N° 1066
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 SEIZIÈME LÉGISLATURE |
N° 496
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 avril 2023 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions,
PAR M. Guillaume VUILLETET, Député |
PAR Mme Agnès CANAYER, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, sénateur, président ; M. Sacha Houlié, député, vice-président ; Mme Agnès Canayer, sénateur, M. Guillaume Vuilletet, député, rapporteurs.
Membres titulaires : Mme Florence Lassarade, MM. Claude Kern, Jérôme Durain, Jean-Jacques Lozach, Thani Mohamed Soilihi, sénateurs ; MM. Thomas Rudigoz, Jordan Guitton, Mme Élisa Martin, MM. Maxime Minot, Philippe Latombe, députés.
Membres suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Céline Boulay-Espéronnier, Chantal Deseyne, M. Loïc Hervé, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Bernard Fialaire, Mme Éliane Assassi, sénateurs ; MM. Bertrand Sorre, Julien Odoul, Ugo Bernalicis, Roger Vicot, Mme Sandra Regol, MM. Stéphane Peu, Jean-Félix Acquaviva, députés.
Voir les numéros :
Sénat : |
Première lecture : 220, 246, 247, 248, 249 et T.A. 44 (2022-2023) Commission mixte paritaire : 497 (2022-2023) |
Assemblée nationale (16e législ.) : |
Première lecture : 809, 939 et T.A. 96 |
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de la Première ministre, une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 s'est réunie au Sénat le mardi 4 avril 2023.
Elle a procédé tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de :
- M. François-Noël Buffet, sénateur, président ;
- M. Sacha Houlié, député, vice-président.
Elle a également désigné :
- Mme Agnès Canayer, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Guillaume Vuilletet, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
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La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous sommes réunis au Sénat cet après-midi pour aboutir à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
À titre liminaire, je souhaite saluer les votes convergents de nos deux assemblées sur ce texte important, qui témoigne de notre volonté commune d'organiser le mieux possible ce moment historique que représenteront les Jeux pour notre pays.
Je souhaite également remercier la rapporteure de la commission des lois du Sénat, Agnès Canayer, pour la qualité des échanges approfondis et constructifs que nous avons eus au cours de ces derniers jours en préparant cette commission mixte paritaire. L'Assemblée nationale a adopté le texte voilà une semaine à peine, ce qui nous a laissé assez peu de temps pour résorber les divergences qui demeuraient entre nos deux assemblées. Je crois pouvoir vous annoncer que ces échanges ont été fructueux : dans le texte que nous vous présentons aujourd'hui, les principaux apports de chaque assemblée sont préservés et des solutions d'équilibre sont proposées là où nos rédactions respectives entraient en dissonance.
Je commencerai par évoquer les articles restant en discussion examinés au fond par la commission des lois, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur en première lecture.
Sur l'essentiel de ces articles, nous vous proposons de conserver les rédactions de l'Assemblée nationale - elles avaient parfois, voire souvent, été par avance enrichies par les apports du Sénat au texte initial - en y apportant, lorsque cela est nécessaire, des précisions rédactionnelles.
L'article 7 relatif à l'expérimentation de la vidéoprotection intelligente a bien sûr fait l'objet de nombreux échanges avec Agnès Canayer, portant principalement sur deux points : d'une part, le terme de l'expérimentation, fixé au 30 juin 2025 par le Sénat et ramené au 31 décembre 2024 par l'Assemblée nationale ; d'autre part, la durée de conservation des images comme données d'entraînement des algorithmes - le Sénat avait plafonné cette durée selon les règles du droit commun, soit trente jours pour les caméras de vidéoprotection et sept jours pour les caméras aéroportées, tandis que l'Assemblée nationale avait préféré, à mon initiative, une durée maximale identique à la durée de l'expérimentation.
Nous sommes parvenus à un compromis et vous proposons ainsi de convenir d'une date de fin de l'expérimentation au 31 mars 2025 et de fixer à douze mois la durée maximale de conservation des données d'entraînement, ce qui permet de préserver la pleine opérationnalité du dispositif.
