- L'ESSENTIEL
- PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION
« AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET
AFFAIRES RURALES » (AAFAR)
- I. UNE ÉVOLUTION SUBSTANTIELLE DU
PÉRIMÈTRE DE LA MISSION
- A. LE PROGRAMME 149,
« COMPÉTITIVITÉ ET DURABILITÉ DE L'AGRICULTURE,
DE L'AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT », MARQUÉ PAR LA
PAC ET SANS LES CRÉDITS DE LA PÊCHE
- B. LE NOUVEAU PROGRAMME 381,
« ALLÈGEMENTS DU COÛT DU TRAVAIL EN AGRICULTURE
(TODE-AG) »
- C. LE PROGRAMME 206,
« SÉCURITÉ ET QUALITÉ SANITAIRES DE
L'ALIMENTATION »
- D. LE PROGRAMME 215, « CONDUITE ET
PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'AGRICULTURE »
- A. LE PROGRAMME 149,
« COMPÉTITIVITÉ ET DURABILITÉ DE L'AGRICULTURE,
DE L'AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT », MARQUÉ PAR LA
PAC ET SANS LES CRÉDITS DE LA PÊCHE
- II. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS DE LA
MISSION DE PRÈS DE 30 % EN SOUTIEN AU MONDE AGRICOLE
- III. DES CHANGEMENTS DE LA MAQUETTE DE PERFORMANCE
CONCERNANT ESSENTIEMMENT LE PROGRAMME 149
- I. UNE ÉVOLUTION SUBSTANTIELLE DU
PÉRIMÈTRE DE LA MISSION
- SECONDE PARTIE
ANALYSE DES CRÉDITS DE LA MISSION
PAR PROGRAMME
- I. LE PROGRAMME 149, DES CRÉDITS EN FORTE
AUGMENTATION POUR UN SOUTIEN À LA COMPÉTITIVITÉ ET
À LA DURABILITÉ
- A. LA NOUVELLE PAC 2023-2027
- B. DES INCERTITUDES SUR LE RENOUVELLEMENT ET LA
MODERNISATION DES EXPLOITATIONS AGRICOLES
- 1. Une compétitivité globalement
fragilisée
- 2. L'installation des jeunes agriculteurs et la
transmission des exploitations, un enjeu préoccupant
- 3. Le revenu des agriculteurs : un
paramètre inquiétant
- 4. La viabilité des exploitations agricoles
en question
- 5. Effet d'annonce ou réponse avec le
projet de pacte de renouvellement et d'avenir ?
- 1. Une compétitivité globalement
fragilisée
- C. LA RECONDUCTION DU DISPOSITIF
D'EXONÉRATION TO-DE
- D. UN PILOTAGE DE LA GESTION DES RISQUES DE PLUS
EN PLUS COMPLEXE
- E. UNE GESTION DURABLE DE LA FORÊT SOUS
TENSION
- A. LA NOUVELLE PAC 2023-2027
- II. LE PROGRAMME 381, LA BUDGÉTISATION
INTÉGRALE DU TO-DE
- III. LE PROGRAMME 206, UNE AUGMENTATION DE
7 % DE LA DOTATION POUR LA PERFORMANCE ALIMENTAIRE
- A. UNE VIGILANCE ACCRUE SUR LES MALADIES ANIMALES
ET VÉGÉTALES
- B. L'ORGANISATION D'UNE POLICE UNIQUE DE LA
SÉCURITÉ SANITAIRE
- C. UN CONTRÔLE AUX FRONTIÈRES SOUS
TENSION
- D. LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE DE LA
« LOI DE SANTÉ ANIMALE »
- E. DE NOUVEAUX OUTILS POUR LA QUALITÉ DE
L'ALIMENTATION DANS UN CONTEXTE DE RALENTISSEMENT DU MARCHÉ DU
BIO
- A. UNE VIGILANCE ACCRUE SUR LES MALADIES ANIMALES
ET VÉGÉTALES
- IV. LE PROGRAMME 215, UN BUDGET EN HAUSSE POUR UNE
STRATÉGIE IMMOBILIÈRE ET INFORMATIQUE RATIONALISÉE
- I. LE PROGRAMME 149, DES CRÉDITS EN FORTE
AUGMENTATION POUR UN SOUTIEN À LA COMPÉTITIVITÉ ET
À LA DURABILITÉ
- TROISIÈME PARTIE
ANALYSE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » (CAS-DAR)
- I. UN COMPTE DÉDIÉ À
L'INNOVATION EN MATIÈRE AGRICOLE
- II. LA RECONDUCTION DE LA MAQUETTE DE PERFORMANCE
DU CAS-DAR
- III. UNE SOUS-CONSOMMATION CONTESTABLE DES
CRÉDITS
- IV. UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS
ENTRE LES PROGRAMMES RECONDUITE EN 2023
- I. UN COMPTE DÉDIÉ À
L'INNOVATION EN MATIÈRE AGRICOLE
- LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME
ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE
49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION
- EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
- ARTICLE 41 C (nouveau)
Statut des biens nécessaires à l'exercice des missions du contrôle qui ont été déléguées et qui portent sur le transport des denrées périssables sous température dirigée
- ARTICLE 41 D (nouveau)
Répartition entre les régions des dotations relatives au transfert de la gestion des aides non surfaciques du second pilier de la PAC
ainsi que de celles des sites terrestres classés Natura 2000
- ARTICLE 41 C (nouveau)
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 115 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023, |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE :
DÉVELOPPEMENT AGRICOLE |
Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent SEGOUIN et Patrice JOLY |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 273, 285, 286 rect., 292, 337, 341, 364, 369, 374, 386 et T.A. 26 Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
I. UN BUDGET DE LA MISSION EN HAUSSE POUR LA MISE EN oeUVRE DES DIFFÉRENTES RÉFORMES
Les dotations de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (AAFAR) progressent cette année de 29,67 % en autorisation d'engagement (AE) et de 29,88 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022, pour s'établir à 3,87 milliards d'euros en AE et 3,84 milliards d'euros en CP. À périmètre constant, l'augmentation des crédits en AE et CP est respectivement de 15,3% et 15,4 %.
Le Programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt », dont les crédits de la gestion durable des pêches et de l'aquaculture sont transférés au programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », voit sa dotation progresser de plus de 21 % en AE et CP. Elle s'établit à plus de 2,085 milliards d'euros en CP.
Les crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » augmentent d'un peu plus de 7 % en AE et CP pour s'élever respectivement à 657,5 et 654,6 millions d'euros.
La dotation du programme 215 de soutien « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » progresse également d'un peu plus de 7 % en AE et CP, pour s'établir respectivement à 689,05 et 674,99 millions d'euros.
En outre, un nouveau programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) » complète la maquette pour un montant de 427 millions d'euros en AE et CP.
Quant au compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rurale (CAS-DAR), sa dotation qui vise à accompagner la transformation des systèmes agricoles et à favoriser la transition des filières face aux nouveaux défis, demeure stable à 126 millions d'euros.
A. LA NOUVELLE PAC, 2023-2027
La nouvelle PAC, qui s'appliquera sur la période 2023-2027, répond à une volonté de la Commission européenne de notamment « verdir la PAC », conformément aux objectifs du pacte vert pour l'Europe, d'apporter un soutien plus ciblé aux petites exploitations, et de laisser aux États membres une plus grande marge de manoeuvre pour adapter les mesures aux conditions locales.
Dans le cadre de sa mise en oeuvre au plan national, le plan stratégique français (dit « PSN ») a été validé par la Commission européenne le 31 août 2022. Celui-ci porte sur une enveloppe de 45,2 milliards d'euros. Il précise les dotations minimales attribuées aux écorégimes, aux mesures agroenvironnementales du second pilier, à l'aide aux jeunes agriculteurs et à l'aide redistributive au revenu.
Ainsi, la mise en oeuvre des aides du PSN entraîne une nouvelle répartition entre État et les régions :
- les dispositifs surfaciques relèvent de la compétence de l'État : l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), le soutien à l'agriculture biologique, les mesures agro-environnementales et climatiques liées à la surface et assimilées à des aides surfaciques ainsi que la participation aux primes d'assurance contre les risques de perte de récolte et au fond de mutualisation ;
- les aides non-surfaciques sont transférées aux régions, telles que le soutien aux investissements, les aides à l'installation des jeunes agriculteurs et les aides au développement local, à l'exception de Mayotte où les aides non surfaciques demeurent sous l'autorité de l'État.
Cette nouvelle répartition se traduit par la budgétisation de 100 millions d'euros en AE et CP dans le programme 149 sur la nouvelle sous-action « PAC 2023-2027 - Transferts aux conseils régionaux ».
B. LE FINANCEMENT DU NOUVEAU DISPOSITIF D'ASSURANCE RÉCOLTE
Alors que le dernier rapport du GIEC a alerté sur le fait que « dans les dix, vingt à trente prochaines années, le territoire européen connaîtra une hausse significative des sécheresses dont l'intensité, la fréquence et la durée vont augmenter »1(*), la loi « Assurance récolte »2(*) visant à réformer l'assurance récolte tente de répondre à ce défi.
Elle crée un dispositif universel de couverture des risques, partagés entre les agriculteurs, les entreprises d'assurance et l'État, en fonction du niveau d'intensité de pertes :
- s'agissant des dommages de faible intensité, l'agriculteur en supporte les conséquences en-deçà de 20 % de pertes ;
- les risques de moyenne intensité relèvent de l'assurance privée qui se déclenche si les pertes sont comprises entre le taux de franchise de 20 % et le taux de pertes exceptionnelles pris en charge par le Fonds de solidarité nationale (FSN). L'indemnisation intervient au titre de l'assurance multirisque climatique (AMCR) dont les primes font l'objet d'une subvention publique à hauteur de 70 %;
- concernant les risques dits « catastrophiques, le FSN intervient avec une prise en charge par l'État à hauteur de 90 % pour les assurés et de la moitié pour les non assurés, soit 45 %.
La réforme de l'assurance récolte entrant en vigueur le 1er janvier 2023, sa traduction budgétaire conduit à doter le programme 1493(*) de 255,5 millions d'euros supplémentaires, en AE et CP.
Le complément de financement de la réforme proviendra de :
- la taxe affectée au Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) de 120 millions d'euros, issue de la contribution additionnelle aux primes, passant de 5,5 % à 11 %4(*) avec corrélativement le doublement du plafond de la taxe de 60 à 120 millions d'euros ;
- un montant de 184,5 millions d'euros provenant du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).
Ces trois enveloppes permettent d'atteindre un niveau de soutien public total de 560 millions d'euros en 2023 et de 600 millions, soit le maximum prévu pour le dispositif rénové d'assurance, à compter de 2025.
C. UNE GESTION DURABLE DE LA FORÊT SOUS TENSION
Les crédits de programme 149 sur la « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » s'élèvent à 278,62 millions d'euros en AE et 286,41 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 0,65 % en AE et 3,7 % en CP, par rapport à la LFI pour 2022.
L'an dernier, les rapporteurs spéciaux observaient que « la filière est confrontée à des difficultés économiques majeures tandis que l'opérateur principal de la gestion forestière traverse de grandes difficultés auxquelles le nouveau contrat d'objectifs et de performances vise à répondre ».
Ils constatent aujourd'hui que la situation financière de l'Office national des forêts (ONF) tend à s'assainir depuis 2021, dans un contexte marqué d'une part, par une amélioration de la conjoncture économique du marché du bois et d'autre part, par les effets du contrat État-ONF (2021-2025). Les contributions de l'État ainsi que l'effort de transformation engagé par l'Office ont également permis de lui redonner des marges de manoeuvre financières.
Toutefois, selon l'Office « la situation de l'établissement reste fragile et fortement exposée aux aléas de la conjoncture économique du marché du bois. » La forêt est aujourd'hui plus que jamais menacée par la sécheresse et les incendies. L'année 2022, avec son cumul exceptionnel de canicule et de sècheresse, a conduit à un bilan de plus de 70 000 hectares de surfaces brulées.
La forêt est aussi menacée de dépérissement. À horizon de 2050 environ, 30 % des forêts risqueraient de basculer en situation « d'inconfort climatique marqué ». L'ONF devrait procéder au renouvellement des espèces sur 1,2 million d'hectares vulnérables, sur 30 ans, d'une part, et sur 3 millions d'hectares sur 100 ans, d'autre part. Cela correspond à un rythme annuel de l'ordre de 70 000 hectares par an, contre 40 000 hectares en l'absence de changement climatique. Le défi est de taille dans le cadre d'une réduction constante du schéma d'emplois ces trois dernières années.
D. LA CRÉATION DE LA POLICE UNIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE
La dotation du programme 206 s'élève à 657,54 millions d'euros en AE et 654,61 millions d'euros en CP, soit une augmentation d'un peu plus de 7 % par rapport à la LFI pour 2022.
Cette année, le programme est marqué par la création d'une police unique chargée de la sécurité sanitaire. Cette dernière tend à répondre à un besoin de lisibilité, réactivité et efficience en termes de contrôles.
Rappelons qu'à ce jour, la sécurité alimentaire faisait intervenir de nombreux acteurs. Dans la nouvelle organisation des compétences, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sera responsable, à terme, de la sécurité sanitaire pour l'ensemble du champ de l'alimentation humaine et animale. La direction générale de l'alimentation (DGAL) deviendra l'organisme de contrôle officiel en matière de sécurité sanitaire des aliments. La portée de ses contrôles concernera toute nourriture à destination des personnes comme des animaux, les denrées animales ou d'origine animale comme les denrées végétales ou d'origine végétale.
En conséquence, un certain nombre de compétences seront notamment transférées du ministère en charge de l'économie (direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes) vers le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (DGAL). Un total de 150 ETP sera donc affecté au ministère, provenant d'une part, d'un transfert de 60 ETP de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et d'autre part, d'une création de 90 ETP.
E. LA BUDGÉTISATION DES ALLÈGEMENTS TO-DE
Le dispositif d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dit « travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi » ou TO-DE, bénéficie aux employeurs relevant du régime de protection sociale agricole qui emploient en contrat à durée déterminée des travailleurs saisonniers. Il tend à faciliter l'emploi de la main d'oeuvre nécessaire à la réalisation de leurs travaux saisonniers. Cette exonération est reconduite en 2023 et sera financée intégralement, sur les crédits budgétaires du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire via les programmes 149 et 381.
II. UN BUDGET À MI-PARCOURS AU REGARD DES ENJEUX
En dépit d'un affichage ambitieux, les rapporteurs spéciaux restent réservés sur les réponses apportées à l'aune des enjeux climatiques, sanitaires et économiques auxquels est confronté le monde agricole.
A. LE RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS EN QUESTION
1. Des données inquiétantes sur le revenu des agriculteurs
La population agricole est, selon l'INSEE, plus exposée à la pauvreté monétaire que les autres. 18 % de leurs membres vivent sous le seuil de pauvreté. Le niveau de vie des 10 % des personnes les plus modestes ne dépasse pas 9 800 euros par an, en 2018. La moitié des personnes au sein des ménages agricoles avait un niveau de vie par unité de consommation inférieur à 22 200 euros par an, en 2018. L'activité agricole est dans la plupart du temps insuffisante pour assurer un niveau de vie minimum. Seul un tiers des ressources des ménages agricoles provient, en moyenne, de l'activité agricole.
2. La transmission des exploitations : « l'angle mort »
Si le territoire ne perd plus de terres agricoles depuis les années 2000 avec la stabilisation de la surface agricole utile (SAU) à 48 % du territoire national5(*), on observe une forte diminution du nombre des exploitations : 390 000 en 2020, soit 100 000 de moins qu'en 2010 et 260 000 de moins qu'en 2000. Corrélativement, la taille moyenne des exploitations augmente et s'établit à 69 hectares, en 2022 contre 54 en 2010 et 42 hectares en 2000.
Ces données sont à apprécier au regard du vieillissement des exploitants. 43 % des exploitants agricoles sont âgés de 55 ans ou plus.
Or les rapporteurs spéciaux plaident pour un soutien plus actif aux entrants comme aux sortants.
3. Préférer une politique de l'installation à une politique de l'installé
Quant à la politique d'installation, les rapporteurs spéciaux relèvent que celle-ci est très ambitieuse dans l'affichage. Elle vise à favoriser l'installation, préserver le modèle familial français et protéger les modes de production. Toutefois, la traduction de ces objectifs ne semble pas être à la hauteur des enjeux et ne peut se réduire au nombre de dotations jeunes agriculteurs (DJA). Il conviendrait de passer d'une politique de l'installé à une politique de l'installation.
En effet, si la DJA constitue un parcours qualifiant très utile et nécessaire, ce dispositif n'est pas suffisant. Le montant de DJA elle-même, qui est en moyenne de 32 470 euros, n'a pas d'impact sur l'installation. Ce sont les conditions d'éligibilité et le parcours d'aide à l'installation afin que l'exploitation atteigne l'objectif de 1,5 smic à 4 ans qui importent.
B. DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES LIÉES AUX CONTRÔLES AUX FRONTIÈRES
Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est en charge du contrôle vétérinaire à l'importation des animaux vivants, des produits d'origine animale, ainsi que des contrôles phytosanitaires à l'importation sur les végétaux. Depuis le 1er janvier 2010, les postes de ces contrôle frontaliers ont été regroupés au sein d'un service à compétence nationale, appelé le Service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), rattaché à la direction générale de l'alimentation (DGAL).
On dénombre 376 ETP « post Brexit », fléchés pour le contrôle des marchandises importées du Royaume-Uni, et 95 ETP pour les autres pays tiers. Rappelons que l'activité de contrôle « post Brexit » représente 55 % de l'activité du SIVEP, avec près de 110 000 contrôles réalisés en 2021. Au 30 juin 2022, ce sont près de 2 000 envois, soit 1,08 % des marchandises contrôlées, qui ont fait l'objet d'un refus d'admission sur le territoire européen en raison des non conformités détectées lors du contrôle.
Nonobstant le nombre d'effectifs dédiés aux contrôles, il convient de souligner les difficultés persistantes à recruter des inspecteurs vétérinaires, ce qui constitue une entrave potentielle pour le déploiement satisfaisant du dispositif. Leur nombre en poste atteint un niveau critique.
Les rapporteurs spéciaux réitèrent donc leur inquiétude, quant au manque d'ampleur du dispositif de contrôle des produits importés, qui représente d'une part, un risque sanitaire accru en raison de modes de production non conformes aux normes imposées aux agriculteurs français et, d'autre part, une menace pour la compétitivité des exploitations françaises.
III. UN LEVIER DE PERFORMANCE SOUS-EXPLOITÉ : LA RECHERCHE
Les rapporteurs spéciaux réaffirment avec force que la recherche, notamment en matière de vaccins, de produits alternatifs pour une agriculture durable et saine, de développement de variétés capables de faire face au changement climatique ou capables de rendre l'agriculture française plus compétitive, constitue une voie essentielle dans la résolution des problèmes tant actuels que futurs.
La recherche est la clé d'une porte qui ne peut s'ouvrir demain, que si elle est forgée dès aujourd'hui.
Le Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (dit « CAS-DAR ») a pour objet d'accompagner la transformation des systèmes agricoles, de soutenir la mise en oeuvre d'actions de recherche appliquée, d'études et d'expérimentations et de développement, pour détecter les innovations de terrain, et permettre leur analyse et faciliter leur diffusion.
Il reste plafonné et stable à 126 millions d'euros dans le PLF pour 2023. Or, l'évolution des crédits du CAS-DAR depuis 2015 met en évidence, deux tendances :
- une sous-consommation des crédits par rapport aux recettes, depuis 2009 (sauf 2010 et 2014) ;
- et une dynamique des recettes6(*) qui dépasse le plafond depuis 2018.
Cette sous-consommation ne semble pas appropriée alors que le monde agricole doit faire face aux défis de la transition agro-écologique et au changement climatique.
Réunie le mardi 8 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Elle a proposé d'adopter les deux articles rattachés 41 C et 41 D sans modification. Elle a enfin proposé de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 94 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE
LA MISSION
« AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET
AFFAIRES RURALES » (AAFAR)
I. UNE ÉVOLUTION SUBSTANTIELLE DU PÉRIMÈTRE DE LA MISSION
Si l'architecture de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) est globalement conservée en 2023, celle-ci a évolué néanmoins de manière significative avec sa déclinaison en quatre programmes. Elle se décline en quatre programmes au lieu de trois en loi de finances initiale (LFI) pour 2022 et 17 actions au lieu de 19.
A. LE PROGRAMME 149, « COMPÉTITIVITÉ ET DURABILITÉ DE L'AGRICULTURE, DE L'AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT », MARQUÉ PAR LA PAC ET SANS LES CRÉDITS DE LA PÊCHE
1. Un programme marqué par la nouvelle PAC
Ce programme rassemble les dotations visant à soutenir les filières agricoles et forestières, notamment par la transformation des modèles de production, l'amélioration de la performance économique et environnementale de l'agriculture, le soutien aux revenus des producteurs et une répartition plus équilibrée entre les différents maillons des filières. Ces objectifs doivent contribuer à la souveraineté alimentaire, au soutien à l'économie.
Il intervient dans le financement des aides nationales ou européennes en faveur des exploitations agricoles et des opérateurs des filières agroalimentaires, forestières et halieutiques.
La plupart de ces aides relèvent du second pilier de la PAC (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural ou FEADER), telles que l'appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations (le soutien aux investissements du Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles PCAE, la dotation aux jeunes agriculteurs), le soutien au secteur de l'élevage dans les zones soumises à des contraintes naturelles (ICHN), les mesures en faveur de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et de la biodiversité (MAEC et soutien à l'agriculture biologique) et les mesures contre la prédation.
L'année 2023 verra la mise en oeuvre de la nouvelle programmation de la politique agricole commune 2023-2027 qui prévoit notamment une scission dans la gestion des aides surfaciques et non surfaciques.
Les régions seront dès le 1er janvier 2023, en charge de la gestion du FEADER de nature non surfacique (tel que la DJA), qui se traduit par la création d'une sous-action spécifique dotée d'une enveloppe de 100 millions d'euros correspondant au montant total transféré.
2. Un programme amputé des crédits de la pêche
L'année 2022 a été également marquée par la création de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA)7(*) et du Secrétariat d'État à la mer8(*).
En effet, ces nouvelles structures tendent à consolider les moyens affectés à la mer et à améliorer la visibilité des enjeux maritimes au sein de l'État. Leur existence traduit la volonté de concevoir la politique publique dans le domaine de la mer sous ses divers aspects, nationaux et internationaux, notamment en matière d'économie maritime, de rayonnement et d'influence maritimes et de développement durable.
En conséquence, les crédits de la gestion durable des pêches et de l'aquaculture de l'ancienne action 28 du programme sont désormais rattachés au programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture »9(*) de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Ce dernier a pour mission d'accompagner l'action régulatrice de l'État concernant le navire, le marin, la mer et ses ressources10(*).
Le programme 149 est donc renommé « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ».
3. Des crédits pour la compétitivité et la durabilité
Ce programme contribue à la souveraineté alimentaire française et au développement de l'emploi et de l'activité économique dans les territoires. Il retrace principalement les cofinancements nationaux du ministère des mesures du second pilier de la Politique agricole commune (PAC) dans le cadre de sept actions :
- 21 - Adaptation des filières à l'évolution des marchés ;
- 22 - Gestion des crises et des aléas de la production agricole ;
- 23 - Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles ;
- 24 - Gestion équilibrée et durable des territoires ;
- 25 - Protection sociale ;
- 26 - Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois ;
- 27 - Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions.
Répartition en 2023 des dotations du programme 149 par action
Source : commission des Finances d'après les données du projet annuel de performances annexé au PLF pour 2023
B. LE NOUVEAU PROGRAMME 381, « ALLÈGEMENTS DU COÛT DU TRAVAIL EN AGRICULTURE (TODE-AG) »
Le dispositif d'exonérations de cotisations patronales sur bas salaires TO-DE (travailleurs demandeurs d'emplois) bénéficiant à un employeur agricole qui souhaite employer un travailleur saisonnier, est reconduit pour une année.
Les crédits y afférant sont retracés dans l'action 25 « Protection sociale » du programme 149.
Les allègements du coût du travail en agriculture, qui sont destinés à compenser à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) cette exonération, ont été isolés dans le nouveau programme 381. Ce programme ne comprend qu'une seule action : 1 - Allègement du coût du travail de la main-d'oeuvre saisonnière.
C. LE PROGRAMME 206, « SÉCURITÉ ET QUALITÉ SANITAIRES DE L'ALIMENTATION »
Ce programme regroupe les crédits relatifs à la politique de la sécurité et de la qualité sanitaires des aliments, des animaux et des végétaux ainsi que de la mise en oeuvre de la politique de l'alimentation. Ces dotations sont regroupées au sein de sept actions :
- 01 - Santé, qualité et protection des végétaux ;
- 02 - Santé et protection des animaux ;
- 03 - Sécurité sanitaire de l'alimentation ;
- 04 - Actions transversales ;
- 05 - Élimination des cadavres et des sous-produits animaux ;
- 06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation ;
- 08 - Qualité de l'alimentation et offre alimentaire.
