C. UN SOUTIEN À RÉINVENTER ?

1. Un soutien massif à l'ensemble de la filière qui tend à se poursuivre en 2023

Le CNC a mis en place, depuis le déclenchement de la crise sanitaire une trentaine de mesures d'urgence et de sauvegarde pour soutenir les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel et du numérique . Financées par des dotations exceptionnelles de l'État, elles représentent sur la période 2020-2023 un montant de 262,8 millions d'euros.

Mesures d'urgence de soutien aux filières mises en place entre 2020 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les éléments transmis par le CNC

Deux dispositifs sont prolongés en 2023 :

- les mesures dédiées à la distribution cinéma - majorations ou bonifications du soutien automatique, aides sélectives - pour un montant de 4 millions d'euros ;

- le fonds d'indemnisation et de garantie des tournages d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles a été mis en place à la fin du premier confinement et est désormais d'un budget global de 36,25 millions d'euros. Il est mis en place jusqu'au 31 mars 2023. Son montant ne correspond pas au montant réel des sinistres indemnisables.

Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance prévoyait par ailleurs 165 millions d'euros à destination du CNC :

- 48,5 millions d'euros pour le réarmement financier de l'établissement, dont l'équilibre du budget avait été affecté par la crise sanitaire. Ces crédits ont été intégralement consommés.

- 116,5 millions d'euros pour des mesures de soutien à destination des secteurs du cinéma, de l`audiovisuel et du numérique. Au 30 septembre 2022, la quasi-totalité de ces crédits (99 %) avait été engagée et la totalité devrait l'être d'ici la fin de l'année.

Répartition des crédits de relance gérés par le CNC

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

La combinaison des aides d'urgence et du plan de relance a permis au Centre national du cinéma de jouer un rôle d'amortisseur de la crise pour la plupart des acteurs du secteur, tout en tentant d'accélérer la modernisation de la filière. Ce faisant, le CNC entendait favoriser le rebond rapide du secteur tout en prenant en compte une logique concurrentielle, à l'heure où la production cinématographique est totalement à l'arrêt dans un certain nombre de grands pays de cinéma.

Cette ambition, qu'il convient de saluer, est venue, rappelons-le, en complément des dispositifs transversaux mis en place par l'État (activité partielle, prêts garantis par l'État, report et exonération de cotisations sociales, Fonds de solidarité) - 1,18 million d'euros ont ainsi été versés entre 2020 et 2021 - et des mécanismes financiers développés par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Le soutien de l'IFCIC s'est ainsi matérialisé par 131 aménagements de prêts garantis ou octroyés, dont l'encours atteint 71 millions d'euros.

Dispositifs transversaux en faveur de la filière cinéma : coût estimé
à fin mars 2021

(en milliers d'euros)

Dispositif

Montant

Fonds de solidarité

210 364

Activité partielle

183 715

Exonération de charges sociales

180 825

Prêts garantis

602 567

Total

1 177 471

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

2. Le blockbuster France 2030

Le huitième objectif du plan France 2030, présenté en octobre 2021, consiste à placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs. 350 millions d'euros de subventions vers la filière cinéma et audiovisuel sont dévolus à cet objectif. Ces crédits sont appelés à être complétés par une intervention des collectivités territoriales et du secteur privé, afin de parvenir à un financement total de 2 milliards d'euros.

Cette ambition passe par une modernisation conséquente de l'appareil de production, confronté tout à la fois à un manque d'infrastructures de tournage et à une insuffisance de main d'oeuvre. Il s'agit d'aboutir, selon le président du CNC, à la constitution de plusieurs « grandes fabriques de l'image », à l'instar de ce qui est mis en place au Royaume-Uni où les « one-stop-shop » regroupent sur un même site studios de tournage, production numérique (animation, effets spéciaux, jeu vidéo) et écoles de formation d'auteurs et de musiciens. Un appel à projets « La grande fabrique de l'image » a été publié en avril 2022, à partir d'un étude menée par le CNC.

