N° 38

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 octobre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques,

Par Mme Cécile CUKIERMAN,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Sénat :

720 (2021-2022) et 39 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi n° 720 (2021-2022) d'Éliane Assassi et Arnaud Bazin vise à traduire dans la loi les préconisations de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques présentées dans son rapport du 16 mars 20221(*). Elle est le fruit du travail transpartisan de cette instance de contrôle temporaire du Sénat.

Le rapport de la commission d'enquête a permis de prendre toute la mesure de l'emprise réelle, quoique méconnue, des cabinets de conseil sur la décision publique et des risques qu'elle fait peser sur la démocratie et la légitimité des responsables publics. Il a suscité de nombreuses réactions du Gouvernement et de l'administration comme des consultants : circulaire du Premier ministre2(*) ; refonte du cahier des clauses administratives particulières de l'accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), dont l'équipe de conseil interne doit être renforcée ; rédaction par Syntec Conseil d'une charte de déontologie spécifique pour « les interventions de conseil auprès du secteur public ».

Ces initiatives, certes intéressantes, restent insuffisantes et une loi instituant un cadre unifié, contrôlé et sanctionné, est aujourd'hui nécessaire.

Selon Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), « le dispositif envisagé par ce texte viendrait ainsi compléter l'arsenal législatif dont notre pays s'est doté depuis une dizaine d'années : création notamment de la Haute Autorité, encadrement du lobbying, encadrement des mobilités public/privé ».

Dispositif proposé par la proposition de loi
à l'égard des consultants

Source : Rapport de la commission d'enquête précité

Sur la proposition de la rapporteure, Cécile Cukierman, la commission des lois a adopté la proposition de loi, approuvant ses dispositions qui visent à encadrer le recours par l'administration aux consultants et l'exécution des prestations fournies, tout en imposant une réelle transparence et en prévoyant un mécanisme de contrôle et des sanctions spécifiques. Elle lui a apporté des aménagements tendant à en assurer une pleine effectivité.

I. MIEUX DÉFINIR LE PÉRIMÈTRE DE LA PROPOSITION DE LOI

Le périmètre de la proposition de loi a été établi par ses auteurs en définissant à la fois une liste d'administrations bénéficiaires et une typologie de prestations de conseil. En l'état, le texte s'appliquerait lorsque les prestations de conseil sont réalisées au profit de l'État et de ses « opérateurs », des autorités administratives et publiques indépendantes et des établissements publics de santé.

La commission des lois a remplacé la catégorie des « opérateurs », qui est une notion budgétaire fluctuante, par celle des établissements publics de l'État. Plus précise juridiquement, la rédaction retenue permettrait de maintenir la plupart des organismes listés comme opérateurs en 2023. La rapporteure s'est interrogée sur la possibilité d'instaurer un seuil, par exemple fixé par référence aux dépenses de fonctionnement, qui permettrait de ne retenir que les établissements ayant une certaine taille critique et qui, de ce fait, apparaissent davantage susceptibles de recourir aux cabinets de conseil de manière significative. En l'absence d'informations lui permettant d'établir la liste précise des établissements publics d'État concernés, il ne lui a pas semblé opportun de le faire.

S'agissant des prestations visées, la commission a souhaité exclure expressément la programmation et la maintenance informatiques, les auteurs ayant eux-mêmes exclu les « prestations informatiques » dans leur présentation du texte. Elle a également fait sortir du champ de la proposition de loi les prestations de conseil juridique ou financier réalisées par l'ensemble des professionnels du droit et du chiffre dès lors que ceux-ci sont déjà soumis à des obligations déontologiques sous le contrôle de leurs ordres professionnels respectifs3(*). Faire apprécier leurs éventuelles situations de conflits d'intérêts par la HATVP en parallèle créerait en effet une difficulté d'ordre procédural.

II. PILOTER ET ÉVALUER LES PRESTATIONS DE CONSEIL

Afin de contrer la stratégie dite du « pied dans la porte » poursuivie par certains cabinets de conseil visant à développer des relations avec l'administration et les décideurs politiques, la proposition de loi entend poser un principe d'interdiction des prestations de conseil à titre gratuit ; seules seraient autorisées les missions réalisées dans le cadre du mécénat d'entreprise, c'est-à-dire au profit de certains organismes ou oeuvres d'intérêt général.

Face à la diffusion du « franglais » par les cabinets de conseil, la proposition de loi étend aux consultants l'obligation de l'emploi de la langue française déjà prévue dans certains cas par la loi « Toubon » de 1994.

Le texte instaurerait par ailleurs une évaluation systématique, formalisée et publique des prestations de conseil, afin de mesurer leur valeur ajoutée pour les missions de l'administration.

Enfin, dans le but d'agir en amont et de limiter le recours aux consultants extérieurs, la proposition de loi contraindrait l'administration à dresser tous les cinq ans un état des lieux des ressources humaines dont elle dispose en matière de conseil -- selon les précisions apportées par la commission -- et des mesures mises en oeuvre pour développer les compétences de conseil en interne. À l'initiative de sa rapporteure, la commission a souhaité que le rapport prévu soit remis par le ministre le plus concerné par cet enjeu, à savoir le ministre de la transformation et de la  fonction publiques.

III. RENDRE TRANSPARENT LE RECOURS AUX CABINETS PRIVÉS

Souhaitant mettre un terme à l'opacité qui semble caractériser le  recours par les administrations publiques aux cabinets de conseil, la  proposition de loi tend à assurer la traçabilité de la participation de ces cabinets dans l'élaboration des politiques publiques et à garantir une meilleure information des citoyens.

A. MIEUX IDENTIFIER LES APPORTS DES CONSULTANTS

Afin d'éviter toute confusion avec les agents publics et le travail des administrations, la proposition de loi imposerait que les consultants déclinent leur identité lors de leurs échanges avec l'administration ou des tiers. Cet objectif de bonne identification des consultants a été renforcé par la commission, qui a précisé que les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l'administration.

En outre, l'utilisation des marques distinctives de l'administration, telles que les logos, serait réservée aux seuls cas où les documents auraient fait l'objet d'un travail conjoint de rédaction entre des consultants et des agents publics. Dans ce cas, une mention de l'intervention des consultants devrait apparaître sur chaque document. La commission a précisé que cette mention sera effectuée directement par l'administration bénéficiaire, clarifiant ainsi ce qui relève de sa responsabilité.

B. DISPOSER D'UNE VISION GLOBALE SUR L'INTERVENTION DES CABINETS DE CONSEIL

Si les règles précitées régissent l'intervention des cabinets de conseil au niveau de chaque prestation, au niveau agrégé, la proposition de loi prévoit la création d'une annexe au projet de loi de finances (dite « jaune budgétaire ») recensant le recours aux prestations de conseil par les administrations entrant dans le périmètre de la proposition de loi.

Prenant acte de la compétence exclusive des lois de finances pour créer des annexes à celles-ci4(*), la commission a transformé la création de ce jaune budgétaire en demande de rapport annuel, remis au Parlement tous les premiers mardi du mois d'octobre, date correspondant au dépôt du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale. Elle souhaite néanmoins que la discussion du projet de loi de finances pour 2023 soit l'occasion de créer un véritable jaune budgétaire.

Toutes les informations contenues dans ce rapport seraient publiées en données ouvertes, de même que les bons de commande des accords-cadres. Elles figureraient également dans le rapport social unique de chaque administration concernée, afin que les agents publics puissent être informés du recours de leur administration à des prestations de conseil.

Enfin, dans la mesure où l'État et les citoyens n'ont actuellement aucune visibilité sur les actions de démarchage menées pourtant régulièrement par les cabinets de conseil, la proposition de loi introduirait l'obligation pour ces derniers de les déclarer à la HATVP, qui rendrait ensuite publiques ces déclarations.

IV. ENCADRER DÉONTOLOGIQUEMENT CETTE ACTIVITÉ SENSIBLE SOUS LE CONTRÔLE DE LA HATVP

La proposition de loi imposerait un cadre déontologique unifié aux cabinets de conseil intervenant pour l'État et ses établissements publics qui permettrait de mieux détecter et prévenir les conflits d'intérêts et de contrôler plus systématiquement les « allers-retours » entre l'administration et ces cabinets.

A. PRÉVENIR LES CONFLITS D'INTÉRÊTS

La proposition de loi confierait à la HATVP une nouvelle mission de contrôle déontologique des prestations de conseil pour veiller à la bonne application des obligations qu'elle crée. La Haute Autorité serait dotée d'une commission des sanctions qui pourrait prononcer des sanctions administratives pouvant aller jusqu'à une exclusion des procédures de passation des marchés publics.

Les cabinets de conseil, leurs sous-traitants et les consultants eux-mêmes seraient soumis à une obligation de déclaration d'intérêts -- et de mise à jour de cette déclaration -- avant chaque prestation de conseil et le temps de celle-ci. Ces déclarations ne seraient pas publiées mais remises à l'administration bénéficiaire qui, en cas de doute sur leur exhaustivité, exactitude ou sincérité, pourrait demander un contrôle à la HATVP.

La commission a approuvé le système ainsi mis en place, considérant que l'expertise acquise par la HATVP en matière de conflits d'intérêts des élus et agents publics et de déontologie des représentants d'intérêts justifiait que cette autorité soit placée au coeur de son architecture.

À l'initiative de sa rapporteure, elle a étendu le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) à toutes les vérifications sur place que pourraient mener la HATVP, y compris dans un local professionnel, afin de renforcer les garanties des personnes concernées.

Toujours à l'initiative de sa rapporteure, la commission a souhaité renforcer le caractère dissuasif de l'amende administrative pour les personnes morales, en augmentant son plafond à 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total, tout en veillant à une prise en compte de la gravité des manquements constatés.

En parallèle, la commission a complété le dispositif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics en prévoyant un mécanisme de régularisation, conformément aux directives européennes qui encadrent le droit de la commande publique.

B. CONTRÔLER SYSTÉMATIQUEMENT LES MOBILITÉS ENTRE L'ADMINISTRATION ET LES CABINETS DE CONSEIL

Soulignant que les cabinets de conseil occupent une place à part au sein du secteur privé en raison de leur propension à influencer la décision publique, la proposition de loi prévoit un contrôle systématique par la  HATVP lorsqu'un agent public rejoint un cabinet de conseil et lorsqu'un consultant rejoint l'administration. Dans le premier cas, l'agent public serait également tenu de rendre compte de son activité à la HATVP au moins tous les six mois.