D. LE PROGRAMME 215, « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'AGRICULTURE »
Ce programme rassemble les dotations allouées aux moyens en personnel et en fonctionnement de l'administration centrale et de certains services déconcentrés départementaux ou régionaux pour le pilotage et la mise en oeuvre opérationnelle sur tout le territoire des politiques publiques portées par le ministère, hors celles relevant du secteur sanitaire (programme 206) et de l'enseignement (programme 143). Ses crédits sont rassemblés dans 2 actions :
- 1 - Sécuriser et simplifier l'accès des usagers au droit, aux données et procédures du ministère ;
- 2 - Mettre en oeuvre les actions ministérielles dans des conditions optimales de coût et de qualité de service.
II. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS DE LA MISSION DE PRÈS DE 30 % EN SOUTIEN AU MONDE AGRICOLE
L'année a été de nouveau marquée par un grand nombre de crises climatique, économique ou géopolitique affectant durement les différentes filières de l'agriculture française. Dans ce contexte, la mission AAFAR affiche une augmentation globale de 29,67 % en autorisations d'engagement (AE) et 29,88 % en crédits de paiement (CP), par rapport à la LFI pour 2022. Cette dernière est principalement due à des changements de périmètre, avec la budgétisation des allègements du coût du travail en agriculture, d'une part, et le financement de différentes réformes telles que l'« assurance récolte », d'autre part. À périmètre constant, l'augmentation des crédits en AE et CP est respectivement de 15,3 % et 15,4 %.
Elle est en effet dotée de près de 3 867 millions d'euros en AE et de 3 842 millions d'euros en CP (hors fonds de concours et attribution de produits).
Évolution des crédits de la mission
AAFAR dans le PLF 2023
par rapport à la LFI pour 2022
(en milliers d'euros)
Source : d'après les données du projet annuel de performance de la mission AAFAR annexé au projet de loi de finances pour 2023
Afin de retracer l'ensemble de l'intervention budgétaire de l'État, il convient également de mentionner les différents dispositifs fiscaux dont bénéficient les acteurs de ces filières pour un montant total de 2,5 milliards d'euros en 2023.
A. UN EFFORT PARTICULIER PORTÉ SUR LA COMPÉTITIVITÉ ET DURABILITÉ
L'ensemble des crédits de paiement et autorisations d'engagement sont répartis de la manière suivante :
- 2 093,39 millions d'euros en AE et 2 085,70 millions d'euros en CP pour le programme 149 ;
- 657,54 millions d'euros en AE et 654,62 millions d'euros en CP pour le programme 206 ;
- 689,05 millions d'euros en AE et 674,99 millions d'euros en CP pour le programme 215 ;
- et 427 millions d'euros en AE et CP pour le programme 381.
Le programme 149 représente le programme phare de la mission en captant plus de la moitié des CP et en voyant ses crédits en AE et CP augmenter de plus de 21 % (cf. seconde partie du rapport).
Répartition des crédits de paiements de la mission AAFAR en 2023
(en pourcentage)
Source : d'après les données du projet annuel de performance de la mission AAFAR annexé au projet de loi de finances pour 2023
B. LA PROGRESSION DE 8,46 % DES CRÉDITS DE LA MISSION EN TITRE 2
La répartition des crédits entre titre 2 et hors titre 2 est la suivante :
- une dotation de 2 914,4 millions d'euros en AE et 2 889,7 millions d'euros en CP, hors crédits de personnel, ce qui représente une augmentation très significative de 39,79 % en AE (829,6 millions d'euros) et 40,23 % en CP (829,0 millions d'euros) par rapport à la LFI pour 2022 ;
- un montant de 707,8 millions d'euros respectivement en AE et CP de crédits de personnel (hors contributions au CAS Pensions) et 244,7 millions d'euros respectivement en AE et en CP de CAS Pensions de crédits de personnel, soit une augmentation hors CAS Pensions de 8,46 % par rapport à la LFI pour 2022.
Cette évolution des crédits de personnel correspond principalement aux mesures suivantes :
- un transfert entrant de 4,56 millions d'euros dont 3,13 millions d'euros hors CAS pensions et de 60 ETPT en provenance du programme 134 « Développement des entreprises et régulations », au titre de la mise en place d'une police unique en charge de la sécurité sanitaire des aliments ;
- un transfert sortant de 5,99 millions d'euros, dont 4,33 millions d'euros hors CAS pensions et de 73 ETPT à destination du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durable », au titre de la mise en place de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture ;
- le financement du glissement vieillesse-technicité (GVT), à hauteur de 6,78 millions d'euros ;
- des mesures catégorielles dont l'indemnisation des agents impliqués dans les dispositifs de gestion de crise, à hauteur de 10,4 millions d'euros ;
- le financement de l'augmentation du point d'indice de la fonction publique, et le financement des mesures d'accompagnement des opérations de restructuration et des dépenses consacrées à la rupture conventionnelle, à hauteur de 15,8 millions d'euros.
C. DES CRÉDITS DE LA MISSION REPRÉSENTANT UNE CONTRIBUTION SECONDE DANS LES SOUTIENS PUBLICS À L'AGRICULTURE
Pour appréhender l'ensemble des concours publics à l'agriculture, il convient de replacer la contribution des crédits de la mission AAFAR au sein de l'ensemble des concours publics. Le budget de la mission ne représente que 15,9 % de l'ensemble des concours publics à l'agriculture, mais est en augmentation puisque sa contribution l'an dernier était de 13 %.
En 2023, les concours publics à l'agriculture s'élèveraient à 24,2 milliards d'euros, ce qui ne représente qu'une progression de 1,3 % par rapport à 2022, en progression de 3 % par rapport à l'année en cours, soit de l'ordre de 326 millions d'euros.
La dotation de la mission figure dans la ligne « dont budget général » dans le tableau ci-après.
Concours publics à l'agriculture entre 2019 et 2023
(en millions d'euros)
Légende :
(1) Cette ligne prend en compte les deux dispositifs d'allègements de charges qui sont compensés par l'État :
- la réduction dégressive de à 6,5 %. à 1,5 % du taux de la cotisation d'assurance maladie et maternité due par les travailleurs indépendants lorsque leur revenu annuel est inférieur à 110 % du plafond annuel de sécurité sociale (PASS) ;
- et la réduction de 2,15 % de la cotisation famille en contrepartie de la hausse de la CSG. Ces deux mesures se neutralisent financièrement. Seule reste inscrite la réduction de 3,1 % instaurée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale de 2014.
(2) Données provisoires pour 2020 et 2021 :
- le coût de la DEP (déduction pour épargne de précaution dans la loi de finances pour 2019) est évalué à partir des chiffrages de la fiche d'impact du projet d'article DEP de 2019 ;
- et le coût de l'abattement sur le bénéfice des jeunes agriculteurs (dispositif modifié par la loi de finances pour 2019) est évalué en reprenant les chiffrages du projet d'article examiné en 2019 par le Parlement.
(3) À compter du PAP 2020, le taux de TVA de 10 % applicable aux livraisons de bois de chauffage et produits de bois assimilés, est considéré comme une dépense fiscale (chiffrage disponible à/c de l'année 2018).
(4) Estimations tenant compte des changements de taux de cofinancements entre 2013 et les années suivantes.
(5) TODE (de 2018 à 2023) et en 2021 mesure spécifique d'exonération pour les employeurs de la filière viticole.
Source : ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, In réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
III. DES CHANGEMENTS DE LA MAQUETTE DE PERFORMANCE CONCERNANT ESSENTIEMMENT LE PROGRAMME 149
A. LES EVOLUTIONS DES OBJECTIFS ET INDICATEURS DU PROGRAMME 149
Le dispositif de performance du programme 149 dans le PAP 2023 a été revu en profondeur en raison :
- de l'intégration des orientations de la nouvelle PAC 2023-2027 ;
- du transfert de la gestion complète des aides non-surfaciques aux conseils régionaux, dont les AE étaient jusqu'à présent dotées dans les sous-actions 23-06 « Dotation Jeunes Agriculteurs » et 23-08 « Compétitivité et adaptation des exploitations agricoles ». En conséquence, les indicateurs 2.1 « poids de l'installation aidée » et 2.3 « part des bénéficiaires du PCAE dans l'ensemble des demandeurs des aides PAC » ont été supprimés ;
- du transfert du budget de l'action 28 « Gestion durable des pêches et de l'aquaculture » du programme 149 au programme 205 « Affaires maritimes » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable ». L'objectif stratégique « Mieux contrôler les activités de pêche » et ses trois indicateurs ont été supprimés ;
- du nouveau contrat État-ONF 2021-2025 avec le remplacement de l'indicateur 2.5 « taux de bois façonné en forêt domaniale » par un nouvel indicateur intitulé « taux de bois contractualisé en forêt domaniale » dans l'optique d'un suivi optimisé des objectifs de contractualisation des bois issus des forêts domaniales fixés le nouveau contrat.
B. LA STABILISATION DES MAQUETTES DE PERFORMANCE DES PROGRAMMES 206 ET 215
1. Des modifications des indicateurs du programme 206 attendus en 2024
Si la maquette de performance du programme 206 est stable pour l'année 2023, elle devra être revue à terme.
Certains indicateurs ne connaissant pas d'ajustement pour le PAP 2022 devront toutefois être revus par la suite :
- l'indicateur « Taux de couverture des PAT », est maintenu pour 2023 mais devrait être remplacé par un autre indicateur dans la maquette de performance 2024, compte tenu de l'atteinte de l'objectif de 100 % en 2023. Rappelons que les projets alimentaires territoriaux (PAT) tendent à développer l'agriculture ainsi que la qualité de l'alimentation sur un territoire donné en rapprochant les acteurs locaux liés à l'alimentation, qu'ils soient producteurs, transformateurs, distributeurs, collectivités territoriales, acteurs de la société civile ou consommateurs ;
- l'indicateur « Niveau de traitement des animaux à la colistine » associé au plan Écoantibio de réduction de l'usage des médicaments vétérinaires sera revu pour la maquette de performance de 2024. En effet, il s'est établi à 3,5 % en 2021. Les deux premiers plans ont été un succès.
Notons que les objectifs et indicateurs de performance du programme 206 couvrent 77 % des crédits.
2. La modification de l'objectif d'optimisation de l'efficience de la gestion en ressources humaines du programme 215
La maquette comprend deux objectifs :
1 - « Sécuriser et simplifier l'accès des usagers au droit, aux données et procédures du ministère » ;
2 - « Mettre en oeuvre les actions ministérielles dans des conditions optimales de coût et de qualité de service ».
En revanche, les rapporteurs spéciaux regrettent la suppression de l'objectif 2 « Optimiser l'efficience de la gestion des ressources humaines ». En effet, ses deux indicateurs (Indicateur 2.1 « Efficience de la gestion des ressources humaines » et Indicateur 2.2 « Part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 ») sur l'emploi de personnels handicapés n'ont pas été reconduits « en raison de la portée comparative limitée d'indicateurs transversaux ». 11(*)
SECONDE PARTIE
ANALYSE DES CRÉDITS DE LA
MISSION
PAR PROGRAMME
I. LE PROGRAMME 149, DES CRÉDITS EN FORTE AUGMENTATION POUR UN SOUTIEN À LA COMPÉTITIVITÉ ET À LA DURABILITÉ
Le programme 149 s'élève à 2 093,39 millions d'euros en AE et 2 085,70 millions d'euros en CP dans le PLF 2023, soit une hausse au regard de la loi de finances pour 2022 de 21,22 % en AE et de 21,50 % en CP.
Les dotations de ce programme connaissent donc en 2023 des hausses significatives, reflétant notamment la mise en oeuvre de la nouvelle PAC et de la réforme de l'assurance récolte.
A. LA NOUVELLE PAC 2023-2027
1. Le « verdissement » de la PAC
La politique agricole commune (PAC) a pour objectif de renforcer la compétitivité économique et environnementale des exploitations face à l'instabilité des marchés, les accompagner pour s'adapter aux contraintes environnementales en assurant la sécurité et la qualité des produits.
La programmation de la PAC 2015-2020 a été prolongée jusqu'en 2022 afin de permettre la mise en oeuvre de la nouvelle PAC composée de trois règlements, adoptés par le Conseil et par le Parlement et publiés au Journal officiel le 6 décembre 2021. Cette nouvelle PAC, qui s'appliquera sur la période 2023-2027, est le fruit de l'expression des différentes préoccupations :
- de la Commission européenne, souhaitant « verdir la PAC », conformément aux objectifs du pacte vert pour l'Europe12(*) ;
- des parlementaires européens, relayant les revendications sociétales ;
- et des États demandant plus de subsidiarité.
Elle poursuit trois objectifs :
« - renforcer la contribution de l'agriculture aux objectifs de l'UE en matière d'environnement et de climat ;
- assurer un soutien plus ciblé aux petites exploitations ;
- et laisser aux États membres une plus grande marge de manoeuvre pour adapter les mesures aux conditions locales. »13(*).
2. Le plan stratégique français
La grande majorité des nouvelles dispositions de la PAC sont traduites dans les plans stratégiques nationaux dont l'élaboration a donné lieu à de nombreuses négociations. Leur entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2023.
À la suite de huit mois d'échange avec la Commission européenne, cette dernière a adopté le Plan stratégique national (PSN) français le 31 août 2022. Celui-ci porte sur une enveloppe de 45,2 milliards d'euros sur la période 2023 - 2027. La France a conservé son budget de 9,4 milliards d'euros par an, dont 9,1 milliards d'euros pour le Plan stratégique national.
Conformément au règlement européen sur les plans stratégiques, le plan français précise les dotations minimales attribuées aux écorégimes, aux mesures agroenvironnementales du second pilier, à l'aide aux jeunes agriculteurs et à l'aide redistributive au revenu. Parmi les mesures prévues, on peut relever le soutien aux agriculteurs des zones défavorisées14(*) qui s'élève à 1,1 milliard d'euros par an.
L'objectif d'atteindre au moins 18 % des surfaces en bio en 2027 conduit à une augmentation de 36 % des soutiens à la conversion dans la nouvelle PAC. Le budget des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) progresse, en passant à 260 millions d'euros par an en moyenne sur la période.
S'agissant des secteurs de l'apiculture, des fruits et légumes, de la vitiviniculture, de l'huile d'olive et des olives de table, un décret15(*) fixe les conditions de mise en oeuvre des différentes interventions publiques, telles que la formation, l'assistance technique, les promotions... prévus par le PSN. Il revient à L'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) de les mettre en oeuvre à compter du 1?? janvier 2023 et pour la période 2023 - 2027.
3. Une nouvelle répartition de la gestion des aides non surfaciques
a) La nouvelle répartition
L'action 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » connait une évolution substantielle avec la mise en oeuvre de la nouvelle PAC.
La mise en oeuvre des aides du PSN relèvera :
- de l'État pour les dispositifs surfaciques, tels que le dispositif sICHN, le soutien à l'agriculture biologique et les mesures agro-environnementales et climatiques liées à la surface et assimilés à des aides surfaciques ;
- et des Régions pour les aides non-surfaciques : soutien aux investissements, aides à l'installation des jeunes agriculteurs et aides au développement local, à l'exception de Mayotte où les aides non surfaciques demeurent sous l'autorité de l'État.
b) L'impact budgétaire du transfert des aides non surfaciques aux régions
Les crédits de l'action 23 progressent de 18,1 % en AE (soit + 17,4 millions d'euros) et de 57,1 % en CP (soit + 62,8 millions d'euros), pour s'établir respectivement à 113,36 millions d'euros en AE et 172,74 millions d'euros en CP.
Cette évolution s'explique principalement16(*) par l'impact de la nouvelle programmation PAC 2023-2027 avec la budgétisation de 100 millions d'euros en AE et CP sur la nouvelle sous-action « PAC 2023-2027 - Transferts aux conseils régionaux » comme contrepartie du transfert des mesures non-surfaciques (aides à l'installation et à l'investissement principalement) vers les conseils régionaux.
Cette dotation de 100 millions d'euros provient du budget du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à hauteur de 91,55 millions d'euros et de 8,45 millions d'euros du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Au titre des conséquences budgétaires du transfert, il convient de relever que :
- les crédits pour la dotation aux Jeunes Agriculteurs (DJA) ainsi que ceux pour la modernisation des exploitations relevant désormais des régions, les lignes budgétaires ne sont plus dotées d'autorisations d'engagement en 2023 dans le programme 149 (hormis pour Mayotte) ;
- et les crédits de paiements inscrits au programme 149 visent à payer les engagements antérieurs à 2023 passés par le ministère, à abonder la dotation à destination de Mayotte ainsi qu'à honorer les frais de gestion du Fonds européen d'investissement (FEI) géré par la Banque européenne d'investissement (BEI).
B. DES INCERTITUDES SUR LE RENOUVELLEMENT ET LA MODERNISATION DES EXPLOITATIONS AGRICOLES
1. Une compétitivité globalement fragilisée
a) Une augmentation des soutiens en faveur de la filière canne à sucre en Outre-mer
L'action 21 « Adaptation des filières à l'évolution des marchés » est dotée de 238,64 millions d'euros en AE, et 239,06 millions d'euros en CP, soit une augmentation respective de 7,26 % en AE (+ 16,2 millions d'euros) et 7,35 % en CP (+ 16,4 millions d'euros).
La hausse porte principalement sur les aides octroyées à la filière canne à sucre en Outre-mer avec le versement d'une aide complémentaire de 19 millions d'euros destinée à compenser les surcoûts de production agricole et versée aux planteurs de la Réunion et des Antilles.
b) Un constat alarmant
En dépit de l'aide à certains secteurs, comme en témoigne le soutien à la filière canne à sucre, les rapporteurs spéciaux tiennent à avertir du déclin du secteur agricole français, mettant en jeu la souveraineté alimentaire. À cet égard, le rapporteur spécial, Vincent Segouin, souscrit aux conclusions du rapport d'information17(*) de ses collègues de la commission des affaires économiques, MM. Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, sur le manque de compétitivité de la Ferme France. « Deux tiers de ses pertes de marché proviennent de sa perte de compétitivité. Mise en tension par une plus grande concurrence internationale, la France décroche notamment en raison de :
- la hausse des charges des producteurs en raison de ses coûts de main d'oeuvre, de surtranspositions trop nombreuses, d'une fiscalité trop lourde... ;
- une productivité en berne liée à des manques d'investissements, principalement dans l'agroalimentaire, et d'un effet taille d'exploitation, la Ferme France ayant choisi un modèle familial loin des pratiques de ses concurrents directs en Europe ;
- une faible défense par l'État dans les accords de libre-échange ;
- un climat politico-médiatique qui vitupère un modèle agricole pourtant le plus vertueux du monde, en critiquant par exemple la taille moyenne de nos exploitations, pourtant très inférieure à celles de nos concurrents »18(*).
Le rapporteur spécial, Vincent Segouin, constate que le potentiel productif agricole français tend à s'affaisser. Il tient notamment à souligner le niveau des charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des exploitations agricoles. Il rappelle qu'il est nécessaire que la finalité des prestations sociales réponde aux enjeux économiques comme aux défis rigoureux de la gestion budgétaire. À titre d'illustration, l'arboriculture est dépendante du dispositif TO-DE qui exonère les charges sociales sur les emplois saisonniers, leur garantissant une certaine compétitivité.
2. L'installation des jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations, un enjeu préoccupant
L'avenir du monde agricole apparait obéré tant par les difficultés liées à la transmission des exploitations que celles relatives à l'installation des jeunes agriculteurs.
a) La transmission en danger avec le vieillissement de la population des exploitants19(*)
Si le territoire ne perd plus de terres agricoles depuis les années 2000 avec la stabilisation de la surface agricole utile (SAU) à 48 % du territoire national20(*), on observe une forte diminution du nombre des exploitations de 390 000 en 2020, soit 100 000 de moins qu'en 2010 et 260 000 de moins qu'en 2000. Corrélativement, la taille moyenne des exploitations augmente et s'établit à 69 hectares en 2022, contre 54 ha en 2010 et 42 ha en 2000.
La réduction du nombre d'exploitations entraîne deux conséquences alarmantes :
- une diminution du nombre d'exploitants : 496 000 en 2020, contre 604 000 en 2010, et 764 000 en 2000 ;
- le vieillissement des exploitants : 43 % des exploitants agricoles sont âgés de 55 ans ou plus et sont donc susceptibles de partir en retraite dans les 10 ans qui viennent ;
Parmi les freins à la transmission, les rapporteurs spéciaux relèvent notamment :
- le coût de l'installation (valeur patrimoniale de l'exploitation, ...) ;
- la concurrence entre installation et agrandissement.
Les rapporteurs spéciaux plaident pour mieux anticiper les départs à la retraite afin d'apporter un soutien plus actif aux entrants comme aux sortants. En effet, ils tiennent à mettre en exergue cet aspect de la transmission souvent oublié, celui de l'accompagnement des agriculteurs qui partent à la retraite. Ils se déclarent favorable à la mise en oeuvre de mesures spécifiques en ce domaine.
b) L'installation des jeunes agriculteurs21(*)
Les rapporteurs spéciaux relèvent que la politique publique de l'installation est très ambitieuse dans l'affichage. Elle vise à favoriser l'installation, préserver le modèle familial français et protéger les modes de production. Toutefois, la traduction de ces objectifs ne semble pas être à la hauteur des enjeux et ne peut se réduire au nombre de DJA. Il conviendrait de « passer d'une politique de l'installé à une politique de l'installation. »
La politique d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs
La politique d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs favorise le renouvellement des exploitations. Elle est une priorité essentielle de la politique agricole nationale et a été rénovée ces dernières années.
Depuis 1973, la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs (DJA) vise à soutenir financièrement les jeunes agriculteurs lors de leur installation en leur versant une subvention sous conditions d'âge, de formation et de viabilité du projet et en contrepartie d'engagements de sa part (mise aux normes, maintien en activité pendant quatre ans).
Cette DJA a été revalorisée en parallèle de la suppression du dispositif des prêts bonifiés, qui étaient historiquement délivrés aux jeunes agriculteurs mais qui n'étaient plus attractifs compte tenu de la baisse durable des taux d'intérêt.
Une nouvelle modulation de la DJA, fonction de l'effort de reprise et de modernisation consenti par le porteur de projet, a ainsi été introduite et il a été donné aux régions la possibilité d'accroître son montant de base. En conséquence le montant forfaitaire alloué à chaque bénéficiaire a augmenté.
Des exonérations fiscales et des aides à l'accompagnement de l'installation viennent, par ailleurs, compléter ce dispositif. La majorité de ces aides est cofinancée par le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).
Source : projet annuel de performance de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, annexé au projet de loi de finances pour 2022
L'impact sur l'installation de la DJA ne provient pas de son montant qui est en moyenne de 32 470 euros, mais des conditions d'éligibilité et du parcours d'aide à l'installation afin que l'exploitation atteigne l'objectif de 1,5 smic à 4 ans. En effet, la prise en compte du raisonnement économique par les exploitants agricoles est cruciale. L'attribution de la DJA y contribue. En revanche, la recherche des aides surfaciques de la PAC qui incitent à l'agrandissement, peut se révéler être contraire à la rentabilité économique.
Conditions d'attribution de la DJA
- Être ressortissant de l'Union Européenne ou de la Suisse ou avoir un titre de séjour valable sur la période de réalisation du plan d'entreprise (4 ans) ;
- être âgé de 18 ans au moins et 40 ans au plus au dépôt de la demande ;
- justifier de la capacité professionnelle agricole c'est-à-dire avoir un diplôme agricole de niveau IV (Bac pro, BPREA, BTA, etc.) et avoir validé son Plan de Professionnalisation Personnalisé ;
- s'installer pour la première fois comme chef d'exploitation à titre individuel ou comme associé-exploitant dans une société ;
- avoir un projet d'installation viable traduit dans un plan d'entreprise (PE) établi sur 4 ans ;
- avoir la capacité à respecter les engagements pris dans le plan d'entreprise.
