B. DES INCERTITUDES SUR LE RENOUVELLEMENT ET LA MODERNISATION DES EXPLOITATIONS AGRICOLES

1. Une compétitivité globalement fragilisée
a) Une augmentation des soutiens en faveur de la filière canne à sucre en Outre-mer

L'action 21 « Adaptation des filières à l'évolution des marchés » est dotée de 238,64 millions d'euros en AE, et 239,06 millions d'euros en CP, soit une augmentation respective de 7,26 % en AE (+ 16,2 millions d'euros) et 7,35 % en CP (+ 16,4 millions d'euros).

La hausse porte principalement sur les aides octroyées à la filière canne à sucre en Outre-mer avec le versement d'une aide complémentaire de 19 millions d'euros destinée à compenser les surcoûts de production agricole et versée aux planteurs de la Réunion et des Antilles.

b) Un constat alarmant

En dépit de l'aide à certains secteurs, comme en témoigne le soutien à la filière canne à sucre, les rapporteurs spéciaux tiennent à avertir du déclin du secteur agricole français, mettant en jeu la souveraineté alimentaire. À cet égard, le rapporteur spécial, Vincent Segouin, souscrit aux conclusions du rapport d'information17(*) de ses collègues de la commission des affaires économiques, MM. Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, sur le manque de compétitivité de la Ferme France. « Deux tiers de ses pertes de marché proviennent de sa perte de compétitivité. Mise en tension par une plus grande concurrence internationale, la France décroche notamment en raison de :

- la hausse des charges des producteurs en raison de ses coûts de main d'oeuvre, de surtranspositions trop nombreuses, d'une fiscalité trop lourde... ;

- une productivité en berne liée à des manques d'investissements, principalement dans l'agroalimentaire, et d'un effet taille d'exploitation, la Ferme France ayant choisi un modèle familial loin des pratiques de ses concurrents directs en Europe ;

- une faible défense par l'État dans les accords de libre-échange ;

- un climat politico-médiatique qui vitupère un modèle agricole pourtant le plus vertueux du monde, en critiquant par exemple la taille moyenne de nos exploitations, pourtant très inférieure à celles de nos concurrents »18(*).

Le rapporteur spécial, Vincent Segouin, constate que le potentiel productif agricole français tend à s'affaisser. Il tient notamment à souligner le niveau des charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des exploitations agricoles. Il rappelle qu'il est nécessaire que la finalité des prestations sociales réponde aux enjeux économiques comme aux défis rigoureux de la gestion budgétaire. À titre d'illustration, l'arboriculture est dépendante du dispositif TO-DE qui exonère les charges sociales sur les emplois saisonniers, leur garantissant une certaine compétitivité.

2. L'installation des jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations, un enjeu préoccupant

L'avenir du monde agricole apparait obéré tant par les difficultés liées à la transmission des exploitations que celles relatives à l'installation des jeunes agriculteurs.

a) La transmission en danger avec le vieillissement de la population des exploitants19(*)

Si le territoire ne perd plus de terres agricoles depuis les années 2000 avec la stabilisation de la surface agricole utile (SAU) à 48 % du territoire national20(*), on observe une forte diminution du nombre des exploitations de 390 000 en 2020, soit 100 000 de moins qu'en 2010 et 260 000 de moins qu'en 2000. Corrélativement, la taille moyenne des exploitations augmente et s'établit à 69 hectares en 2022, contre 54 ha en 2010 et 42 ha en 2000.

La réduction du nombre d'exploitations entraîne deux conséquences alarmantes :

- une diminution du nombre d'exploitants : 496 000 en 2020, contre 604 000 en 2010, et 764 000 en 2000 ;

- le vieillissement des exploitants : 43 % des exploitants agricoles sont âgés de 55 ans ou plus et sont donc susceptibles de partir en retraite dans les 10 ans qui viennent ;

Parmi les freins à la transmission, les rapporteurs spéciaux relèvent notamment :

- le coût de l'installation (valeur patrimoniale de l'exploitation, ...) ;

- la concurrence entre installation et agrandissement.