La commission a estimé que le régime spécifique de contrôle des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil ainsi défini était justifié au regard des risques déontologiques élevés inhérents à ces « allers-retours ».

V. PROTÉGER LES DONNÉES DE L'ADMINISTRATION CONFIÉES AUX CABINETS DE CONSEIL

La proposition de loi interdirait aux cabinets de conseil d'utiliser les données non publiées pour une finalité autre que l'exécution de la prestation et les obligerait à supprimer les données collectées dans un délai d'un mois à l'issue de la prestation. Le contrôle de cette suppression, y compris pour des données qui n'ont pas de caractère personnel, serait exercé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans le cadre de ses pouvoirs existants.

La commission a approuvé cette disposition, tout en supprimant l'obligation d'aviser le cabinet de conseil avant une vérification sur place, dès lors que la CNIL est préalablement autorisée par le juge de la détention et des libertés. L'effet de surprise peut en effet être justifié pour éviter tout risque de dépérissement des preuves.

Afin de s'assurer de la sécurité des systèmes d'information utilisés par les cabinets de conseil, la proposition de loi imposerait enfin aux candidats à un marché public de produire une attestation d'audit réalisé selon un référentiel ad hoc établi par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

À l'initiative de sa rapporteure, la commission n'a pas estimé utile de créer un référentiel en matière d'audit de la sécurité des systèmes d'information spécifique et a préféré s'en remettre au référentiel déjà existant. Elle a précisé que serait exigée l'atteinte d'un niveau minimal de sécurité à l'issue de cet audit, et non pas une simple attestation.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER
DÉFINIR LES PRESTATIONS DE CONSEIL

Article 1er

Champ d'application de la proposition de loi

L'article 1er fixe le champ d'application de la proposition de loi issue des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. Il établit un double critère en définissant, d'une part, les administrations concernées et, d'autre part, les prestations de conseil visées. Il pose par ailleurs le principe que les prestataires de conseil ou consultants ne doivent prendre aucune décision administrative.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a précisé la liste des administrations concernées en remplaçant la notion d'« opérateurs de l'État » peu définie, par celle d'établissements publics d'État. Plus précise juridiquement, cette rédaction permettrait de maintenir la plupart des organismes listés comme opérateurs en 2022.

La commission a également choisi de faire sortir du champ d'application certaines prestations relevant plus de l'exécution ou de la technique, telles la programmation et la maintenance informatiques, les auteurs ayant eux-mêmes exclu les « prestations informatiques » dans leur présentation du texte.

En matière de prestations de conseil juridique ou financier, elle a également étendu l'exception déjà créée en faveur des avocats pour leur activité de défense, des experts-comptables et des commissaires aux comptes à l'ensemble des professionnels du droit - y compris les avocats exerçant une activité de conseil - dès lors que ces professionnels sont déjà soumis à des obligations déontologiques sous le contrôle de leurs ordres respectifs. La commission n'a pas souhaité créer de chevauchement de compétences en faisant apprécier leurs éventuelles situations de conflit d'intérêts par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en cas d'intervention au bénéfice des administrations de l'État.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

1. Définir le champ d'application de la proposition de loi issue des travaux de la commission d'enquête

La commission d'enquête du Sénat sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques a examiné le « recours aux cabinets de conseil par l'État dans son ensemble, ce qui comprend notamment le conseil en stratégie, la gestion des ressources humaines, l'accompagnement de projets ou encore le conseil en communication », selon les déclarations liminaires de son président5(*).

Les auteurs de la proposition de loi ont donc fixé son périmètre en conséquence, en définissant un double critère, l'un relatif à l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil, l'autre relatif à la nature de la prestation réalisée. Seul le prestataire de conseil ou le consultant réalisant une prestation au bénéfice de l'une de ces personnes publiques et dans l'un des secteurs de conseil énumérés aurait à se soumettre aux obligations des articles 2 à 186(*).

L'article 1er de la proposition de loi définit ainsi :

- les administrations bénéficiaires comme étant l'État et ses opérateurs, les autorités administratives et publiques indépendantes (AAI et API) et les établissements publics de santé ;

- les prestations de conseil comme étant celles relevant du conseil en stratégie, en organisation des services et en gestion des ressources humaines, en informatique, en communication, pour la mise en oeuvre des politiques publiques, y compris leur évaluation, et de conseil juridique, financier ou en assurance.

Pour cette dernière catégorie, la proposition de loi prévoit d'exclure du champ d'application l'assistance ou la représentation des parties devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires, ainsi que l'expertise-comptable et le commissariat aux comptes.

2. Poser le cadre de l'intervention des cabinets de conseil

L'article 1er poserait également les limites de l'intervention des cabinets de conseil en rappelant le principe selon lequel « les prestataires de conseil et les consultants ne prennent aucune décision administrative ».

Ce rappel peut sembler souhaitable depuis que les travaux de la commission d'enquête ont mis au jour que des missions au coeur de l'État semblaient avoir été « déléguées » à des prestataires privés et que la frontière était parfois bien floue entre consultants et responsables ou agents publics.

De même, compte tenu du risque que les cabinets de conseil puissent orienter la décision vers un scénario qu'ils considèrent comme prioritaire7(*), il est apparu opportun d'inscrire dans la loi que les scénarios doivent s'appuyer sur « des informations factuelles et non orientées ».

3. La position de la commission : ajuster le champ d'application et clarifier la définition des prestataires de conseil et consultants

3.1. Clarifier la notion d'opérateurs

De nombreuses personnes auditionnées ont attiré l'attention de la rapporteure sur le caractère pour le moins fluctuant de la catégorie des opérateurs de l'État. En effet il s'agit d'une notion budgétaire qui recouvre des entités qui sont « majoritairement financées par des subventions de l'État ou des taxes affectées, ou porteurs d'enjeux importants pour l'État »8(*) et qui sont classées en tant qu'opérateurs chaque année, lors de l'établissement du « rapport sur les opérateurs de l'État » annexé au projet de loi de finances9(*) (également appelé « jaune budgétaire »). La liste ainsi établie est susceptible de varier d'une année sur l'autre. La grande majorité de ces opérateurs sont des établissements publics de l'État. Ils représentent environ 90 % des opérateurs listés dans le jaune budgétaire de 2023.

La rapporteure a donc proposé de remplacer la notion budgétaire d'« opérateurs de l'État » par la catégorie juridique des « établissements publics de l'État ». Elle s'est interrogée sur la possibilité de fixer un seuil - par exemple, un seuil fixé par référence aux dépenses de fonctionnement de l'établissement - afin de ne soumettre à la proposition de loi que des établissements ayant une certaine taille critique et qui, de ce fait, apparaissent davantage susceptibles de recourir aux cabinets de conseil de manière significative. En l'absence d'informations lui permettant d'établir la liste précise des établissements publics d'État concernés par tel ou tel seuil, elle a choisi de ne pas formuler de proposition à ce sujet.

La catégorie des établissements publics de l'État semble comprendre les établissements publics de santé placés sous le contrôle de l'État par le code de la santé publique10(*). Toutefois, la rapporteure a souhaité respecter les travaux de la commission d'enquête qui a choisi de mettre spécifiquement en lumière cette catégorie.

La commission a adopté l'amendement COM-3 de la rapporteure.

3.2. Mieux définir certaines catégories de conseil

Certaines personnes auditionnées ont également fait part de leur inquiétude quant au nombre de personnes qui pourraient être soumises aux obligations prévues par la proposition de loi, alors même que leurs tâches ne seraient pas de nature à influencer la décision publique, en particulier en matière informatique. Ainsi, un informaticien qui agirait pour mettre en oeuvre une application sans disposer de marges de manoeuvre pour en concevoir l'architecture ni les fonctionnalités aurait à établir une déclaration d'intérêt avant chaque prestation, ce qui peut sembler disproportionné au regard de l'enjeu de son intervention...

La rapporteure a été soucieuse de prendre en compte cette réalité, sans toutefois remettre en cause l'analyse de la commission d'enquête qui a souligné le poids économique des conseils en informatique et l'importance stratégique que revêtent les questions numériques en matière de politique publique, comme l'a montré le rôle central des outils informatiques de lutte contre l'épidémie de Covid-19. Il doit être rappelé que ces prestations informatiques ne sont pas comprises dans le nouvel accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) dont le cahier des clauses administratives particulières a été modifié pour prendre, en partie, compte des recommandations de la commission d'enquête.

La rapporteure a donc proposé d'exclure de manière expresse - et limitée - la programmation et la maintenance informatiques qui correspondent aux « prestations informatiques » que les auteurs avaient eux-mêmes entendu sortir de leur périmètre11(*). La commission a été favorable à cet ajustement, étant précisé que dès lors qu'une prestation comporterait à la fois une étude de projets applicatifs, puis la mise en oeuvre technique d'une application, elle rentrerait dans le champ de la proposition de loi. À ce stade, seuls les informaticiens intervenant exclusivement pour la  programmation informatique seraient exemptés de déclaration d'intérêts prévue à l'article 10. En cas d'intervention en amont, au moment des choix structurants, ils y seraient soumis.

Elle a adopté l'amendement COM-4 en conséquence.

3.3. Prendre en compte la spécificité des professions réglementées du droit

S'agissant de la catégorie du conseil juridique, financier ou en assurance, les auteurs du texte ont souhaité créer une exception en faveur des avocats pour leur mission de défense, des experts-comptables et des commissaires aux comptes.

Il a semblé cohérent à la rapporteure d'étendre cette exception aux autres professions réglementées du droit, tels les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les commissaires de justice et les notaires, qui comme les experts-comptables et les commissaires aux comptes, sont soumis à des obligations déontologiques sanctionnées disciplinairement par des instances ad hoc, dont le cadre a fait l'objet d'un renforcement par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Chacune de ces professions réglementées dispose d'un code de déontologie, fixé par décret en Conseil d'État, qui prévoit notamment des règles spécifiques en matière de conflits d'intérêts et dont le respect est sanctionné disciplinairement.