Source : chambres d'agriculture France
On observe également :
- un flux annuel moyen de 13 000 nouvelles installations pour 20 000 départs en moyenne sur la période 2015-2021, soit un taux de remplacement moyen de 68 % ;
- le taux de pénétration de la DJA n'est que d'un tiers. Un autre tiers est éligible mais ne demande pas à bénéficier de la DJA. Quant au tiers non éligible, le niveau de formation apparaît être le plus souvent le facteur bloquant ainsi que la vitesse du projet, car cela prend du temps de rentrer dans le parcours. Une personne peut ne pas vouloir rentrer dans le parcours d'attribution de la DJA afin de répondre aux besoins immédiats d'une coopérative. Enfin, certains nouveaux exploitants ne sont pas éligibles à la DJA car leur exploitation ne constitue pas une carrière mais une activité qui a du sens et qui doit générer du temps pour soi ;
- parmi les bénéficiaires de la DJA, en 2020, on a dénombré 34 % hors cadre familial, en progression de 28 % par rapport à 2010. L'âge moyen est de 29 ans et la part des femmes est de 23 % ;
- la superficie moyenne des nouvelles installations est de 34 hectares se décomposant de la manière suivante : la moitié des installations concerne une surface inférieure à 20 hectares et un quart des projets sur des terres de plus de 50 hectares ;
- l'installation est réalisée sous forme sociétaire GAEC (25 %) et EARL (17 %), 46 % en forme unipersonnelle, et 11 % en société civile ou anonyme ;
- les installations sont effectuées majoritairement en grandes cultures (16 %), en polyculture-polyélevage (13 %), en bovins lait (11 %) et viandes (10 %) ;
- plus de la moitié des installations se font dans quatre régions : Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire.
Par ailleurs, les nouveaux installés bénéficient également de mesures de soutiens à l'investissement financées par l'État et l'UE.
Les rapporteurs spéciaux préconisent une meilleure articulation entre installation et transmission. Le renouvellement des générations représente une opportunité de changement des pratiques, et de mutations vers des modes d'exploitation, intégrant les nouvelles technologies ou structures. Des marges de manoeuvre existent en termes de multiplication des activités hybrides, de nouveaux modes de production, de prise en compte de la fonction environnementale des agriculteurs et de mutualisation des moyens.
Les rapporteurs spéciaux ajoutent que si la dotation est utile, elle n'est pas suffisante car le véritable frein à l'installation réside dans le revenu dégagé par les jeunes agriculteurs ainsi que dans la capacité à faire face aux aléas climatiques et sanitaires. Une réponse possible réside dans un soutien appuyé à la recherche dans le domaine agricole et dans la prévention des risques.
Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur les modalités d'attribution de la DJA qui requiert la capacité immédiate d'élaborer un projet d'installation viable sur quatre ans, exigeant des investissements importants pour atteindre les objectifs, notamment de revenus.
3. Le revenu des agriculteurs : un paramètre inquiétant
Dans le prolongement de l'analyse de la question de l'installation des jeunes agriculteurs et de la transmission des exploitations, les rapporteurs spéciaux souhaitent poser la question sous-jacente du revenu des agriculteurs et de la rentabilité des exploitations.
a) Observations méthodologiques liminaires
À titre liminaire, les rapporteurs spéciaux ont appris à regret que le secrétariat général du ministère ne disposait pas de statistiques sur le revenu des agriculteurs « en raison de l'intrication des revenus professionnels et personnels », la seule donnée disponible étant l'excédent brut d'exploitation. Ils observent que cette donnée doit nécessairement être appréciée à l'aune des charges et produits financiers ainsi que du résultat net comptable. Ces données devraient être disponibles et étudiées afin de déterminer la rentabilité des exploitations agricoles avec in fine la possibilité d'évaluer le revenu des agriculteurs.
Rappelons qu'une exploitation agricole doit avoir un statut qui est soit celui de l'Entreprise Individuelle (EI) ou l'Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) soit celui d'une société civile (EARL, GAEC, SCEA) ou commerciale (SARL, SAS). Il est possible d'identifier d'après les documents comptables le résultat des sociétés agricoles, ce qui peut donner une idée de la rentabilité de l'exploitation et du revenu de l'exploitant. En 2016, 63,7 % des exploitations étaient sous statut individuel (personnes physiques ou EURL), 18,2 % EARL, 9,8 % GAEC, et 8,3 % d'autres formes sociétaires (sociétés civiles à objet agricole et SA). On dénombrait 390 000 exploitations agricoles en 2020.
Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux relèvent que le répertoire RICA (Réseau d'Information Comptable Agricole) est un dispositif annuel de collecte d'informations comptables et financières auprès d'un échantillon d'exploitations agricoles. Ils appellent de leurs voeux une évaluation plus fine, utilisant les mégadonnées et des algorithmes afin de déterminer la cartographie économique des exploitations agricoles permettant d'identifier les priorités du monde agricole à l'aune du défi la souveraineté alimentaire et de la revitalisation des territoires.
b) Une population agricole exposée à la pauvreté
Selon l'INSEE, seul un tiers des ressources des ménages agricoles provient, en moyenne, de l'activité agricole. En effet, ces derniers doivent compléter leurs ressources avec d'autres activités, comme celles du conjoint ou du patrimoine notamment sous la forme de fermages22(*). Le conjoint est généralement salarié dans 7 cas sur 10 et un agriculteur sur 5 est bi-actif.
La moitié des personnes au sein des ménages agricoles avait un niveau de vie par unité de consommation inférieur à 22 200 euros par an en 2018.
Ce constat est également rappelé dans le PSN qui précise qu'« en moyenne en 2009-2019, le revenu d'entreprise agricole s'est élevé à près de 27 000 euros, représentant, en 2019, 75 % de la moyenne des salaires constatés en France. Le revenu d'entreprise agricole français se situe selon les années entre le 4e et le 7e rang européen, mais en dynamique, il évolue moins rapidement que la moyenne constatée dans l'UE. Le revenu agricole mesuré par le RCAI/UTANS moyen s'élève à 29 764 euros/UTANS en 2019, et se caractérise par de fortes disparités en fonction de la structure des exploitations, des productions, et des territoires. Le revenu agricole est principalement influencé par les prix agricoles, les charges d'exploitation qui représentent 97 % de la valeur de production et sont en augmentation constante, notamment marquées par le poids des consommations intermédiaires, la productivité des facteurs, et les subventions agricoles. Enfin, le revenu agricole français est marqué par une augmentation de la volatilité, traduisant une instabilité grandissante des marchés et des conditions de production. »23(*).
Au-delà des moyennes, force est de constater qu'il existe une réelle disparité de niveaux de vie dans le monde agricole.
Le tableau ci-dessous indique que le niveau de vie des 10 % des personnes les plus modestes ne dépasse pas 9 800 euros par an. Il est 4,7 fois inférieur à celui des 10 % les plus aisées qui disposent d'au moins 46 500 euros.
Niveau de vie des ménages agricoles
selon la production agricole dominante du territoire en 2018
1 Territoires spécialisés en céréaliculture et en culture de plantes oléagineuses et protéagineuses.
2 Territoires combinant céréales, plantes oléagineuses et protéagineuses, plantes sarclées ou spécialisés en culture de plantes sarclées, légumes frais.
3 Ensemble des ménages agricoles, y compris ceux ne résidant pas dans un territoire Otex.
Source : Insee, Filosofi 2018
Le paramètre le plus inquiétant est celui de la pauvreté. L'INSEE fait le constat que « les ménages agricoles sont également davantage exposés à la pauvreté monétaire : 18 % de leurs membres vivent sous le seuil de pauvreté (13 000 euros par an pour une personne seule en 2018), contre 13 % des membres des ménages ayant des revenus d'activité. La pauvreté y est de surcroît plus intense : le niveau de vie médian des personnes pauvres est de 9 400 euros, soit 1 300 euros de moins qu'au sein des ménages pauvres ayant des revenus d'activité »24(*).
4. La viabilité des exploitations agricoles en question
À titre liminaire, les rapporteurs spéciaux observent que la rentabilité des exploitations agricoles est liée à la nature des productions agricoles. Ainsi, les revenus des ménages des territoires viticoles étaient, en 2018, 1,9 fois supérieurs à ceux pratiquant l'élevage bovin25(*). Cette production est elle-même variable d'une année sur l'autre en raison des conditions climatiques et de la volatilité des prix sur le marché.
a) Des disparités en termes de rentabilités
Les chiffres disponibles sur la rentabilité agricole sont ceux de l'Excédent brut d'exploitation (EBE). En 2020, l'EBE moyen par actif non salarié s'élevait à 53 200 euros. Les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner que ce chiffre qui mesure l'activité agricole ne prend pas en compte les charges financières et les dotations aux amortissements. Nous sommes donc bien loin du résultat comptable qui prend en compte toutes les charges et qui détermine la santé financière et la viabilité d'une entreprise.
Le tableau ci-dessous indique qu'un quart des exploitations affichait un EBE par actif non-salarié supérieur à 65 980 euros (75e centile, soit le 3e quartile) tandis qu'un quart dégageait, à ce niveau de solde intermédiaire, déjà moins de 21 740 euros (25e centile, soit le 1er quartile).
Indicateurs de dispersion de l'EBE par actif non salarié par orientation en 2020
(en euros)
Source : MASA, réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'absence de chiffres sur le résultat des entreprises agricoles aux fins d'évaluer la rentabilité économique de ces exploitations. La question de la viabilité des structures se pose non seulement en termes de pertinence du modèle agricole actuel mais également dans le cadre de la souveraineté alimentaire quant à la diversité et aux modalités des productions ainsi qu'à l'importance des flux et stocks.
b) Le rôle essentiel des subventions
Force est de constater que les subventions jouent un rôle essentiel dans la constitution du revenu de nombreuses exploitations. Ces aides à l'exploitation sont accordées par l'Union européenne, l'État et certaines collectivités publiques afin de compenser l'insuffisance de certains produits d'exploitation ou pour faire face à certaines charges d'exploitation de l'exercice.
En 2020, 93 % des exploitations bénéficiaient d'au moins une subvention d'exploitation26(*) tandis que 17 % des exploitations recevaient 50 % des aides. Or, le niveau d'aides a tendance à augmenter avec la taille économique des exploitations. À titre d'illustration, les exploitations les plus grandes27(*) en grandes cultures perçoivent un peu plus de trois fois le montant de subventions des plus petites structures28(*), soit 56 490 euros contre 18 140 euros. Inversement, le taux de soutien des subventions rapportées au chiffre d'affaires est naturellement plus faible pour les grandes exploitations que pour les petites exploitations.
En 2020, ces subventions d'exploitation représentaient en moyenne, pour un bénéficiaire, 14 % des produits courants et 47 % de l'EBE. En d'autres termes, 27 % des exploitations auraient un EBE négatif sans ces subventions, contre 5 % après prise en compte des subventions.
Les exploitations bénéficiaires percevaient en moyenne 33 620 euros d'aides.
Les secteurs les plus dépendants des subventions sont les productions en céréales, oléagineux et protéagineux, ainsi que l'élevage d'herbivores, notamment en bovins viande. 65 % des éleveurs de bovins viande auraient un EBE négatif sans ces subventions.
Proportions d'exploitations ayant un EBE négatif, avant et après subventions d'exploitation, et montants moyens des EBE par orientation productive en 2020
Source : service de la statistique et de la prospective (SSP), RICA 2019 et 2020 - champ : France métropolitaine, exploitations présentes deux ans de suite dans le RICA, bénéficiaires ou non de subventions
Enfin outre ces subventions d'exploitations, il convient de rappeler que l'État a procédé en 2022 à un certain nombre d'indemnisations économiques retracées dans l'encadré, ci-après.
Liste des indemnisations économiques en 2021 et 2022
Gel 2021
L'épisode de gel exceptionnel d'avril 2021 a frappé un grand nombre d'exploitations sur l'ensemble du territoire métropolitain, et plus particulièrement les exploitations viticoles et arboricoles. Plusieurs dispositifs ont été rapidement mis en place pour venir en soutien aux exploitants touchés par le gel.
Un fonds d'urgence gel doté d'une enveloppe de 20 millions d'euros a été ouvert dès le mois de mai 2021. Le dispositif des calamités agricoles a été mobilisé à hauteur de 410 millions d'euros et un dispositif exceptionnel pour les assurés a été mis en place. Ce dernier dispositif, initialement doté de 63 millions d'euros, a consommé 20 millions d'euros.
Un fonds de soutien pour les entreprises de l'aval a été doté de 150 millions d'euros. Un premier dispositif d'avance mis en place en 2021 a été doté de 24,1 millions d'euros. Le dispositif complémentaire d'aide aux entreprises de l'aval sera versé pour partie (fruits et légumes avec un maximum de 7 millions d'euros) en 2022.
Le guichet à destination des acteurs de la filière viticole sera mis en place à l'été 2023 avec une enveloppe maximale de 118,9 millions d'euros.
Il est également prévu des prises en charge de cotisations sociales (PEC) avec une enveloppe maximale de 170 millions d'euros, la consommation sera connue en décembre 2022.
Gel 2022
Un fonds d'urgence sur le même principe que celui mis en place en 2021 a été reconduit. Doté également de 20 millions d'euros, sa consommation approche les 10 millions d'euros et concerne plus de 1 600 exploitations. Il est également prévu un dispositif d'aide pour les acteurs de l'aval des filières (enveloppe maximale de 75 millions d'euros) dont la mise oeuvre est prévue en 2023. Enfin le régime de calamités agricoles est activé pour cet épisode de gel et nécessitera un abondement complémentaire de l'État dès 2022.
Une enveloppe de 15 millions d'euros (crédits budgétaires) de prises en charge (PEC) de cotisations sociales a été actée pour les exploitants agricoles touchés par le gel 2022. Elle sera mobilisée en deux temps, avec une première répartition de 5 millions d'euros déployée fin 2022 (arrêté en cours de publication) et une deuxième répartition de 10 millions d'euros mise en oeuvre début 2023. Ces deux répartitions seront déployées selon les mêmes modalités et dans le même temps que les enveloppes de PEC de droit commun prévues chaque année au printemps et à l'automne et dotées chacune d'un montant de 15 millions d'euros (crédits du fonds national de l'action sanitaire et sociale de la MSA).
Grêle 2022
Le fonds d'urgence gel 2022 a été étendu aux exploitations touchées par les épisodes de grêle 2022, avec une enveloppe de 40 millions d'euros. Des premières délégations de crédits ont eu lieu depuis le mois d'août pour 13,1 millions d'euros. Les services déconcentrés du ministère (DRAAF) ont transmis leurs besoins complémentaires, à savoir 13,5 millions d'euros ; ces demandes sont en cours d'expertise.
La seconde enveloppe de PEC de droit commun pour 2022 (15 millions d'euros) prévoit dans sa répartition (arrêté en cours de publication) 2 millions d'euros pour cette crise.
Sécheresse 2022
La sécheresse qui a sévi durant l'été 2022 et qui se poursuit dans certains territoires a d'ores et déjà des conséquences visibles pour les exploitations agricoles. Un assouplissement des règles d'octroi des calamités agricoles a été mis en place et un versement plus rapide de l'avance et du solde a été demandé par le ministre. Ainsi, afin de permettre au FNGRA d'effectuer ces paiements dès 2022 et d'être en capacité de les reprendre dès le début de l'année 2023, un abondement du fonds pour la fin de l'année est prévu, son montant sera précisé en fonction des reconnaissances effectuées. Il est à noter que des reconnaissances pour cet épisode de sécheresse pourront avoir lieu en 2023 ; le paiement de ces dernières pourra nécessiter un abondement du FNGRA en 2023.
La seconde enveloppe de PEC de droit commun pour 2022 (15 millions d'euros) prévoit dans sa répartition (arrêté en cours de publication) 2 millions d'euros au titre de la sécheresse (compte tenu de l'importance des besoins remontés par les caisses de MSA, il est vraisemblable qu'une part significative de la première enveloppe de PEC de droit commun au titre de l'année 2023 sera également consacrée à cet aléa).
Source : réponse au questionnaire budgétaire de vs rapporteurs spéciaux transmises par le Secrétariat du MASA
5. Effet d'annonce ou réponse avec le projet de pacte de renouvellement et d'avenir ?
En réponse aux nombreux défis impactant la profession agricole, le président de la République a annoncé le 9 septembre 2022, le lancement de concertations visant à conclure un pacte de renouvellement et d'avenir avec le monde agricole, sur les sujets d'orientation, de formation, de transmission et de transition. Ce pacte s'inscrit dans la perspective de la présentation au Parlement d'un projet de loi portant sur l'orientation de l'avenir agricole en 2023.
Ce pacte rassemblerait des mesures ayant pour objet :
- d'accélérer la recherche. À cet égard, ce pacte fait écho aux objectifs de « nouvelle révolution agricole » de France 2030, notamment en matière d'agroécologie, de nouvelles technologies de génétique et de biocontrôle... À la suite de la présentation du plan France 2030, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, déclarait le 12 octobre 2021 : « Dans le domaine agricole et agroalimentaire, on est à l'aube d'une troisième révolution agricole »29(*), après celle du machinisme et de l'agrochimie. Sur les 30 milliards d'euros du plan, 2 milliards d'euros sont consacrés aux investissements dans les innovations de rupture dans l'agriculture ;
- d'élaborer des « modèles agricoles viables à 20 ou 30 ans », territoire par territoire, pour les agriculteurs ;
- de développer des stress tests climatiques des exploitations, à chaque acquisition de domaine, afin d'établir une feuille de route de la viabilité de l'exploitation et des adaptations à réaliser en anticipation des changements climatiques. Ce test permettrait de diagnostiquer quel type de culture est possible, quel type d'irrigation mettre en oeuvre, à quels investissements recourir .... Il serait réalisé par les chambres d'agriculture ;
- de mieux rémunérer les agriculteurs avec notamment les pratiques préservant les puits de carbone c'est-à-dire rémunérer les agriculteurs pour les inciter à stocker plus de carbone dans les sols agricoles. Le projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables (ENR) porte notamment sur le développement des énergies renouvelables dans les exploitations permettant ainsi de diversifier les ressources des agriculteurs. Le projet prévoit ainsi « un système de contrôle » pour garantir que les terrains abritant des panneaux solaires ou des mâts d'éoliennes demeurent des surfaces agricoles ;
- d'organiser le portage foncier et le financement des transitions. L'installation des nouvelles générations et les transformations indispensables de leurs exploitations qu'elles devront entreprendre doivent être organisées de façon plus optimale. « Il faut que l'État et les collectivités investissent dans le portage du foncier et dans des solutions à façon selon la valeur du foncier et la valeur des exploitations (...) Tout ça se fera dans le cadre de la nouvelle PAC qui prévoit une hausse des subventions à l'installation, confiée aux Régions »30(*). En effet, les Régions se voient confier la politique de l'installation, dès 2023. Par ailleurs, le président de la République a d'ores et déjà annoncé la création d'un fonds « entrepreneurs du vivant, » doté de 400 millions d'euros, destiné à cette double finalité d'installation et de transformation. Il a également évoqué la création d'un réseau dédié à l'accompagnement des porteurs de projet, France Installation Agricole. Ce dernier remplacerait les Points accueil installation (PAI), devant être réformés à très court terme ;
- de consolider la filière agricole. Cela passe par le financement des formations dans les nouvelles compétences et la mise en place d'un réseau d'incubateurs d'entreprises agricoles innovantes ;
- de relever le défi démographique. 100 000 chefs d'exploitation d'ici à 2030 passeront le relais à la nouvelle génération.
C. LA RECONDUCTION DU DISPOSITIF D'EXONÉRATION TO-DE
1. Le TO-DE, un outil de maintien de la compétitivité des exploitations agricoles
Le dispositif d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dit « travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi » ou TO-DE, bénéficie aux employeurs relevant du régime de protection sociale agricole qui emploient en CDD des travailleurs saisonniers. Cette exonération tend à faciliter l'emploi de la main d'oeuvre nécessaire à la réalisation de leurs travaux saisonniers.
Institué par un arrêté interministériel du 9 mai 1985, il est prévu aujourd'hui à l'article L 741-16 du code rural et de la pêche maritime et vise à soutenir la compétitivité des filières concernées.
L'an dernier, les rapporteurs spéciaux rappelaient que le Gouvernement avait prévu la suppression du TO-DE pour 201931(*) tandis que les débats parlementaires avaient conduit à son maintien. Toutefois, le dispositif avait été substantiellement redéfini dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale (LFSS) pour l'année 2019, avec la modification du « plateau » d'exonération totale. La LFSS avait réservé l'exonération totale jusqu'à 1,20 SMIC (au lieu de 1,25 SMIC) puis avait prévu au-delà un barème dégressif linéaire d'exonération, cette dernière devenant nulle à partir de 1,6 SMIC (au lieu de 1,5 SMIC). (cf infra).
Le dispositif devait s'éteindre fin 2020. La LFSS pour l'année 202132(*) l'a prolongé pour 2021 et 2022.
Dispositif en vigueur du TO-DE
Principes généraux
Les employeurs relevant du régime de protection sociale agricole qui embauchent en CDD des travailleurs saisonniers (ou en CDI des demandeurs d'emploi sous certaines conditions) bénéficient d'une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale. Le champ des cotisations visées par l'exonération a été révisé par la LFSS pour 2019 afin de l'aligner sur celui des allègements généraux de cotisations et contributions sociales. Les cotisations conventionnelles ne sont ainsi désormais plus visées par l'exonération TO-DE.
Celle-ci est limitée à une période maximum d'emploi de 119 jours ouvrés, consécutifs ou non, par année civile pour un même salarié.
Au cours d'une même année civile, le bénéfice de l'exonération ne peut être cumulé simultanément ou successivement avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou montants forfaitaires de cotisations. Ainsi, au-delà de la période maximale de 119 jours, l'employeur ne peut par la suite pas bénéficier, au titre d'un même salarié, d'une autre exonération de cotisation. Il dispose toutefois de la possibilité de renoncer au bénéfice de l'exonération TO-DE au profit des allègements généraux renforcés sur l'ensemble de la période d'activité de son salarié si l'application de ce dispositif se révèle plus avantageuse pour lui.
Plateau d'exonération
L'exonération est déterminée conformément à un barème dégressif linéaire en fonction de la rémunération perçue par le salarié, dans les conditions suivantes : celle-ci est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale à 1,20 SMIC mensuel (1,25 SMIC avant 2019), dégressive pour les rémunérations comprises entre 1,20 SMIC mensuel et 1,6 SMIC (1,5 SMIC avant 2019) puis nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure à 1,6 SMIC.
Source : extrait de la réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux pour le PLF 2023
Aux interrogations des rapporteurs spéciaux sur les bénéficiaires de l'exonération TO-DE, le secrétariat général du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a apporté les précisions suivantes :
- 73 000 établissements ont recours à 900 000 contrats TO-DE pour un volume d'heures de 170 millions d'heures et une masse salariale de plus de 1,8 milliard d'euros ;
- ces établissements représentent près de la moitié des entreprises du secteur de la production agricole utilisatrices de main d'oeuvre ;
- et 90 % des contrats saisonniers concernent les filières « viticulture », « arboriculture » et « horticulture ».
S'agissant du coût du dispositif, il s'est établi en 2021 à 509 millions d'euros, soit un montant identique à 2020 et en légère progression par rapport à 2019 (506 millions d'euros). En 2022, le coût du dispositif TO-DE a été estimé à 525 millions d'euros, sous réserve d'une saisonnalité normale.
2. La reconduction du TO-DE en 2023
Cette exonération est maintenue en 2023 avec une dotation de 134 millions d'euros en AE et en CP, à l'action 25 « protection sociale », en augmentation de 4 millions d'euros en AE et CP par rapport à la LFI pour 2022.
Elle est, en effet, prolongée dans le cadre du PLFSS 2023.
3. Un financement intégral du dispositif par les programmes 149 et 381
En 2023, le dispositif sera financé intégralement, comme avant 2019, sur crédits budgétaires du ministère chargé de l'agriculture via les programmes 149 et 381, contrairement à la période 2019-2022.
En effet, entre 2019 et 2022, le coût du TO-DE était financé par une fraction de la TVA et par les crédits budgétaires du ministère chargé de l'agriculture sur l'action 25 du programme 14933(*).
En 2023, la part des exonérations correspondant aux allègements généraux ne sera pas compensée par une fraction de TVA34(*) mais par des crédits ouverts sur le nouveau programme budgétaire 381 créé à cette fin.
Quant au surplus d'exonération lié au maintien d'un plateau d'exonération totale à 1,2 SMIC par rapport aux allègements généraux, il reste compensé sur le programme budgétaire 149.
Le montant total de la compensation est évalué en 2023 à 561 millions d'euros répartis respectivement à hauteur de 427 millions d'euros sur le programme 381 et 134 millions d'euros sur le programme 149.
Les rapporteurs spéciaux réitèrent leurs observations de l'an dernier sur la réduction du seuil d'exonération complète qui tend à fragiliser un secteur déjà soumis à des fortes pressions, portant ainsi atteinte à sa compétitivité en raison du coût du travail auquel il est exposé.
En outre, la reconduction du dispositif pour une année 2023 ne permet pas aux bénéficiaires de se projeter dans la durée. C'est pourquoi les rapporteurs spéciaux souhaitent que le dispositif soit pérennisé.
D. UN PILOTAGE DE LA GESTION DES RISQUES DE PLUS EN PLUS COMPLEXE
Les différentes auditions conduisent au constat d'une recrudescence des risques avec une intensité plus forte des aléas. Or le pilotage de la gestion de ces risques tend à se heurter aux limites inhérentes liées aux difficultés d'anticiper la survenance du risque, de le maîtriser, de restaurer l'éco-système et de mettre en oeuvre des moyens nécessaires aujourd'hui pour éradiquer le risque demain.
