N° 378
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er mars 2023
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires ,
Par Mme Nadine BELLUROT,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .
Voir les numéros :
Sénat : |
860 (2021-2022) et 379 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
Face au nombre croissant de démissions observé depuis le renouvellement général de 2020, alors même que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre exercent aujourd'hui des compétences structurantes pour le territoire communal, Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, a déposé une proposition de loi en août 2022 tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires .
La commission a pleinement partagé la volonté que soient, pour toute la durée du mandat, impérativement et pleinement représentées les communes au sein des conseils communautaires . Réaffirmant une position constante du Sénat, la rapporteure, Nadine Bellurot, a rappelé que le conseil communautaire, émanation des conseils municipaux , doivent impérativement représenter, tout au long du mandat, tant l'ensemble des communes membres que les équilibres politiques au sein de celles-ci, et qu'il ne saurait y être fait, pour aucun motif, durablement échec.
La commission des lois a donc adopté, à l'unanimité, avec modifications la proposition de loi.
I. LA VACANCE D'UN SIÈGE FAUTE DE CANDIDATS DU MÊME SEXE POUR REMPLACER UN CONSEILLER COMMUNAUTAIRE DÉMISSIONNAIRE : UNE RÈGLE INSATISFAISANTE
A. L'INCOMPRÉHENSION DES ÉLUS FACE À UNE RÈGLE RÉSULTANT D'UN COMPROMIS LÉGISLATIF PERFECTIBLE
Faisant suite à la constitutionnalisation de l'objectif d'égale représentation des femmes et des hommes au sein des instances locales 1 ( * ) , le législateur a instauré, pour les communes de plus de 1 000 habitants, une règle de parité pour la constitution des listes des candidats aux conseils communautaires 2 ( * ) .
Complétant cette règle, l'article L. 273-10 du code électoral prévoit que le respect du principe de parité s'applique tout au long du mandat, y compris en cas de démission au cours du mandat : ainsi, le siège de conseiller communautaire vacant doit être pourvu par un élu municipal de même sexe et issu de la même liste dans les communes de plus de 1 000 habitants disposant de plusieurs sièges au conseil communautaire ; à défaut, le siège demeurera vacant jusqu'à la fin du mandat. Il en résulte, comme l'a rappelé la direction générale des collectivités territoriales (DGCL), qu'« en l'état actuel du droit, si aucun conseiller municipal de même sexe ne peut être désigné, le siège demeure vacant jusqu'au prochain renouvellement du conseil municipal de la commune » 3 ( * ) .
Modalités de remplacement
d'un conseiller
communautaire démissionnaire
Source : commission des lois du Sénat
Cette disposition, fruit d'un compromis lors de la réforme des élections municipales et communautaires de 2013, a été acceptée par le Sénat dans le but de faire échec aux dispositions alors proposées par l'Assemblée nationale et le Gouvernement qui liaient la démission du mandat communautaire à celle du mandat municipal , rapprochant ainsi l'intercommunalité d'une « supra-communalité » 4 ( * ) .
Dès lors, l'intention du législateur devrait être interprétée moins comme la volonté explicite de prévoir, au nom du principe de parité, la possibilité de vacance d'un siège communautaire, que comme un refus de tout automatisme entre une démission communautaire et une démission municipale dans un souci de clarification du lien entre ces deux mandats.
À l'heure où les EPCI à fiscalité propre exercent des compétences structurantes pour la vie communale, nombreux sont les élus locaux à faire état de leur incompréhension face à la possibilité de vacance durable d'un siège au sein du conseil communautaire imposée par le principe de parité .
Ainsi, le récent rapport d'Elodie Jacquier-Laforge et de Raphaël Schellenberger fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale relatif à la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal a dressé le constat suivant : « les difficultés relatives à l'application de l'article L. 273-10 du code électoral portant sur la règle de remplacement d'un conseiller communautaire par un suivant de liste de même sexe, nous ont été signalées. (...) Cette obligation suscite l'incompréhension des élus, dont les marges de manoeuvre sont nulles » 5 ( * ) .
Les auditions menées par la rapporteure ont confirmé ces observations . Pour l'association des maires de France (AMF), auditionnée par la rapporteure, la vacance des sièges intercommunaux constitue l'un des points d'attention du mandat municipal actuel. Il s'agit également d'une préoccupation d'Intercommunalités de France qui, lors de son audition, soulignait « les incompréhensions de certaines règles par les élus qui surviennent lorsque des difficultés comme celle d'une vacance se posent ».
* 1 La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a inscrit à l'article 1 er de la Constitution le principe de parité en matière d'accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
* 2 La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral a créé, par son article 33, un nouvel article L. 273-9 du code électoral qui prévoit au 3° de son I que, pour les communes de plus de 1 000 habitants, « la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire est composée alternativement de candidats de chaque sexe ».
* 3 Réponse à la question écrite de Françoise Gatel par le ministère de la cohésion des territoires, n° 7233, publiée dans le JO Sénat du 17/03/2022, page 1408, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220327233.html .
* 4 Le rapporteur de la commission des lois du Sénat, Michel Delebarre, rappelait à cet égard que « le mandat à la commune s'exerce indépendamment de sa représentation à l'intercommunalité ; il constitue la source et le fondement du mandat communautaire dont le sort lui est lié. L'inverse n'est pas vrai » (voir le rapport n° 404 (2012-2013) de Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 27 février 2013, p. 61, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l12-404/l12-40416.html#toc190 ). C'est pourquoi « les deux assemblées (...) divergeaient sur les conséquences de l'absence de conseiller municipal de même sexe élu sur la même liste et appelé à remplacer un élu qui aurait choisi de démissionner de l'organe délibérant tout en restant membre du conseil municipal : l'Assemblée nationale avait prévu en première et en seconde lectures que l'élu concerné serait dans l'obligation de renoncer aux mandats municipal et intercommunal ; le Sénat a préféré que le siège intercommunal ne pouvant être pourvu reste vacant (...) » (voir le rapport n° 883 de Pascal Popelin, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, déposé le 3 avril 2013, p. 42, consultable à l'adresse suivante : https://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r0883.asp#P506_89475 ).
* 5 Mission flash sur la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal, Elodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger, 6 octobre 2021, au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale. La communication sur cette mission est consultable à l'adresse suivante : https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/408231/3983283/version/1/file/Communication+MI+flash+parit%C3%A9+fonctions+%C3%A9lectives+et+ex%C3%A9cutives+bloc+communal.pdf .