Par ailleurs, soumettre les questions de conflits d'intérêts les concernant au contrôle de la HATVP créerait un conflit de compétences avec les instances disciplinaires de leur profession.

Enfin, il ne lui a pas semblé opportun de séparer l'activité de conseil des avocats de leur activité plaidante, ces deux activités étant également soumises au Règlement intérieur national de la profession d'avocat, en particulier aux règles en matière de conflit d'intérêts, sous le contrôle du conseil de discipline12(*).

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté l'amendement COM-5 pour intégrer dans l'exception l'ensemble des professions réglementées autorisées à délivrer des consultations juridiques.

3.4. Clarifier la définition des prestataires de conseil et des consultants

La commission a enfin souhaité faire expressément entrer les sous-traitants dans le champ d'application de la proposition de loi et a clarifié la distinction entre prestataires et consultants, qui seraient des personnes morales pour les premières et des personnes physiques pour les secondes.

La commission a adopté l'amendement COM-6 apportant ces dernières modifications à l'article 1er.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

CHAPITRE II
EN FINIR AVEC L'OPACITÉ
DES PRESTATIONS DE CONSEIL

Article 2
Création de trois règles encadrant les pratiques des consultants dans leurs rapports avec l'administration

L'article 2 crée de nouvelles règles afin de mieux identifier les consultants dans leurs relations avec l'administration et avec des tiers et afin de mettre en évidence leurs apports dans les documents qu'ils produisent pour l'administration.

L'utilisation des marques distinctives de l'administration, telles que les logos, serait réservée uniquement aux documents produits par l'administration, éventuellement avec la participation de consultants. Dans ce cas, les documents produits conjointement comporteraient une mention de la participation des consultants ainsi que le cadre contractuel dans lequel s'inscrit la prestation de conseil. En outre, les consultants seraient tenus de décliner leur identité dans leurs échanges avec l'administration ou des tiers, afin d'éviter toute confusion quant à leur qualité de consultant vis-à-vis des agents publics.

La commission a approuvé ces mesures, qu'elle a renforcées tout en clarifiant leur articulation.

1. Des règles encore insuffisantes pour assurer la traçabilité des interventions des cabinets de conseil lors de leurs prestations

1.1. Le constat d'une certaine opacité quant aux apports et à l'identification des consultants

La commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques a identifié des pratiques entraînant un risque de confusion entre le rôle des consultants et celui de l'administration bénéficiaire.

Ces pratiques concernent notamment :

- l'utilisation du sceau ou du logo de l'administration sur les livrables ou documents divers fournis par le cabinet de conseil ;

- l'absence de précision quant à la qualité de consultant dans les échanges avec des tiers ou des agents de l'administration, les consultants pouvant alors être assimilés à des agents publics ;

- ou encore l'omission, dans les livrables issus d'un travail collectif entre des agents publics et des consultants, de la participation de ces derniers au travail effectué.

Il résulte de ces pratiques une absence de visibilité quant aux réels apports des consultants au travail de l'administration, qui nuit aussi bien à la transparence de l'utilisation des deniers publics qu'à la possibilité, pour l'administration, d'évaluer convenablement la prestation des consultants.

Ces pratiques sont d'autant plus répréhensibles qu'elles sont parfois assumées et volontaires, dans un objectif discutable de « discrétion », voire de « confidentialité »13(*), comme l'a reconnu le ministre Olivier Véran lors de son audition par la commission d'enquête sénatoriale, le cabinet de conseil s'engageant à « rester en coulisse »14(*) malgré son rôle significatif.

1.2. Des règles inexistantes ou à la normativité limitée

En réaction aux travaux et aux recommandations de la commission d'enquête sénatoriale, de premières règles ont été récemment édictées afin de mettre un terme aux pratiques précitées. Ces règles sont cependant peu contraignantes ou peuvent aisément être contournées, non seulement en raison de la nature de leur véhicule juridique (circulaire, accord-cadre régulièrement renouvelé) qui s'apparente à du droit souple, mais aussi par l'absence ou la faiblesse des sanctions prévues en cas de non-respect de ces règles. En outre, elles ne sont pas harmonisées et varient en fonction des supports contractuels.

En premier lieu, la circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l'État aux prestations intellectuelles dispose qu'il « est primordial qu'aucun doute ne soit entretenu concernant [la] qualité de prestataire, tant en interne que vis-à-vis des tiers » afin d'éviter toute « confusion ». Pour atteindre cet objectif, la seule recommandation pratique consiste cependant à ne pas affecter une adresse électronique aux consultants, dont la signature doit mentionner explicitement leur qualité de prestataire et l'administration qui les a mandatés pour la mission qu'ils conduisent.

En second lieu, l'accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) relatif aux prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle, dont la procédure de renouvellement est en cours, prévoit dans son cahier des clauses administratives particulières des dispositions censées assurer une plus grande transparence dans les modes d'intervention des consultants, directement inspirées des recommandations de la commission d'enquête15(*) :

- l'article 9.2.2 impose aux consultants « d'indiquer leur identité ainsi que le nom de l'entreprise qui les emploie dans leurs contacts avec l'administration bénéficiaire et les tiers avec qui ils échangent pour les besoins de leurs prestations » ;

- les consultants ont « interdiction d'utiliser les sceaux, timbres, cachets et marques de l'administration » et « la charte graphique de l'administration est réservée uniquement aux productions rédigées par l'administration » (article 9.3.4) ;

- enfin, les livrables ou documents rédigés avec la participation directe ou indirecte du consultant doivent « mentionne[r] cette information, précise[r] la prestation de conseil réalisée et le cadre contractuel dans lequel s'inscrit ladite prestation » (article 9.3.4).

La sanction prévue en cas de non-respect des deux dernières règles est une pénalité de 500 € par élément utilisé à tort (article 17.9). Aucune sanction particulière n'est prévue en cas de manquement à la première règle.

Ces règles, pour nécessaires qu'elles soient, ne sont cependant pas systématiques, en l'absence de cadre légal qui les imposerait.

Ainsi, le dernier accord-cadre de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP), rédigé avant le début des travaux de la commission d'enquête, ne prévoit aucune règle de nature à identifier convenablement les apports et l'identité des consultants, alors que l'UGAP représenterait près de 30 % des prestations de conseil les plus stratégique de l'État, selon les estimations de la commission d'enquête, soit davantage que la DITP (23 %).

Par ailleurs, les administrations sont libres de recourir directement à des prestations de conseil sans passer par les accords-cadres de la DITP ou de l'UGAP, la seule règle s'imposant alors étant, pour les administrations de l'État, de veiller à éviter tout « doute » concernant la qualité des consultants, comme le prévoit la circulaire du Premier ministre précitée.

2. Prévenir la pratique consistant à « rester en coulisse » par l'inscription dans la loi de règles limitant les risques de confusion entre l'administration et les consultants qu'elle sollicite

L'article 2 de la proposition de loi tend à systématiser trois règles encadrant les interventions des consultants dans la sphère publique via leur inscription dans un cadre légal, afin d'assurer la traçabilité de ces interventions. Ainsi, ces règles ne seraient plus facultatives, en fonction des contrats, mais s'imposeraient à l'ensemble des prestations de conseil effectuées pour le compte des administrations mentionnées à l'article 1er de la proposition de loi, y compris pour les prestations qui ne sont pas issues des accords-cadres de la DITP et de l'UGAP.

Le I prévoit l'obligation pour les consultants d'indiquer leur identité et celle de leur employeur au cours de leurs échanges avec l'administration ou des tiers. Le II interdirait aux consultants d'utiliser les marques distinctives de l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil. Enfin, le III prévoit la mention, dans tous les documents livrés, du rôle tenu par le consultant dans les travaux de rédaction, même lorsque la participation de ce dernier est indirecte.

Les I et II de l'article 2 de la proposition de loi s'inspirent partiellement de l'article 18-5 de loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui régit les relations entre les pouvoirs publics et les représentants d'intérêts. Ces derniers sont en effet tenus de « déclarer leur identité, l'organisme pour lequel ils travaillent et les intérêts ou entités qu'ils représentent dans leurs relations avec [les pouvoirs publics] » et doivent « s'abstenir [...] d'utiliser du papier à en-tête ainsi que le logo [des] autorités publiques et [des] organes administratifs ».

L'adoption de ces règles rendrait illégale la pratique consistant à « rester en coulisse ». Dans un objectif de transparence, elle rendrait donc caduques les préventions des cabinets de conseil ou des administrations souhaitant que « les travaux et livrables fournis [par le cabinet] et divulgués à l'extérieur du [ministère] ne [mentionnent pas] l'intervention et le nom [du cabinet], sauf obligation légale »16(*). Conformément au IV de l'article 2 de la proposition de loi, cette pratique s'apparenterait à un manquement pouvant être sanctionné par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), laquelle pourrait infliger une amende administrative voire exclure le contrevenant des procédures de passation des marchés publics pour une durée maximale de trois ans.

3. Des mesures renforcées par la commission

La commission juge pertinent l'encadrement des modalités d'intervention des cabinets de conseil auprès des administrations publiques et leur inscription dans un cadre légal qui harmoniserait les pratiques dans le sens d'une exigence de transparence qui lui apparait nécessaire.

Elle a néanmoins apporté des précisions relatives à l'articulation de ces règles par le vote de l'amendement COM-7 de sa rapporteure.

Pour éviter toute confusion quant à la qualité de consultant, cet amendement précise que les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l'administration.

Il clarifie par ailleurs l'interdiction d'utilisation des marques distinctives de l'administration afin qu'elle concerne plus explicitement les relations entre les consultants et l'administration ou les tiers, ainsi que les documents rédigés par les consultants pour le compte de l'administration, les cas de rédaction conjointe étant prévus au III de l'article 2. En revanche, cette rédaction rendrait possible la diffusion, sur le site internet des prestataires de conseil, de la liste des administrations pour lesquelles ils ont travaillé en les identifiant notamment par leur logo, pratique favorable à l'objectif de transparence que promeut la proposition de loi.

