C. LES CRÉDITS DU PLAN DE RELANCE CONTINUENT DE PORTER LES INVESTISSEMENTS DE VNF

1. Alors que les ressources propres de VNF se redressent, sa subvention pour charges de service public ne suffit plus à couvrir ses charges de personnel

Voies navigables de France (VNF), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire, gère le réseau de voies navigables français. Il est chargé de son exploitation, de son entretien, de sa maintenance, de son amélioration ainsi que de son extension. Le réseau géré par l'établissement comprend 6 700 kilomètres de voies navigables, plus de 3 000 ouvrages d'art et 40 000 hectares de domaine public en bordure de voie d'eau.

Le contrat d'objectifs et de performance (COP) de VNF prévu à l'article L. 4311-8 du code des transports introduit par la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) a été adopté le 30 avril 2021. Il inclut un cadrage des moyens de l'opérateur et détermine la trajectoire de la subvention que lui verse l'AFIT France . Ce contrat prévoit ainsi un programme d'investissement de 3 milliards d'euros sur une période de dix ans .

Cependant, il apparaît que ce contrat a deux principales limites . D'une part il est établi en euros courants et d'autre part il prévoit une diminution assez significative des dépenses d'investissements sur la période 2025 - 2027 puis des niveaux de dépenses exceptionnels proches de 400 millions d'euros en 2028 et 2029. Tous les trois ans ce contrat doit faire l'objet d'une clause de revoyure . La prochaine doit intervenir en 2023.

La trajectoire d'investissements fixée en euros courants rend les investissements programmés dans les voies fluviales extrêmement vulnérables à l'inflation . S'agissant des chantiers sur le réseau fluvial, en 2022, les surcoûts liés au phénomène d'inflation dépassent souvent 20 %, voire même 50 % pour certains matériaux. Les travaux du COI ont vocation à traiter de cette question et une solution devra être trouvée lors de la prochaine révision du COP afin de préserver les investissements dans la régénération et la modernisation des voies fluviales.

Par ailleurs, et alors que VNF a su relever le défi de la réalisation effective des nouveaux travaux qu'il a lancés dans le cadre du plan de relance, un lissage à environ 300 millions d'euros par an de la trajectoire d'investissements de l'opérateur semble plus pertinente que la programmation actuelle .

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit que le plafond d'emploi de VNF diminue de 40 ETPT à 4 028 ETPT pour un schéma d'emploi négatif de 60 ETP . À travers les investissements de modernisation qu'il réalise, et notamment le déploiement de postes de commande centralisés qui permettent la téléconduite, VNF doit dégager des gains de productivité permettant de réduire ses effectifs permanents . Toutefois, il convient de veiller à ce que les deux processus soient bien synchronisés . Pour ce faire, VNF a notamment besoin de recourir à des emplois dits « de transition » , sous forme de CDD de 3 ans pour gérer la phase de réorganisation qui doit le conduire, au terme de son plan de modernisation qui doit s'étendre de 2021 à 2029, à améliorer sensiblement sa performance.

En 2022, les dépenses de personnel de VNF devraient atteindre 258,9 millions d'euros , dont 2,8 millions d'euros s'expliquent par la revalorisation du point d'indice . Ces 2,8 millions ont été pris en charge par l'établissement. Si l'on exclut cet effet, ces dépenses auraient néanmoins légèrement progressé de 0,9 % du fait de l'effet du glissement vieillesse technicité (GVT) et en dépit des économies réalisées du fait des baisses d'effectifs. Hors charges de personnel, les dépenses de fonctionnement de l'établissement devraient quant à elles s'établir à 91,6 millions d'euros.

La subvention pour charges de service public (SCSP) de VNF représente environ un tiers de ses recettes . En 2023, le présent projet de loi de finances prévoit une augmentation de 2,2 % du montant de cette subvention afin de compenser la hausse du point d'indice . Elle devrait ainsi atteindre 253,7 millions d'euros (AE=CP). En 2023, cette subvention sera insuffisante pour couvrir les dépenses de personnel de l'établissement qui devraient s'établir à plus de 255 millions d'euros.

Évolution de la SCSP (en CP) de VNF inscrite en loi de finances initiale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Depuis le 1 er janvier 2020, la taxe hydraulique que percevait VNF a été remplacée par une redevance domaniale , créée par voie réglementaire 30 ( * ) . Son fait générateur est le même que celui de la taxe hydraulique, à savoir le prélèvement ou le rejet d'eau. Son rendement total avoisine les 244 millions d'euros par an. L'article 46 de la loi de finances pour 2012 plafonne à 127,5 millions d'euros l'affectation de cette redevance à VNF. Le projet de loi de finances pour 2023 ne revient pas sur ce plafond.