Les rapporteurs spéciaux plaident pour mieux anticiper les départs à la retraite afin d'apporter un soutien plus actif aux entrants comme aux sortants. En effet, ils tiennent à mettre en exergue cet aspect de la transmission souvent oublié, celui de l'accompagnement des agriculteurs qui partent à la retraite. Ils se déclarent favorable à la mise en oeuvre de mesures spécifiques en ce domaine.

b) L'installation des jeunes agriculteurs21(*)

Les rapporteurs spéciaux relèvent que la politique publique de l'installation est très ambitieuse dans l'affichage. Elle vise à favoriser l'installation, préserver le modèle familial français et protéger les modes de production. Toutefois, la traduction de ces objectifs ne semble pas être à la hauteur des enjeux et ne peut se réduire au nombre de DJA. Il conviendrait de « passer d'une politique de l'installé à une politique de l'installation. »

La politique d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs

La politique d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs favorise le renouvellement des exploitations. Elle est une priorité essentielle de la politique agricole nationale et a été rénovée ces dernières années.

Depuis 1973, la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs (DJA) vise à soutenir financièrement les jeunes agriculteurs lors de leur installation en leur versant une subvention sous conditions d'âge, de formation et de viabilité du projet et en contrepartie d'engagements de sa part (mise aux normes, maintien en activité pendant quatre ans).

Cette DJA a été revalorisée en parallèle de la suppression du dispositif des prêts bonifiés, qui étaient historiquement délivrés aux jeunes agriculteurs mais qui n'étaient plus attractifs compte tenu de la baisse durable des taux d'intérêt.

Une nouvelle modulation de la DJA, fonction de l'effort de reprise et de modernisation consenti par le porteur de projet, a ainsi été introduite et il a été donné aux régions la possibilité d'accroître son montant de base. En conséquence le montant forfaitaire alloué à chaque bénéficiaire a augmenté.

Des exonérations fiscales et des aides à l'accompagnement de l'installation viennent, par ailleurs, compléter ce dispositif. La majorité de ces aides est cofinancée par le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Source : projet annuel de performance de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, annexé au projet de loi de finances pour 2022

L'impact sur l'installation de la DJA ne provient pas de son montant qui est en moyenne de 32 470 euros, mais des conditions d'éligibilité et du parcours d'aide à l'installation afin que l'exploitation atteigne l'objectif de 1,5 smic à 4 ans. En effet, la prise en compte du raisonnement économique par les exploitants agricoles est cruciale. L'attribution de la DJA y contribue. En revanche, la recherche des aides surfaciques de la PAC qui incitent à l'agrandissement, peut se révéler être contraire à la rentabilité économique.

Conditions d'attribution de la DJA

- Être ressortissant de l'Union Européenne ou de la Suisse ou avoir un titre de séjour valable sur la période de réalisation du plan d'entreprise (4 ans) ;

- être âgé de 18 ans au moins et 40 ans au plus au dépôt de la demande ;

justifier de la capacité professionnelle agricole c'est-à-dire avoir un diplôme agricole de niveau IV (Bac pro, BPREA, BTA, etc.) et avoir validé son Plan de Professionnalisation Personnalisé ;

- s'installer pour la première fois comme chef d'exploitation à titre individuel ou comme associé-exploitant dans une société ;

avoir un projet d'installation viable traduit dans un plan d'entreprise (PE) établi sur 4 ans ;

- avoir la capacité à respecter les engagements pris dans le plan d'entreprise.

Source : chambres d'agriculture France

On observe également :

- un flux annuel moyen de 13 000 nouvelles installations pour 20 000 départs en moyenne sur la période 2015-2021, soit un taux de remplacement moyen de 68 % ;

- le taux de pénétration de la DJA n'est que d'un tiers. Un autre tiers est éligible mais ne demande pas à bénéficier de la DJA. Quant au tiers non éligible, le niveau de formation apparaît être le plus souvent le facteur bloquant ainsi que la vitesse du projet, car cela prend du temps de rentrer dans le parcours. Une personne peut ne pas vouloir rentrer dans le parcours d'attribution de la DJA afin de répondre aux besoins immédiats d'une coopérative. Enfin, certains nouveaux exploitants ne sont pas éligibles à la DJA car leur exploitation ne constitue pas une carrière mais une activité qui a du sens et qui doit générer du temps pour soi ;