Dans ce même esprit de transparence, et afin d'éviter un contournement des règles précitées une fois que les livrables sont validés, l'amendement COM-7 prévoit en outre que c'est à l'administration de mentionner sur les livrables rédigés conjointement avec des consultants les informations relatives à l'intervention de ces derniers et au cadre contractuel dans lequel ils ont participé aux travaux de rédaction.

Enfin, le 1° du I de l'article 13 mentionnant l'article 2 parmi les manquements que la HATVP peut sanctionner, la commission a supprimé le IV du même article 2, pour éviter toute redondance au sein de la loi.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3
Création d'un document budgétaire recensant les prestations de conseil par les administrations publiques

L'article 3 crée un nouveau document budgétaire, annexé à chaque loi de finances, appelé « jaune budgétaire », recensant les prestations de conseil effectuées pour le compte des administrations bénéficiaires. Il permettrait de disposer, sur un document unique, à la fois d'informations agrégées sur le recours aux prestations de conseil et d'une liste détaillée de chaque prestation.

La commission est favorable à cet outil qui participerait aussi bien à la transparence du recours aux prestations de conseil qu'à l'émergence d'un suivi plus structuré de ces prestations par l'État. Prenant acte de la compétence exclusive des lois de finances pour créer des annexes à celles-ci, la commission a transformé ce jaune budgétaire en demande de rapport annuel, tout en souhaitant que la discussion prochaine du projet de loi de finances pour 2023 soit l'occasion de créer un véritable jaune budgétaire.

1. Les travaux de la commission d'enquête ont mis en lumière la difficulté, y compris pour l'État, d'appréhender et de chiffrer l'étendue du recours aux prestations de conseil

1.1. L'absence de données agrégées

Malgré les outils de comptabilité publique dont dispose l'État, notamment le logiciel Chorus, il ressort aussi bien des travaux de la commission d'enquête que des auditions menées par la rapporteure qu'il n'existait pas, jusqu'à deux jours avant l'examen de la proposition de loi par la commission, de données agrégées permettant d'apprécier et d'évaluer les montants que représente le recours aux prestations de conseil par les administrations publiques.

Comme l'a indiqué la direction interministérielle à la transformation publique (DITP) à la rapporteure, « force est de constater que ni le système d'information des achats, ni le système d'information comptable de l'État n'ont permis de répondre aux demandes de la commission d'enquête du Sénat », qui souhaitait connaître les dépenses totales dédiées aux prestations de conseil.

Cette méconnaissance généralisée des montants concernés résultait principalement d'un manque de coordination au sein des administrations de l'État, aucune administration, y compris le ministère de l'économie et des finances, chargé de la rédaction des documents budgétaires, n'ayant été missionnée jusqu'à récemment pour assurer un suivi quantitatif minimal de ces prestations. Même à l'échelle des ministères, l'agrégation des données était fortement hétérogène, illustrant l'absence d'un suivi fiable, systématique et harmonisé.

En conséquence, il n'existait aucun support d'information recensant de façon agrégée le montant ainsi que le nombre de prestations de conseil auxquelles l'État et ses établissements publics ont eu recours.

Si ces informations n'étaient disponibles ni pour les parlementaires, ni pour les citoyens, ce qui soulevait un problème de transparence de l'utilisation des deniers publics, l'État lui-même ne semblait pas en mesure de chiffrer son recours aux prestations de conseil, ce qui interrogeait sur l'efficacité et la maîtrise de la dépense publique.

Pourtant, les sommes en jeu sont non seulement significatives, mais suivent une dynamique croissante.

En effet, selon les estimations « minimales » de la commission d'enquête, les dépenses de conseil des seuls ministères ont avoisiné 900 millions d'euros pour l'année 2021, soit un doublement par rapport à 2018. À titre de comparaison, cela correspond approximativement au budget annuel du ministère des sports.

1.2. Une prise de conscience récente mais insuffisante de la nécessité d'assurer un suivi quantitatif des prestations de conseil

Le constat de la dispersion et donc de la difficulté d'appréhender les données relatives aux prestations de conseil a donné lieu à de premières avancées afin de rationaliser le recueil et la publicité de ces informations.

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 précitée a ainsi cherché à initier « une nouvelle politique de recours aux prestations intellectuelles », passant notamment par la mise en place d'un « dispositif de pilotage » au sein de chaque ministère sous la responsabilité de son secrétaire général. À l'échelle agrégée de l'État, il a été demandé à la direction du budget du ministère de l'économie et des finances d'assurer, dès l'exercice 2022, « un suivi des dépenses de prestations intellectuelles à travers le réseau des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels ».

En parallèle, un objectif de réduction de 15 % des dépenses de conseil en stratégie et en organisation par rapport à 2021 a été fixé. Le suivi précité, une première en l'état, est censé permettre d'évaluer l'atteinte de cet objectif.

Enfin, le 10 octobre 2022, soit deux jours avant l'examen de la proposition de loi par la commission, le Gouvernement a publié un rapport annexé au projet de loi de finances pour 2023 relatif au « recours aux conseils extérieurs ». Ce rapport reprend l'esthétique, l'intitulé et les modalités de présentation des annexes générales au projet de loi de finances, appelés « jaunes budgétaires », sans pour autant disposer de leur base légale, seule une loi de finances pouvant créer une annexe générale au projet de loi de finances.

Ce rapport présente la stratégie de l'État quant à son recours aux prestations de conseil, en rappelant les règles instaurées par la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 et en synthétisant l'architecture du dernier accord-cadre de la DITP, dont la procédure de renouvellement est encore en cours. Sa réelle nouveauté consiste en la publication de données agrégées pour l'année 2021 et les six premiers mois de l'année 2022 : l'État aurait ainsi passé 4 854 commandes de prestations intellectuelles auprès de conseils extérieurs en 2022, pour un montant total de 271 millions d'euros. Lors du premier semestre de l'année 2022, 2 321 commandes auraient été passées, pour un montant total de 118 millions d'euros. Ces données sont également présentées par ministère.

Contrairement aux estimations de la commission d'enquête, ces montants excluent cependant les prestations de conseil en informatique. En outre, sont exclus du rapport présenté par le Gouvernement les dépenses de conseil engagées par les établissements publics nationaux. Enfin, ce rapport ne contient pas de liste détaillée des prestations de conseil effectuées pour le compte des administrations publiques.

2. La création d'un document budgétaire récurrent dédié au recours aux prestations de conseil participerait à l'effort de transparence et imposerait la structuration d'un véritable suivi quantitatif

2.1. Un document unique pour une meilleure lisibilité des données

Afin de remédier au manque d'information et à l'absence de vision globale sur l'étendue du recours aux prestations de conseil, l'article 3 de la proposition de loi prévoit la création d'un document budgétaire annexé à la loi de finances, destiné, selon les termes de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), « à l'information et au contrôle du Parlement ».

Ce document, appelé « jaune budgétaire », serait ainsi public et contribuerait tout autant à l'information des citoyens quant à l'utilisation des deniers publics pour des prestations de conseil. Il permettrait de disposer, sur un document unique, d'informations agrégées et d'une liste détaillée des prestations de conseil effectuées au cours des cinq dernières années pour le compte des administrations entrant dans le périmètre de la proposition de loi.

En outre, le caractère régulier et systématique de la discussion des lois de finances imposerait à l'État de pérenniser et d'affiner le suivi des dépenses de conseil initié par la circulaire du Premier ministre du 22 janvier 2022 précitée.

2.2. Des informations détaillées, dans le respect du secret des affaires

L'article 3 de la proposition de loi prévoit que la liste des prestations de conseil qui serait établie dans le « jaune budgétaire » comporte une série d'informations telles que la date de notification et d'exécution de la prestation, l'administration bénéficiaire, l'objet résumé de la prestation, son montant, le nom du prestataire, ou encore la référence de l'accord-cadre auquel se rattache la prestation.

Pour les marchés publics de services d'un montant supérieur à 140 000 €, la plupart de ces informations, comme le montant du marché ainsi que son attributaire, sont déjà contenues dans les avis d'attribution de chaque marché publiés au Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne, conformément aux articles L. 2183-1 et R. 2183-1 du code de la commande publique.

Ces informations sont en outre conformes à la jurisprudence du Conseil d'État et de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) quant au respect du secret des affaires, tel que défini à l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), lors de la communication de documents relatifs aux marchés publics.

La CADA a notamment rappelé, dans son récent avis n° 20221117 du 31 mars 2022 relatif à une demande de communication du rapport remis au ministre de l'Éducation nationale par le cabinet McKinsey sur l'évolution du métier d'enseignant, ainsi que des pièces du contrat-cadre initial et des factures afférentes , qu'une « fois signés, les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont des documents publics soumis au droit d'accès institué par le [...] code des relations entre le public et l'administration ». En conséquence, « doivent être regardés comme communicables [...] l'ensemble des pièces d'un marché public [telles que] le prix global de l'offre et les prestations proposées ». Les éléments non communicables sont ceux qui « reflètent la stratégie commerciale de l'entreprise et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret commercial », ce qui concerne « le bordereau unitaire ». C'est pourquoi est notamment exclue du dispositif prévu à l'article 3 de la proposition de loi la communication des unités d'oeuvres.

Le même article 3 prévoit une réserve à la publication des informations demandées dans le jaune budgétaire pour les prestations de conseil en lien avec « le secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l'État, de la sécurité publique et de la sécurité des personnes ou des systèmes d'information ». Cette réserve reprend celle déjà présente à l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration et, en ce qui concerne le secret de la défense nationale, à l'article 413-9 du code pénal.

3. Une mesure approuvée par la commission mais redéfinie afin de respecter le domaine exclusif des lois de finances

La création d'un document budgétaire présentant le recours agrégé aux prestations de conseil et donnant une liste détaillée desdites prestations est une mesure soutenue par la commission. Elle souhaite ainsi que le rapport présenté récemment par le Gouvernement, qu'elle voit comme une première étape et non comme un aboutissement, soit à la fois pérennisé et mieux défini en lui donnant un cadre légal ainsi qu'un périmètre élargi et stabilisé.

La commission a néanmoins pris acte de la compétence exclusive des lois de finances pour créer des annexes à celles-ci, conformément au 7° de l'article 51 de la LOLF, tel qu'issu de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, entrée en vigueur le 4 octobre 2022 lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2023 à l'Assemblée nationale.