1. La mise en oeuvre de la réforme de l'assurance récolte en 2023
Alors que le dernier rapport du GIEC a alerté sur le fait que « dans les dix, vingt à trente prochaines années, le territoire européen connaîtra une hausse significative des sécheresses dont l'intensité, la fréquence et la durée vont augmenter »35(*), le « Varenne agricole de l'eau » s'est achevé le 1er février 2022, après plus de six mois de travaux.
Décliné autour de trois axes, le premier s'est traduit par l'adoption du projet de loi « Assurance récolte »36(*) visant à réformer l'assurance récolte afin de la rendre plus juste et plus transversale. La réforme de l'assurance récolte entrera en vigueur le 1er janvier 2023. Elle crée un dispositif universel de couverture des risques partagé entre les agriculteurs, les entreprises d'assurance et l'État. Elle repose sur une architecture à trois étages, en fonction du niveau d'intensité de pertes :
- le premier étage se situe en-deçà de 20 % de pertes (correspondant au niveau de franchise) pour les dommages de faible intensité. L'agriculteur en supporte les conséquences (épargne de précaution...) ;
- le deuxième étage relève de l'assurance privée et se déclenche si les pertes sont comprises entre le taux de franchise et le taux de pertes exceptionnelles, déclenchant le Fonds de solidarité nationale (FSN). Le risque est mutualisé entre les territoires et les filières de risques d'intensité moyenne, par le biais de l'assurance multirisque climatique (AMCR) dont les primes font l'objet d'une subvention publique à hauteur de 70 % ;
- le troisième étage est celui de l'intervention du FSN pour l'indemnisation de la survenance de risques dits « catastrophiques » avec une prise en charge par l'État à hauteur de 90 % pour les assurés et de la moitié pour les non-assurés soit 45 %.
Pour chaque groupe de culture, l'agriculteur devra choisir entre :
- un contrat d'assurance récoltes ou d'assurance prairies subventionné ;
- ou le fonds de solidarité nationale (le FSN) porté par l'État.
Celui qui n'a pas souscrit de contrat n'aura recours qu'au FSN.
Au 1er janvier 2023, chaque agriculteur doit avoir désigné un interlocuteur unique pour gérer, pour son compte, le dispositif de gestion des risques mis en place.
2. La traduction budgétaire du nouveau dispositif
Comme attendu, le PLF 2023 introduit le nouveau dispositif d'assurance récolte.
L'action 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole » se voit dotée de crédits en AE et CP de 255,5 millions d'euros supplémentaires, ce qui représente une augmentation de 2 899,95 % en AE et 2 878,37 % en CP, par rapport aux montants de la LFI pour 2022.
Cette hausse résulte de la budgétisation, à hauteur du montant de 255,5 millions d'euros en AE et CP, du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), afin de financer le nouveau dispositif de soutien à l'assurance récolte.
Le complément de financement provient également de :
- la taxe affectée au FNGRA de 120 millions d'euros issue de la contribution additionnelle aux primes, passant de 5,5 % à 11 % (article L. 361-2 du code rural et de la pêche maritime) avec corrélativement le doublement du plafond de la taxe de 60 à 120 millions d'euros ;
- un montant de 184,5 millions d'euros provenant du FEADER.
Le total de ces trois enveloppes permet d'atteindre un niveau de soutien public total de 560 millions d'euros en 2023 et de 600 millions - soit le maximum prévu pour le dispositif rénové d'assurance - à compter de 2025.
À l'issue de leur audition de la DGAL, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur le caractère suffisant des moyens financiers alloués au nouveau dispositif. Alors même que le texte de loi prévoit une enveloppe de 600 millions d'euros, les rapporteurs spéciaux contestent le montant total de 570 millions d'euros prévu, sachant que ce dernier couvre une part de subvention et une part d'indemnisation. En effet, le volet destiné à l'indemnisation est plus que probablement sous-dimensionné. Rappelons que l'étude d'impact mentionnait que « sur la base des paramètres proposés dans le rapport du groupe de travail présidé par le député Descrozaille, le coût estimé du nouveau dispositif à compter de 2023 serait de l'ordre de 600 M€ par an en moyenne (financements européens et nationaux compris), soit un surcoût de l'ordre de 300 M€ par rapport au coût global du dispositif actuel. »
3. Le Varenne agricole de l'eau
a) La maîtrise de la consommation d'eau
Les travaux du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique tendent à accompagner les agriculteurs dans le cadre de l'adaptation de leurs productions afin qu'ils consomment moins d'eau. Cette démarche rejoint celle de France 2030 qui vise notamment à accélérer la révolution agricole en finançant les nouvelles technologies numériques et robotiques, l'acquisition de matériel innovant tel que des stations météo, des outils d'aide à la décision pour l'irrigation, du matériel de télégestion, de pilotage automatique de l'irrigation, des capteurs.... Un financement est également prévu pour l'accompagnement de l'innovation pour construire des ouvrages innovants permettant de stocker l'eau de pluie, ou mettre en place, par exemple, de nouvelles techniques d'irrigation, ou de surveillance de l'état de la sécheresse des sols etc.
b) L'accès à la ressource d'eau
Un autre axe d'action porte sur l'accès à la ressource en eau avec la prise en compte des besoins des agriculteurs et des contraintes liées à la protection des milieux, tout en assurant le respect des usages de chacun des territoires et écosystèmes. Les projets de territoire pour la gestion de l'eau, ou PTGE, jouent à cet égard un rôle important.
E. UNE GESTION DURABLE DE LA FORÊT SOUS TENSION
Les crédits de l'action 26 du programme 149 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » s'élèvent à 278,62 millions d'euros en AE et 286,41 millions d'euros en CP, soit une augmentation respective de 0,65 % en AE et 3,7 % en CP par rapport à la LFI pour 2022. Ils s'inscrivent dans le programme national de la forêt et du bois (PNFB) visant à permettre un développement équilibré, dynamique et durable de la filière.
Les rapporteurs spéciaux soulignaient à titre liminaire l'an dernier que la forêt est au coeur de préoccupations répondant à des objectifs divers, économiques, environnementaux, de sécurité publique, de loisirs... La politique forestière s'inscrit dans plusieurs perspectives stratégiques. Parmi celles-ci figure de plus en plus la contribution de la ressource forestière à la lutte contre le changement climatique. Elle s'additionne à des objectifs plus économiques de meilleure valorisation des bois et forêts.
Ils ont alors relevé que « la filière est confrontée à des difficultés économiques majeures tandis que l'opérateur principal de la gestion forestière traverse de grandes difficultés auxquelles le nouveau contrat d'objectif et de performances vise à répondre ».
En effet, ce dernier qui a été signé pour la période 2021-2025, a été conçu pour permettre le retour progressif à l'équilibre du compte de résultat sur la durée du contrat. Il prévoit des financements additionnels de l'État (subvention d'équilibre de 30 millions d'euros en 2021, 20 millions d'euros en 2022 et 10 millions d'euros en 2023), et des subventions supplémentaires au titre des missions d'intérêt général.
1. Une forêt menacée par les feux et le dépérissement
Les forêts françaises s'étendent aujourd'hui sur près de 17 millions d'hectares, soit un tiers de la surface nationale en métropole. Elles produisent du bois, ressource renouvelable, et protègent la biodiversité dans le cadre d'une gestion durable.
a) Une augmentation des surfaces brûlées
L'année 2022 avec son cumul exceptionnel de canicule et de sècheresse a conduit à un bilan, de plus de 70 000 ha brûlés dont 25 % seulement en zone méditerranéenne, du fait de l'extension rapide du risque sur plus de 50 départements.
Statistiques sur le nombre de feux et sur les surfaces brûlées
Source : réponse de l'ONF au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
Les courbes, ci-après reproduisent les données calculées pour un mois donné. S'agissant du mois de mars 2022, le nombre de feux enregistrés est équivalent au maximum observé au cours des mois de mars des 10 dernières années alors que pour le mois de juillet 2022, le nombre de feux enregistrés est supérieur au maximum jusqu'alors observé au cours des mois de juillet des 10 dernières années.
Nombre de feux en France
(moyenne des dix
dernières années et 2022)
Source : réponse de l'ONF au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
On constate également que les surfaces incendiées en période hivernale (écobuage notamment) n'expliquent pas la forte augmentation de la surface incendiée totale sur 2022. En revanche, la saison dite estivale a débuté plus tôt (mai-juin) que d'habitude et le mois de juillet a été hors norme (en particulier du fait des incendies en Gironde).
Surface brûlées en France en hectares (ha)
Source : réponse de l'ONF au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
b) Le dépérissement des bois
Les rapporteurs spéciaux souhaitent alerter non seulement sur les ravages de la forêt par les incendies, mais également sur les vagues massives de dépérissements des bois qui touchent de plus en plus d'essences (épicéas, hêtres, chênes...).
Outre les incendies, les autres aléas, notamment sanitaires, ont conduit à des dépérissements très significatifs sur 50 000 ha de forêt publique, dont 23 000 ha uniquement pour les forêts domaniales. Le quart Nord-Est a été le plus touché avec 30 000 ha concernés. Les attaques de scolytes37(*) ont touché 2 000 ha. La problématique s'étend à d'autres régions et d'autres essences.
Au-delà de ces sinistres, on estime qu'à horizon de 2050 environ 30 % des forêts basculeraient en situation « d'inconfort climatique marqué », chiffre qui pourrait passer à 50 % à la fin du siècle, et nécessiteront un renouvellement.
2. Une politique forestière complexe à mener à long terme
a) Une réussite, le dispositif de défense de la forêt contre les incendies
L'historique des surfaces incendiées depuis 50 ans montre une rupture entre la période précédant les années 1990. La moyenne de surface brûlée sur la période 1976-1990 était de 45 000 ha dont 78 % en zone méditerranéenne, contre 17 000 ha dont 65 % en zone méditerranéenne sur la période suivante 1991-2021.
Évolution des surfaces annuelles
incendiées en France
de 1976 au 30 septembre 2022
Source : ONF - Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
En effet, à la suite des terribles incendies de 1989 et 1990, l'État a élaboré une politique de défense contre l'incendie dans les territoires considérés alors comme les plus exposés. Dans ce cadre, l'Office national des forêts (ONF) a mis en place dans les années 1990, un dispositif complet de surveillance et d'actions d'appui à la lutte contre les incendies dans le Sud-Est de la France.
Selon les données de l'ONF, c'est dans la zone méditerranéenne que l'écart à la moyenne interannuelle des surfaces incendiées en 2022 est le plus faible. Le dispositif de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) est entré en vigueur dans quinze départements du Sud-Est depuis plus de vingt ans (« zone historique »)38(*).
Description du dispositif de défense de la forêt contre les incendies
- Actions de prévention, qui consistent dans la récolte de données nécessaires à Météo-France pour cartographier le risque incendie (prélèvements de végétaux pour mesurer le stress hydrique), le contrôle du respect des obligations légales de débroussaillement en appui aux préfets, la réalisation de pistes DFCI dans les massifs forestiers pour permettre l'accès des pompiers, l'information et la surveillance des massifs en période à risque par des techniciens commissionnés et assermentés afin de constater les infractions ;
- Actions d'appui à la lutte consistant en un pré-positionnement les jours à risque incendie, dans les massifs forestiers, de véhicules équipés de citernes d'eau pour intervenir sur les feux naissants. Des ouvriers forestiers assurent cette mission durant la période estivale en lien avec les autres intervenants (sapeurs-pompiers, sécurité civile...). Hors période estivale, ils entretiennent les équipements DFCI (débroussaillement des abords des pistes ...). L'efficacité de leur action repose sur leur connaissance parfaite du terrain ;
- Missions d'études et d'expertise, en appui aux préfets, par des experts de niveau régional ou départemental qui assurent la coordination de l'ensemble du dispositif de prévention et d'appui à la lutte, réalisent des études sur le risque incendie en coopération avec de nombreux partenaires tels que Méteo-France.
Source : extrait des réponses de l'ONF au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
b) Une difficulté de concilier l'adaptation au changement climatique à long terme
L'ONF a tenu à souligner lors de son audition au Sénat toute la difficulté technique, en termes de moyens et de savoirs, de procéder au renouvellement des espèces, en tenant compte des effets à venir du changement climatique. En effet, ce dernier progresse plus vite que l'adaptation naturelle.
Dans le contexte actuel, l'ONF devrait procéder au renouvellement des espèces sur 1,2 million d'hectares vulnérables, sur 30 ans et sur 3 millions d'hectares (les 70 % restants) sur 100 ans, soit un rythme annuel de l'ordre de 70 000 hectares par an. Cet objectif est à considérer à l'aune du rythme de renouvellement de 40 000 hectares, en l'absence de changement climatique. Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la capacité de l'ONF à faire face à ce défi.
3. L'ONF, un périmètre d'action élargi pour des effectifs en réduction constante
a) Une amélioration de la situation financière de l'ONF en 2021
Force est de constater que la situation financière de l'Office tend à s'assainir depuis 2021, dans un contexte marqué d'une part, par une amélioration de la conjoncture économique du marché du bois et, d'autre part, par les effets du contrat État-ONF (2021-2025).
Les contributions de l'État39(*) ainsi que l'effort de transformation engagé par l'Office40(*) ont également permis de redonner des marges de manoeuvre financières à l'Office.
Toutefois, selon l'Office auditionné par les rapporteurs spéciaux « la situation de l'établissement reste fragile et fortement exposée aux aléas de la conjoncture économique du marché du bois. »
Le résultat net positif constaté en 2021 était de 31,8 millions d'euros, après retraitements comptables, c'est pourquoi un résultat déficitaire de 131,1 millions d'euros pour 2021 apparaît dans le tableau.
Un résultat positif est également attendu sur l'exercice 2022.
Le besoin de financement diminue d'un peu plus de 7 millions d'euros.
Résultat et endettement de l'ONF sur la période 2017- 2021
(en millions d'euros)
CF 2017 |
CF 2018 |
CF 2019 |
CF 2020 |
CF 2021 |
|
Subvention d'équilibre |
0,0 |
12,5 |
6,5 |
6,5 |
36,5 |
Résultat net de l'exercice |
-8,2 |
-4,8 |
-0,4 |
-67,8 |
-131,1* |
Besoin de financement au 31/12 hors subvention d'équilibre |
320,0 |
359,6 |
358,2 |
403,9 |
426,3 |
Besoin de financement au 31/12 |
320,0 |
347,1 |
351,7 |
397,4 |
389,8 |
* Résultat artificiellement négatif en raison d'ajustements comptables (résultat de + 31,8 millions d'euros une fois retraité de ces éléments).
Source : ONF - Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
La dette de l'Office a diminué en 2021. Son encours au 31 décembre 2021 s'établit à 390 millions d'euros, pour un encours moyen annuel de 333 millions d'euros. Cette baisse se poursuit sur l'année 2022
b) Un redressement fragile
Le modèle économique de l'Office permet d'assurer le financement de l'entretien, de la surveillance et des travaux sylvicoles récurrents, nécessaires à un rythme normal de régénération de la forêt.
Toutefois, les rapporteurs spéciaux réitèrent leurs craintes en raison de deux facteurs majeurs.
En premier lieu, l'adaptation de la forêt au changement climatique nécessite de nouveaux investissements afin de renouveler les peuplements, ce qui requiert également des investissements en termes d'amélioration des connaissances, de développement de la production de matériels forestiers de reproduction adaptés, de refonte des modes de sylviculture et d'entretien des reconstitutions.
En second lieu, s'agissant du chiffre d'affaires bois, celui-ci est volatile. Les tensions inflationnistes qui s'exercent notamment sur le coût des prestations d'exploitation des bois et des travaux sylvicoles, entraînent une augmentation des charges de l'Office pour 2022 et 2023.
4. Une réponse budgétaire partielle aux défis de la gestion forestière
Les crédits de l'action 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » progressent de 3,11 % en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2022.
Ceux destinés à l'ONF augmentent de 9,2 millions d'euros en AE et 8,8 millions d'euros en CP afin de répondre aux exigences du contrat État-ONF 2021-2025. Le fait marquant est l'augmentation de la ligne « versement compensateur et contribution exceptionnelle » à hauteur de 6,3 millions d'euros, couvrant à la fois une augmentation du versement compensateur pour compenser la non-application de la hausse des contributions des communes, une réduction de la subvention d'équilibre et une prise en compte de la revalorisation du point d'indice41(*).
Quant au schéma d'emplois de l'ONF, il est en réduction constante depuis les trois dernières années. Pour 2023, cette contraction porte au total sur 80 ETP (une réduction de 95 ETP au titre du contrat État-ONF et une création de 15 ETP au titre de la contractualisation).
Le rapporteur spécial, Patrice Joly, s'interroge sur la réduction d'ETP eu égard à l'élargissement des missions auxquelles l'ONF doit et devra faire face, en raison d'une augmentation de l'intensité et du nombre des aléas climatiques.
Il a été souligné lors de l'audition que les dotations prévues dans le cadre du PLF pour 2023 étaient conformes aux engagements pris par l'État dans le cadre du contrat et devaient permettre d'assurer les missions de l'ONF, à périmètre constant. En revanche, toute augmentation de ce dernier dû à la nécessité d'étendre à de nouveaux territoires la mission défense des forêts contre les incendies ou de faire face au dépérissement des surfaces de forêts liées aux incendies, aux crises sanitaires, ou à la sécheresse, ne pourrait être réalisé avec des effectifs en baisse.
À cet égard, le président de la République a évoqué certaines pistes de réflexion, le 18 octobre dernier visant notamment à mieux prévenir les incendies, en déclarant 42(*) « Une carte nationale à la maille la plus fine recensera les zones particulièrement vulnérables. Nous mettrons en place des outils. La météo de la forêt pour faciliter la prévention des incendies et la météo des feux de forêt à l'échelle nationale, là aussi pour prévenir, anticiper et informer sur les risques et les départs de feu, à l'image d'ailleurs de ce qu'on fait dans le bassin méditerranéen, depuis maintenant plusieurs années.
Ce sera ce travail de cartographie, de suivi météorologique, je dirais, très en amont. Nous mobiliserons l'ensemble des acteurs de terrain autour des préfets, des élus, maires et présidentes, présidents de départements, des associations, avec l'ONF qui jouera son rôle de vigie des forêts, si je puis dire, de présence sur le terrain et qui permettra aussi de venir en appui là où on voit des insuffisances ou il y a des besoins justement qui d'ingénierie, qui de soutien. Mais avec cette responsabilité, si je puis dire, faîtière.
Voilà pour moi le premier axe du travail que nous devons mener : améliorer la prévention des risques, par un travail de clarification des responsabilités et de simplification, d'adaptation de nos modèles en préservant nos traditions et nos différences, et le travail national de cartographie et d'organisation ». Le deuxième axe de la stratégie consisterait à renforcer les moyens de lutte contre l'incendie tandis que le dernier axe consisterait à reboiser avec la plantation d'un milliard d'arbres d'ici 10 ans ».
II. LE PROGRAMME 381, LA BUDGÉTISATION INTÉGRALE DU TO-DE
Les rapporteurs renvoient au développement sur la reconduction du TO-DE en 2023.
L'action 01, « Allègements de cotisations et contributions sociales » du programme 381 prend en charge à hauteur de 427 millions d'euros en AE et CP, la part des exonérations correspondant aux allégements généraux qui ne sera plus compensée par une fraction de TVA comme entre 2019 et 2022 mais par les crédits ouverts sur ce nouveau programme budgétaire dédié.
Le rapporteur spécial, Patrice Joly, émet des réserves sur l'évolution des crédits dédiés aux allègements de cotisations et contributions sociales dans le cadre de leur budgétisation en remplacement d'un financement par la TVA.
III. LE PROGRAMME 206, UNE AUGMENTATION DE 7 % DE LA DOTATION POUR LA PERFORMANCE ALIMENTAIRE
La dotation du programme 206 s'élève à 657,54 millions d'euros en AE et 654,61 millions d'euros en CP, soit une augmentation d'un peu plus de 7 % par rapport à la loi de finances pour 2022.
Ces crédits visent à renforcer non seulement la sécurité et la qualité sanitaires des aliments mais également à soutenir les filières de production animale et végétale au service de la santé des consommateurs.
A. UNE VIGILANCE ACCRUE SUR LES MALADIES ANIMALES ET VÉGÉTALES
1. Des risques toujours importants de maladies animales
a) Les crises d'influenza aviaire
L'épizootie d'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) était à peine terminée que de nouveaux cas d'influenza aviaire ont été détectés en août 2022, dans la faune sauvage. 332 873 animaux ont été abattus. Elle n'est néanmoins en aucune mesure comparable à l'épisode de l'an dernier. Les rapporteurs spéciaux rappellent que de nombreux foyers d'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) avaient été détectés dans la faune sauvage ou dans des élevages au sein des États membres de l'UE et plus largement en Europe. Trente-six pays avaient été touchés par l'épizootie sur l'ensemble du continent européen. Le seul coût des mesures sanitaires effectuées par l'État (abattages, nettoyage et désinfection) est estimé à 243,9 millions d'euros.
b) La tuberculose bovine
Le traitement de la tuberculose bovine a conduit en 2022 à des dépenses importantes (près de 7,75 millions d'euros de crédits spécifiques délégués à la mi-août). Le plan national de lutte et de prophylaxie doit être poursuivi afin de maintenir un statut « officiellement indemne ». La région la plus impactée a été la Nouvelle-Aquitaine.
c) La peste porcine africaine
Si le territoire national demeure indemne de la peste porcine africaine, la menace d'introduction demeure à un niveau élevé. En janvier 2022, plusieurs foyers ont été détectés en Italie (Piémont et Ligurie), à moins de 100 kilomètres de la frontière franco-italienne. En juillet 2022, le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a lancé un plan de sensibilisation et de prévention pour prévenir cette maladie.
2. Les menaces des nuisibles pour les végétaux
Les menaces demeurant nombreuses en raison du Xylella fastidiosa, du capricorne asiatique, du nématode du pin, des plans d'urgence doivent être élaborés pour ces organismes nuisibles, à l'instar des premiers plans d'urgence relatifs à Xylella fastidiosa. La situation sur le capricorne asiatique est particulièrement suivie en Corse43(*) et à Gien44(*).
B. L'ORGANISATION D'UNE POLICE UNIQUE DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE
1. Un enjeu, garantir la sécurité alimentaire
Alors que la sécurité alimentaire fait intervenir aujourd'hui de nombreux acteurs, la mise en place d'une police unique en charge de la sécurité sanitaire des aliments fera de la direction générale de l'alimentation (DGAL) l'organisme de contrôle officiel en matière de sécurité sanitaire des aliments.
Le 6 mai dernier 202245(*) a été actée la création d'une « police unique en charge de la sécurité sanitaire » afin de non seulement rendre la police de la sécurité sanitaire des aliments (SSA) plus lisible, plus réactive et plus efficiente, mais également de renforcer les contrôles liés à la sécurité sanitaire des aliments.
Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sera responsable, à terme, de la sécurité sanitaire pour l'ensemble du champ de l'alimentation humaine et animale. La portée des contrôles de la DGAL concernera toute nourriture à destination des personnes comme des animaux, les denrées animales ou d'origine animale comme les denrées végétales ou d'origine végétale.
2. La traduction budgétaire en ETP
En conséquence, un certain nombre de compétences seront notamment transférées du ministère en charge de l'économie (DGCCRF) vers le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (DGAL).
Aux interrogations des rapporteurs spéciaux sur les moyens budgétaires alloués à la mise en place de la police unique de la sécurité sanitaire, il a été précisé que « cette réforme nécessitera un budget dont le dimensionnement dépendra du taux de délégation pour certains contrôles et de l'augmentation de la fréquence d'inspection qui seront retenus. »46(*)
Cette réforme va être mise en oeuvre progressivement au cours de l'année 2023. Elle va tout d'abord conduire à un renfort des moyens de la DGAL de 150 ETP provenant d'un transfert de 60 ETP de la DGCCRF accompagné d'une création de 90 postes.
La sécurité alimentaire relevant du ministère de l'agriculture et les contrôles de loyauté demeurant à la DGCCRF, il est à espérer que les échanges soient fluides pour établir des collaborations fructueuses.
C. UN CONTRÔLE AUX FRONTIÈRES SOUS TENSION
Le budget de l'action 04, « Actions transversales » progresse de 7,3 % en AE et 7,24 % en CP par rapport à la loi de finances pour 2022, avec une dotation de 92,97 millions d'euros en AE et CP.
Rappelons que le ministère de l'agriculture est en charge du contrôle vétérinaire à l'importation des animaux vivants, des produits d'origine animale, ainsi que des contrôles phytosanitaires à l'importation sur les végétaux.