- parmi les bénéficiaires de la DJA, en 2020, on a dénombré 34 % hors cadre familial, en progression de 28 % par rapport à 2010. L'âge moyen est de 29 ans et la part des femmes est de 23 % ;

la superficie moyenne des nouvelles installations est de 34 hectares se décomposant de la manière suivante : la moitié des installations concerne une surface inférieure à 20 hectares et un quart des projets sur des terres de plus de 50 hectares ;

l'installation est réalisée sous forme sociétaire GAEC (25 %) et EARL (17 %), 46 % en forme unipersonnelle, et 11 % en société civile ou anonyme ;

- les installations sont effectuées majoritairement en grandes cultures (16 %), en polyculture-polyélevage (13 %), en bovins lait (11 %) et viandes (10 %) ;

- plus de la moitié des installations se font dans quatre régions : Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire.

Par ailleurs, les nouveaux installés bénéficient également de mesures de soutiens à l'investissement financées par l'État et l'UE.

Les rapporteurs spéciaux préconisent une meilleure articulation entre installation et transmission. Le renouvellement des générations représente une opportunité de changement des pratiques, et de mutations vers des modes d'exploitation, intégrant les nouvelles technologies ou structures. Des marges de manoeuvre existent en termes de multiplication des activités hybrides, de nouveaux modes de production, de prise en compte de la fonction environnementale des agriculteurs et de mutualisation des moyens.

Les rapporteurs spéciaux ajoutent que si la dotation est utile, elle n'est pas suffisante car le véritable frein à l'installation réside dans le revenu dégagé par les jeunes agriculteurs ainsi que dans la capacité à faire face aux aléas climatiques et sanitaires. Une réponse possible réside dans un soutien appuyé à la recherche dans le domaine agricole et dans la prévention des risques.

Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur les modalités d'attribution de la DJA qui requiert la capacité immédiate d'élaborer un projet d'installation viable sur quatre ans, exigeant des investissements importants pour atteindre les objectifs, notamment de revenus.

3. Le revenu des agriculteurs : un paramètre inquiétant

Dans le prolongement de l'analyse de la question de l'installation des jeunes agriculteurs et de la transmission des exploitations, les rapporteurs spéciaux souhaitent poser la question sous-jacente du revenu des agriculteurs et de la rentabilité des exploitations.

a) Observations méthodologiques liminaires

À titre liminaire, les rapporteurs spéciaux ont appris à regret que le secrétariat général du ministère ne disposait pas de statistiques sur le revenu des agriculteurs « en raison de l'intrication des revenus professionnels et personnels », la seule donnée disponible étant l'excédent brut d'exploitation. Ils observent que cette donnée doit nécessairement être appréciée à l'aune des charges et produits financiers ainsi que du résultat net comptable. Ces données devraient être disponibles et étudiées afin de déterminer la rentabilité des exploitations agricoles avec in fine la possibilité d'évaluer le revenu des agriculteurs.

Rappelons qu'une exploitation agricole doit avoir un statut qui est soit celui de l'Entreprise Individuelle (EI) ou l'Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) soit celui d'une société civile (EARL, GAEC, SCEA) ou commerciale (SARL, SAS). Il est possible d'identifier d'après les documents comptables le résultat des sociétés agricoles, ce qui peut donner une idée de la rentabilité de l'exploitation et du revenu de l'exploitant. En 2016, 63,7 % des exploitations étaient sous statut individuel (personnes physiques ou EURL), 18,2 % EARL, 9,8 % GAEC, et 8,3 % d'autres formes sociétaires (sociétés civiles à objet agricole et SA). On dénombrait 390 000 exploitations agricoles en 2020.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux relèvent que le répertoire RICA (Réseau d'Information Comptable Agricole) est un dispositif annuel de collecte d'informations comptables et financières auprès d'un échantillon d'exploitations agricoles. Ils appellent de leurs voeux une évaluation plus fine, utilisant les mégadonnées et des algorithmes afin de déterminer la cartographie économique des exploitations agricoles permettant d'identifier les priorités du monde agricole à l'aune du défi la souveraineté alimentaire et de la revitalisation des territoires.

b) Une population agricole exposée à la pauvreté

Selon l'INSEE, seul un tiers des ressources des ménages agricoles provient, en moyenne, de l'activité agricole. En effet, ces derniers doivent compléter leurs ressources avec d'autres activités, comme celles du conjoint ou du patrimoine notamment sous la forme de fermages22(*). Le conjoint est généralement salarié dans 7 cas sur 10 et un agriculteur sur 5 est bi-actif.