En conséquence, la commission a transformé, par le vote de l'amendement COM-8 de sa rapporteure, le jaune budgétaire en une demande de rapport annuel, remis au Parlement le premier mardi d'octobre, date correspondant au dépôt du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.

Son souhait est néanmoins que la discussion prochaine du projet de loi de finances pour 2023 soit l'occasion de créer d'un véritable jaune budgétaire, dans les conditions conformes aux dispositions organiques.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
Publication des informations relatives aux prestations de conseil en données ouvertes et dans le rapport social unique des administrations concernées

L'article 4 de la proposition de loi prévoit la publication en données ouvertes des informations relatives aux prestations de conseil et des bons de commande et actes d'engagement lorsque la prestation se rattache à un accord cadre. Ces données figureraient en outre dans le rapport social unique de l'administration bénéficiaire des prestations de conseil.

La commission a approuvé ces dispositions et a adopté un amendement rédactionnel afin d'assurer une coordination avec les modifications apportées à l'article 3.

1. Depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, l'ouverture des données publiques est la règle

1.1. Renforcer la transparence des données relatives aux prestations de conseil en les publiant en données ouvertes

L'article 4 de la proposition de loi prévoit la publication en données ouvertes des informations listées dans le rapport budgétaire créé à l'article 3 de la proposition de loi.

Cette disposition viendrait compléter le cadre général de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a acté le principe d'une ouverture des données publiques, lesquelles doivent être publiées « dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé », formulation reprise à l'article 4 de la proposition de loi.

Conformément à l'article L. 321-4 du code des relations entre le public et l'administration, la mise à disposition des données de référence « en vue de faciliter leur réutilisation » constitue une mission de service public relevant de l'État. Cette mission de service public est notamment assurée par le biais du site data.gouv.fr.

Dans la mesure où les informations contenues dans le document budgétaire seraient considérées comme publiques puisqu'annexées à chaque loi de finances, la publication en données ouvertes représenterait une étape supplémentaire en faveur de la transparence des données publiques.

Mise en perspective avec le document budgétaire demandé à l'article 3 de la proposition de loi, la publication de ces informations en données ouvertes ne représenterait qu'une charge administrative secondaire, les services de l'État devant déjà rassembler ces informations en vue de la préparation dudit document budgétaire.

1.2. Publier systématiquement les bons de commandes des accords-cadres afin de réduire les saisines de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

Le II de l'article 4 de la proposition de loi étendrait l'obligation de publication en données ouvertes aux bons de commandes et aux actes d'engagement des prestations de conseils se rattachant à des accords-cadres.

Dans un contexte de forte hausse des saisines de la CADA, celles-ci ayant augmenté de 30 % entre 2020 et 2021 pour s'établir à 8 417 saisines17(*), cette obligation de publication permettrait de réduire les saisines de cette dernière, dont la jurisprudence autorise déjà la communication des pièces des accords-cadres, sous réserve du retrait des informations personnelles et des éléments permettant de déterminer les prix unitaires, c'est-à-dire, dans le cas des prestations de conseil, les unités d'oeuvre. À titre d'exemple, la CADA a récemment émis un avis favorable à une demande d'accès formulée par un journaliste du Monde aux « documents relatifs à l'attribution du marché [de conseil au profit de la présidence de la République] : notamment l'accord-cadre, l'offre d'engagement ou l'acte d'engagement, et les bons de commande, mais aussi tout autre document contractuel établi entre le(s) cabinet(s) attributaire(s) et la Présidence » de la République18(*).

Il reviendrait cependant aux administrations de supprimer des bons de commande et actes d'engagement les informations personnelles qu'ils contiennent, comme par exemple des adresses électroniques personnelles, ainsi que les unités d'oeuvre.

2. L'enrichissement du rapport social unique participerait à l'information des agents publics quant à l'emploi des compétences par l'administration

2.1. Le rapport social unique, un élément du dialogue social au sein de la fonction publique

L'article 5 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a rassemblé en un document unique, appelé rapport social unique, divers rapports en lien avec les ressources humaines qu'élaboraient les administrations publiques.

Ce rapport annuel et public s'adosse sur une base de données sociales accessible aux membres des comités sociaux. Il rassemble tous les éléments et données sur la base desquelles est élaborée la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines.

Ce rapport aborde une douzaine de thématiques, parmi lesquelles figure la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences.

2.2. Répondre à la méconnaissance, par les agents publics, du recours aux prestations de conseil par leur administration

La commission d'enquête sénatoriale a mis en exergue un manque d'information des agents publics quant au recours par leur administration à des cabinets de conseil, et ce alors que l'une des justifications avancées de ce recours à des consultants est l'absence de certaines compétences au sein des administrations.

C'est pourquoi le 2° du I de l'article 4 de la proposition de loi prévoit que les données relatives aux prestations de conseils, telles que listées dans le document budgétaire créé à l'article 3, soient incluses dans le rapport social unique, afin que la présentation de ce dernier permette aux agents publics d'être formellement informés des prestations de conseils auxquelles a eu recours leur administration.

Dans la mesure où ces données seraient déjà rassemblées pour la préparation du document budgétaire précité, cette disposition ne représenterait pas une charge administrative supplémentaire significative.

3. La position de la commission

La commission est favorable à la publication des informations relatives au recours aux prestations de conseil en données ouvertes et dans le rapport social unique des administrations, considérant qu'il s'agit de l'aboutissement du mouvement de transparence promu par la proposition de loi.

Elle a adopté l'amendement COM-10 de sa rapporteure, qui procède à une coordination résultant des modifications apportées à l'article 3.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

CHAPITRE III
MIEUX ENCADRER LE RECOURS AUX CONSULTANTS

Article 5
Interdiction des prestations de conseil à titre gratuit

L'article 5 de la proposition de loi pose un principe d'interdiction des prestations réalisées à titre gratuit pour l'administration, tout en prévoyant une exception pour les missions exécutées dans le cadre du mécénat d'entreprise.

La commission a adopté cet article en clarifiant sa rédaction.

1. En dépit des risques déontologiques qu'elle comporte, l'intervention gratuite de consultants au profit de l'administration fait l'objet d'un encadrement récent et rudimentaire

1.1. Le pro bono : une pratique courante des cabinets de conseil, porteuse de risques pour l'administration

Les cabinets de conseil interviennent parfois gratuitement pour leurs clients, soit sous la forme de pro bono19(*), soit sous la forme du mécénat.

Ainsi que la commission d'enquête l'a souligné, le pro bono concerne en pratique surtout le secteur économique, avec comme principaux bénéficiaires l'Élysée et le ministère de l'économie et des finances.

Ces missions gratuites revêtent un triple intérêt pour les cabinets de conseil, comme l'a souligné la commission d'enquête20(*) : contribuer à des problématiques sociales, dans une logique de responsabilité sociale des entreprises ; impliquer les consultants dans un projet d'intérêt général ; et, dans le cas du mécénat, bénéficier de réductions fiscales ou de contreparties en nature.

Comme l'a révélé la commission d'enquête, beaucoup de cabinets de conseil sont intervenus gratuitement pendant la crise sanitaire21(*). Or, « les prestations pro bono soulèvent trois difficultés majeures, qui pèsent à la fois sur l'administration et sur les cabinets de conseil »22(*) :

un régime juridique incertain : aussi bien le périmètre de la prestation, l'organisation du travail, que les principes déontologiques sont à la main de l'administration et des cabinets de conseil. La signature d'une convention n'est du reste pas systématique ;

- un risque de récupération commerciale : le pro bono réalisé auprès d'entités publiques peut devenir un argument de vente pour le prestataire de conseil ;

- un risque de contrepartie onéreuse : le pro bono permet au prestataire de conseil de nouer des relations avec l'administration et les décideurs politiques, de manière à se rendre indispensable par la suite et d'obtenir des marchés importants, conformément à la stratégie du « pied dans la porte » identifiée par l'universitaire Julie Gervais23(*). Comme l'a mis en avant Didier Migaud, président de la HATVP, « il faut toujours être prudent à l'égard de ce type de prestations, surtout lorsqu'elles sont proposées par des sociétés dont l'objet est de dégager des marges. J'appelle à la plus grande vigilance, afin d'éviter qu'elles ne fassent l'objet de suites positives pour les sociétés en question »24(*).

En dépit de ces risques déontologiques élevés, les prestations réalisées à titre gratuit pour l'administration font l'objet d'un encadrement récent et timide. Est ainsi prévue l'interdiction des contreparties aux missions pro bono et des droits de suite, mais pas l'interdiction des missions pro bono en elles-mêmes.

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 prévoit ainsi que « les missions dites pro bono, effectuées à titre gracieux au bénéfice des administrations publiques, ne doivent donner lieu à aucune contrepartie. Toute mission pro bono ou mécénat de compétence doit être autorisée par le secrétariat général du ministère et enregistrée auprès de l'acheteur ministériel ou interministériel compétent. Il va sans dire qu'aucun droit de suite ne peut être accordé au prestataire d'une mission pro bono ».

Ces dispositions ont été inscrites dans le cahier des charges du futur accord-cadre de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP)25(*).

Certains cabinets de conseil vont toutefois jusqu'à interdire la réalisation de prestations à titre gratuit, à l'image de Syntec Conseil dans sa charte de déontologue visant les interventions de conseil auprès du secteur public, adoptée à l'été 2022.

1.2. L'article 5 propose d'interdire les missions pro bono, tout en prévoyant une exception pour le mécénat d'entreprise

Afin de contrer la stratégie du « pied dans la porte » poursuivie par certains cabinets de conseil pour accroître leur réseau de clientèle en direction de la sphère publique, la proposition de loi entend poser un principe d'interdiction des prestations de conseil réalisées à titre gratuit pour l'administration.

Seraient en revanche autorisées les missions réalisées dans le cadre du mécénat, tel qu'il est régi par la loi n°2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

Défini comme « un soutien matériel ou financier apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une oeuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un caractère d'intérêt général »26(*), le mécénat se traduit par le versement d'un don en numéraire (don en argent, effectué de manière ponctuelle ou répétée), en nature (don d'un bien mobilier ou immobilier) ou en compétence (l'entreprise réalise une prestation de service ou met son personnel à disposition) à un organisme pour soutenir une oeuvre d'intérêt général.