Depuis le 1er janvier 2010, les postes de contrôle frontaliers ont été regroupés au sein d'un service à compétence nationale, appelé le service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), rattaché à la direction générale de l'alimentation (DGAL).
Nombre de lots contrôlés par les SIVEP en 2021
Nature du contrôle |
Nombre de lots contrôlés par le SIVEP en 2021 |
Nombre de lots refusés par le SIVEP en 2021 |
Contrôle vétérinaire - produits animaux |
124 216 |
1 422 (1.14 %) |
Contrôle vétérinaire - animaux vivants |
17 095 |
87 (0,51 %) |
Contrôle vétérinaire - aliments pour animaux d'origine non animale |
3 638 |
18 (0,49 %) |
Contrôle phytosanitaire - végétaux |
64 974 |
1 171 (1,80 %) |
Source : réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
L'activité « Brexit » représente 55 % de l'activité du SIVEP. Au 30 juin 2022, près de 2 000 envois, soit 1,08 % des marchandises contrôlées ont fait l'objet d'un refus d'admission sur le territoire européen, en raison des non conformités détectées lors du contrôle.
S'agissant des ressources humaines, la formalisation du besoin depuis 2018 pour faire face aux contrôles supplémentaires ainsi que pour la certification à l'exportation depuis le Brexit, a conduit à la création de :
- 40 ETP au titre de la loi de finances pour 2019 ;
- 320 ETP au titre de la loi de finances pour 2020 ;
- 106 ETP en 2021.
Au total, 466 ETP ont été autorisés en loi de finances pour 2022, dont 376 pour les contrôles à l'import et les 90 restant étant pour la certification à l'export. En juillet 2022, on dénombrait 320 agents en poste pour le contrôle à l'importation en provenance du Royaume-Uni, dont :
- 259 en Hauts-de-France ;
- 48 en Normandie ;
- 13 en Bretagne.
Hors postes de contrôle frontalier dédiés aux contrôles des marchandises en provenance du Royaume-Uni, les effectifs dont dispose le SIVEP pour le contrôle des marchandises importées des autres pays tiers s'établissent à 95 ETP répartis sur 24 postes de contrôle frontalier.
Or, le budget de l'Inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières de 3,83 millions d'euros en AE et CP est reconduit en 2023 alors que les rapporteurs spéciaux avaient soulevé l'an dernier les tensions sur les recrutements de vétérinaires.
Ces tensions persistent et constituent une entrave potentielle au déploiement satisfaisant du dispositif. En effet, il apparaît que l'effectif des vétérinaires est difficile à pourvoir. « Leur nombre en poste atteint un niveau critique »47(*). Le ministère de l'agriculture a été autorisé par dérogation à recruter à titre temporaire, par contrat, des vétérinaires n'ayant pas la nationalité française pour assurer les missions de contrôle sanitaire à l'importation et à l'exportation48(*). Or ce recrutement doit faire l'objet d'une attention particulière en raison des pouvoirs propres de ces inspecteurs vétérinaires et de leur fonction d'encadrement des équipes d'inspecteurs.
Les rapporteurs réitèrent donc avec force leurs observations quant aux failles du système de contrôle sur les produits importés qui peuvent représenter un risque sanitaire en raison de modes de production non conformes à nos normes, d'une part, ainsi qu'une menace pour la compétitivité des exploitations françaises, d'autre part.
D. LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE DE LA « LOI DE SANTÉ ANIMALE »
La dotation de l'action 2 « Santé et la protection des animaux » progresse de 18 %, passant de 114,37 millions d'euros à 134,99 millions d'euros, en raison de l'entrée en vigueur le 21 avril 2021 du règlement49(*) européen, aussi appelé « Loi de santé animale » (LSA). Il fixe les règles en matière de surveillance, de prévention, de lutte ou de l'éradication des 68 maladies transmissibles, chez les animaux terrestres ou aquatiques.
Cette entrée en vigueur entraîne de nouvelles dépenses (centre de volailles, maladies des poissons, salmonellose, statut indemne vis-à-vis de la rhinotrachéite infectieuse bovine).
E. DE NOUVEAUX OUTILS POUR LA QUALITÉ DE L'ALIMENTATION DANS UN CONTEXTE DE RALENTISSEMENT DU MARCHÉ DU BIO
L'action 08 « Qualité de l'alimentation et offre alimentaire » voit sa dotation progresser de 20,36 % s'agissant des AE et CP en 2023. Ils s'élèvent à 5,91 millions d'euros dans le PLF pour 2023 contre 4,91 millions d'euros dans la LFI pour 2022.
1. De nouveaux outils d'information
Cette progression s'explique par la création de la plateforme « ma-cantine.agriculture.gouv.fr ». Celle-ci vise à accompagner les acteurs de la restauration collective dans leur mise en oeuvre des dispositions de la loi EGALim.
Le rapporteur spécial, Vincent Segouin, souhaite mettre en exergue les difficultés financières rencontrées par les grossistes de France qui fournissent les cantines scolaires, celles des hôpitaux et de l'administration. Leurs marges ne suffisent plus à compenser la hausse des prix des matières menaçant ainsi l'approvisionnement de ces cantines.
En outre, cette dotation finance également l'observatoire de la qualité de l'alimentation (Oqali). Ce dernier suit les évolutions de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire, collecte des paramètres socio-économiques et évalue l'impact des engagements contractuels pris par le secteur agroalimentaire.
2. La fragilisation du secteur biologique
Le secteur de l'agriculture biologique a connu une croissance soutenue sur la période 2015-2020. En 2021, on dénombrait 2,78 millions d'hectares cultivés en mode biologique, soit 10,34 % de la surface agricole utile française, contre 9,5 % en 2020. 58 413 exploitations étaient engagées en 2021 dans l'agriculture biologique, soit 13,41 % des exploitations françaises50(*).
Évolution des surfaces et des opérateurs biologiques 2005-2021
Source : Agence bio
Toutefois, la croissance du marché du bio s'est arrêtée en 2021 avec une baisse de 3,1 % des ventes en valeur par rapport à 2020, selon l'Institut de recherche et d'innovation.
Pour certaines filières, la chute a été plus brutale que pour d'autres :
- celle de la farine enregistre une baisse des ventes de 18 % ;
- 12 % pour le beurre ;
- 7 % pour le lait ;
- et -6% pour les oeufs.
La consommation de fruits et légumes bio a, quant à elle, baissé de 11 % en un an en 2021.
Aux interrogations des rapporteurs spéciaux sur les causes de la baisse de consommation de produits biologiques, La Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB) a déclaré « L'analyse des raisons du ralentissement de la croissance du marché bio est encore en cours, néanmoins plusieurs travaux et hypothèses existent déjà. Tout d'abord il y a un ralentissement global de la croissance du marché alimentaire, la Bio ne fait pas figure d'exception. Ensuite le coup d'arrêt à la consommation est observé en comparant 2022 et 2021, hors la croissance du marché bio a été exponentielle et artificiellement tirée par la crise du COVID. [...] Mais au-delà de la situation propre à chaque filière, il y a une réalité commune dans l'absence de soutien politique à la Bio depuis 5 ans. » 51(*)
La FNAB constate à regret l'absence de communication sur les produits biologiques. L'Agence Bio qui assure la communication grand public sur le label AB n'a été dotée d'aucun moyen supplémentaire pour diffuser la campagne #BioRéflexe créée en urgence en début d'année avec le soutien exceptionnel du ministère de l'agriculture. La Fédération considère que les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs de la loi Egalim sur l'introduction de produits bio en restauration hors domicile ne sont pas mis en oeuvre.
Ce constat est partagé par INTERFEL52(*). La filière « Fruits et légumes frais » sont les grands oubliés des lois EGALIM »53(*) Cette filière qui représente 90 % de la production nationale plaide pour un soutien à la consommation ainsi que pour la mise en place d'un guichet unique pour les appels à projet.
Le rapporteur spécial, Patrice Joly, s'inquiète non seulement de la baisse des produits d'origine biologique dans la consommation mais également de celle des produits agricoles en général. Il regrette que la promesse d'un chèque alimentaire pendant la campagne présidentielle n'ait pas été réalisée à ce jour.
Il souhaite, par ailleurs mettre en exergue les projets alimentaires territoriaux (PAT) qui constituent des acteurs de résilience de l'agriculture en créant des écosystèmes alimentaires durables et locaux. Il se félicite que l'indicateur de performance 1.2 Promotion de l'ancrage territorial ait pour cible 100 % en 2023. En effet, « la couverture géographique des projets alimentaires territoriaux a fortement augmenté en 2021, passant de 65 % à 97 %, sous le double effet de la simplification de la procédure de reconnaissance et d'un renforcement du soutien à l'émergence de ces projets dans le cadre du plan de relance. »54(*)
Le rapporteur spécial, Vincent Segouin, s'interroge sur la pertinence du maintien de l'objectif de 18 % de SAU biologique eu égard à l'attrition des débouchés tandis que le rapporteur spécial, Patrice Joly, s'interroge sur la nature de cette attrition, conjoncturelle ou structurelle, déplorant le manque de données sur la filière biologique en général.
IV. LE PROGRAMME 215, UN BUDGET EN HAUSSE POUR UNE STRATÉGIE IMMOBILIÈRE ET INFORMATIQUE RATIONALISÉE
La dotation du programme 215 « Conduite et pilotage de l'agriculture » s'élève à 689,05 millions d'euros en AE et 674,99 millions d'euros en CP, soit une progression respective de 7,48 % en AE et 7,7 % en CP par rapport à la LFI pour 2022.
A. UNE POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE RATIONALISATION BUDGÉTAIRE
La dotation de l'action 04 « moyens communs », (110,69 millions d'euros en AE et 91,90 millions d'euros en CP) progresse respectivement de 35,74 % en AE et 22,47 % en CP par rapport à la LFI pour 2022, en raison de la politique immobilière du ministère.
En réponse à leurs interrogations, le secrétariat général a indiqué la mise en oeuvre d'un retour dans les biens domaniaux, en se séparant corrélativement des locations coûteuses. Cette politique de rénovation est dotée à hauteur de 25,47 millions d'euros en AE et 10,03 millions d'euros en CP en 2023. Le secrétariat général a précisé que « le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) est engagé dans la mise en oeuvre de sa stratégie immobilière initiée dans le cadre du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) de son administration centrale55(*) [...].
Dans ce cadre, dès 2013 et jusqu'à fin 2015, le MASA a engagé des travaux importants concernant deux des cinq bâtiments du site de Varenne, pour environ 8 millions d'euros. Après une pause en 2016, le MASA a relancé en 2017 les études concernant les trois bâtiments restants. Les travaux de rénovation des bâtiments D et E ont respectivement été réceptionnés en 2020 et 2022. Les travaux du bâtiment C démarreront au 4e trimestre 2022 pour se terminer fin 2023. Les travaux de Varenne sont financés par le programme 215 à hauteur de 2 millions d'euros en AE et 3,7 millions d'euros en CP en 2023, ainsi que par le programme 723. »56(*)
La phase de programmation des travaux du site de Maine a débuté en 2022, à l'issue d'une étude de faisabilité. Le ministère prévoit de lancer un concours d'ici à la fin 2022 afin de recruter la maîtrise d'oeuvre. Les travaux, estimés à 22 millions d'euros, devraient démarrer à la fin de l'année 2023 pour un emménagement au premier semestre 2026.
B. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION INFORMATIQUE
La dotation pour les moyens prévus au titre de l'informatique progresse de 3,42 millions d'euros en AE et CP par rapport à la LFI pour 2022 pour s'établir à 34,07 millions d'euros en AE et 29,15 millions d'euros en CP.
Ces crédits sont consacrés à la modernisation des outils informatiques pour une meilleure prise en compte des missions de service public du ministère et de réactivité au service des usagers des systèmes d'information. Ainsi, le ministère devrait procéder en 2023 à la transition complète de ses applications informatiques vers les technologies du cloud, du conteneur et des composantes logicielles dites cadriciels qui permettent de simplifier la production d'interface avec les utilisateurs57(*).
TROISIÈME PARTIE
ANALYSE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE
« DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » (CAS-DAR)
I. UN COMPTE DÉDIÉ À L'INNOVATION EN MATIÈRE AGRICOLE
Le Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CAS-DAR) a pour objet d'accompagner la transformation des systèmes agricoles et de favoriser la transition des filières face aux nouveaux défis. Il retrace en recettes le produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts et en dépenses, les opérations relatives au développement agricole et rural.
Cette mission a été conçue pour soutenir la mise en oeuvre d'actions de recherche appliquée, d'études et d'expérimentations et de développement, pour détecter les innovations de terrain, permettre leur analyse et faciliter leur diffusion, notamment dans le cadre du Programme national de développement agricole et rural (PNDAR).
A. LE PROGRAMME NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL (PNDAR) 2022-2027
Le compte est étroitement lié au PNDAR car il en finance les objectifs. Le PNDAR 2014-2020 prolongé en 2021 visait à soutenir l'orientation de l'agriculture française vers la triple performance économique, environnementale et sociale.
Le PNDAR 2022-2027 met l'accent sur la transition agroécologique afin de prendre en compte la dimension environnementale et la création de valeur économique. Il tend à favoriser une diffusion plus large des connaissances et des méthodes en agroécologie, les innovations de rupture.
Ayant réduit les 21 objectifs du précédent PNDAR à 9, le PNDAR 2022-2027 cible la mobilisation en faveur de l'économie, de l'emploi et des territoires, d'autonomie vis-à-vis des ressources fossiles et l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, l'amélioration de la résilience de l'agriculture et des systèmes alimentaires face aux changements globaux et aux aléas biotiques, climatiques et économiques, et le bien-être animal.
Objectifs du PNDAR 2022-2027
1) la création des chaînes de valeur équitables favorisant une relocalisation des productions agricoles et la compétitivité des filières et des entreprises58(*) ;
2) le renouvellement des générations en agriculture par l'accompagnement de l'installation et la transmission, ainsi que l'amélioration de la qualité de vie au travail et les démarches de réflexion sur le sens des métiers en agriculture ;
3) la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture, et le développement des techniques permettant de stocker du carbone et sa valorisation ;
4) l'autonomie protéique et azotée de l'agriculture française et des territoires ;
5) la valorisation et préservation de l'agrobiodiversité59(*) ;
6) l'adaptation des systèmes de production animale et végétale face aux aléas et au changement climatique, en s'appuyant notamment sur une gestion économe et efficiente de l'eau ;
7) la gestion intégrée de la santé animale et végétale60(*) ;
8) l'amélioration du bien-être animal ainsi que la poursuite des transitions pour rester acteur des marchés et générer de la valeur au sein des filières ;
9) et la mobilisation du levier du numérique pour soutenir la conception, le pilotage, le déploiement et la valorisation de systèmes de production agricole innovants et performants.
Source : projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2023
Le CAS-DAR finance les démarches entreprises au titre de ces 9 objectifs, dans le cadre des programmes 775 et 776.
B. DES PROGRAMMES TOURNÉS VERS LE DÉVELOPPEMENT ET LA RECHERCHE
1. Le programme 775 « Développement et transfert en agriculture »
Ce programme tend à financer le renouvellement par les agriculteurs de la conception des systèmes agricoles plus innovants et performants d'un point de vue économique, environnemental et social, en mettant en oeuvre des principes agroécologiques61(*). Il comprend deux actions :
- 01 - Développement et transfert ;
- 02 - Fonction support.
2. Le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture »
Le programme 776 vise à soutenir le cercle vertueux de l'innovation dès l'émergence des projets, notamment dans le domaine de la transition agroécologique, tout en favorisant une dynamique de capitalisation, de diffusion massive, impliquant notamment le conseil et la formation agricole62(*). Ses crédits sont rassemblés au sein de deux actions :
- 01 - Recherche appliquée et innovation ;
- 02 - Fonction support.
II. LA RECONDUCTION DE LA MAQUETTE DE PERFORMANCE DU CAS-DAR
Chacun des programmes est doté d'un objectif qui a été reconduit en 2023.
Pour le programme 775, l'objectif est le suivant : « Orienter l'action des structures chargées du conseil aux agriculteurs et de l'accompagnement des démarches collectives de développement, en cohérence avec les objectifs principaux du PNDAR : accompagner les transitions des exploitations agricoles vers des systèmes plus résilients et sobres en intrants, tenant compte des besoins des agriculteurs, des consommateurs et des attentes des citoyens, par le conseil dans le cadre de démarches collectives, le transfert de connaissances, de méthodes et d'outils actionnables par les agriculteurs, le développement des compétences ».
Il vise à transmettre aux agriculteurs les éléments à caractère scientifique, organisationnel et technique nécessaires à l'évolution de leur activité vers une agriculture performante, du point de vue économique, environnemental et social.
S'agissant du programme 776, l'objectif est le suivant : « Renforcer le continuum entre recherche et innovation agricole pour accélérer l'émergence et l'appropriation d'innovations répondant aux enjeux d'une quadruple performance sociale, économique, sanitaire et environnementale. »
En effet, la recherche ne peut être coupée de son application dans le monde agricole. Il convient de développer des partenariats et des synergies entre l'ensemble des acteurs que sont les instituts techniques agricoles, les chambres d'agriculture, les organismes de développement agricole et rural, la recherche publique, les établissements d'enseignement supérieur et technique agricole.
III. UNE SOUS-CONSOMMATION CONTESTABLE DES CRÉDITS
Les crédits du CAS-DAR contribuent à la souveraineté alimentaire, à la résilience aux aléas économiques, climatiques et sanitaires, notamment via la transition agroécologique des exploitations agricoles vers des systèmes sobres.
A. DES RECETTES SUPÉRIEURES AU PLAFOND DEPUIS 2018
Le CAS-DAR reste plafonné et stable à 126 millions d'euros dans le PLF 2023.
Ce fonds est financé par les agriculteurs. Les recettes du compte d'affectation spéciale proviennent, en effet, de l'intégralité depuis 201563(*), de la taxe « développement agricole et rural » qui est calculée sur le chiffre d'affaires total des exploitations agricoles64(*), sans distinction du type ou du mode de production.
D'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux, la prévision de recettes du CAS-DAR s'établirait entre 143 millions d'euros et 148 millions d'euros, dépassant ainsi une fois de plus le seuil de dépenses autorisé sur le CAS-DAR de 126 millions d'euros depuis 2016.
Exécution des recettes et des dépenses du CAS-DAR
(en millions d'euros)
Année |
Recettes |
Dépenses (CP) |
Plafond |
2009 |
113,50 |
110,55 |
113,5 en AE et 118,5 en CP |
2010 |
105,06 |
108,50 |
114,5 en AE et 119,5 en CP |
2011 |
110,45 |
108,38 |
110,5 |
2012 |
116,75 |
114,35 |
110,5 |
2013 |
120,47 |
106,98 |
110,5 |
2014 |
117,10 |
132,40 |
125,5 |
2015 |
137,10 |
131,20 |
147,5 |
2016 |
130,80 |
129,20 |
147,5 |
2017 |
133,4 |
128, 9 |
147,5 |
2018 |
136,5 |
131,2 |
136 |
2019 |
142,9 |
130,5 |
136 |
2020 |
140,3 |
127,1 |
136 |
2021 |
138,4 |
113,7 |
126 |
Source : d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
La prévision de recettes est fondée sur la publication par l'INSEE du compte prévisionnel de l'agriculture pour 2021 qui serait en augmentation de 7,5 % par rapport à celui de 2020. Au 31 juillet 2022, la recette s'établissait déjà à 119,18 millions d'euros, soit 4,46 millions d'euros supplémentaires par rapport à la même période en 2021 qui avait été impactée par la crise de la COVID.
La recette de 2022 devrait donc dépasser le plafond de la LFI d'un montant de 17 à 22 millions d'euros.
En dépit d'une prévision de recettes de 143 à 148 millions d'euros pour 2022, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la reconduction du montant de 126 millions d'euros en AE et CP pour le PLF 2023.
B. UNE GESTION FINANCIÈRE COMPLEXE
1. Une lisibilité du compte affectée par les reports
Rappelons à titre liminaire que la gestion budgétaire et comptable du CAS-DAR est soumise aux règles suivantes quant aux reports.
a) Règles relatives aux crédits budgétaires
Les crédits budgétaires (AE et CP) sont ouverts à hauteur des montants prévus en loi de finances initiale qui se basent sur une estimation du montant de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles.
Les AE et les CP budgétaires non consommés en fin d'année donnent lieu un arrêté de report sur l'année suivante. Les raisons en sont multiples. Un porteur de projet peut, à titre d'illustration, demander une prolongation de son projet ce qui diffère les décaissements prévus.
À titre d'illustration, un arrêté de report des crédits budgétaires de 2020 pour un montant de 4 millions d'euros en AE et 76 millions d'euros en CP, en date du 12 mars 2021, a permis d'augmenter de 17 % les crédits, ce qui représente une dotation de 11 millions d'euros par rapport à 2019.
En outre, il convient de relever qu'une partie des crédits ouverts sont en réalité gagés sur des projets déjà engagés. Le niveau élevé des reports de crédits de paiement résulte des crédits non consommés qui proviennent principalement des restes à payer. Un programme financé par le CAS-DAR fait l'objet de paiements répartis sur plusieurs années. Ces restes à payer sont identifiés dans le tableau, infra, dans la colonne « Solde ». Ces montants représentent les futures sommes qui devront être décaissées au titre de programmes engagés sur les années antérieures. Ces restes à payer viennent augmenter d'autant les montants des crédits ouverts.
b) Règles relatives aux recettes
Si la recette est supérieure au montant ouvert en LFI, cette ressource supplémentaire ne peut être engagée à moins d'une ouverture de crédits. Cette dernière prend deux formes, celle d'un arrêté conjoint d'ouverture en gestion de l'excédent de recettes constaté, entre le ministre chargé de l'agriculture et celui chargé des comptes publics ou d'une utilisation d'excédents de recettes autorisée en loi de finances rectificative, y compris pour les années antérieures. Ces ouvertures de crédits supplémentaires apportent une souplesse de gestion en dépit du plafond. Toutefois, elle n'est en rien obligatoire.
À titre d'illustration, un arrêté du 16 décembre 2020 a autorisé l'ouverture de crédits budgétaires de 2020 pour un montant de 2 millions d'euros en AE et en CP.
La loi de finances rectificative du 1er décembre 2021 a ouvert des crédits supplémentaires à hauteur de 10 millions d'euros en AE65(*) et CP après constatations d'un surplus de recettes de 12 millions d'euros. Les 2 millions d'euros restants ont été affectés sur le solde comptable du CAS-DAR.
L'excédent de recettes non engagé demeure sur le compte et est affecté sur le solde comptable du CAS-DAR, en application du II. de l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)66(*).
Le solde du plan comptable constaté sur le CAS au 31 décembre 2021 s'établissait à 117,9 millions d'euros euros contre 93,2 millions d'euros, soit une augmentation de 24,7 % par rapport à l'an dernier, essentiellement due à la progression des restes à payer en raison de la prolongation d'un grand nombre de projets pendant la crise de la COVID.
En effet, ce solde se décomposait en deux parties, au 31 décembre 2021 :
- les restes à payer sur les engagements des années antérieures, par nature indisponibles, à hauteur de 76 % ;
- les crédits de paiement correspondant aux autorisations d'engagements non ouvertes, à hauteur de 24 % du montant du solde. Ils ne peuvent être disponibles que sur autorisation en loi de finances.
2. Une sous-consommation constatée ces dernières années
En 2020, l'exécution était en retrait par rapport à 2019, de 2,9 % en AE et de 2,6 % en CP. Cette contraction de la consommation des crédits s'est poursuivie en 2021 par rapport à 2020, respectivement de 4,7 % en AE et de 10,6 % en CP.
Comme constaté par la Cour des comptes67(*) « Ce faible taux d'exécution [en 2021] s'explique par (i) des ouvertures de crédits calculées sur le montant prévisionnel de la taxe recouvrée sans les reports des exercices précédents, inhérents au caractère pluriannuel des opérations, (ii) des prévisions de recettes particulièrement prudentes et (iii) des modalités de gestion complexes qui retardent les décaissements ».
S'agissant de l'évolution des crédits du CAS-DAR depuis 2015, le tableau ci-dessous, en lecture combinée avec le tableau supra, met en évidence, trois tendances :
- une ouverture de crédits annuelle structurellement supérieure aux montants disponibles, en raison des restes à payer ou « solde » ;
- une sous-consommation des crédits par rapport aux recettes, depuis 2009 (sauf 2010 et 2014), en combinant la lecture du tableau avec celui des recettes supra ;
- une dynamique des recettes qui dépasse le plafond depuis 2018.
Les rapporteurs précisent que les crédits en AE et CP de la première colonne correspondent aux crédits ouverts en LFI, dans la limite de la recette du CAS-DAR, majorés des reports de crédits de l'année N-1 sur l'année N et des éventuelles ouvertures de crédits en gestion68(*).
