporter, pour davantage de détails, aux commentaires de ces articles.

* 191 D'après les informations transmises dans l'étude d'impact du présent article.