Si le bénéficiaire est éligible au mécénat déductible, le don ouvre droit, pour les donateurs (entreprises et particuliers), à certains avantages fiscaux.

Pour être éligible au mécénat ouvrant droit, pour le donateur, à un avantage fiscal, le bénéficiaire doit être un organisme d'intérêt général. Cette condition est remplie si l'activité est non lucrative et non concurrentielle, si la gestion est désintéressée, et si l'activité ne profite pas à un cercle restreint de personnes.

Conformément à l'article 238 bis du code général des impôts (CGI), il peut s'agir des organismes bénéficiaires suivants :

- organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel ;

- organismes d'intérêt général concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

- fondations ou associations reconnues d'utilité publique ;

- musées de France ;

- établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique public ou privé, d'intérêt général, à but non lucratif ;

- établissements d'enseignement supérieur consulaire pour leurs activités de formation professionnelle initiale et continue et de recherche ;

- sociétés ou organismes publics ou privés agréés par le ministère chargé du budget ;

- organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour principale activité la présentation au public d'oeuvres théâtrales, musicales, cinématographiques, audiovisuelles et de cirque ou l'organisation d'expositions d'art contemporain.

La loi de finances rectificative pour 2009 a étendu, sous certaines conditions, le bénéfice du mécénat à des organismes agréés dont le siège est situé dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale.

L'oeuvre, quant à elle, doit être d'intérêt général, c'est-à-dire revêtir un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue ou des connaissances scientifiques françaises.

Les entreprises à l'origine d'un don répondant aux conditions ainsi posées bénéficient d'une réduction d'impôt égale à 60 % du montant du don pour la fraction inférieure ou égale à deux millions d'euros, et à 40 % pour la part du don supérieure à deux millions d'euros. Cette réduction est plafonnée à 20 000 euros par an ou à 0,5 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise donatrice si ce dernier montant est plus élevé. Lorsque ce plafond est dépassé au cours d'un exercice, l'excédent peut donner lieu à des réductions d'impôts sur les cinq exercices suivants.

Aussi bien les organismes bénéficiaires que les entreprises donatrices sont soumis à des obligations déclaratives : les premiers doivent assurer, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État, la publicité par tous moyens et la certification de leurs comptes annuels au-dessus d'un montant de dons de 153 000 euros par an ; les mécènes sont quant à eux tenus d'effectuer une déclaration fiscale supplémentaire au-delà de 10 000 euros de dons versés au cours d'un même exercice.

Enfin, le mécénat peut donner lieu à une contrepartie du bénéficiaire en faveur du mécène comme, par exemple, l'accès gratuit à un musée. Conformément à la doctrine fiscale, cette contrepartie est limitée à 25 % de la valeur du don.

Ce dispositif diffère du parrainage (ou « sponsoring »), dans lequel l'entreprise qui « parraine » retire une contrepartie directe (comme la publicité) de l'organisme parrainé en échange du soutien accordé.

2. Favorable à l'interdiction des prestations de conseil réalisées pour l'administration à titre gratuit et à l'exception prévue pour le mécénat, la commission a précisé la rédaction de l'article 5

2.1. La commission estime l'interdiction des prestations pro bono justifiée au regard des risques déontologiques associés

Au regard des travaux de la commission d'enquête, la commission perçoit toute l'ambiguïté dont sont porteuses les prestations de conseil réalisées à titre gratuit pour l'administration : si les missions pro bono peuvent répondre, de manière apparemment désintéressée, à une demande sincère d'engagement de la part des consultants, elles n'en contribuent pas moins à la réputation du cabinet, lequel mettra en avant le fait d'avoir travaillé pour une entité publique.

La rapporteure a certes entendu, à l'occasion des auditions, l'argument selon lequel l'urgence inhérente à certaines situations de crise peut nécessiter le recours à des prestations pro bono ; à sa suite, la commission a considéré non seulement qu'il revenait à la loi de poser des principes généraux, mais surtout que les risques déontologiques induits par ce type de missions justifient leur interdiction.

Enfin, la commission a jugé bienvenue l'exception prévue pour les prestations réalisées dans le cadre du mécénat. En effet, ce dispositif bénéficie d'un cadre légal clair, à la différence du pro bono. Dès lors, il ne paraît pas justifié de priver les prestataires de conseil de la possibilité de contribuer à des projets d'intérêt général, d'autant que le mécénat de compétences correspond à une pratique courante chez de nombreux cabinets, qui mobilisent gratuitement des salariés pour travailler sur une mission.

Pour autant, comme relevé par la commission d'enquête, le mécénat n'est pas non plus sans risques, notamment pour les domaines exposés que sont les sciences et l'enseignement supérieur. C'est pourquoi la commission a souligné que l'autorisation des missions réalisées dans le cadre du mécénat devait aller de pair avec les obligations déclaratives posées à l'article 11 de la proposition de loi, dans un objectif de transparence.

2.2. La commission a souhaité clarifier la rédaction de l'article 5

Souscrivant à l'objectif poursuivi à l'article 5 de la proposition de loi, la commission a jugé nécessaire de clarifier sa rédaction, en cohérence avec l'article 238 bis du CGI.

Si l'article 5 propose, dans sa rédaction initiale, d'exclure les « actions de mécénat  mentionnées à l'article 238 bis du code général des impôts », il faut rappeler que cet article du CGI ne mentionne pas en tant que telles les actions de mécénat. Il ne renvoie pas non plus à l'objet des prestations concernées par la réduction d'impôt prévue au 2. de l'article, mais il énumère les catégories d'organismes bénéficiaires des versements effectués par les entreprises qui ouvrent droit à la réduction d'impôt.

C'est pourquoi la commission a adopté l'amendement COM-11 de sa rapporteure proposant de requalifier en conséquence les prestations de conseil qui échapperaient au principe d'interdiction du pro bono : cette exception s'appliquerait ainsi aux actions menées au profit des personnes morales relevant des catégories mentionnées à l'article 238 bis du code général des impôts.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6
Évaluation des prestations de conseil
par l'administration bénéficiaire

L'article 6 de la proposition de loi vise à rendre obligatoire l'évaluation de toute prestation de conseil par l'administration qui en a bénéficié. Cette évaluation, systématique et formalisée, ferait également l'objet d'une publicité.

La commission a adopté cet article en apportant des précisions quant à l'objet de l'évaluation, et en modifiant les conditions dans lesquelles le modèle de l'évaluation serait fixé.

1. L'évaluation des prestations de conseil fait actuellement l'objet d'un encadrement réglementaire et contractuel qui vise principalement à vérifier la conformité de la prestation réalisée à la commande

1.1. Les opérations de vérification préalable à la constatation du service fait n'ont pas pour but d'évaluer le prestataire

Comme souligné par la DITP lors de son audition par la rapporteure, les règles de la commande publique prévoient des opérations de vérification préalable à la constatation du service fait ouvrant droit au paiement des prestations, sous le contrôle du comptable public. Ce contrôle vise non pas à évaluer le prestataire, mais à vérifier que la prestation qu'il a réalisée est bien conforme aux stipulations de la commande passée, s'agissant à la fois des moyens engagés et des résultats attendus.

Ainsi, l'article 21 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de l'accord-cadre de 2018 de la DITP prévoit que « chaque administration commanditaire est responsable de la constatation et de la certification du service fait (opérations de vérification, de réception, d'ajournement, de réfaction ou de rejet). Les opérations de vérification des prestations ont pour but de s'assurer que les productions réalisées sont conformes aux prescriptions fixées dans le présent CCAP et dans le CCTP »27(*).

Les opérations de vérification conduisent le commanditaire à prendre l'une des décisions suivantes : réception ; ajournement ; réfaction ; ou encore rejet des livrables.

En outre, au sein de la DITP, un service rédige des fiches d'évaluation à l'issue des prestations. Lors de son audition par la rapporteure, le délégué interministériel à la transformation publique a insisté sur le fait sur ces fiches d'évaluation, qui ne sont prévues par aucune disposition contractuelle, répondent à une finalité purement interne ; leur objectif est moins d'évaluer les prestations, que d'évaluer la relation de travail avec les prestataires : « il n'y a donc pas de lien direct entre ces fiches d'évaluation interne et le paiement des prestations »28(*).

Cette bonne pratique d'évaluation en fin de mission a été étendue à l'ensemble des prestations intellectuelles par la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 relative à l'encadrement du recours par les administrations et les établissements publics de l'État aux prestations intellectuelles.

Le CCAP de l'accord-cadre publié le 29 juillet 2022 prévoit également qu'« à l'issue de chaque prestation, le titulaire est évalué par l'administration commanditaire conformément à la grille d'évaluation annexée au CCTP du présent accord-cadre, sur l'ensemble des prestations ayant fait l'objet du bon de commande. L'évaluation est transmise à la DITP par l'administration commanditaire au plus tard un mois après la fin de la mission »29(*). Il est également prévu que ces évaluations puissent faire l'objet d'une publication, « sans préjudice du secret en matière industrielle et commerciale, du secret de la vie privée et du secret des affaires ». Elles constituent des documents communicables dans le cadre des règles prévues par le CRPA et précisées par la CADA.

1.2. L'article 6 vise à instaurer une procédure d'évaluation systématique, formalisée et publique

Partant du constat d'une forte hétérogénéité des pratiques entre les différents ministères s'agissant de l'évaluation des prestations de conseil et de l'inexistence d'un cadre législatif en la matière, la commission d'enquête a recommandé de « systématiser les fiches d'évaluation des prestations de conseil et de les rendre publiques »30(*).

Traduisant cette préconisation, l'article 6 de la proposition de loi vise à contraindre l'administration à évaluer systématiquement toute prestation de conseil à laquelle elle aurait eu recours.

Cette évaluation, identique pour toutes les administrations publiques entrant dans le champ de la proposition de loi, préciserait :

- la liste des documents rédigés avec la participation des consultants et de l'ensemble des travaux réalisés par ceux-ci ;

- le bilan de la prestation, l'apport des consultants et les éventuelles pénalités infligées au prestataire ;

- les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l'administration ;

- les conséquences de la prestation sur les politiques publiques.

Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, déterminerait le modèle à partir duquel seraient rédigées les évaluations, qui seraient en outre publiées en données ouvertes.

2. Souscrivant à l'objectif visé par l'article 6, la commission a souhaité préciser l'objet de l'évaluation ainsi que ses modalités de mise en oeuvre

2.1. La commission juge pertinente l'inscription dans la loi de l'obligation de l'évaluation par l'administration des prestations de conseil

La commission tient à rappeler que la mesure proposée à l'article 7 ne vise en aucun cas à remettre en cause la réalité des opérations de vérification auxquelles se livrent les personnes publiques afin de vérifier la conformité des prestations à la commande passée et l'application des cahiers des charges.

Elle estime que le système d'évaluation existant et prévu aux niveaux réglementaire et contractuel ne permet pas, en revanche, de mesurer la réelle valeur ajoutée des prestations de conseil pour l'élaboration de la décision publique et les missions de l'administration.

C'est pourquoi la commission juge pertinente l'inscription dans la loi de l'obligation, pour l'administration, d'évaluer toute prestation de conseil à laquelle elle a recours selon un modèle clairement défini et uniforme d'une entité publique à l'autre.

Enfin, la publication de ces évaluations lui semble justifiée afin de garantir la transparence du recours par l'administration aux prestations de conseil.

2.2. La commission a toutefois souhaité préciser l'objet de l'évaluation ainsi que ses modalités de mise en oeuvre

Tout d'abord, la commission a jugé préférable de prévoir que l'évaluation visée précise non pas les pénalités infligées au prestataire mais, plus largement, les sanctions. En effet, les pénalités ne correspondent qu'à une partie des décisions qui peuvent être prises par l'administration commanditaire en application du cahier des clauses administratives générales. En plus des pénalités, le commanditaire peut décider l'ajournement, la réfaction, ou encore le rejet (partiel ou total) des livrables ; le marché peut également être résilié en cas de faute de titulaire. Afin de garantir l'exhaustivité de l'évaluation sur ce point, la commission a adopté l'amendement COM-12 de la rapporteure.

De plus, la commission a souhaité, à l'initiative de sa rapporteure, préciser que l'évaluation porte sur les conséquences de la prestation sur la décision publique, et non pas sur les politiques publiques (même amendement COM-12).

En effet, apprécier les conséquences d'une prestation de conseil sur les politiques n'est possible que sur le temps long, tandis que l'évaluation aurait davantage d'intérêt si elle intervenait à brève échéance. De surcroît, les conséquences réelles d'une prestation sur les politiques publiques dépendent surtout des décisions prises par l'administration et de leur mise en oeuvre.

Par ailleurs, la commission n'a pas jugé opportune la consultation du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État afin de déterminer le modèle de l'évaluation des prestations de conseil. Si le Conseil supérieur de la fonction publique de l'État est consulté sur toutes les questions d'ordre général concernant la fonction publique de l'État, et s'il constitue en particulier l'organe supérieur de recours en matière disciplinaire, il ne paraît en revanche pas compétent pour le sujet dont il est ici question.

Il n'a pas non plus semblé justifié à la commission de consulter le Conseil d'État sur cette mesure d'application de loi. Déterminer le modèle des évaluations présente en effet un caractère purement technique et un décret simple est dès lors plus approprié ; à cette fin, la commission a adopté le même amendement COM-12 de la rapporteure.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
Obligation de l'emploi du français par les consultants

L'article 7 de la proposition de loi tend à imposer aux consultants l'emploi de la langue française dans leurs échanges avec l'administration et la rédaction de leurs documents, tout en prévoyant que ceux-ci pourront être traduits dans une ou plusieurs langues étrangères.

La commission a adopté cet article en introduisant la disposition dans la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite loi « Toubon ».

1. L'obligation de l'emploi du français est actuellement prévue par la loi pour la rédaction des contrats publics, mais pas pour leur exécution

1.1. La législation relative à l'emploi de la langue française dans l'État et l'administration

Si l'ordonnance de Villers-Cotterêts a fait en 1539 du français la langue de l'administration et de la justice, il a fallu attendre la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 pour que soit inscrite dans la Constitution la disposition selon laquelle « la langue de la République est le français ».

S'appuyant sur cette disposition constitutionnelle, la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite loi « Toubon » précise que la langue française est la langue des services publics.

Elle prévoit en conséquence que les contrats auxquels participe une personne morale de droit public (ou une personne privée exécutant une mission de service public) sont rédigés en français. En outre, ces contrats « ne peuvent contenir ni expression ni terme étrangers lorsqu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française »31(*).

Dans sa décision du 29 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a estimé qu'il était permis au législateur de « prescrire [...] aux personnes morales de droit public comme aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public l'usage obligatoire d'une terminologie officielle » ; il a en revanche considéré que le législateur ne pouvait imposer la même obligation aux personnes privées hors l'exercice par celles-ci d'une mission de service public, et aux organismes et services de radiodiffusion sonore et télévisuelle, qu'ils soient publics ou privés32(*).

Au niveau réglementaire, de nombreuses circulaires rappellent le cadre légal de l'emploi de la langue française par l'administration ; la circulaire du 1er octobre 2016 du ministre de la fonction publique souligne le « devoir d'exemplarité » qui incombe à cet égard aux agents de la fonction publique.

1.2. Le constat dressé par la commission d'enquête : l'emploi systématique de termes anglo-saxons par les prestataires de conseil

L'emploi de termes anglo-saxons apparaît consubstantiel à la culture du conseil, en raison à la fois des thématiques traitées et des modes de travail. Le glossaire présent en annexe du rapport de la commission d'enquête, qui comporte les mots anglo-saxons incontournables dans toute prestation de conseil, l'illustre bien.

Or, cette prégnance du vocabulaire anglo-saxon dans les propos, oraux ou documents écrits des consultants, a pour conséquence le risque d'un « nouveau conformisme » ainsi qu'un « appauvrissement de la langue employée » à son tour par l'administration dans ses échanges avec les cabinets de conseil33(*).

Face à ce constat, la commission d'enquête a recommandé que les administrations s'assurent contractuellement « que les cabinets de conseil auxquels elles recourent respectent l'emploi de termes français tout au long de leurs missions et notamment dans leurs livrables » 34(*).

S'inspirant directement de cette proposition, la DITP a intégré, dans le cahier des clauses administratives particulières de son futur accord-cadre35(*) la disposition selon laquelle « le titulaire emploie la langue française dans ses échanges avec l'administration bénéficiaire et la rédaction des documents auxquels ils participent » 36(*; en cas d'utilisation abusive de termes non issus de la langue française, le prestataire encourt une pénalité de 100 euros par occurrence dans le livrable37(*).

2. L'article 7 vise à faire du français la langue de travail obligatoire des consultants dans leurs rapports avec l'administration

2.1. L'article 7 vise à inscrire dans la loi l'obligation de l'emploi du français par les consultants dans leurs échanges avec l'administration et la rédaction de leurs documents

L'article 7 pose le principe selon lequel les consultants emploient la langue française dans leurs échanges avec l'administration bénéficiaire ainsi que dans la rédaction de leurs documents.

Il vise également à étendre aux prestations de conseil la règle posée par l'article 5 de la loi « Toubon » s'agissant des contrats rédigés par les personnes morales de droit public, selon laquelle les consultants ne peuvent utiliser « ni expression ni terme étrangers lorsqu'il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l'enrichissement de la langue française ». Les listes de termes, expressions et définitions adoptés par la Commission d'enrichissement de la langue française sont publiées au Journal officiel38(*).

Enfin, et toujours de manière analogue à l'article 5 de la loi « Toubon »39(*), l'article 7 prévoit que les documents rédigés par les consultants peuvent également comporter une ou plusieurs versions en langue étrangère.

2.2. La commission a jugé la mesure pertinente et a souhaité l'inscrire dans la loi Toubon

La commission estime la mesure visée à l'article 7 justifiée, afin de mettre un terme à « l'usage abusif du jargon imprégné de “franglais” par les cabinets de conseil », pour reprendre les mots d'Éliane Assassi40(*), et à sa diffusion dans l'administration.

Consciente dans le même temps de la nécessité, dans certains cas de figure, de disposer d'une version en anglais, la commission juge également pertinent d'autoriser les traductions en langue étrangère.

Afin d'améliorer la lisibilité des dispositions législatives relatives à l'emploi de la langue française, la commission a adopté l'amendement COM-13 de sa rapporteure, qui vise à inscrire l'article 7 de la proposition de loi au sein de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8
Remise d'un rapport au Parlement sur la cartographie des ressources humaines de l'administration et des mesures de valorisation du conseil interne

L'article 8 de la proposition de loi vise à introduire l'obligation, pour chaque ministère, de remettre au Parlement et au Conseil supérieur de la fonction publique de l'État un rapport faisant l'état des lieux des ressources humaines dont il dispose, ainsi que des mesures mises en oeuvre pour valoriser celles-ci et développer des compétences de conseil en interne.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a souhaité que le rapport demandé soit remis par le ministre le plus concerné par cet enjeu, à savoir, le ministre de la transformation et de la fonction publiques. Elle a également précisé l'objet de la cartographie des ressources humaines demandée.

1. Alors que certaines compétences font aujourd'hui défaut aux ministères, le développement de compétences en conseil interne au sein de l'administration semble indispensable

1.1. L'État justifie le recours aux consultants principalement par l'insuffisante disponibilité de certaines compétences au sein de l'administration

Comme indiqué par le rapport de la commission d'enquête, le recours aux consultants est justifié par l'État et les cabinets par trois types de raisons :

- la recherche d'une compétence technique spécifique qui n'est pas disponible au sein de l'administration, ou l'est insuffisamment ;

- la recherche d'un point de vue extérieur et d'une méthodologie spécifique ;

- la recherche d'une « force de frappe », c'est-à-dire d'un renforcement temporaire en ressources humaines pour faire face à un pic d'activité41(*).

Partageant en partie cette analyse, le cabinet du ministre de la transformation et de la fonction publiques a souligné, à l'occasion de son audition par la rapporteure, que le déficit de compétences à l'origine du recours par l'administration à une prestation de conseil extérieur pouvait correspondre à plusieurs cas de figure.