Évolution de 2015 à 2023 des AE et CP du CAS-DAR en euros
Crédits69(*) |
Exécution70(*) |
Solde |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
2015 |
138 958 426 |
180 206 929 |
137 346 485 |
131 320 500 |
1 611 941 |
48 886 429 |
2016 |
132 423 401 |
179 697 888 |
126 045 839 |
129 207 058 |
6 377 562 |
50 490 830 |
2017 |
139 797 774 |
183 911 042 |
131 669 045 |
128 949 787 |
8 128 729 |
54 961 255 |
2018 |
139 694 988 |
190 961 255 |
131 655 785 |
131 220 395 |
8 039 203 |
59 740 860 |
2019 |
144 411 404 |
195 740 860 |
139 475 784 |
130 480 516 |
4 935 620 |
65 260 344 |
2020 |
141 091 317 |
203 260 344 |
135 457 011 |
127 146 729 |
5 634 306 |
76 113 615 |
2021 |
139 695 593 |
212 113 614 |
126 400 574 |
113 716 634 |
13 295 019 |
98 396 979 |
2022 (1) |
136 639 043 |
224 396 979 |
136 639 043 |
151 083 237 |
0 |
73 313 742 |
2023(1) |
126 000 000 |
199 313 742 |
126 000 000 |
126 000 000 |
0 |
73 313 742 |
(1) Prévisions.
Source : d'après les données recueillies dans les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux
Les reports de crédits de 2021 sur 2022 d'un montant de 10 639 043 euros en AE et de 98 396 979 euros en CP, se sont ajoutés à la programmation budgétaire en AE et CP de 126 millions d'euros en AE et CP pour conduire à une prévision de crédits pour 2022 de 136 639 043 euros en AE et 224 396 979 euros en CP.
Pour 2023, la programmation budgétaire en AE et CP est de 126 millions d'euros. En revanche la recette en 2023 ne sera estimée par l'INSEE, que mi-décembre, en tenant compte des récoltes et des prix de vente 2022. Le MASA a donc prévu de consommer l'ensemble des crédits autorisés.
3. Un nécessaire renfort de la recherche en matière agricole
Force est de constater que des recettes supérieures au plafond combiné à une tendance à la sous-consommation des crédits, constatée par la Cour des comptes, conduisent à une accumulation de ressources susceptibles d'être mobilisées pour financer les dépenses du compte. Elle serait de l'ordre d'un peu plus de 28 millions d'euros71(*), au 31 décembre 2021.
Or, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la sous-consommation des crédits disponibles, à l'aune des défis auxquels fait face le monde agricole. Ils affirment avec force que la recherche notamment en matière de vaccins, de produits alternatifs pour une agriculture durable et saine, de développement de variétés capables de faire face au changement climatique, constitue une voie essentielle dans la résolution des problèmes tant actuels que futurs.
La recherche est la clé d'une porte qui ne peut s'ouvrir demain, que si elle est forgée dès aujourd'hui.
Ils relèvent que le programme d'investissement d'avenir PIA4 et celui de France 2030 ciblent le secteur agricole et agroalimentaire72(*) comprenant :
- des mesures de soutien à la recherche sur la robotique agricole, le numérique, la recherche variétale, le biocontrôle pour 428 millions d'euros ;
- des mesures de soutien à la recherche sur le microbiome, les systèmes alimentaires, les protéines, les ferments du futur, les emballages, pour 449 millions d'euros.
- des mesures d'industrialisation et de déploiement des innovations pour 1,5 milliard d'euros, qui portent sur trois grandes thématiques : la troisième révolution agricole, la transition des filières agricoles et agroalimentaires, et le développement de la filière forêt-bois ;
- un volet « fonds propres » doté de 500 millions d'euros qui doit notamment permettre de soutenir des projets innovants d'installation agricole.
IV. UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS ENTRE LES PROGRAMMES RECONDUITE EN 2023
A. LE PROGRAMME 775, UNE DOTATION DE PLUS DE 60 MILLIONS D'EUROS POUR LA CONCEPTION DE SYSTÈMES AGRICOLES PLUS INNOVANTS ET PERFORMANTS
La dotation du programme 775 « Développement et transfert en agriculture », stable par rapport à la LFI pour 2022, s'élève à 60,48 millions d'euros en AE et CP.
A titre d'exemple, ce programme a soutenu l'agriculture biologique73(*) en 2021, à hauteur de 5,5% de sa dotation, dans le cadre d'appel à projets tels que « Animation des groupements d'intérêts économique et environnemental (GIEE) » qui appuie des collectifs d'agriculteurs en transition écologique dont certains sont en agriculture biologique ou se convertissent à l'agriculture biologique.
En 2022, le montant dédié aux appels à projets dans la maquette prévisionnelle représentait 9,1 millions d'euros pour le programme 775 (soit 14,3 % du montant prévisionnel des engagements, report compris)
B. LE PROGRAMME 776, PLUS DE 65 MILLIONS D'EUROS POUR LA RECHERCHE APPLIQUÉE ET L'INNOVATION
Les crédits du programme 776 « recherche appliquée et innovation en agriculture » s'élèvent, comme l'an dernier, à 65,52 millions d'euros en AE et CP.
Pour poursuivre l'exemple de l'agriculture biologique, la dotation du programme a été utilisée à hauteur de 12,28 % des AE, dans le cadre des programmes annuels des instituts techniques agricoles (ITA) ou des projets lauréats d'appels à projets.
En 2022, le montant dédié aux appels à projets dans la maquette prévisionnelle représentait 25,94 millions d'euros pour le programme 776 (soit 35,5% du montant prévisionnel des engagements, reports compris)
Rappelons que ces projets de recherche appliquée et de développement agricole et les programmes annuels des instituts techniques agricoles financés par le CASDAR doivent produire des résultats utilisables par les agriculteurs car les recettes du CAS-DAR proviennent de la taxe sur les exploitations agricoles. En conséquence, la plupart des projets sont réalisés sous le mode innovation non protégée.
Toutefois, certains projets donnent lieu à des accords de propriété intellectuelle. Douze travaux menés par les instituts techniques agricoles en 2021 ont fait l'objet d'un accord de propriété intellectuelle. En revanche, 5 238 articles ont été publiés dans la presse nationale, 6 053 articles sur le web, 255 articles dans des revues à comité de lecture, 366 publications dans des actes de colloques et 171 publications de livres ou brochures.
Les recettes du compte proviennent de la taxe « développement agricole et rural » qui est calculée sur le chiffre d'affaires total des exploitations agricoles74(*), sans distinction du type ou du mode de production.
LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION
Dans le cadre de l'application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, quatre amendements de crédits ont été adoptés sur la mission.
Le premier amendement est le n° 2074 de M. Benoit et plusieurs de ses collègues, qui vise à abonder de 5 millions d'euros le programme « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ». En contrepartie, il minore du même montant le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture ». Il a pour objet de permettre au fonds « Avenir bio » qui est géré par l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, de soutenir la filière bio.
Si le rapporteur spécial, Patrice Joly, est favorable à cet amendement de crédit, le rapporteur spécial, Vincent Segouin, ne considère pas que l'avenir de la filière bio dépende de campagnes de communication mais plutôt de l'adéquation entre l'offre et la demande de bio qui est contrainte par un pouvoir d'achat en diminution constante.
Le deuxième amendement n° 3269, issu du Gouvernement, dote de 10 millions d'euros le programme « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ». Ces crédits supplémentaires sont destinés à financer l'ONF dans ses missions, et en particulier dans le cadre de la défense contre les incendies.
Si le rapporteur spécial, Patrice Joly, est favorable au soutien de l'ONF par un financement de ses moyens humains, de fonctionnement et d'investissement, le rapporteur spécial, Vincent Segouin, tient à souligner l'amélioration financière de l'ONF depuis 2021 ainsi que la nécessité de maintenir le cap de la maîtrise des dépenses publiques.
Le troisième amendement est le n° 2622 de Mme Anne-Laurence Petel et plusieurs de ses collègues, qui vise à créer un nouveau programme « Soutien aux associations de protection animale et aux refuges ». Il le dote de 1 million d'euros, en provenance du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture.
Le rapporteur spécial, Patrice Joly se déclare favorable à l'amendement de ses collègues députés mais s'interroge sur la nécessité de créer un nouveau programme alors qu'une ligne budgétaire « protection des animaux » existe dans l'Action 02 du programme 206. Le rapporteur spécial, Vincent Segouin, ne considère pas le changement de maquette ou la dotation, comme étant appropriés. Les crédits de paiement pour la protection des animaux dans le PLF pour 2023, s'élèvent à 375 635 euros.
Le quatrième et dernier amendement de crédit n° 3295, issu du Gouvernement, tend à rétablir les crédits gagés sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », en raison du gage à l'amendement sur la protection des animaux.
Un amendement sur la maquette de performance, n° 3263, issu du Gouvernement, vise enfin à intégrer à l'état G, l'objectif et l'indicateur de performance du programme 381, TO-DE, présentés dans le projet annuel de performance.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 41 C
(nouveau)
Statut des biens nécessaires à l'exercice des
missions du contrôle qui ont été
déléguées et qui portent sur le transport des
denrées périssables sous température dirigée
. Le présent article précise le statut des biens nécessaires à l'exercice des missions de contrôle qui ont été déléguées à un tiers et qui portent sur le transport des denrées périssables sous température dirigée
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LA DÉLÉGATION À DES TIERS DU CONTRÔLE TECHNIQUE DU TRANSPORT DES DENRÉES PÉRISSABLES SOUS TEMPÉRATURE DIRIGÉE
Le 6° du II de l'article L. 231-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) dispose qu'il doit être procédé au contrôle des conditions techniques du transport des denrées alimentaires sous température dirigée, dans l'intérêt de la protection de la santé publique.
Le transport sous température dirigée se définit par l'ensemble des moyens mis en place permettant de garantir la maîtrise des températures lors du transport de produits non stables.
L'article L. 231-4-1 du CRPM prévoit qu'un décret en Conseil d'État organise les modalités de la délégation de ce contrôle à des tiers.
Ce décret75(*), publié le 2 octobre 2020, a réécrit l'article R. 231-49 du CRPM.
A. LA PORTÉE DE LA DÉLÉGATION
Le I de l'article R. 231-49 du CRPM dernier dispose que le ministre chargé de l'agriculture peut déléguer à un organisme tiers les missions suivantes :
- l'examen de la conformité des engins de transport des denrées alimentaires sous température dirigée, conformément aux normes techniques, ainsi que la délivrance des attestations de conformité à ces normes76(*);
- les opérations relatives à la base de données de délivrance de ces attestations, c'est-à-dire sa conception, sa gestion, sa maintenance, son contrôle ainsi que les droits et modalités d'accès par internet77(*);
- l'instruction des demandes de reconnaissance des centres de tests pour l'examen de conformité aux normes techniques, notamment la conduite du processus de leur évaluation technique, ainsi que la rédaction du référentiel des tests et examens réalisés par ces centres78(*).
B. LES CONDITIONS DE L'OCTROI DE LA DÉLÉGATION
Le II de l'article R. 231-49 du CRPM conditionne l'octroi de la délégation au respect par le délégataire des conditions suivantes :
1° la possession de « l'expertise, l'équipement et les infrastructures nécessaires » ;
2° un personnel « qualifié et expérimenté, en nombre suffisant » ;
3° les « garanties d'indépendance, d'impartialité et de confidentialité ... ».
II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE PRÉCISION SUR LE STATUT DES BIENS NÉCESSAIRES AUX MISSIONS DE CONTRÔLE DU DÉLÉGATAIRE
Le présent article additionnel est issu de l'amendement n° 2793 du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3, alinéa 3 de la Constitution.
Il tend à préciser le statut des biens nécessaires à l'exercice des missions du contrôle qui ont été déléguées à un tiers et qui portent sur le transport des denrées périssables sous température dirigée.
À cet effet, le I du présent article complète l'article L. 231-4-1 du CRPM, avec deux alinéas disposant respectivement que ces biens :
- demeurent la propriété de l'organisme délégataire lorsqu'ils n'ont pas été apportés par la personne publique délégante, sauf stipulation contraire de la convention de délégation ;
- et ne peuvent être cédés à des tiers pendant la durée de la délégation, sauf autorisation de la personne publique. Cette disposition est justifiée par la nécessité de garantir la continuité du service public.
Le II du présent article précise son application temporelle. Ces nouvelles dispositions sont applicables aux conventions de délégation du contrôle de transport des denrées périssables sous température dirigée, en cours d'exécution à la date de publication de la présente loi.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE NÉCESSAIRE CLARIFICATION
L'actuelle qualification de ces biens qui sont nécessaires à l'exercice des missions de contrôle et qui n'ont pas été apportés par la personne publique est source d'insécurité juridique. Cela concerne notamment les tunnels de tests des camions frigorifiques, qui permettent de réaliser les essais de conformité de ces camions à la réglementation du transport frigorifique.
Le manque de précision sur leur statut crée un vide juridique qui fragilise l'exécution de la mission de contrôle effectuée par le délégataire ainsi que les conditions de renouvellement de la délégation.
En effet, ces biens peuvent être dans certains cas qualifiés de biens de retour, indispensables à l'exécution du service public et en conséquence, retourner à la personne publique en fin de délégation. Or, si ce retour s'effectue gratuitement, il reviendrait toutefois au ministère en charge de l'Agriculture d'indemniser le délégataire de la valeur non amortie de ces biens, alors même que le programme 206 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires durables », ne dispose pas des crédits pour y procéder.
Le présent article lève donc toute ambiguïté quant au statut de ces biens qui n'ont pas été apportés par la personne publique délégante et qui contribuent à l'exécution des missions de service public de contrôle par le délégataire des conditions techniques du transport des denrées alimentaires sous température dirigée.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification
ARTICLE 41 D
(nouveau)
Répartition entre les régions des dotations
relatives au transfert de la gestion des aides non surfaciques du second pilier
de la PAC
ainsi que de celles des sites terrestres classés Natura
2000
. Le présent article prévoit :
- de répartir la dotation budgétaire de 100 millions d'euros du programme 149 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » entre les régions au titre du transfert des aides non surfaciques du développement rural du second pilier de la nouvelle PAC 2023-2027 ;
- d'instituer et de répartir une dotation de 13 219 064 euros au profit des régions pour la gestion des sites terrestres Natura 2000 à compter du 1er janvier 2023.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LE TRANSFERT AUX RÉGIONS DE LA GESTION DES AIDES NON SURFACIQUES DU DÉVELOPPEMENT RURAL ET DE LA GESTION DES SITES TERRESTRES NATURA 2000
A. LE TRANSFERT AUX RÉGIONS DES AIDES NON SURFACIQUES EN 2023
1. La gestion des aides non surfaciques du second pilier de la Politique Agricole Commune (PAC)
Dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), l'Union européenne a mis en place une politique consacrée au développement rural financée par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Il s'agit du second pilier de la PAC79(*). Parmi les aides relevant de ce pilier, on compte les mesures non surfaciques car ne relevant pas d'une déclaration de surface, notamment :
- les aides aux investissements (comme par exemple les PCAE -- plans de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles) ;
- les aides à l'installation (dotation au « jeune agriculteur » et au « nouvel agriculteur ») ;
- les aides aux instruments de stabilisation du revenu ;
- les aides à la coopération (organisation de producteurs) ;
- les aides à l'échange de connaissances et à la diffusion d'informations (conseil) ;
- les programmes « Liaison Entre Action de Développement de l'Économie Rurale » (LEADER) ;
- la forêt ;
- les Mesures agroenvironnementales et Climatiques (MAEC) non surfaciques (ruches et races menacées) ;
- et la nouvelle MAEC forfaitaire (transition agroécologique).
Ces aides non surfaciques sont à ce jour traitées par les services déconcentrés de l'État.
2. Leur transfert aux régions dans le cadre de la nouvelle PAC
La nouvelle PAC portant sur la période 2023-2027, entrera en vigueur le 1er janvier 2023. En effet, le Plan stratégique national de la France, qui en décline les objectifs, a été approuvé par la commission européenne le 31 août dernier.
Le pilotage des aides non surfaciques du FEADER sera alors confié aux régions qui deviendront en conséquence, l'autorité de gestion du soutien aux investissements, des aides à l'installation des jeunes agriculteurs ainsi que des aides au développement local, à l'exception de Mayotte où les aides non surfaciques demeurent sous l'autorité de l'État.
En outre, l'État conservera la gestion du premier pilier ainsi que celle des dispositifs surfaciques : l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), soutien à l'agriculture biologique et mesures agro-environnementales et climatiques liées à la surface et assimilés à des aides surfaciques.
B. LE TRANSFERT AUX RÉGIONS DE LA GESTION DES SITES NATURA 2000
Le réseau Natura 2000 est constitué d'un ensemble de sites naturels, terrestres et marins qui vise à assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés, et à forts enjeux de conservation en Europe. Il rassemble 1 756 sites situés en métropole, couvrant environ 13 % de la surface terrestre et 35 % de la zone économique exclusive métropolitaine.
Il convient de distinguer la période avant et après le 1er janvier 2023, date de la mise en oeuvre de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration (dite loi 3DS)80(*)
1. Une approche contractuelle et volontaire du pilotage par les régions avant la mise en oeuvre de la loi 3DS
L'approche française de Natura 2000 est jusqu'au 31 décembre 2022, à la fois contractuelle et volontaire. Les sites Natura 2000 terrestres ont vocation à être gérés par une collectivité territoriale, sur la base du volontariat. À défaut de collectivité volontaire, le préfet est l'autorité compétente.
Il convient de relever que le comité de pilotage (COPIL) de gouvernance locale rassemble aujourd'hui l'ensemble des acteurs concernés, c'est-à-dire, les services de l'État, toutes les collectivités territoriales incluses dans le périmètre du site et les acteurs socioprofessionnels concernés.
2. Une compétence désormais exclusive des régions pour les sites terrestres à compter du 1er janvier 2023
La loi 3DS81(*) décentralise la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres, au profit des régions, collectivités cheffes de file naturelles en matière de biodiversité.
En conséquence, elle a modifié les articles L. 414-1 et suivants du code de l'environnement afin de transférer le rôle d'autorité administrative, qui est occupé par le préfet de département, aux régions. Ces dernières seront notamment en charge, à partir de 2023, de la constitution du comité de pilotage (COPIL) du site Natura 2000 avant désignation de la présidence du COPIL, de l'approbation et du suivi de la mise en oeuvre du document d'objectifs (DOCOB).
En revanche sont exclues du nouveau périmètre de décentralisation, les missions de désignation des sites Natura 2000 ainsi que l'instruction des évaluations des incidences Natura 2000.
II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA RÉPARTITION ENTRE LES RÉGIONS DES DOTATIONS DE L'ÉTAT POUR LE TRANSFERT DE LA GESTION DES AIDES NON SURFACIQUES ET DES SITES TERRESTRES NATURA 2000
Le présent article additionnel est issu de l'amendement n° 2778 du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3, alinéa 3 de la Constitution.
Cet article présente un double objet, celui de répartir entre les régions la dotation nécessaire, d'une part, à la gestion des aides non surfaciques, et d'autre part, à celle des sites terrestres Natura 2000.
A. LA RÉPARTITION DE LA DOTATION DE 100 MILLIONS D'EUROS POUR LES AIDES NON SURFACIQUES
Le I du présent article prévoit la répartition entre les régions de la dotation de 100 millions d'euros, budgétée dans le cadre de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » afin de financer les nouvelles compétences des régions en matière d'aides non surfaciques.
À cet effet, le I du présent article dispose qu'il est institué une dotation de 100 millions d'euros par an au « profit des régions, de la collectivité de Corse et des départements ou régions d'outre-mer compétents afin de les accompagner » pour exercer leur compétence de gestion des aides énumérées au VI de l'article 78 de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.82(*)
Ce transfert concerne la période de programmation du FEADER débutant en 2023. La répartition entre les différentes régions est la suivante :
Régions |
Montants en euros |
Auvergne-Rhône-Alpes |
17 092 515 |
Bourgogne-Franche-Comté |
9 007 157 |
Bretagne |
9 516 234 |
Centre-Val-de-Loire |
3 848 963 |
Grand Est |
6 334 715 |
Hauts-de-France |
3 764 951 |
Île-de-France |
840 733 |
Nouvelle-Aquitaine |
10 759 845 |
Normandie |
5 668 202 |
Occitanie |
15 625 114 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur |
3 449 494 |
Régions |
Montants en euros |
Pays-de-la-Loire |
9 272 710 |
Corse |
1 236 828 |
Guadeloupe |
935 730 |
Guyane |
594 788 |
Martinique |
640 427 |
La Réunion |
1 411 594 |
Source : Article 41 D du projet de loi de finances pour 2023
B. LA RÉPARTITION DE LA DOTATION DE 13,2 MILLIONS D'EUROS POUR LA GESTION DES SITES TERRESTRES NATURA 2000
Le second objet du présent article est de mettre en oeuvre le transfert de la gestion des sites Natura 2000 terrestres aux régions, conformément à la loi 3DS.
À cet effet, le paragraphe II dudit article institue une dotation d'un montant de 13 219 064 euros au profit des régions aux fins de financement des dépenses d'intervention associées à l'exercice de cette compétence.
Cette dotation est inscrite au programme 113 « paysages, eau et biodiversité » de la mission « mission Écologie, développement et mobilité durables » relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et est budgétisée jusqu'en 2027.
La répartition est la suivante :
Régions |
Montants en euros |
Auvergne-Rhône-Alpes |
1 726 835 |
Bourgogne-Franche-Comté |
1 341 116 |
Bretagne |
355 462 |
Centre-Val-de-Loire |
562 582 |
Corse |
177 924 |
Grand Est |
2 261 054 |
Hauts-de-France |
313 110 |
Île-de-France |
455 758 |
Nouvelle-Aquitaine |
2 401 301 |
Normandie |
782 945 |
Occitanie |
1 325 330 |
Provence-Alpes-Côte d''Azur |
413 574 |
Pays de la Loire |
1 102 073 |
Source : Article 41 D du projet de loi de finances pour 2023
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RÉPARTITION NÉCESSAIRE DES DOTATIONS ENTRE LES RÉGIONS
A. LA MISE EN oeUVRE DU TRANSFERT DES AIDES NON SURFACIQUES AUX RÉGIONS
Les rapporteurs spéciaux rappellent que la dotation de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement abonde la nouvelle sous-action « PAC 2023 2027 - Transferts aux conseils régionaux » de l'action 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » de la mission.
Cette dotation doit permettre de financer le transfert vers les conseils régionaux des mesures non surfaciques qui consistent essentiellement en des aides à l'installation et à l'investissement. Elle provient du budget du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire à hauteur de 91,55 millions d'euros et de 8,45 millions d'euros du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Une ordonnance du 26 janvier 2022 relative à la gestion du FEADER83(*) a préalablement modifié le VI de l'article 78 de la loi précitée afin de confier la gestion de ces aides non surfaciques du FEADER aux régions.
La ventilation de la dotation entre les régions a été effectuée, en accord avec l'Association des Régions de France, et vise à garantir à chacune d'entre elles, le niveau de financement nécessaire pour faire face à leurs nouvelles compétences de gestion des aides non surfaciques.
Enfin, les rapporteurs spéciaux relèvent qu'une mission d'inspection conduite par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et l'inspection générale de l'administration, a été lancée au début du mois d'octobre afin d'évaluer les besoins de transferts d'emplois à temps plein (ETP) entre l'État et les régions afin de gérer les fonds du FEADER.
B. LA DÉCENTRALISATION DE LA GESTION DES SITES TERRESTRES NATURA 2000 AUX RÉGIONS
Les rapporteurs spéciaux observent que les nouvelles dispositions de la loi 3DS renforcent l'engagement des régions dans la gestion du réseau terrestre Natura 2000, en cohérence avec leur rôle de cheffes de file en matière de biodiversité et d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, la région constitue également l'autorité de gestion des fonds européens mobilisables à l'appui des contrats Natura 2000.
Le présent article met donc en oeuvre la décentralisation prévue au 1er janvier 2023 par la loi 3DS, en instituant une dotation répartie entre les régions nécessaire pour l'exercice de leurs missions conformément à la loi.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 8 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Vincent Segouin et Patrice Joly, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons aujourd'hui le rapport de M. Patrice Joly et M. Vincent Segouin sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar).
Nous accueillons Mme Françoise Férat, M. Jean-Claude Tissot et M. Laurent Duplomb, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s'élèvent à un peu plus de 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP). Ces crédits progressent de 29,6 % par rapport à loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Toutefois, si l'on raisonne à périmètre constant, cette augmentation ne s'élève plus qu'à 15,5 % ; et au regard de l'inflation prévisionnelle pour l'année prochaine, elle se situe plutôt autour de 8 ou 9 %.
Depuis l'année dernière, les crédits de la pêche ont été transférés au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, tandis qu'un nouveau programme vient compléter la mission ; il s'agit du programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture », avec le fameux dispositif concernant les travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi (TO-DE), qui vise à soutenir les employeurs de saisonniers agricoles.