D'un commun accord, nous vous proposons également de supprimer l'article 8 bis et de maintenir la suppression des articles 11 bis et 12 bis, ces trois articles nous paraissant inopportuns : l'article 8 bis autorise la présence d'agents de sécurité des autorités organisatrices de transport (AOT) dans les salles de commandement de l'État et leur donne la faculté d'y visionner les images de vidéoprotection qui y sont transmises ; l'article 11 bis impose le retour des personnels temporairement affectés à des missions de maintien ou de renforcement de la sécurité pendant les Jeux à leur affectation antérieure une fois l'événement achevé ; l'article 12 bis aggrave les sanctions pénales applicables aux auteurs de violences commises dans une enceinte lors du déroulement ou de la retransmission en public d'une manifestation sportive.
Nous avons longuement débattu de l'article 18, qui prévoit, à titre expérimental, l'attribution de nouvelles licences de taxi en vue du développement des transports de personnes utilisatrices de fauteuil roulant en Île-de-France. Nos discussions ont été particulièrement nourries concernant le champ des sociétés bénéficiaires. Le projet de loi initial prévoyait un seuil de dix licences. Face à l'urgence de la situation, l'objectif était clair : cibler prioritairement les entités économiques ayant la capacité d'investir et d'acquérir les véhicules concernés pour qu'ils soient disponibles à temps pour les Jeux.
Si cet objectif est parfaitement compréhensible, j'ai été sensible aux arguments du Sénat : un seuil insuffisamment objectif pourrait entraîner un risque d'inconstitutionnalité. Nous nous sommes donc accordés, avec ma collègue rapporteur, sur une autre solution : nous vous proposons de supprimer ce seuil de dix licences tout en encadrant et en précisant les critères d'attribution, qui devront être définis par décret en Conseil d'État. Ces critères devront notamment prendre en compte la capacité des personnes morales bénéficiaires à assurer l'exploitation de ces autorisations par des véhicules accessibles aux personnes en fauteuil roulant pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et jusqu'à la fin de l'expérimentation, à faciliter les demandes de réservation préalable au bénéfice de ces personnes et à permettre la transmission à l'autorité administrative des informations nécessaires à la réalisation de l'évaluation.
Pour ce qui est des articles délégués au fond à la commission des affaires sociales, nos discussions ont principalement porté sur l'article 17, qui permet au préfet d'autoriser un établissement de vente au détail de biens ou de services à déroger à la règle du repos dominical dans les communes d'implantation des sites de compétition ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites. À la demande de l'Assemblée nationale, le principe initialement imaginé de l'extension à plusieurs établissements d'une autorisation accordée à un premier établissement demandeur a été maintenu. À la demande du Sénat, le périmètre de l'extension a été élargi au-delà de la seule commune, en cohérence avec le périmètre de déploiement du dispositif.
Pour ce qui est des articles délégués à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, nous nous sommes accordés sans difficulté. À l'article 5, l'Assemblée nationale est revenue sur les modifications opérées par le Sénat et a réintroduit l'homologation des peines.
Par ailleurs, à l'initiative de notre collègue Moetai Brotherson, président de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, les députés ont introduit un nouvel article dans le code du sport pour autoriser l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) à enquêter sur le territoire polynésien pour la recherche et la constatation de violations des règles de la lutte contre le dopage. Ces dispositions nous paraissent nécessaires pour la bonne organisation des épreuves en Polynésie française ; elles font consensus.
En outre, nous conservons évidemment la demande de remise d'un rapport d'évaluation introduite par le Sénat à l'article 14 A, demande enrichie par l'Assemblée nationale. Ce rapport, dont la rédaction est confiée à la Cour des comptes, permettra d'éclairer le Parlement sur l'organisation, le coût et l'héritage des Jeux.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui est un texte respectueux des volontés de chaque chambre, l'objectif, partagé sur tous les bancs de nos assemblées, étant de faire de cet événement majeur une réussite. Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous y rallier.
Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat. - Sans répéter ce que vient, à juste titre, de dire notre collègue sur la qualité de nos échanges et le compromis que nous vous proposons, je souhaite vous rappeler l'état d'esprit dans lequel le Sénat a travaillé sur ce texte, dont il a été saisi en premier.