L'ambition poursuivie est triple :

- intégrer à la filière de production un public très large en doublant le nombre annuel de diplômés, qui passerait de 5 700 à 10 300 par an ;

- doubler le nombre d'emplois dans la filière de production pour atteindre 92 000 personnes ;

- faire passer le poids de la filière de 4,2 milliards d'euros à 7,6 milliards d'euros, ce qui permettrait de tripler sa contribution au commerce extérieur.

Les résultats de cet appel à projet sont attendus en 2023. Les projets soutenus par l'État seront orientés vers :

- l'aménagement ou la modernisation d' une dizaine de grands studios de tournage , compétitifs avec les plus grands studios internationaux, comportant en un même lieu un nombre important de services (location de matériel, décors, services numériques, post-production, services financiers, immobilier d'entreprise, etc.). Le président de la République avait au préalable annoncé en septembre 2021 à Marseille, la création de « grands studios de la Méditerranée », destinés à attirer les tournages internationaux de films et de série. L'arc méditerranéen - de Montpellier à Nice - accueillerait ainsi différents studios. Les Hauts-de-France, l'Île-de-France et l'Occitanie pourraient également accueillir de tels sites de production ;

- le passage de 10 à 20 studios de production numérique (animation, effets visuels numériques, jeu vidéo) et l'accompagnement de la mise en oeuvre de projets présentant une forte dimension d'innovation à forte valeur ajoutée et d'ambition internationale ;

- le développement de 20 à 30 organismes de formation , dont le projet pédagogique répond aux besoins des filières en volume et en typologie de métiers.

3. Avant France 2030, des aides à évaluer

La perspective offerte par le programme France 2030 de la création d'un véritable écosystème en faveur de la production de contenus culturels et créatifs ne doit pas occulter une profonde interrogation du secteur sur les modalités du soutien qui lui est accordé.

185 producteurs, auteurs, réalisateurs et acteurs se sont ainsi émus en mai 2022 d'un risque de soutien à l'« audiovisualisation » plus qu'au cinéma en tant que tel. Ils militaient pour la tenue d'états généraux de la profession. Le Centre national du cinéma et de l'image animée table de son côté sur un travail sur la « complémentarité des écrans », la promotion de la diversité et l'institution de passerelles entre les canaux de diffusion. Cette ambition peut paraître légitime, tant le financement du CNC, donc du cinéma, est en large partie dépendant de l'audiovisuel, via les taxes affectants éditeurs, distributeurs et plateformes.

Force est de constater que les aides accordées au cours des deux derniers exercices ont permis de maintenir le secteur sous assistance respiratoire, sans véritablement le préparer aux conséquences de la crise sanitaire sur les pratiques culturelles des Français. Aux interrogations sur les conditions sanitaires et aux habitudes prises devant les plateformes de vidéo à la demande, se sont ajoutées ces derniers mois des problématiques liées au coût d'une place de cinéma.

La ministre de la culture a annoncé, le 21 septembre dernier, le lancement d'une mission Concurrence et cinéma, confiée à l'ancien président de l'Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, ciblant quatre points :

- l'assouplissement du cadre juridique relativement strict applicable aux cartes illimitées (8 % du total des entrées) afin, éventuellement de confier plus de liberté commerciale aux exploitants ;

- les engagements de programmation et les engagements de diffusion ;

- le classement art & essai des salles de cinéma ;

- la protection des actifs culturels stratégiques (catalogues, studios, réseaux de salles).

Le rapport de la mission devrait être remis en février. Le rapporteur spécial espère qu'il contribue à une réflexion plus globale sur le financement du cinéma français en général et sur les aides existantes en particulier. Le CNC a lancé en janvier 2020 une revue générale de ses soutiens (RGS) dont les conclusions ont été différées en raison de la crise sanitaire. Le rapporteur spécial souhaite désormais que celle-ci aboutisse rapidement afin de préciser et d'améliorer l'efficience des dispositifs qu'il gère.

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