La moitié des personnes au sein des ménages agricoles avait un niveau de vie par unité de consommation inférieur à 22 200 euros par an en 2018.

Ce constat est également rappelé dans le PSN qui précise qu'« en moyenne en 2009-2019, le revenu d'entreprise agricole s'est élevé à près de 27 000 euros, représentant, en 2019, 75 % de la moyenne des salaires constatés en France. Le revenu d'entreprise agricole français se situe selon les années entre le 4e et le 7e rang européen, mais en dynamique, il évolue moins rapidement que la moyenne constatée dans l'UE. Le revenu agricole mesuré par le RCAI/UTANS moyen s'élève à 29 764 euros/UTANS en 2019, et se caractérise par de fortes disparités en fonction de la structure des exploitations, des productions, et des territoires. Le revenu agricole est principalement influencé par les prix agricoles, les charges d'exploitation qui représentent 97 % de la valeur de production et sont en augmentation constante, notamment marquées par le poids des consommations intermédiaires, la productivité des facteurs, et les subventions agricoles. Enfin, le revenu agricole français est marqué par une augmentation de la volatilité, traduisant une instabilité grandissante des marchés et des conditions de production. »23(*).

Au-delà des moyennes, force est de constater qu'il existe une réelle disparité de niveaux de vie dans le monde agricole.

Le tableau ci-dessous indique que le niveau de vie des 10 % des personnes les plus modestes ne dépasse pas 9 800 euros par an. Il est 4,7 fois inférieur à celui des 10 % les plus aisées qui disposent d'au moins 46 500 euros.

Niveau de vie des ménages agricoles
selon la production agricole dominante du territoire en 2018

1 Territoires spécialisés en céréaliculture et en culture de plantes oléagineuses et protéagineuses.

2 Territoires combinant céréales, plantes oléagineuses et protéagineuses, plantes sarclées ou spécialisés en culture de plantes sarclées, légumes frais.

3 Ensemble des ménages agricoles, y compris ceux ne résidant pas dans un territoire Otex.

Source : Insee, Filosofi 2018

Le paramètre le plus inquiétant est celui de la pauvreté. L'INSEE fait le constat que « les ménages agricoles sont également davantage exposés à la pauvreté monétaire : 18 % de leurs membres vivent sous le seuil de pauvreté (13 000 euros par an pour une personne seule en 2018), contre 13 % des membres des ménages ayant des revenus d'activité. La pauvreté y est de surcroît plus intense : le niveau de vie médian des personnes pauvres est de 9 400 euros, soit 1 300 euros de moins qu'au sein des ménages pauvres ayant des revenus d'activité »24(*).

4. La viabilité des exploitations agricoles en question

À titre liminaire, les rapporteurs spéciaux observent que la rentabilité des exploitations agricoles est liée à la nature des productions agricoles. Ainsi, les revenus des ménages des territoires viticoles étaient, en 2018, 1,9 fois supérieurs à ceux pratiquant l'élevage bovin25(*). Cette production est elle-même variable d'une année sur l'autre en raison des conditions climatiques et de la volatilité des prix sur le marché.

a) Des disparités en termes de rentabilités

Les chiffres disponibles sur la rentabilité agricole sont ceux de l'Excédent brut d'exploitation (EBE). En 2020, l'EBE moyen par actif non salarié s'élevait à 53 200 euros. Les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner que ce chiffre qui mesure l'activité agricole ne prend pas en compte les charges financières et les dotations aux amortissements. Nous sommes donc bien loin du résultat comptable qui prend en compte toutes les charges et qui détermine la santé financière et la viabilité d'une entreprise.

Le tableau ci-dessous indique qu'un quart des exploitations affichait un EBE par actif non-salarié supérieur à 65 980 euros (75e centile, soit le 3e quartile) tandis qu'un quart dégageait, à ce niveau de solde intermédiaire, déjà moins de 21 740 euros (25e centile, soit le 1er quartile).