Les jeux Olympiques et Paralympiques représentent un défi pour la France : un défi sportif - l'objectif est évidemment que nos athlètes remportent le plus grand nombre de médailles -, mais surtout un défi organisationnel, car il s'agira d'un événement hors norme, qui devrait rassembler plus de 13 millions de spectateurs et 10 500 athlètes, ces derniers se jaugeant sur 549 épreuves réparties sur 37 sites. Cerise sur le gâteau, la cérémonie d'ouverture à ciel ouvert, une première, justifiera à elle seule le déploiement de moyens de sécurisation exceptionnels.
Le Sénat a abordé ce projet de loi avec pragmatisme et responsabilité. Il s'est attaché à garantir que les outils que sont la vidéoprotection intelligente, les scanners à ondes millimétriques, les tests génétiques dans le cadre de la lutte antidopage ou encore les opérations de criblage soient opérationnels, mais surtout constitutionnels. En effet, la conciliation entre la nécessaire sauvegarde de l'ordre public, dans un contexte de risque certain, et le respect des libertés individuelles imposait qu'un certain nombre de garanties soient renforcées ; c'est ce que le Sénat a fait. Nous nous félicitons d'ailleurs que nombre des garanties qui ont été introduites par le Sénat aient été reprises par l'Assemblée nationale et que les échanges nombreux, constructifs et fructueux que nous avons pu avoir avec mon homologue rapporteur, que ce soit en amont de l'examen du texte ou après son adoption par l'Assemblée nationale, aient permis de faire converger nos points de vue.
Le sujet de débat principal, qui a fait l'objet de nombreux échanges, est évidemment l'article 7 relatif à l'usage de la vidéoprotection intelligente. Notre objectif était d'améliorer la protection des droits des personnes par l'information du public sur l'emploi de traitements algorithmiques, la déclaration des intérêts des tiers choisis pour développer les traitements ou encore la formation spécifique des personnes habilitées à avoir accès aux signalements et aux résultats des traitements. Nous sommes ravis que l'Assemblée nationale ait conservé ces acquis.
Après des échanges une nouvelle fois très nombreux, nous avons pu aboutir à un accord sur les sujets qui restaient en discussion, à commencer par la durée de l'expérimentation : pour que celle-ci puisse remplir son office, il faut une véritable évaluation et il importe que le Parlement ait le temps, sur la base de cette évaluation, de se prononcer pour ou contre sa pérennisation. C'est la raison pour laquelle le compromis que nous avons trouvé entre la date du 30 juin 2025 voulue par le Sénat et celle qui était proposée par l'Assemblée nationale nous semble être un bon compromis, la date retenue étant le 31 mars 2025. Le rapport d'évaluation devra quant à lui être rendu le 31 décembre 2024.
De même, sur la durée de conservation des images utilisées comme données d'apprentissage des algorithmes, nous n'avions pas tout à fait la même approche : nous pensions que l'entraînement devait se faire sur des flux d'images quand les députés trouvaient préférable qu'il se fasse sur un stock d'images. Là encore, un délai d'un an nous paraît une bonne solution. Nous vous proposons également la réécriture des dispositions relatives à la priorité donnée aux entreprises respectant les exigences de protection fixées par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) en matière de cybersécurité, en en conservant bien évidement le principe.
Il nous semblait par ailleurs important de maintenir l'inscription dans le « dur » du code du sport de la possibilité de procéder à des tests génétiques dans le cadre de la lutte contre le dopage ; cette disposition a été retenue par l'Assemblée nationale et la navette a permis de la renforcer - nous nous en félicitons.
Le Sénat acte le fait que la Polynésie française n'est pas en mesure, dans l'immédiat, d'introduire une nouvelle loi du pays relative à la lutte contre le dopage : nous concédons en conséquence l'homologation des peines prévues par les lois du pays actuellement en vigueur.
