N° 38

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 octobre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques,

Par Mme Cécile CUKIERMAN,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Sénat :

720 (2021-2022) et 39 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi n° 720 (2021-2022) d'Éliane Assassi et Arnaud Bazin vise à traduire dans la loi les préconisations de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques présentées dans son rapport du 16 mars 20221(*). Elle est le fruit du travail transpartisan de cette instance de contrôle temporaire du Sénat.

Le rapport de la commission d'enquête a permis de prendre toute la mesure de l'emprise réelle, quoique méconnue, des cabinets de conseil sur la décision publique et des risques qu'elle fait peser sur la démocratie et la légitimité des responsables publics. Il a suscité de nombreuses réactions du Gouvernement et de l'administration comme des consultants : circulaire du Premier ministre2(*) ; refonte du cahier des clauses administratives particulières de l'accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), dont l'équipe de conseil interne doit être renforcée ; rédaction par Syntec Conseil d'une charte de déontologie spécifique pour « les interventions de conseil auprès du secteur public ».

Ces initiatives, certes intéressantes, restent insuffisantes et une loi instituant un cadre unifié, contrôlé et sanctionné, est aujourd'hui nécessaire.

Selon Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), « le dispositif envisagé par ce texte viendrait ainsi compléter l'arsenal législatif dont notre pays s'est doté depuis une dizaine d'années : création notamment de la Haute Autorité, encadrement du lobbying, encadrement des mobilités public/privé ».

Dispositif proposé par la proposition de loi
à l'égard des consultants

Source : Rapport de la commission d'enquête précité

Sur la proposition de la rapporteure, Cécile Cukierman, la commission des lois a adopté la proposition de loi, approuvant ses dispositions qui visent à encadrer le recours par l'administration aux consultants et l'exécution des prestations fournies, tout en imposant une réelle transparence et en prévoyant un mécanisme de contrôle et des sanctions spécifiques. Elle lui a apporté des aménagements tendant à en assurer une pleine effectivité.

I. MIEUX DÉFINIR LE PÉRIMÈTRE DE LA PROPOSITION DE LOI

Le périmètre de la proposition de loi a été établi par ses auteurs en définissant à la fois une liste d'administrations bénéficiaires et une typologie de prestations de conseil. En l'état, le texte s'appliquerait lorsque les prestations de conseil sont réalisées au profit de l'État et de ses « opérateurs », des autorités administratives et publiques indépendantes et des établissements publics de santé.

La commission des lois a remplacé la catégorie des « opérateurs », qui est une notion budgétaire fluctuante, par celle des établissements publics de l'État. Plus précise juridiquement, la rédaction retenue permettrait de maintenir la plupart des organismes listés comme opérateurs en 2023. La rapporteure s'est interrogée sur la possibilité d'instaurer un seuil, par exemple fixé par référence aux dépenses de fonctionnement, qui permettrait de ne retenir que les établissements ayant une certaine taille critique et qui, de ce fait, apparaissent davantage susceptibles de recourir aux cabinets de conseil de manière significative. En l'absence d'informations lui permettant d'établir la liste précise des établissements publics d'État concernés, il ne lui a pas semblé opportun de le faire.

S'agissant des prestations visées, la commission a souhaité exclure expressément la programmation et la maintenance informatiques, les auteurs ayant eux-mêmes exclu les « prestations informatiques » dans leur présentation du texte. Elle a également fait sortir du champ de la proposition de loi les prestations de conseil juridique ou financier réalisées par l'ensemble des professionnels du droit et du chiffre dès lors que ceux-ci sont déjà soumis à des obligations déontologiques sous le contrôle de leurs ordres professionnels respectifs3(*). Faire apprécier leurs éventuelles situations de conflits d'intérêts par la HATVP en parallèle créerait en effet une difficulté d'ordre procédural.


* 1 « Un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », rapport n° 578 (2021-2022) d'Éliane Assassi, fait au nom de la commission d'enquête Cabinets de conseil.

* 2 Publiée le 22 janvier 2022, jour de l'audition par la commission d'enquête d'Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques.

* 3 L'article 1er ne prévoyait d'exception que pour les experts-comptables et les commissaires aux comptes, ainsi que pour les avocats dans le cadre de leur activité de défense.

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