Les recettes propres de l'établissement, qui correspondent à ses redevances domaniales et à ses péages devraient s'élever à environ 47 millions d'euros en 2022 . Après deux années de moindre rendement lié aux répercussions de la crise sanitaire, ces ressources devraient dépasser ainsi leur niveau pré-crise de 2019 . Leur niveau est en phase avec la trajectoire financière prévue dans le contrat d'objectifs et de performance (COP). Les péages relatifs à la plaisance privée (2,2 millions d'euros) et professionnels (4 millions d'euros) devraient rester légèrement inférieurs aux montants atteints en 2019 mais les recettes issues des péages relatifs au transport de marchandises (9 millions d'euros) devraient dépasser leur rendement d'avant crise.

Évolution du rendement des péages de VNF entre 2019 et 2022

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

D'après les premières prévisions de l'opérateur, ces ressources pourraient dépasser les 50 millions d'euros en 2023.

Évolution des ressources propres de VNF
(redevances domaniales et péages) entre 2019 et 2023

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Par ailleurs, en 2022, dans le cadre d'opérations cofinancées, l'opérateur devrait aussi recevoir des subventions de l'Union Européenne (UE) et des collectivités territoriales pour un montant de 79,2 millions d'euros.

2. En forte augmentation, le volume d'investissements de VNF est toujours fortement stimulé par le plan de relance

La LOM a prévu une augmentation progressive des crédits de l'AFIT France consacrés à la régénération et à la modernisation du réseau fluvial . Ces objectifs ont été traduits dans la trajectoire financière qui accompagne le COP de l'opérateur. Les subventions d'investissement allouées par l'AFIT France à VNF doivent ainsi poursuivre leur progression et dépasser la barre des 120 millions d'euros en 2022 . Pour 2023 , et dans le respect de la trajectoire fixée dans le contrat d'objectifs et de performance, les subventions de l'AFIT France en faveur de la régénération et de la modernisation du réseau doivent s'établir à 127 millions d'euros .

Évolution de la subvention de l'AFIT France versée à VNF
(2019 et 2023)

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Sans compter le concours de la mission « plan de relance », VNF devrait dépenser 201 millions d'euros au titre de ses investissements en 2022 contre 212 millions d'euros en 2021.

Évolution des dépenses d'investissement de VNF (hors plan de relance) en CP (2017-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Dans le cadre du plan de relance , 175 millions d'euros de crédits ont été fléchés vers les investissements de VNF dans le réseau fluvial. En 2022 , ces crédits doivent permettre à l'établissement d'accroître ses dépenses d'investissement de 80,7 millions d'euros en AE et 98,6 millions d'euros en CP , ce qui portera le total des dépenses d'investissement de l'opérateur à 271,7 millions d'euros en AE et 299,6 millions d'euros en CP .

En 2023 , en CP , les dépenses d'investissements totales de VNF devraient s'établir à 291 millions d'euros dont 40 millions d'euros au titre du plan de relance. À travers des efforts de réorganisation profonds de ses capacités de maîtrise d'ouvrage, VNF a pu relever le défi d'absorber ces nouveaux investissements et de les mener à bien concrètement.

Évolution des dépenses d'investissement totales de VNF
en CP (2019-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

3. Une situation patrimoniale saine en dépit d'un résultat négatif

Comme en 2021, en 2022 le résultat de VNF devrait présenter un solde négatif à hauteur de 15,6 millions d'euros. Toutefois, l'opérateur dégage une capacité d'autofinancement positive et en augmentation. Celle-ci devrait dépasser les 44 millions d'euros en 2022. Son fonds de roulement devrait être abondé pour approcher les 168 millions d'euros tandis que sa trésorerie au 31 décembre 2022 pourrait tutoyer les 100 millions d'euros, un niveau nettement supérieur au seuil prudentiel de deux mois de charges de personnel.


* 30 La taxe hydraulique, dont le rendement tendait à se réduire sous l'effet de la diminution du nombre de centrales thermiques et nucléaires d'EDF, principal redevable, et qui, de plus, voyait sa conformité au droit européen remise en cause dans le cadre de plusieurs contentieux, a été supprimée à compter du 1er janvier 2020 par la loi de finances pour 2019.

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