Indicateurs de dispersion de l'EBE par actif non salarié par orientation en 2020

(en euros)

Source : MASA, réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'absence de chiffres sur le résultat des entreprises agricoles aux fins d'évaluer la rentabilité économique de ces exploitations. La question de la viabilité des structures se pose non seulement en termes de pertinence du modèle agricole actuel mais également dans le cadre de la souveraineté alimentaire quant à la diversité et aux modalités des productions ainsi qu'à l'importance des flux et stocks.

b) Le rôle essentiel des subventions

Force est de constater que les subventions jouent un rôle essentiel dans la constitution du revenu de nombreuses exploitations. Ces aides à l'exploitation sont accordées par l'Union européenne, l'État et certaines collectivités publiques afin de compenser l'insuffisance de certains produits d'exploitation ou pour faire face à certaines charges d'exploitation de l'exercice.

En 2020, 93 % des exploitations bénéficiaient d'au moins une subvention d'exploitation26(*) tandis que 17 % des exploitations recevaient 50 % des aides. Or, le niveau d'aides a tendance à augmenter avec la taille économique des exploitations. À titre d'illustration, les exploitations les plus grandes27(*) en grandes cultures perçoivent un peu plus de trois fois le montant de subventions des plus petites structures28(*), soit 56 490 euros contre 18 140 euros. Inversement, le taux de soutien des subventions rapportées au chiffre d'affaires est naturellement plus faible pour les grandes exploitations que pour les petites exploitations.

En 2020, ces subventions d'exploitation représentaient en moyenne, pour un bénéficiaire, 14 % des produits courants et 47 % de l'EBE. En d'autres termes, 27 % des exploitations auraient un EBE négatif sans ces subventions, contre 5 % après prise en compte des subventions.

Les exploitations bénéficiaires percevaient en moyenne 33 620 euros d'aides.

Les secteurs les plus dépendants des subventions sont les productions en céréales, oléagineux et protéagineux, ainsi que l'élevage d'herbivores, notamment en bovins viande. 65 % des éleveurs de bovins viande auraient un EBE négatif sans ces subventions.

Proportions d'exploitations ayant un EBE négatif, avant et après subventions d'exploitation, et montants moyens des EBE par orientation productive en 2020

Source : service de la statistique et de la prospective (SSP), RICA 2019 et 2020 - champ : France métropolitaine, exploitations présentes deux ans de suite dans le RICA, bénéficiaires ou non de subventions

Enfin outre ces subventions d'exploitations, il convient de rappeler que l'État a procédé en 2022 à un certain nombre d'indemnisations économiques retracées dans l'encadré, ci-après.

Liste des indemnisations économiques en 2021 et 2022

Gel 2021

L'épisode de gel exceptionnel d'avril 2021 a frappé un grand nombre d'exploitations sur l'ensemble du territoire métropolitain, et plus particulièrement les exploitations viticoles et arboricoles. Plusieurs dispositifs ont été rapidement mis en place pour venir en soutien aux exploitants touchés par le gel.

Un fonds d'urgence gel doté d'une enveloppe de 20 millions d'euros a été ouvert dès le mois de mai 2021. Le dispositif des calamités agricoles a été mobilisé à hauteur de 410 millions d'euros et un dispositif exceptionnel pour les assurés a été mis en place. Ce dernier dispositif, initialement doté de 63 millions d'euros, a consommé 20 millions d'euros.

Un fonds de soutien pour les entreprises de l'aval a été doté de 150 millions d'euros. Un premier dispositif d'avance mis en place en 2021 a été doté de 24,1 millions d'euros. Le dispositif complémentaire d'aide aux entreprises de l'aval sera versé pour partie (fruits et légumes avec un maximum de 7 millions d'euros) en 2022.

Le guichet à destination des acteurs de la filière viticole sera mis en place à l'été 2023 avec une enveloppe maximale de 118,9 millions d'euros.

Il est également prévu des prises en charge de cotisations sociales (PEC) avec une enveloppe maximale de 170 millions d'euros, la consommation sera connue en décembre 2022.