Je dirai quelques mots sur les articles 12 à 13 bis, dont notre commission des lois avait délégué l'examen à la commission de la culture. Nous nous réjouissons que le principe d'une billetterie électronique ait été conservé par l'Assemblée nationale - c'est la traduction du rapport d'information du Sénat sur les événements survenus au Stade de France. Nous avons admis que les premières infractions pénales commises de manière isolée pouvaient être moins réprimées, tout en maintenant la nécessité d'une réponse pénale qui soit à la hauteur des troubles que causent les intrusions dans les stades et sur les terrains de sport. J'ajoute que nous avons accepté les dispositions introduites par l'Assemblée nationale sur l'articulation entre la mesure administrative d'interdiction de stade et la peine complémentaire.
Concernant l'article 17 relatif au repos dominical, qui était délégué au fond à la commission des affaires sociales, nous avons concédé, après échange, que la procédure prévue par l'Assemblée nationale, certes plus complexe, réduisait les risques de contentieux et, sous réserve d'une modification, pouvait répondre à l'objectif de pragmatisme et de proximité recherché par le Sénat. Nous nous sommes également entendus pour fixer les dates de début et de fin de la dérogation au 15 juin et au 30 septembre 2024.
À l'article 18, un petit désaccord demeurait : fallait-il étendre le champ de l'expérimentation aux taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR) ou le restreindre aux véhicules accessibles aux utilisateurs de fauteuil roulant (UFR) ? Nous avons entendu les explications de nos collègues députés et nous sommes ralliés à leur position. Nous avons acté également l'effort consenti sur la suppression du seuil de dix autorisations de stationnement exploitées, qui nous paraissait inconstitutionnel.
La rédaction que nous vous proposons aujourd'hui est un bon compromis ; nous resterons vigilants afin que ces jeux Olympiques et Paralympiques soient une véritable fête du sport et du dépassement de soi, conformément à l'esprit olympique.
M. Ugo Bernalicis, député. - Je ne saurais dire s'il s'agit d'un bon compromis ; j'étais de toute façon, avec mon groupe, totalement opposé au texte : compromis ou compromission, nous avons tranché...
Il est néanmoins des éléments dont la discussion à l'Assemblée nationale a démontré l'importance, quoiqu'ils puissent paraître anecdotiques du point de vue du Sénat : je pense à l'article 1er bis qui prévoyait la mise en place d'une campagne de prévention des violences sexistes et sexuelles, notamment par voie d'affichage sur les sites du village des athlètes et du village des médias. Loin de moi l'idée qu'il s'agirait d'une disposition géniale, susceptible, en la matière, de régler tous les problèmes : c'est une petite mesure, mais elle va dans le bon sens et, parmi les députés, elle faisait consensus. La suppression de cet article, qui ne pose aucune difficulté, à l'occasion du « compromis » trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat ne peut que m'interpeller.
C'est avec gourmandise, en revanche, que je note que des amendements de suppression que j'avais déposés finissent par prospérer ici même par voie de compromis - je pense aux mesures relatives à l'alourdissement de certaines peines. Dont acte !
J'en viens à l'article 7, en vous épargnant le laïus sur « les JO, grande fête sportive ».
Si la date du 31 décembre 2024 a été retenue par l'Assemblée nationale, ce n'est pas en vertu de je ne sais quel compromis : c'est que le texte s'intitule « projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ». Soit on l'intitule « projet de loi portant diverses autres dispositions » et on assume d'oublier les JO, soit il faut circonscrire le texte à l'événement auquel il s'attache !
Nous étions d'ailleurs un certain nombre à trouver que l'échéance du 31 décembre était déjà trop lointaine pour un événement qui se finira en septembre... La logique consistant à retenir la date du 31 mars 2025 au motif qu'elle serait un bon « compromis » entre le 31 décembre 2024 et le 30 juin 2025 est donc fallacieuse : ce qui importe, compte tenu du caractère exorbitant des autorisations accordées en matière de surveillance algorithmique, c'est de les circonscrire à la période de l'événement qui donne au texte sa justification. Je n'ai pas besoin de vous rappeler, mes chers collègues, quel contrôle social permet, dans d'autres pays du monde, le recours poussé à l'extrême à des dispositifs de ce type... Nul « compromis », donc, dans ce recul sur la date, mais un coup de force de la droite sénatoriale profitant de sa surreprésentation en commission mixte paritaire. J'y suis donc défavorable.