La mission s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC), couvre la période de 2023 à 2027. Le plan stratégique national (PSN) a été validé par la Commission européenne (CE) le 31 août dernier. Celui-ci porte sur une enveloppe de 45,2 milliards d'euros pour la période. Il précise notamment les dotations minimales attribuées aux écorégimes, aux mesures agroenvironnementales du second pilier, à l'aide aux jeunes agriculteurs et à l'aide redistributive au revenu qui permet de soutenir les plus petites exploitations.
Le fait marquant de notre budget est la nouvelle répartition des aides non surfaciques entre l'État et les régions. Les dispositifs surfaciques relèvent de la compétence de l'État ; il s'agit notamment de l'indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN) et du soutien à l'agriculture biologique. Les aides non surfaciques sont, quant à elles, transférées aux régions ; cela concerne le soutien aux investissements, les aides à l'installation des jeunes agriculteurs et les aides au développement local, à l'exception de Mayotte où les aides non surfaciques demeurent sous l'autorité de l'État.
Cette nouvelle répartition se traduit par une budgétisation au bénéfice des régions de 100 millions d'euros en AE et CP dans le programme 149. Ces crédits viennent soutenir la compétitivité et la durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, dont la dotation globale s'élève à 2,08 milliards d'euros en CP.
Une autre caractéristique de cette mission concerne la traduction budgétaire de certaines réformes ; je mentionnerai la création de la police unique de la sécurité sanitaire, tandis que mon collègue Vincent Segouin évoquera « l'assurance récolte », qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023.
La nouvelle police unique de sécurité sanitaire relève du programme 206 recouvrant la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation, dont la dotation s'élève à 654 millions d'euros en AE et CP, soit une augmentation d'un peu plus de 7 % par rapport à la LFI pour 2022. Cette police unique répond à un besoin de lisibilité, de réactivité et d'efficience en termes de contrôle. Elle était très attendue, à la fois par les agriculteurs et par tous ceux qui portent une attention particulière à la compétitivité de notre agriculture.
La sécurité alimentaire fait intervenir de nombreux acteurs. Dans la nouvelle organisation, la direction générale de l'alimentation (DGAL) deviendra l'organisme de contrôle officiel. La portée de ses contrôles concernera toute nourriture à destination des personnes comme des animaux, les denrées animales ou d'origine animale comme les denrées végétales ou d'origine végétale.
Un certain nombre de compétences de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère en charge de l'économie seront transférées vers la DGAL.
Un total de 150 équivalents temps plein (ETP) sera affecté au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, provenant, d'une part, d'un transfert de 60 ETP de la DGCCRF et, d'autre part, d'une création de 90 ETP supplémentaires.
Au-delà des réformes et de l'augmentation des dotations, plusieurs constats demeurent alarmants au regard des enjeux auxquels sont confrontées à la fois l'agriculture et la forêt. Le premier constat concerne l'état de nos forêts. Les crédits du programme 149 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » s'élèvent à 286 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à 2022. L'an dernier, nous observions déjà que la filière était confrontée à des difficultés économiques majeures, tandis que l'opérateur principal de la gestion forestière traversait de grandes difficultés auxquelles le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) devait répondre.
Nous constatons aujourd'hui une amélioration de la situation financière de l'Office national des forêts (ONF), en raison notamment de la conjoncture économique favorable du marché du bois ainsi que des effets du contrat État-ONF prévu sur la période 2021-2025.
Toutefois, selon l'ONF, « la situation de l'établissement reste fragile et fortement exposée aux aléas de la conjoncture économique du marché du bois ». Or, l'Office représente un acteur essentiel de la préservation de nos forêts aujourd'hui atteintes par la sécheresse et les incendies. Le bilan de l'année 2022, avec son cumul exceptionnel de canicule et de sécheresse, s'élève à plus de 70 000 hectares de surface brulée.
Les forêts sont également menacées de dépérissement. D'ici à 2050, selon les experts de l'ONF, 30 % d'entre elles risquent de basculer en situation « d'inconfort climatique marqué ». L'ONF devra procéder au renouvellement des espèces à un rythme annuel de l'ordre de 70 000 hectares par an. Le défi est de taille, et il ne peut être relevé avec la réduction constante du schéma d'emplois observée ces dernières années.
Aussi, je me réjouis de l'amendement du Gouvernement dotant le programme 149 de 10 millions d'euros supplémentaires, afin de ralentir la réduction d'emplois à l'ONF. Cet amendement permettra de financer 60 emplois - les 20 emplois supplémentaires prévus devant être financés par l'ONF -, ainsi que les outils destinés à répondre aux nouveaux enjeux. Nous sommes encore très loin des moyens nécessaires pour affronter les incendies ou pour travailler aux perspectives d'avenir.
Autre constat : le danger qui pèse sur le renouvellement des générations agricoles. Cela renvoie à la question du revenu des agriculteurs et à celle de la transmission des exploitations et de l'installation des jeunes agriculteurs.
Concernant les revenus, les chiffres sont évocateurs. Selon l'Insee, la population agricole est plus exposée à la pauvreté monétaire que les autres : 18 % des agriculteurs vivent ainsi sous le seuil de pauvreté, soit 3 % de plus que la moyenne nationale ; en 2018, le niveau de vie des 10 % des personnes les plus modestes ne dépassait pas 9 800 euros par an ; enfin, le revenu annuel d'une entreprise agricole s'élevait à seulement 27 000 euros en moyenne sur la période 2009-2019.
L'activité agricole est le plus souvent insuffisante pour assurer un niveau de vie minimum. Seul un tiers des ressources des ménages agricoles provient, en moyenne, de l'activité agricole.
Quant à la transmission des exploitations, elle constitue un « angle mort » des politiques publiques. Certes, le territoire ne perd plus de terres agricoles depuis l'an 2000, avec une stabilisation de la surface agricole utile (SAU) à 48 % du territoire national. Toutefois, on observe une forte diminution du nombre des exploitations, avec 390 000 exploitations recensées en 2020, soit 260 000 de moins qu'en 2000.
Par ailleurs, la population des exploitants vieillit : 43 % des exploitants agricoles sont âgés de 55 ans ou plus. Vincent Segouin et moi-même plaidons pour un soutien plus actif aux entrants comme aux sortants. Une politique de l'installation est préférable à une politique de l'installé ; il s'agit de sortir de la seule logique de la dotation jeune agriculteur (DJA) et de privilégier un accompagnement qui relève de l'ingénierie, avec des moyens humains mis à disposition.
La politique actuelle est ambitieuse, elle vise à favoriser l'installation, préserver le modèle familial français et protéger les modes de production. Cependant, la traduction de ces objectifs n'est pas à la hauteur des enjeux et ne peut se réduire au nombre de DJA. Au regard de cette augmentation en trompe-l'oeil des crédits, et sachant les besoins de l'agriculture et de la forêt pour répondre aux enjeux vitaux précédemment évoqués, les moyens dédiés à la mission sont très loin d'être suffisants. Je propose d'émettre un avis défavorable à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Je souhaite ajouter quelques observations. Il me semble indispensable de renforcer les moyens en ETP pour assurer les contrôles sanitaires aux frontières et garantir une concurrence loyale. Par ailleurs, le secteur de l'agriculture biologique, qui a connu un développement soutenu durant la période 2015-2020, a vu la croissance de son marché s'interrompre en 2021, avec une baisse de 3,1 % des ventes en valeur par rapport à 2020, sans que l'on sache encore si les raisons de cette baisse sont conjoncturelles ou structurelles. Aussi, j'approuve l'amendement de crédits de 5 millions d'euros de nos collègues députés, repris par le Gouvernement, en faveur du fonds Avenir Bio. On ne peut par ailleurs que regretter l'absence du chèque alimentaire annoncé par le Président de la République lors de sa campagne électorale, qui aurait pu favoriser une alimentation de meilleure qualité pour l'ensemble de nos concitoyens.
Malgré sa perfectibilité, je recommande l'adoption des crédits du CAS-DAR, avec la réserve suivante : celle de consommer l'ensemble des crédits qui y sont affectés. Ceux-ci proviennent d'une taxe sur le chiffre d'affaires des agriculteurs, ils doivent donc être totalement utilisés pour la recherche appliquée dans le monde agricole.
Je vous présente enfin deux articles rattachés à la mission, issus des amendements du Gouvernement, mais qui relèvent plutôt de la mise en oeuvre de dispositifs déjà adoptés ou de clarification de problématiques techniques. Il s'agit de l'article 41 D, qui prévoit la répartition entre les régions des dotations destinées à leurs nouvelles compétences dans le cadre du transfert de la gestion, d'une part, des aides non surfaciques de la nouvelle PAC et d'autre part, de celle des sites terrestres Natura 2000, conformément au dispositif de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS).
L'article 41 C, quant à lui, s'inscrit dans le cadre du contrôle des conditions de transports frigorifiques des denrées périssables. Ce contrôle peut être délégué à des tiers. Qu'en est-il des biens qui servent à ce contrôle ? Il existe actuellement un vide juridique sur la nature de ces biens, qu'ils soient de retour ou pas. L'article tranche, ces biens demeurent la propriété du délégataire. De mon point de vue, il ne pose pas de problème.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » - Le 28 septembre dernier, la commission des affaires économiques rendait son rapport sur la ferme France, un rapport alarmant qui mesurait la perte de compétitivité de notre pays sur les vingt dernières années : « Alors que le commerce international de produits agroalimentaires n'a jamais été aussi dynamique, la France est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent. » Les exportations, portées par les vins et les spiritueux, augmentent, et les importations, qui représentent plus de la moitié des denrées consommées, explosent.
Ces pertes de marché sont dues à la perte de compétitivité de la « Ferme France" qui, comme je le rappelle chaque année, est due à un coût du travail élevé ; à la surtransposition de règles environnementales ; à l'interdiction de construction de retenues d'eau et de moyens de prévention contre les aléas entraînant des pertes de volume ; et, surtout, à la stratégie de montée en gamme des produits agricoles et agroalimentaires menée depuis 2017, sans un raisonnement adapté par filière.
On aurait pu croire que, dans le pays où l'industrie du luxe est bénéficiaire, la stratégie de la montée en gamme soit opportune, mais c'est ignorer le besoin de consommation et le pouvoir d'achat des Français - à mon sens, nous faisons fausse route.
À titre d'exemples, on interdit la production de volailles en batterie par souci du bien-être animal et, en même temps, on importe des poulets issus de ces élevages pour la consommation quotidienne des Français ; on interdit le diméthoate pour la culture de la cerise au risque de perdre les producteurs français et, en même temps, on importe de la cerise de Turquie sans vérifier s'il reste des résidus de diméthoate dans les fruits ; on laisse détruire des réserves d'eau autorisées administrativement alors qu'en France nous ne retenons que 4 % des eaux de pluie, sachant que l'Espagne en retient 40 %. Nous pourrions encore citer beaucoup d'autres exemples. La balance commerciale est de moins en moins excédentaire et les alertes que nous lançons pour l'agriculture rappellent celles qui ont été lancées au moment des choix de désindustrialisation de la France. Nous en connaissons les conséquences et faisons machine arrière.
À la lecture du budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », nous observons une augmentation de budget de 29,88 %. Comme vient de l'expliquer Patrice Joly, il s'agit d'un budget en trompe-l'oeil. Si tout se résumait au budget, nous pourrions penser que tout va bien ; mais tous les problèmes ne se règlent pas avec de l'argent public. De plus en plus, les ministères font la course aux dotations supplémentaires, plutôt que d'essayer de maîtriser ces dotations.
L'augmentation du budget est due, en partie, à la mise en place de l'assurance récolte, qui a le mérite de définir le rôle de chacun entre l'agriculteur, l'assureur et l'État. Le budget est donc plus sincère et évitera sûrement des projets de loi de finances rectificative (PLFR) pour couvrir les risques assurables ou non assurables.
Une dépense de 560 millions d'euros est prévue pour subventionner cette assurance qui, je le rappelle, couvre les cotisations à hauteur de 70 % et les pertes au-delà de 50 % - sauf en arboriculture et en prairie, où les pertes seront prises en compte au-delà de 30 %. Ces crédits sont financés à hauteur de 120 millions d'euros par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et de 184,5 millions d'euros par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) de la PAC ; le reste est financé par le budget.
Avec l'augmentation des aléas, nous ne sommes pas certains que ce budget soit suffisant. Cette assurance était très attendue, sachant qu'une récolte sur cinq a été perdue et que ce constat démotivait les jeunes de s'installer.
La « Ferme France » perdait de la compétitivité à cause d'un coût de travail élevé. Pour y remédier a été créé le dispositif TO-DE, qui vise à exonérer de charges sociales les emplois saisonniers. Reconduit par les députés, la pérennité du dispositif est décisive pour l'installation des jeunes employant de la main-d'oeuvre, afin qu'ils puissent établir un plan de financement prévisionnel stable et rentable.
Ce dispositif serait aussi nécessaire, de façon générale, dans l'industrie ; mais cela paraît très compliqué, tant les besoins en prestations sont importants. Cependant, il est temps d'avoir à l'esprit que les dépenses supplémentaires entravent notre compétitivité dans de nombreux domaines et accentuent le déclin de la balance commerciale.
Nous perdons de la compétitivité en imposant à nos agriculteurs des normes supplémentaires, qui n'apportent pas de rentabilité. Elles ne sont même pas revalorisées dans les prix de vente, car nos concitoyens n'ont pas un pouvoir d'achat extensible. La filière bio a eu le mérite de donner un prix à la qualité, mais cela reste un marché de niche, comme nous avons pu le constater avec la hausse de l'inflation. Tout le monde a envie de manger mieux, mais le pouvoir d'achat fixe les limites.
Nous importons et nous ne contrôlons pas aux frontières la qualité des produits en fonction des normes françaises. Nous renforçons même les effectifs pour contrôler les fermes françaises au risque de les décourager et sans plus-value. Il est temps que l'administration accompagne l'économie française.
Enfin, les agriculteurs ont financé en moyenne les cinq dernières années le CAS-DAR à hauteur de 138 millions d'euros. Ce fonds a vocation à financer la recherche notamment dans la lutte contre les aléas. Le budget plafonne à 126 millions d'euros et, considérant le faible nombre de projets, l'excédent s'avère transféré sur le solde comptable du compte. Comment le ministère de l'agriculture peut-il se satisfaire d'une telle situation ?
Le ministère doit fixer les objectifs en matière de politique agricole afin de rétablir la situation économique actuelle et retrouver à la fois notre compétitivité et notre souveraineté alimentaire. Allons-nous développer et imposer les mêmes contrôles aux produits importés qu'aux produits français, et renforcer ainsi les effectifs pour cet exercice ? Allons-nous développer la recherche pour adapter nos productions aux aléas et aux maladies ? Allons-nous avoir une politique de l'eau en accord avec la politique agricole ?
En attendant des réponses précises, je vous propose malgré tout d'accepter ce budget à trois conditions : que le plan de travaux de réhabilitation du site du Maine du ministère de l'agriculture, estimé à 22 millions d'euros soit reporté ; que les amendements augmentant les effectifs de l'ONF, les crédits du fonds Avenir Bio, soient supprimés ; que le CAS-DAR soit utilisé dans sa totalité pour la recherche et que les effectifs ou les contrôles aux frontières des produits importés soient accrus.
M. Claude Raynal, président. - Pour résumer, je comprends que l'un des rapporteurs spéciaux n'est pas favorable au vote des crédits de la mission, tandis que l'autre y serait favorable à condition qu'elle soit profondément modifiée.
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Le ministre semble se satisfaire de maintenir le budget du CAS-DAR à hauteur de 126 millions d'euros. Il faut rappeler que, l'année dernière, ce budget était passé de 136 à 126 millions d'euros. En euros constants, dans la mesure où l'on ne tient pas compte de l'inflation, on observe une baisse des moyens dédiés à l'agriculture. En cumulé, les pertes du CAS-DAR correspondent à plusieurs dizaines de millions d'euros ; des sommes qui - j'ose le mot - ont été spoliées au monde agricole et réinjectées dans le budget général de l'État. On a pris de l'argent aux paysans sans leur rendre.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Après l'examen de ce rapport, qui fait suite au rapport publié en septembre dernier sur l'état de la compétitivité de l'agriculture, me revient une phrase écrite par une journaliste qui résume très bien la politique agricole française : « L'histoire pourrait ressembler à un conte pour enfants dans lequel les habitants d'un pays comblé par la nature, croulant sous ses bienfaits, en seraient curieusement venus à se persuader que les richesses les entourant étaient les fruits non pas de siècles de labeur des générations précédentes, du climat ou de la géographie, mais de leur propre vertu, et qui, à force de s'aveugler sur eux-mêmes, en viendraient à détruire leur trésor. »
Tant que nous ne comprenons pas que nous sommes en train de détruire notre trésor, nous n'arriverons pas à inverser la tendance. Le budget proposé cette année, malheureusement, ne permettra pas d'impulser une inversion du système actuel. Bien sûr, on peut fixer des prescriptions, apporter des critiques ; il n'en reste pas moins que ce budget est plus encore qu'en trompe-l'oeil. Il augmente de 900 millions d'euros, soit un budget passant de 3 à 3,9 milliards d'euros. On pourrait se dire qu'enfin on va mettre les moyens nécessaires pour améliorer la compétitivité de l'agriculture, mais ce n'est pas le cas.
La commission des affaires économiques, qui n'a pas encore totalement arrêté son avis, tend plutôt à rejeter ce budget. En effet, nous assistons à une forme de supercherie financière, dans la mesure où, sur ces 900 millions d'euros, 430 millions proviennent d'un transfert du TO-DE. Le Président de la République déclarait en début d'année au salon de l'agriculture qu'il souhaitait pérenniser ce dispositif. Or, dans les faits, il n'a fait que le maintenir pour une année supplémentaire ; et, grâce à un amendement à l'Assemblée nationale, le dispositif s'étendra sur trois ans - attendons de voir si le Sénat adoptera un amendement pour le pérenniser véritablement. C'est une politique de gribouille, pas une politique qui comprend la situation et veut améliorer la compétitivité.
En outre, 60 millions proviennent non pas du budget de l'État, mais de taxes additionnelles sur les assurances payées par les agriculteurs. Une somme de 250 millions d'euros est orientée vers l'assurance récolte. Mais, si l'on respectait les quatre critères de la loi telle qu'adoptée par le Sénat - les 20 % de franchise ; les 70 % de subvention de l'assurance récolte ; les 30 et 50 % correspondant aux taux d'intervention -, les crédits devraient s'élever non pas à 580 millions d'euros euros, mais à 680 millions d'euros. Encore une fois, le Gouvernement n'a pas compris la réalité de l'agriculture et ne fait pas les choses complètement.
Cette augmentation de 7 % du budget réel correspond, comme par hasard, à peu près au taux de l'inflation. Il s'agit donc de faire la même chose avec le même budget et, si l'inflation augmente encore, il s'agira de faire moins.
Donner un avis positif, même circonstancié, ne permettrait pas de s'opposer à cette mauvaise interprétation de la réalité. Il faut un électrochoc et dire clairement que le Gouvernement doit réviser sa copie, en prenant en compte la réalité de la souveraineté alimentaire et en arrêtant de soumettre sans cesse les agriculteurs à des contraintes, des conditions, des normes. À mon sens, cela ne coûterait pas très cher et, au contraire, permettrait même d'économiser de l'argent.
Enfin, j'évoquerai un dernier point de nature à vous inviter à ne pas adopter les crédits de cette mission. J'étais très favorable à la création d'une police au sein de la DGAL, car c'est le sens de l'histoire. Mais, si l'on souhaite mieux contrôler notre alimentation, est-ce la bonne solution de retirer des effectifs à la DGCCRF pour les transférer à la DGAL ? On en revient à la problématique des clauses miroirs. Vincent Segouin a pris l'exemple des cerises ; nous interdisons une molécule et laissons entrer des cerises de Turquie gorgées de cette même molécule. Agir ainsi, c'est être d'une naïveté coupable et s'appauvrir. Si l'on ne veut pas connaître de telles situations, il faut pouvoir contrôler, et pour ce faire, il faut que notre police alimentaire soit à un Rungis. Or on nous propose de disséminer cette police dans les départements. Des fonctionnaires tatillons vont embêter les restaurateurs, alors que l'on devrait plutôt se doter d'une vraie police à nos frontières pour contrôler les produits ne respectant pas nos normes.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les interventions démontrent que la situation de l'agriculture est complexe et que celle-ci se trouve à la croisée des chemins. Entre les contraintes climatiques, les enjeux liés à l'Europe - je rappelle que la PAC était l'une des politiques emblématiques de l'Union européenne (UE). S'il faut sans doute s'interroger de nouveau sur cette politique, il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain.
M. Segouin propose de reporter le projet du Maine. Est-ce sur l'exercice suivant ? Peut-il nous en donner les raisons ?
Concernant le CAS-DAR, je ne crois pas que les contributions des agriculteurs, quand elles ne sont pas consommées, passent dans le budget général. À ma connaissance, cela reste dans le budget du CAS-DAR.
M. Arnaud Bazin. - Je souhaite intervenir sur la question de la sécurité sanitaire des aliments, en particulier des aliments d'origine animale. Jusque récemment, nos compatriotes vivaient dans l'idée que la sécurité sanitaire des aliments qu'ils achètent dans le commerce traditionnel était un acquis d'un pays développé comme le nôtre. Ces derniers temps, il y a eu des accidents dramatiques ; des familles ont perdu des enfants, d'autres verront leurs enfants handicapés pour le restant de leur vie. Ces accidents ne se sont pas produits avec des denrées alimentaires acquises dans un commerce de quartier qui aurait échappé à la surveillance, mais dans des unités de production importantes, dans de gros groupes agroalimentaires. Cela pose la question de la qualité du contrôle par les services de l'État de ces unités de production. On ne peut pas imaginer, surtout avec les signaux d'alerte diffusés par certains salariés, que les contrôles n'aient pu éviter d'en arriver à cette situation.
M. Duplomb a évoqué la question de la réorganisation des services, avec le souci de mieux contrôler les importations. Ma question, complémentaire, porte sur les éléments qu'ont pu recueillir nos rapporteurs sur cette réorganisation. On nous indique 7 % de moyens supplémentaires. La question fondamentale est la suivante : va-t-on reconstruire un système de contrôle de la qualité sanitaire qui garantisse à nos compatriotes qu'ils n'empoisonnent pas leurs enfants en achetant leurs denrées dans le système traditionnel et théoriquement inspecté ? Dispose-t-on d'éléments qui nous rassurent ? Allez-vous, dans l'année qui vient, vous intéresser plus particulièrement à ce sujet en termes de contrôle ?
M. Michel Canévet. - La manière dont nos rapporteurs abordent les choses me semble un peu sévère. Nous sommes dans un contexte d'accroissement significatif des crédits. Un certain nombre d'orientations me semblent aller dans le bon sens ; je pense à la mise en oeuvre de la nouvelle PAC, à l'assurance récolte, à la pérennisation et, je l'espère, à l'extension du dispositif TO-DE. Sans occulter la baisse préoccupante du nombre d'exploitants agricoles ou encore la question de la sécurité alimentaire, je vois des signes positifs dans ce budget.
Je souhaite interroger nos rapporteurs sur trois sujets ; le premier concerne la forêt. Compte tenu des ambitions affichées en matière de reforestation, ne doit-on pas se réjouir de l'augmentation des crédits dédiés à la forêt ?
Le deuxième sujet concerne le bâtiment du Maine. Plutôt que de freiner un tel projet, j'ai le sentiment qu'il faudrait accélérer sa réalisation. Nous sommes confrontés au problème de rénovation énergétique des bâtiments publics, et il nous faut agir beaucoup plus vite pour moderniser le parc immobilier de l'État.
Le troisième sujet concerne le CAS-DAR. Je partage l'ambition de développer la recherche dans le domaine agricole, mais comment expliquer la sous-consommation de crédits ? Manque-t-on de projets ?
M. Christian Bilhac. - Nos exploitations doivent faire face à des contrôles fréquents et tatillons. Pendant ce temps, les produits importés passent au travers des mailles des contrôles, car les contrôleurs ne sont pas là où il faut, en particulier à Rungis. Il y a un gros travail à effectuer sur la sécurité alimentaire, mais les petits exploitants ne sont pas la bonne cible ; ce sont les grands groupes qui empoisonnent les populations.
Je souhaite revenir sur l'installation des jeunes. La situation devient problématique, vous avez cité les chiffres : des revenus inférieurs à 1 000 euros par mois ; près de 400 000 exploitations ont disparu. Comment enrayer cela ? Comment peut faire celui qui reprend l'exploitation si, en plus des charges de fonctionnement, il doit supporter les charges d'acquisition ?