Gel 2022

Un fonds d'urgence sur le même principe que celui mis en place en 2021 a été reconduit. Doté également de 20 millions d'euros, sa consommation approche les 10 millions d'euros et concerne plus de 1 600 exploitations. Il est également prévu un dispositif d'aide pour les acteurs de l'aval des filières (enveloppe maximale de 75 millions d'euros) dont la mise oeuvre est prévue en 2023. Enfin le régime de calamités agricoles est activé pour cet épisode de gel et nécessitera un abondement complémentaire de l'État dès 2022.

Une enveloppe de 15 millions d'euros (crédits budgétaires) de prises en charge (PEC) de cotisations sociales a été actée pour les exploitants agricoles touchés par le gel 2022. Elle sera mobilisée en deux temps, avec une première répartition de 5 millions d'euros déployée fin 2022 (arrêté en cours de publication) et une deuxième répartition de 10 millions d'euros mise en oeuvre début 2023. Ces deux répartitions seront déployées selon les mêmes modalités et dans le même temps que les enveloppes de PEC de droit commun prévues chaque année au printemps et à l'automne et dotées chacune d'un montant de 15 millions d'euros (crédits du fonds national de l'action sanitaire et sociale de la MSA).

Grêle 2022

Le fonds d'urgence gel 2022 a été étendu aux exploitations touchées par les épisodes de grêle 2022, avec une enveloppe de 40 millions d'euros. Des premières délégations de crédits ont eu lieu depuis le mois d'août pour 13,1 millions d'euros. Les services déconcentrés du ministère (DRAAF) ont transmis leurs besoins complémentaires, à savoir 13,5 millions d'euros ; ces demandes sont en cours d'expertise.

La seconde enveloppe de PEC de droit commun pour 2022 (15 millions d'euros) prévoit dans sa répartition (arrêté en cours de publication) 2 millions d'euros pour cette crise.

Sécheresse 2022

La sécheresse qui a sévi durant l'été 2022 et qui se poursuit dans certains territoires a d'ores et déjà des conséquences visibles pour les exploitations agricoles. Un assouplissement des règles d'octroi des calamités agricoles a été mis en place et un versement plus rapide de l'avance et du solde a été demandé par le ministre. Ainsi, afin de permettre au FNGRA d'effectuer ces paiements dès 2022 et d'être en capacité de les reprendre dès le début de l'année 2023, un abondement du fonds pour la fin de l'année est prévu, son montant sera précisé en fonction des reconnaissances effectuées. Il est à noter que des reconnaissances pour cet épisode de sécheresse pourront avoir lieu en 2023 ; le paiement de ces dernières pourra nécessiter un abondement du FNGRA en 2023.

La seconde enveloppe de PEC de droit commun pour 2022 (15 millions d'euros) prévoit dans sa répartition (arrêté en cours de publication) 2 millions d'euros au titre de la sécheresse (compte tenu de l'importance des besoins remontés par les caisses de MSA, il est vraisemblable qu'une part significative de la première enveloppe de PEC de droit commun au titre de l'année 2023 sera également consacrée à cet aléa).

Source : réponse au questionnaire budgétaire de vs rapporteurs spéciaux transmises par le Secrétariat du MASA

5. Effet d'annonce ou réponse avec le projet de pacte de renouvellement et d'avenir ?

En réponse aux nombreux défis impactant la profession agricole, le président de la République a annoncé le 9 septembre 2022, le lancement de concertations visant à conclure un pacte de renouvellement et d'avenir avec le monde agricole, sur les sujets d'orientation, de formation, de transmission et de transition. Ce pacte s'inscrit dans la perspective de la présentation au Parlement d'un projet de loi portant sur l'orientation de l'avenir agricole en 2023.