Je demande d'ailleurs, monsieur le président, qu'un vote distinct soit organisé sur cet alinéa, car il se pourrait qu'au sein d'un même article les majorités diffèrent en fonction des dispositions.
Je ne m'attarderai pas sur les raisons qui motivent notre opposition générale au texte ; elles sont connues et ont été exposées à l'Assemblée nationale.
Je dirai un mot sur l'éventuelle inconstitutionnalité du seuil proposé concernant les exploitants de taxis : je me demande bien qui irait soulever, en la matière, quelque motif d'inconstitutionnalité que ce soit... La précaution est prise, tant mieux : pourquoi pas ! Nous allons bien sûr saisir le Conseil constitutionnel, mais peut-être n'allons-nous pas le faire sur tous les articles...
Mais c'est surtout la date retenue pour la fin de l'expérimentation de l'article 7 que je souhaitais évoquer aujourd'hui, sachant que la ramener au 31 décembre 2024 était déjà, selon nous, un maigre lot de consolation...
Mme Sandra Regol, députée. - Je note que l'article 1er bis n'a pas été jugé « inopportun » par le rapporteur, mais qu'il a été supprimé. Lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), un article analogue avait été supprimé en commission mixte paritaire. Aussi, je m'interroge : lorsque des articles consensuels et minimaux défendent l'importance des campagnes de prévention contre les violences sexuelles et sexistes et le fait qu'il convient de se doter de moyens pour lutter contre ces violences, ceux-ci sont systématiquement supprimés. Or, dans tous les métiers, ou lors des rassemblements, ces violences se multiplient. Chers collègues sénateurs et sénatrices, je ne comprends donc pas pourquoi, cette fois encore, les violences faites aux femmes passent à la trappe. J'en suis extrêmement choquée.
Au paragraphe V de l'article 7, je m'étonne de la suppression d'une précision permettant de s'assurer que les données ne puissent pas être utilisées dans des pays extérieurs à l'Union européenne, c'est-à-dire la référence aux règles de l'article 19.6 du référentiel d'exigences « SecNumCloud ». La possibilité d'utiliser ailleurs et pour d'autres fins ces images et ces algorithmes fait partie des points sur lesquels, à juste titre, nous sommes alertés par des collectifs, des associations, parmi lesquelles on trouve même des associations de sportifs et de supporters.
M. Sacha Houlié, député, vice-président. - C'est l'amendement du Rassemblement national (RN) que vous défendez.
M. Ugo Bernalicis, député. - Non, il était aussi signé par M. Latombe !
Mme Sandra Regol, députée. - Quel est le rapport ? De telles réflexions ne nous permettent pas de discuter du fond du texte, et nous sommes en CMP pour avancer.
Je m'étonne également que l'on revienne, au paragraphe I de l'article 7, sur des dates longuement discutées, pour pas grand-chose de plus. Par ailleurs, cela représente un danger renforcé par le paragraphe VIII du même article, qui permet la conservation d'images extrêmement sensibles, à titre exceptionnel, pour une durée de douze mois, là où la loi impose aujourd'hui de ne pas dépasser trente jours. Nous prenons collectivement des risques colossaux sur le respect des libertés individuelles.
Enfin, je ne comprends pas la modification à la marge de l'article 17, étendant de quinze jours supplémentaires la dérogation permettant le travail le dimanche, sans réelles compensations pour les personnes. Ce n'est qu'une mesure d'affichage : je suis étonnée de telles mesures ayant une si faible portée.
M. Jérôme Durain, sénateur. - Il nous est proposé de nous rallier au compromis trouvé entre les deux rapporteurs à la faveur de cette CMP. Je réitère la position du groupe Socialiste, écologiste et républicain : nous sommes attachés à la réussite de ces jeux Olympiques et Paralympiques, que l'on espère être un grand moment pour nos athlètes et le pays. Malheureusement, au vu du texte proposé, les doutes que nous avons émis lors de l'examen du texte par le Sénat ne sont pas levés. Évidemment, l'essentiel des inquiétudes tourne autour de l'article 7. Je souscris aux inquiétudes de nos collègues députés sur l'article 1er bis : nous ne voyons pas en quoi cet article posait problème, et il aurait été avantageux de le maintenir.