Dans ma région et ailleurs aussi, de plus en plus de domaines viticoles sont repris par des gens fortunés qui, sans souci de rentabilité, font des déplacements ou des actes de défiscalisation. Les agriculteurs ne sont plus des paysans autonomes comme autrefois ; ils deviennent des salariés de grands groupes. Ainsi se perd le modèle agricole français.
M. Daniel Breuiller. - Ma première question concerne la forêt. Le modèle économique de l'ONF, qui repose pour une grande part sur la vente de bois, est-il compatible avec les missions de l'organisme ? Quelle est la part, dans le budget de l'ONF, des recettes subventionnées par l'État et celle qui est liée à la vente ?
Ma deuxième question porte sur l'agriculture. J'ai été étonné par la vigueur des propos de Vincent Segouin. Les agriculteurs ont toujours rempli leur mission de nourrir la population. Face à l'agro-industrie, il est nécessaire d'être vigilant à la fois sur la sécurité alimentaire, les produits choisis, la durabilité des ressources.
Le chlordécone, par exemple, était très utile à la compétitivité de la banane française pendant des années ; il n'empêche que, à juste titre, nous y avons renoncé. La mesure d'interdiction me semble également justifiée concernant la cerise. Mais a-t-on les moyens de mettre des contrôles aux frontières pour garantir à nos agriculteurs qu'ils jouent à armes égales avec les produits d'importation ? Le sujet n'est pas d'augmenter la compétitivité en diminuant les exigences qualitatives, mais de protéger tout le monde en augmentant la qualité des accords internationaux et des contrôles aux frontières.
M. Bernard Delcros. - Ma première question porte sur les travaux du site du Maine. Y a-t-il un intérêt à reporter les travaux alors que des opérations immobilières, me semble-t-il, sont déjà engagées, permettant aussi de se séparer de locations coûteuses ?
Ma deuxième question concerne la transmission des exploitations. Vous souhaitez un soutien plus actif aux entrants comme aux sortants. Avez-vous évalué le coût de ce soutien ?
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, en effet, l'excédent de recettes, non engagé du CAS-DAR y demeure en étant affecté à son solde comptable, mais il ne peut être disponible que sur autorisation d'une loi de finances.
Concernant le projet du Maine, le démarrage des travaux est prévu en décembre 2023 pour un emménagement en 2026. Dans ma démonstration, j'ai cherché à vous faire comprendre qu'il y avait urgence à s'occuper de la politique agricole. La balance commerciale est un critère à suivre de près ; chaque année, nous perdons des parts de marché. Le coût des travaux s'élève à 22 millions d'euros. Avant de nous occuper de l'immobilier, nous devons mobiliser les fonds pour revoir et clarifier la politique agricole.
L'autre sujet est le montant de la dette. Va-t-on continuer d'avoir des budgets en déséquilibre, en faisant croire à tout le monde que l'on peut dépenser à tout-va ?
Monsieur Bazin, la DGAL va employer des acteurs privés pour répondre à la question du contrôle des unités de production et assurer la qualité sanitaire des Français. La commission des affaires économiques doit également s'occuper du sujet et vérifier la rigueur des contrôles.
M. Canévet a évoqué les bonnes orientations liées à l'assurance récolte et l'extension du dispositif TO-DE. L'assurance récolte est, en effet, primordiale pour favoriser l'installation des jeunes et trouver un moyen d'assurer une rentabilité. Au sujet du TO-DE, la déclaration du Président de la République était de rendre pérenne ce dispositif ; il est essentiel qu'il le devienne. Je déplore que l'amendement déposé hier dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui va dans ce sens, n'ait pas été adopté.
Je partage l'idée que nous allions vers une agriculture de référence. Mais si l'on s'impose des normes de qualité, celles-ci doivent aussi pouvoir être imposées aux produits importés.
L'augmentation des crédits dédiés à la forêt dans l'amendement du Gouvernement s'élève à 10 millions d'euros. J'ai déposé un amendement de suppression de ces 10 millions d'euros. Cela correspond à 60 ETP supplémentaires. Aujourd'hui, l'ONF a une masse salariale trop élevée. Peut-être faut-il séparer, dans la gestion de l'organisme, la partie exploitation du bois et celle qui est dédiée à son programme de recherche, d'entretien, de conservation des forêts et de la biodiversité.
Le CAS-DAR souffre d'un manque de projets qui entraîne une sous-consommation des crédits. Il est primordial de lancer des projets de recherche pour adapter nos variétés aux aléas climatiques. De même pour les vaccins, plutôt que de décimer les élevages chaque fois qu'apparaît un problème, on aurait intérêt à lancer des projets de recherche.
Pour répondre à M. Bilhac, ce contrôle trop tatillon des exploitants, ajouté à l'absence de contrôle sur les produits importés, est intolérable ; c'est ce qui tue l'installation des jeunes. Les installations sont ensuite reprises par des porteurs de capitaux ; c'est le modèle de l'exploitation agricole aux Pays-Bas. Si l'on veut aller vers ce modèle, continuons ainsi.
Aujourd'hui, il faut plus de marges et de rentabilité pour que les jeunes puissent reprendre les exploitations et faire vivre leur projet sur le long terme. La vocation de l'agriculture, comme l'indiquait M. Breuiller, est de nourrir la population. Mais on n'installera pas des jeunes sans tenir compte du critère économique.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - La réserve du CAS-DAR, moins importante que ce que l'on pouvait penser, est de l'ordre de 28 millions d'euros. Pour le reste, le budget est consommé. Cela fait des sujets de contrôle qui mériteront d'être affinés à l'avenir. La question de la recherche est un vrai sujet au regard des évolutions climatiques et des modèles économiques à construire.
Le projet du Maine me semble cohérent, avec un système de poupées russes qui permettait, à terme, d'optimiser les surfaces du ministère de l'agriculture. Je ne sais pas si, d'un point de vue financier, le choix de reporter les travaux d'une année est pertinent.
Pour répondre à M. Bazin, la question de la sécurité alimentaire est un sujet majeur. Il faut créer davantage d'ETP, faire appel également à des prestataires en établissant un cahier des charges.
M. Canévet a trouvé notre jugement sévère, considérant les crédits importants dédiés aux DO-TE et à l'assurance récolte. Mais ces crédits existaient déjà ; par exemple, les crédits nécessaires pour indemniser les récoltes endommagées faisaient l'objet d'ouvertures complémentaires. Il n'y a pas d'apport de ce point de vue. La présentation budgétaire est un peu plus pérenne et sécurise la viabilité économique des exploitations, mais la contribution demandée aux agriculteurs est également plus importante que par le passé. Au final, comme l'a également précisé M. Duplomb, on se retrouve avec des crédits qui ne sont guère au-dessus du niveau nécessaire au maintien du pouvoir d'achat.
Concernant la forêt, les 10 millions d'euros supplémentaires permettent de ramener le budget presqu'au niveau de l'année précédente. Une réduction de 95 ETP était initialement prévue par le contrat État-ONF 2021-2025, puis a été ramenée à 80 emplois dans le projet de loi de finances initiale.
Nous ne disposons pas d'éléments précis pour identifier la part des missions d'intérêt général et celle qui est liée à l'activité économique de l'ONF. Ses missions d'intérêt général seront sans doute plus importantes à l'avenir, car l'ONF est seul capable de produire des expérimentations, de travailler sur l'adaptation des modèles de production.
La question des contrôles est un vrai sujet. Tous les exploitants, qu'ils soient Français ou étrangers, doivent être sur un pied d'égalité, les importations ne peuvent pas continuer de bénéficier d'un avantage concurrentiel. Il s'agit également, au regard des typologies de production, de travailler sur les modèles économiques des exploitations. Le Président de la République a annoncé une loi d'orientation agricole pour l'année qui vient ; ce sera l'occasion de réfléchir à tous ces sujets.
M. Claude Raynal, président. - Notre collègue Vincent Segouin nous propose trois amendements visant à modifier les crédits. L'amendement no 1 revient sur l'ouverture de 10 millions d'euros décidée par le Gouvernement en faveur de l'ONF.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement no 2 revient sur l'abondement de 5 millions d'euros à la dotation du fonds Avenir Bio.
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement no 3 repousse la mise en oeuvre des travaux du site du Maine, qui doivent démarrer en 2023 pour un aménagement en 2026. En conséquence, cet amendement prévoit une réduction de 22 millions d'euros en AE et 5,8 millions d'euros en CP de l'action n° 04 Moyens communs du programme 215 de la mission.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
M. Claude Raynal, président. - Monsieur Segouin, les amendements n'ayant pas été adoptés, pouvez-vous nous indiquer votre position sur les crédits de la mission ?
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - J'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Avis également défavorable.
La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 41 C (nouveau)
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 41 C.
Article 41 D (nouveau)
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 41 D.
M. Claude Raynal, président. - Quelle est la position des rapporteurs sur les crédits du compte d'affectation spéciale ?
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Je vous avais proposé de voter favorablement, mais, au regard du vote sur la mission et des besoins en matière de recherche, j'opte pour un vote défavorable.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Je partage la position de mon collègue.
La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale «Développement agricole et rural ».
*
* *
Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Secrétariat général du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
- Mme Sophie DELAPORTE, secrétaire générale ;
- M. Sébastien COLLIAT, chef du service des affaires financières, sociales et logistiques ;
- Mme Valérie MAQUÈRE, déléguée au pilotage et à la transformation.
Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)
- M. Philippe DUCLAUD, directeur général adjoint.
Direction générale de l'alimentation (DGAL)
- Mme Maud FAIPOUX, directrice générale ;
- Mme Stéphanie FLAUTO, chef du service du pilotage de la performance sanitaire et de l'international ;
- M. Philippe SAPPEY, sous-directeur du pilotage des ressources et des services ;
- M. Frédéric LEQUEVRE, adjoint au chef du bureau du pilotage budgétaire du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » ;
- M. Aurèle HENAUT, chargé de mission « Préparation du budget et suivi de l'exécution financière des BOP régionaux-marchés publics ».
Jeunes agriculteurs
- M. Julien ROUGER, membre du bureau ;
- Mme Inès de SACY, juriste.
FNSEA
- M. Luc SMESSAERT, vice-président de la FNSEA, président de la commission fiscale-sociale ;
- M. Xavier JAMET, responsable des affaires publiques ;
- M. Vincent GUILLOT, juriste-fiscaliste.
Interfel
- M. Laurent GRANDIN, président ;
- M. Daniel SAUVAITRE, secrétaire général ;
- M. Alexis DEGOUY, directeur général d'INTERFEL et du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL).
Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB)
- M. Philippe CAMBURET, président ;
- Mme Sophia MAJNONI D'INTIGNANO, déléguée générale ;
- M. Félix LEPERS, en charge du sujet de l'indemnisation des contaminations en agriculture biologique.
ONF
- Mme Valérie METRICH HECQUET, directrice générale ;
- M. Olivier ROUSSET, directeur général adjoint ;
- M. Jean-Yves CAULLET, président du conseil d'administration.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html
* 1 Cf. premier volet de son 6e rapport d'évaluation du GIEC du 9 août 2021.
* 2 Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
* 3 Cf. Action 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole ».
* 4 Cf. Article L. 361-2 du code rural et de la pêche maritime.
* 5 Contre 49,1 % en 2010, 50,7 % en 2000, selon les chiffres du recensement agricole.
* 6 Les recettes proviennent du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts.
* 7 La DGAMPA créée en mars 2022 fusionne les deux principales directions d'administration centrale traitant du maritime, à savoir la Direction des affaires maritimes (DAM) et la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA), mais aussi les personnels des capitaineries des ports d'État, en dehors des grands ports maritimes. Elle a pour mission de mieux concilier les différents usages sur un espace maritime de plus en plus convoité, réaffirmant la place de la mer au sein des politiques publiques et veillant à une meilleure protection des ressources et des milieux marins.
* 8 Cf. Décret no 2022-1058 du 29 juillet 2022 relatif aux attributions du secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer.
* 9 Action 07 « Pêche et aquaculture ».
* 10 Son accompagnement concerne :
- un soutien à l'économie maritime ;
- une politique de sécurité et de sûreté maritimes civiles ;
- le soutien à l'emploi maritime ainsi qu'à la qualité et au développement du pavillon français ;
- la participation à la protection de l'environnement, en développant les technologies de connaissance et de surveillance, en édictant et en contrôlant la réglementation qui s'applique au navire en matière de rejets dans le milieu (air, eau) ;
- la recherche d'un meilleur équilibre entre les différents usagers de la mer (marine de commerce, pêche et conchyliculture, nautisme, littoral, etc.) par une réglementation et une organisation adaptées, et la réalisation de documents stratégiques de façade et de bassins maritimes, ainsi qu'une participation forte à l'action de l'État en mer (AEM) en interface avec les préfets maritimes ;
- une exploitation durable des ressources maritimes et aquacoles. Source : réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 11 Cf. réponse au questionnaire budgétaire.
* 12 Le pacte vert pour l'Europe, lancé par la Commission européenne en 2019, vise à « transformer l'UE en une économie moderne, efficace dans l'utilisation des ressources et compétitive, garantissant la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici à 2050, une croissance économique dissociée de l'utilisation des ressources, où personne n'est laissé de côté. » https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr
* 13 Source : site du Conseil Européen. https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/cap-introduction/cap-future-2020-common-agricultural-policy-2023-2027/
* 14 zones de montagne et autres zones à handicap.
* 15 Décret n° 2022-1343 du 21 octobre 2022 relatif aux interventions dans les secteurs des fruits et légumes, des produits de l'apiculture, du vin, de l'huile d'olive et des olives de table.
* 16 Par ailleurs, le transfert aux régions des activités DJA et PCAE a conduit à une baisse respective des dotations de 35,1 millions d'euros en AE et 18,1 millions d'euros en CP pour la DJA et de 42,5 millions d'euros en AE et 16,4 millions d'euros en CP pour le Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE).
* 17 Rapport d'information n° 905 (2021-2022) de MM. Laurent DUPLOMB, Pierre LOUAULT et Serge MÉRILLOU, fait au nom de la commission des affaires économiques, en date du le 28 septembre 2022.
* 18 Page 15 du rapport précité.
* 19 Source : service statistique du ministère de l'Agriculture.
* 20 Contre 49,1 % en 2010, 50,7 % en 2000, selon les chiffres du recensement agricole.
* 21 Source : Ministère de l'agriculture et MSA.
* 22 Cf. Insee Première n° 1876 Octobre 2021 intitulé « Le niveau de vie des ménages agricoles est
plus faible dans les territoires d'élevage ».
* 23 Page 31 du Plan stratégique national.
* 24 Cf. Insee Première n° 1876 Octobre 2021 intitulé « Le niveau de vie des ménages agricoles est
plus faible dans les territoires d'élevage ».
* 25 Idem.
* 26 Source : réseau d'information comptable agricole (RICA). Données portant sur l'exercice comptable 2020.
* 27 Celles dont la Production brute standard est supérieure à 250 000 euros.
* 28 Celles dont la Production brute standard est inférieure à 100 000 euros.
* 29 Déclaration en conférence de presse Julien Denormandie, à l'issue de la présentation le 12 octobre 2021, par le président de la République, du plan France 2030.
* 30 Communiqué « Pour notre agriculture, nous devons assurer le renouvellement des générations » du Président de la République Emmanuel Macron à Outarville dans le Loiret à l'occasion de la 8e édition des rencontres Terres de Jim.
* 31 Dans le cadre du basculement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) vers un allègement des cotisations sociales, et d'un renforcement des allégements généraux, le Gouvernement avait proposé de supprimer le régime TO-DE particulier au secteur agricole.
* 32 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
* 33 Le schéma de compensation de la Caisse centrale de la MSA (CCMSA) et de l'Union Nationale Interprofessionnelle pour l'Emploi dans l'Industrie et le Commerce (UNEDIC) pour le coût de la mesure a été révisé. Entre 2019 et 2022, la mesure d'exonération a fait l'objet d'une compensation à la Caisse centrale de la MSA (CCMSA) et à l' Union Nationale Interprofessionnelle pour l'Emploi dans l'Industrie et le Commerce (UNEDIC), d'une part, par l'affectation d'une fraction de TVA pour les exonérations correspondant au socle des allègements généraux et, d'autre part, par le versement de crédits budgétaires du MASA pour le surplus des exonérations par rapport aux allégements généraux (plateau d'exonération maximale entre 1 et 1,2 SMIC).
* 34 « En 2021, le surplus des exonérations a été compensé sur crédits du MASA sur le programme 149 (action 25 - Protection sociale - de la mission AAFAR à hauteur de 121,9 millions d'euros (127 millions d'euros de crédits LFI déduction faite de la réserve de 4 %) et par une fraction de TVA de 389 millions d'euros pour la partie correspondant aux allègements généraux fléchée uniquement vers la CCMSA. » In réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux pour le PLF 2023.
* 35 Cf. premier volet de son 6e rapport d'évaluation du GIEC du 9 août 2021.
* 36 Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
* 37 Les scolytes sont des insectes, le plus souvent spécifiques d'une essence en particulier. Pour l'épicéa, on parle du typographe et du chalcographe, pour le pin sylvestre du sténographe, pour le sapin du curvidenté... Le typographe représente le scolyte le plus dangereux pour les forêts d'épicéas, notamment dans le Grand-Est. En creusant des galeries dans le cambium (une fine couche sous l'écorce) pour y déposer leurs oeufs, les femelles condamnent des arbres par milliers.
* 38 Il s'agit des départements : 04, 05, 06, 07, 11, 13, 26, 30, 34, 48, 66, 83, 84, 2A, 2B.
* 39 Ces contributions consistent en un financement des missions d'intérêt général et un versement de subventions exceptionnelles.
* 40 L'ONF a procédé à l'élargissement du recrutement aux salariés de droit privé et pas uniquement aux fonctionnaires, à la réduction du nombre des ouvriers forestiers et au recours accru à la sous-traitance.
* 41 Le solde de la hausse de crédits attribués à l'ONF (soit 2,8 millions d'euros en AE et 2,5 millions d'euros en CP) est destiné au financement des missions d'intérêt général confiées à l'établissement (les Services de restauration des terrains en montagne (RTM), la défense de la forêt contre les incendies (DFCI)...) en coûts complets.
* 42 https://www.elysee.fr/front/pdf/elysee-module-20408-fr.pdf
* 43 « Une demande de retour du statut indemne pourra être déposée à la suite par le SRAL Corse. En 2022, 2 286 inspections visuelles sont prévues. Il s'agit d'une surveillance renforcée post-gestion de foyer. » Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 44 « De la même manière, la lutte contre le capricorne asiatique tend à porter ses fruits pour le foyer de Gien, ce qui devrait permettre de diminuer le besoin en crédits spécifiques. Ainsi, la lutte contre le foyer de Gien est estimée à 1,25 millions d'euros pour 2022 contre 1,87 millions d'euros en CP pour 2021. Ces dépenses se répartissent entre la campagne hivernale de recensement et de diagnostic des arbres hôtes, l'intervention de la brigade cynophile et le renouvellement des arbres « sentinelles ». » Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 45 Cf. réunion interministérielle tenue le vendredi 6 mai 2022.
* 46 Source : réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 47 Source : réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 48 Cf. Décret n° 2021-1371 du 19 octobre 2021 autorisant à titre temporaire le recrutement par contrat de vétérinaires n'ayant pas la nationalité française pour assurer les missions de contrôle sanitaire à l'importation et à l'exportation.
* 49 Règlement 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016.
* 50 Réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 51 Contribution écrite de la FNAB au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 52 Association interprofessionnelle nationale qui vise à valoriser la filière et ses métiers, ainsi que d'encourager la consommation de fruits et légumes frais.
* 53 Cf. Audition d'INTERFEL par les rapporteurs spéciaux.
* 54 Cf. Page 101 du projet annuel de performances, annexé au projet de loi de finances pour 2023.
En effet, la reconnaissance du PAT a été transférée aux Les directions régionales du ministère (DRAAF). / Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF), échelon pertinent pour instruire les demandes des porteurs de projet. En outre, le déploiement des PAT a été particulièrement soutenu par le plan de relance qui lui a consacré une enveloppe de 80 millions d'euros. Ce plan présente deux volets, comprenant d'une part, une subvention au porteur de projet pour financer en partie le diagnostic, l'élaboration d'un plan opérationnel d'actions et d'autre part, des aides aux investissements matériels ou immatériels.
* 55 « Il a été validé par France Domaine et le Conseil de l'immobilier de l'État (CIE) en 2014 et qui va se prolonger désormais dans son nouveau SPSI, validé par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) le 30 juillet 2021 » in Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 56 Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 57 Le cadriciel Orion sera supprimé.
* 58 « Transition vers l'économie circulaire et développement de nouvelles filières de diversification, de systèmes alimentaires territorialisés, renforcement des qualités nutritionnelles et organoleptiques de l'alimentation, valorisation des modes de production agroécologiques (dont l'agriculture biologique et la haute valeur environnementale (HVE)) » In Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 59 Cet objectif devrait être réalisé « en diversifiant les productions à différentes échelles (du niveau intra-parcellaire au niveau paysager), en mobilisant la sélection génétique et en favorisant les complémentarités élevage-culture » In Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 60 Cet objectif devrait être réalisé « en développant la place des mesures préventives ou alternatives à l'utilisation de produits phytosanitaires de synthèse ou d'antimicrobiens (gestion de l'assolement, sélection génétique, biocontrôle, méthodes de biosécurité, gestion mécanique, etc...), en particulier pour anticiper et préparer des évolutions réglementaires telles que le non-renouvellement de l'approbation de substances actives au niveau européen, en synergie avec les actions des plans Écophyto et Écoantibio. » In Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 61 À cet effet, le programme mobilise le réseau des chambres d'agriculture, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), les organismes de sélection animale (OS), les dynamiques de groupes, les démarches territorialisées et les approches interfilières agricoles. In Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 62 Ce programme fait appel au réseau des instituts techniques agricoles (ITA) ainsi qu'à l'ensemble des acteurs de la recherche, de l'enseignement et du développement dans le cadre de partenariats. In Réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux.
* 63 Avant 2014, le CAS-DAR ne recevait que 85 % des recettes collectées.
* 64 Forfait de 90 euros + 0,19 % du chiffre d'affaires jusqu'à 370 000 euros + 0,05 % au-delà.
* 65 2,7 millions d'euros ont été affectés au programme 775 et 7,3 millions d'euros pour le programme 776 afin de soutenir les actions de recherche et développement, notamment pour sortir du glyphosate, améliorer le bien-être animal ou l'autonomie protéique.
* 66 « II. - Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, aucun versement au profit du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial ne peut être effectué à partir d'un compte d'affectation spéciale. [...]
Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux évaluations des lois de finances, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts, par arrêté du ministre chargé des finances, dans la limite de cet excédent. Au préalable, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des raisons de cet excédent, de l'emploi prévu pour les crédits ainsi ouverts et des perspectives d'exécution du compte jusqu'à la fin de l'année.
Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d'année sont reportés sur l'année suivante, dans les conditions prévues aux II et IV de l'article 15, pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte. »
* 67 Cf. page 5 de la note d'exécution budgétaire du Compte d'affectation spéciale Développement agricole et rurale de 2021.
* 68 Décret de virement, arrêté, loi de finances rectificative.
* 69 Les crédits en AE et CP correspondent aux crédits ouverts en LFI, dans la limite de la recette du CAS-DAR, majorés des reports de crédits de l'année N-1 sur l'année N et des éventuelles ouvertures de crédits en gestion (décret de virement, arrêté, LFR).
* 70 L'exécution en AE est minorée des retraits sur engagements des années antérieures (données Chorus).
* 71 Solde comptable en 2021 (117,9 millions d'euros) x proportion des crédits de paiement correspondant aux autorisations d'engagements non ouvertes (24 %).
* 72 Cf. « systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique » (SADEA) et « alimentation durable et favorable à la santé » (ADFS).
* 73 Ce soutien est intervenu via les programmes régionaux de développement agricole et rural (PRDAR) coordonnés par les chambres régionales d'agriculture et par les programmes annuels des organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR).
* 74 Forfait de 90 euros + 0,19 % du chiffre d'affaires jusqu'à 370 000 euros + 0,05 % au-delà.
* 75 Cf. Article 6 du décret n° 2020-1218 du 2 octobre 2020 relatif aux conditions techniques du transport des denrées périssables sous température dirigée.
* 76 Cf. 1° et 2° du I de l'article L. 231-4-1 du CRPM.
* 77 Cf. 3° du I de l'article L. 231-4-1 du CRPM.
* 78 Cf. 4° du I de l'article L. 231-4-1 du CRPM.
* 79 Le premier pilier de la PAC tend à soutenir les marchés et les revenus agricoles.
* 80 Cf. Article 61 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
* 81 Cf. Article 61 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
* 82 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
* 83 Ordonnance n° 2022-68 du 26 janvier 2022 relative à la gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural au titre de la programmation débutant en 2023 ;