Ce pacte rassemblerait des mesures ayant pour objet :

d'accélérer la recherche. À cet égard, ce pacte fait écho aux objectifs de « nouvelle révolution agricole » de France 2030, notamment en matière d'agroécologie, de nouvelles technologies de génétique et de biocontrôle... À la suite de la présentation du plan France 2030, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, déclarait le 12 octobre 2021 : « Dans le domaine agricole et agroalimentaire, on est à l'aube d'une troisième révolution agricole »29(*), après celle du machinisme et de l'agrochimie. Sur les 30 milliards d'euros du plan, 2 milliards d'euros sont consacrés aux investissements dans les innovations de rupture dans l'agriculture ;

- d'élaborer des « modèles agricoles viables à 20 ou 30 ans », territoire par territoire, pour les agriculteurs ;

- de développer des stress tests climatiques des exploitations, à chaque acquisition de domaine, afin d'établir une feuille de route de la viabilité de l'exploitation et des adaptations à réaliser en anticipation des changements climatiques. Ce test permettrait de diagnostiquer quel type de culture est possible, quel type d'irrigation mettre en oeuvre, à quels investissements recourir .... Il serait réalisé par les chambres d'agriculture ;

- de mieux rémunérer les agriculteurs avec notamment les pratiques préservant les puits de carbone c'est-à-dire rémunérer les agriculteurs pour les inciter à stocker plus de carbone dans les sols agricoles. Le projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables (ENR) porte notamment sur le développement des énergies renouvelables dans les exploitations permettant ainsi de diversifier les ressources des agriculteurs. Le projet prévoit ainsi « un système de contrôle » pour garantir que les terrains abritant des panneaux solaires ou des mâts d'éoliennes demeurent des surfaces agricoles ;

d'organiser le portage foncier et le financement des transitions. L'installation des nouvelles générations et les transformations indispensables de leurs exploitations qu'elles devront entreprendre doivent être organisées de façon plus optimale. « Il faut que l'État et les collectivités investissent dans le portage du foncier et dans des solutions à façon selon la valeur du foncier et la valeur des exploitations (...) Tout ça se fera dans le cadre de la nouvelle PAC qui prévoit une hausse des subventions à l'installation, confiée aux Régions »30(*). En effet, les Régions se voient confier la politique de l'installation, dès 2023. Par ailleurs, le président de la République a d'ores et déjà annoncé la création d'un fonds « entrepreneurs du vivant, » doté de 400 millions d'euros, destiné à cette double finalité d'installation et de transformation. Il a également évoqué la création d'un réseau dédié à l'accompagnement des porteurs de projet, France Installation Agricole. Ce dernier remplacerait les Points accueil installation (PAI), devant être réformés à très court terme ;

- de consolider la filière agricole. Cela passe par le financement des formations dans les nouvelles compétences et la mise en place d'un réseau d'incubateurs d'entreprises agricoles innovantes ;

- de relever le défi démographique. 100 000 chefs d'exploitation d'ici à 2030 passeront le relais à la nouvelle génération.


* 17 Rapport d'information n° 905 (2021-2022) de MM. Laurent DUPLOMB, Pierre LOUAULT et Serge MÉRILLOU, fait au nom de la commission des affaires économiques, en date du le 28 septembre 2022.

* 18 Page 15 du rapport précité.

* 19 Source : service statistique du ministère de l'Agriculture.

* 20 Contre 49,1 % en 2010, 50,7 % en 2000, selon les chiffres du recensement agricole.

* 21 Source : Ministère de l'agriculture et MSA.

* 22 Cf. Insee Première n° 1876 Octobre 2021 intitulé « Le niveau de vie des ménages agricoles est

plus faible dans les territoires d'élevage ».

* 23 Page 31 du Plan stratégique national.

* 24 Cf. Insee Première n° 1876 Octobre 2021 intitulé « Le niveau de vie des ménages agricoles est

plus faible dans les territoires d'élevage ».

* 25 Idem.

* 26 Source : réseau d'information comptable agricole (RICA). Données portant sur l'exercice comptable 2020.

* 27 Celles dont la Production brute standard est supérieure à 250 000 euros.

* 28 Celles dont la Production brute standard est inférieure à 100 000 euros.

* 29 Déclaration en conférence de presse Julien Denormandie, à l'issue de la présentation le 12 octobre 2021, par le président de la République, du plan France 2030.

* 30 Communiqué « Pour notre agriculture, nous devons assurer le renouvellement des générations » du Président de la République Emmanuel Macron à Outarville dans le Loiret à l'occasion de la 8e édition des rencontres Terres de Jim.

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