Concernant l'article 7, nous avons toujours considéré que ce texte sur les Jeux ne constituait pas le bon véhicule législatif pour introduire de tels dispositifs dans le droit commun. Il s'agit certes d'une expérimentation, mais nous avons tous à l'esprit ce que ces deviennent les expérimentations... Tous les encadrements que nous avons proposés ne suffisent pas à lever les risques engendrés par la mise en oeuvre dans le droit d'un certain nombre d'éléments liés à la vidéosurveillance algorithmique. La réduction de la durée de l'expérimentation proposée était de bon aloi, et la rallonger de trois mois n'est pas utile. Enfin, l'absence d'identification civile ne signifie pas l'absence d'identification comportementale ou catégorielle. Les doutes, les craintes et les inquiétudes qui se sont manifestés dans la société et dans le débat public autour de cette technologie nous semblent fondés. Les quelques éléments de satisfaction, comme la suppression de l'article 8 bis prévoyant la présence inopportune des agents des autorités organisatrices exerçant des missions relatives à la sûreté des transports parmi les agents autorisés à visionner les images de vidéosurveillance, ou la suppression de l'article 12 bis, ne sont pas de nature à changer notre abstention finale.
M. Philippe Latombe, député. - Au paragraphe V de l'article 7, il est proposé de modifier la rédaction en mentionnant les « règles de sécurité définies par l'Anssi » à la place du référentiel appliqué par l'Anssi. Les députés ayant déposé l'amendement adopté par l'Assemblée nationale visant à introduire ce référentiel voulaient prendre en compte l'immunité aux règles extraterritoriales, et non seulement la cybersécurité. Cette immunité intégrait aussi, de fait, la localisation des données en Europe, car l'article 7 est totalement soumis au règlement général sur la protection des données (RGPD). Cela ne pose donc pas de problèmes. Mais si nous concluons un accord d'adéquation avec les États-Unis, nous risquons d'en rencontrer. Pour cette raison, nous avions mentionné précisément l'ensemble des règles de l'article 19.6 du référentiel « SecNumCloud ». Peut-être pouvons-nous rédiger autrement cet alinéa, car nous voulions prendre en compte l'immunité aux règles extraterritoriales, et non pas seulement la cybersécurité, afin de rassurer l'ensemble des associations et des parties prenantes de la société civile sur le fait que ces données resteraient dans l'Union européenne, et que les opérateurs choisis par le ministère de l'intérieur après appel d'offres respecteraient bien les valeurs européennes. Certes, cet amendement avait fait polémique, car il avait été déposé par un collègue du RN, président du groupe d'études : économie, sécurité et souveraineté numériques, mais il avait été cosigné ou amendé par quasiment tous les groupes, hormis La France insoumise et le groupe écologiste. Il était fondé sur des éléments très techniques, et j'aimerais que l'on revienne sur cette modification.
J'ai ensuite un vrai point d'alerte concernant la date de fin de l'expérimentation. Nous avions trouvé un compromis à l'Assemblée nationale pour obtenir un vote large. Mardi dernier, 400 voix se sont prononcées favorablement, dans une assemblée fractionnée, certains groupes indiquant suivre le texte modulo l'article 7 ! La date du 31 décembre 2024 était un compromis politique qui avait permis de faire passer l'article 7 en bornant l'expérimentation dans le temps. Or je crains que le fait de repousser cette date au 31 mars 2025 ne fasse changer d'avis certains de nos collègues. Je souhaite que nous ayons une vraie discussion sur cette question : peut-être peut-on différencier la date de la fin de l'expérimentation, le 31 décembre, de celle de la remise du rapport, le 31 mars.
Pour le reste, je me rallie aux positions de mes collègues : même s'il aurait été souhaitable de maintenir l'article 1er bis, ce n'est pas sa suppression qui emportera mon vote sur le texte.
M. Jordan Guitton, député. - Tout d'abord, je ne comprends toujours pas - je n'en suis qu'à ma troisième CMP - pourquoi nous ne recevons pas quelques heures plus tôt le document présentant les compromis retenus dans les propositions de modification...
De manière globale, le Rassemblement national a voté ce texte à l'Assemblée nationale, car nous considérons qu'il faut doter notre pays de moyens supplémentaires pour accueillir et organiser du mieux possible les jeux Olympiques et Paralympiques.
Concernant l'article 7, je ne comprends pas pourquoi il faut repousser la fin de l'expérimentation. Des éléments techniques avaient été avancés, la date du 31 décembre correspondant à des besoins d'expérimenter les caméras jusqu'à la fin 2024. Le texte semble finalement surtout porter sur les « autres dispositions » de son intitulé...
À la rigueur, nous pouvions être d'accord sur une expérimentation technique, mais, concrètement, que l'on nous dise vraiment les choses : le but est-il bien d'expérimenter des caméras algorithmiques pour d'autres événements que les jeux Olympiques, comme les marchés de Noël, ou d'autres événements de grande envergure qui auront lieu à la fin de l'année 2024 ? Qu'est-ce qui justifie ce report au 31 mars 2025 ? Nous avions trouvé un consensus, et l'idée de M. Latombe de distinguer la date du rapport de celle de la fin de l'expérimentation me semble très bonne. Nous pouvons tomber d'accord sur certains éléments.
À l'article 12, l'ajout de l'article L. 332-5-1 nous semblait à la hauteur de l'enjeu : une amende de 3 750 euros paraît suffisamment dissuasive et répressive. À considérer les événements qui se sont produits au Stade de France, cela nous permettrait de répondre à l'enjeu des jeux Olympiques. Il ne faudrait pas que les amendes soient trop minimes, avec un montant à peine plus élevé que le prix de certains billets...
À l'article 18, le seuil pour les compagnies de taxi a été retiré. Cela suffira-t-il pour permettre aux petites compagnies indépendantes de taxi, notamment parisiennes, d'accueillir des personnes en situation de handicap ? Nous pouvons nous accorder sur ce point, et cela ne fera pas basculer notre vote.
Je rappelle que l'Assemblée nationale était consensuelle pour reconnaître que la date proposée à l'article 7 ne convenait pas. Nous gagnerions tous à limiter cette expérimentation dans le temps et aux jeux Olympiques, quitte à étendre l'expérimentation des caméras algorithmiques dans un texte dédié, qui définisse clairement la manière dont les données sont stockées et utilisées, ainsi que les garde-fous prévus. Il n'est pas tolérable d'utiliser ce véhicule législatif pour expérimenter ces caméras pendant presque neuf mois supplémentaires - j'espère que nous pourrons y revenir.
M. Jean-Jacques Lozach, sénateur. - À l'évidence, l'article 7 focalise de nombreux débats, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale ne sont pas de nature à perturber ou à modifier profondément notre appréciation de cet article, et notre vote du texte, notamment pour ce qui concerne les modifications du délai d'expérimentation et de la clause de revoyure.
Nous étions attachés à la suppression de l'article 12 bis : il était important d'écarter le durcissement injustifié d'un certain nombre de peines condamnant les entrées illicites dans les enceintes sportives, ou bien encore les interdictions administratives de stade (IAS). Même s'il est regrettable que le problème de la sécurité ne soit abordé que sous l'angle répressif dans ce texte, la suppression de l'article est justifiée.
De nombreux sénateurs, en suivant les débats à l'Assemblée nationale, se sont interrogés sur l'application de l'article 45 de la Constitution. À l'évidence, de nombreux amendements adoptés par l'Assemblée nationale auraient été jugés irrecevables au Sénat : c'est une nouvelle démonstration du fait que le Règlement du Sénat est bien plus rigide.
Enfin, de manière positive, un grand nombre d'éléments des avis du Conseil d'État et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ont été pris en compte dans le débat parlementaire. Même si, en lisant dans la presse les commentaires sur ce texte et plus globalement sur l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, on se rend compte que si certaines craintes et inquiétudes ne sont pas dissipées concernant la sécurité, les mobilités ou le financement, ce texte contribue globalement à rendre optimales les conditions d'organisation, et au succès de cet événement planétaire.
Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat. - Nous vous proposons de supprimer l'article 1er bis, car il nous semble déjà satisfait : le Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) s'est engagé dans le label Terrain d'égalité, qui sera contrôlé par l'Agence française de normalisation (Afnor), ce qui nous semble plus réaliste et plus efficace. Ce label a un cahier des charges prévoyant des campagnes de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles bien plus larges que celles qui étaient prévues à l'article 1er bis, avec en sus un dispositif de signalement et d'écoute opérationnel. Nous ne voyons pas l'utilité d'inscrire dans la loi des mesures déjà satisfaites par ailleurs.
Concernant l'article 7, nous voulons engager une véritable expérimentation de la pratique de la vidéoprotection intelligente. Si nous proposons le mois de décembre pour la remise du rapport, c'est que le délai de trois mois, après la fin des jeux Olympiques et Paralympiques, est nécessaire pour qu'un vrai travail d'évaluation soit mené, afin de laisser ensuite le temps au Parlement de se prononcer. C'est le principe même des expérimentations : il faut les tester, les évaluer, et décider. Comme pour chaque expérimentation, il faut donc laisser au Parlement le temps de se réunir pour décider s'il souhaite ou non prolonger l'expérimentation. Il nous paraît curieux, voire contre-productif, de fixer la date de fin de l'expérimentation le même jour que la date de remise du rapport d'évaluation de l'expérimentation. C'est pourquoi la date du 31 mars nous semble être un compromis : un rapport d'évaluation serait rendu le 31 décembre, ce qui laisse un temps d'étude nécessaire pour prendre en compte l'ensemble des paramètres, le Parlement disposant pour se prononcer d'un délai de trois mois, qui nous semble raisonnable et répondre à l'enjeu de procéder à une véritable évaluation.
Concernant le paragraphe V de l'article 7 et l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, j'entends votre argument sur l'extraterritorialité, mais il nous a semblé que la référence au label « SecNumCloud » n'était pas appropriée. En effet, aucune entreprise française n'a ce label. Aussi, il nous semble important de retenir les règles et les critères fixés par l'Anssi, comme nous l'avons acté lors de nos échanges. Nous soumettons donc à votre appréciation cette proposition de modification.
Enfin, à l'article 17, le Sénat avait voté des dérogations au repos dominical entre le 1er juin et le 30 septembre 2024. Nous avons accepté que ces dérogations débutent le 15 juin, mais il nous semble que le 30 septembre est une bonne date pour les clore. Les commerçants qui le souhaitent pourront ainsi profiter encore de la dynamique des Jeux. Cela nous semble être un bon compromis.
M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Mme la rapporteure a bien résumé l'argumentation qu'elle a développée pour parvenir à ces compromis. La suppression de l'article 1er bis n'enlève toutefois rien au bien-fondé de l'amendement déposé à l'Assemblée nationale, dont la teneur est prise en compte.
Concernant l'article 7, il importait de parvenir à un compromis. J'entends la demande du Sénat de laisser au Parlement, après la remise du rapport, le temps de se prononcer. Cette demande s'inscrit bien dans le cadre de l'article 37-1 de la Constitution ouvrant droit à des dispositions à caractère expérimental. Nous ne sommes pas là en train de préparer le terrain pour une décision qui serait déjà prise. C'est pour cette raison que la proposition que nous vous faisons semble satisfaisante.
Parallèlement, des dispositions ont évolué dans un sens plus protecteur ; je pense à la conservation des données. Certes, elles ne satisfont pas ceux qui sont opposés au texte, mais nous n'arriverons pas à les convaincre, car ils sont, par principe, opposés à l'utilisation de l'intelligence artificielle dans l'analyse des images. Toutefois, le fait de limiter à douze mois la conservation des données a son importance. Cette avancée fait aussi partie du compromis que nous avons réussi à obtenir.
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La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.