Il peut tout d'abord s'agir d'un déficit de compétences en spécialisation, qui peut être conjoncturel lorsqu'un besoin spécifique émerge (en expertise juridique ou technique, par exemple), ou structurel du fait de difficultés de recrutement, que celles-ci proviennent d'un manque d'attractivité de la fonction publique et/ou de tensions sur le marché de l'emploi pour certains métiers42(*). Ce déficit de compétences en spécialisation s'observe en particulier s'agissant de l'accompagnement des transformations de l'action publique43(*).

L'administration peut également être confrontée à un déficit de compétences en volume, qui se révèle lorsqu'une pression particulière s'exerce sur le domaine d'activité en question44(*).

Enfin, ces deux types de déficit de compétences peuvent se cumuler. Tel est le cas du déficit en compétences numériques qui affecte l'ensemble des métiers existants dans l'administration.

Dans le même temps, il semblerait que certaines compétences, pourtant bien présentes au sein de l'administration, soient insuffisamment valorisées voire méconnues ; l'administration recourt alors à des cabinets de conseil extérieurs pour une mission qu'elle aurait pourtant les moyens de réaliser en interne.

Ainsi que le cabinet du ministre de la transformation et de la fonction publiques l'a confirmé à la rapporteure, les systèmes d'information des ressources humaines (SIRH) ministériels ne comportent aujourd'hui pas de données sur les compétences des agents.

La circulaire du Premier ministre en date du 19 janvier 2022 sur l'encadrement du recours par les administrations et les établissements publics de l'État aux prestations intellectuelles a pourtant prévu la mise en place d'une base de données « identifiant les compétences internes disponibles au sein de l'État et de ses établissements publics », sous la responsabilité de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et de la Délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese). Cette base de données n'a néanmoins pas encore vu le jour.

Cette base de données45(*) est censée constituer le moyen pour atteindre l'objectif posé par cette même circulaire, à savoir, limiter le recours à des cabinets de conseil extérieurs dans les seuls cas qui le justifient, en subordonnant ce recours à la démonstration, par l'administration, de « l'absence de disponibilité, de compétences ou de ressources internes, au sein [des départements] ministériels, dans les inspections et conseils généraux ministériels ou interministériels, permettant de répondre au besoin identifié par le service l'ayant exprimé » 46(*).

1.2. L'article 8 vise à rendre obligatoire la remise d'un rapport au Parlement faisant l'état des lieux des ressources humaines et des mesures mises en oeuvre pour valoriser celles-ci et développer des compétences de conseil en interne

Reprenant la proposition n° 6 formulée par la commission d'enquête, l'article 8 de la proposition de loi vise à introduire l'obligation, pour chaque ministère, de remettre au Parlement et au Conseil supérieur de la fonction publique de l'État un rapport présentant la « cartographie des ressources humaines dont il dispose, en interne et dans le cadre interministériel », ainsi que les mesures mises en oeuvre pour valoriser celles-ci et développer des compétences de conseil en interne.

Ce rapport aurait également pour objet d'évaluer les conséquences de ces mesures sur le recours par le ministère aux prestations de conseil.

Il serait remis dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, puis tous les cinq ans.

2. Approuvant l'objectif du rapport demandé, la commission a souhaité rendre celui-ci plus opérationnel

La commission souscrit à l'objectif de mieux connaître d'abord, et valoriser ensuite, les ressources humaines et compétences disponibles dans l'administration, afin de limiter le recours aux prestations de conseil extérieur.

Elle considère que le rapport que l'article 8 vise à instaurer pourra contribuer à cet objectif.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a en revanche estimé plus cohérent et réaliste de prévoir que le rapport serait rendu non pas par chaque ministère, mais par le ministre chargé de la fonction publique au nom du Gouvernement (amendement COM-14). Le fait d'avoir un seul rapport, comportant autant de rubriques que de ministères, permettra en effet une vision globale et agrégée ; il palliera en outre le risque de modification des périmètres et attributions des ministères respectifs d'une remise de rapport à l'autre, facilitant les comparaisons sur le long terme.

Enfin, la commission a souhaité préciser l'objet de la cartographie des ressources humaines demandée, pour plus de clarté et d'efficacité (même amendement COM-14).

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

CHAPITRE IV
RENFORCER LES EXIGENCES DÉONTOLOGIQUES

Section 1
Mieux lutter contre les conflits d'intérêts

Selon Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), entendu par la rapporteure : « [l]es cabinets de conseil (...) travaillent pour plusieurs clients, privés ou publics, dont on ignore l'identité. Compte tenu de cette opacité et des risques de conflits d'intérêts que de telles situations comportent, il est légitime de s'interroger sur la nature de l'influence exercée par ces prestataires sur la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques ».

L'intervention des cabinets de conseil auprès de l'État et ses établissements publics justifie ainsi de leur appliquer des exigences déontologiques particulières et de sortir de la logique simplement déclarative et d'autocontrôle qu'ils appliquent à leurs clients.

C'est l'objet de la section 1 de la proposition de loi qui tend à imposer un cadre déontologique applicable à tous les cabinets de conseil qui interviennent pour certaines administrations afin de mieux détecter et prévenir les éventuels conflits d'intérêts.

Le dispositif envisagé viendrait ainsi compléter l'arsenal législatif dont la France s'est dotée depuis une dizaine d'années en matière de conflits d'intérêts dans la sphère publique avec la création de la HATVP47(*), l'encadrement du lobbying48(*), puis celui des mobilités entre le public et le privé49(*).

Article 9
Encadrement déontologique des prestations de conseil
sous le contrôle de la HATVP

L'article 9 de la proposition de loi imposerait aux consultants de réaliser leurs prestations avec probité et intégrité et de faire cesser tout conflit d'intérêts dont la définition serait reprise de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il prévoit que, pour chaque prestation de conseil, un code de conduite soit défini entre l'administration bénéficiaire, le prestataire et les consultants.

Il vise enfin à confier à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une nouvelle mission de contrôle déontologique des prestations de conseil, notamment via des demandes d'avis également prévues par l'article.

La commission a adopté cet article tout en souhaitant que les prestataires, personnes morales, soient expressément soumis à l'obligation de faire cesser les conflits d'intérêts. Elle a également préféré faire référence à la mission, plutôt qu'à la profession de conseil, celle-ci n'étant pas réglementée par la proposition de loi.

1. Créer un cadre déontologique unique sous le contrôle de la HATVP

L'article 9 de la proposition de loi viendrait mettre en oeuvre deux propositions de la commission d'enquête : confier à la HATVP une nouvelle mission de contrôle des cabinets de conseil intervenant dans le secteur public, pour vérifier le respect de leurs obligations déontologiques (proposition n° 9) et faire signer par les cabinets de conseil, dès le début de leur mission, un code de conduite précisant les règles déontologiques applicables et les moyens de contrôle mis en place par l'administration (la proposition n° 11).

1.1. Prévenir et faire cesser les conflits d'intérêts

Après avoir rappelé les devoirs de probité et d'intégrité des consultants, l'article 9 leur imposerait de veiller à prévenir ou faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts, défini comme une situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de leur profession.

Cette définition du conflit d'intérêts - qui recouvre deux types de situations (conflit entre un intérêt privé et un intérêt public et conflit entre deux intérêts publics) - est celle consacrée par l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique50(*) pour les responsables publics. Cette même définition a été reprise deux ans plus tard pour l'appliquer aux fonctionnaires et agents publics51(*). La seule adaptation opérée par les auteurs de la proposition de loi a été de remplacer le terme « fonction » par celui de « profession ».

Le conflit d'intérêt susceptible de naître au cours de l'exécution de la prestation est en effet à distinguer du conflit d'intérêts qui peut exister au cours de la procédure de passation de marché public et est, lui, de nature à interférer sur la régularité des actes de procédure pris par l'acheteur, et dont la définition est inscrite dans le code de la commande publique52(*).

La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a pour sa part d'ores et déjà repris la définition proposée à l'article 9 dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de son accord-cadre relatif à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle53(*).

1.2. Systématiser les codes de conduite

L'article 9 systématiserait l'adoption de codes de conduite recensant les obligations déontologiques. Avant chaque prestation de conseil, les parties prenantes -- administration bénéficiaire, prestataire et consultants -- s'engageraient à respecter les procédures mises en oeuvre pour éviter ou faire cesser les situations de conflits d'intérêts (par exemple, par le déport). Ce code de conduite, dont le contenu serait élaboré avec l'accord de l'administration bénéficiaire, aurait une valeur supérieure aux « chartes déontologiques » que certains cabinets de conseil ont d'ores et déjà mises en place, mais qui ne font l'objet d'aucun dialogue avec l'administration et sont unilatéralement rédigées par le prestataire ou son organisation professionnelle.

Ce code de conduite, sectoriel et obligatoire quelle que soit la taille du cabinet de conseil, serait à distinguer de celui que toute grande entreprise54(*) est censée élaborer, sous le contrôle de l'Agence française anticorruption, pour définir et illustrer les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d'influence en application de l'article 17 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin 2 »)55(*).

D'un niveau plus fin, puisque s'intéressant à la déontologie et non aux infractions pénales, et spécifiquement conçu pour les rapports avec l'État et ses établissements publics, il s'appliquerait à tous les cabinets de conseil quelle que soit leur taille. D'un point de vue, pratique, ces deux « codes de conduite » pourraient certainement être présentés dans un même document pour les cabinets de conseil importants déjà soumis aux obligations de la loi Sapin 2.

1.3. Confier un rôle de conseil et de contrôle à la HATVP

L'article 9 confèrerait un rôle de conseil à la HATVP qui pourrait être saisie en amont par l'administration bénéficiaire, le prestataire ou les consultants sur toute question d'ordre déontologique.

Il complèterait la liste des missions à la HATVP, fixées par l'article 20 de la loi du 11 octobre 2013, par celle de « contribuer au contrôle déontologique des prestations de conseil », le contenu de cette nouvelle mission étant défini par le présent article, ainsi que l'article 10 qui la charge du contrôle des déclarations d'intérêts des cabinets de conseil et l'article 12 qui lui confie le contrôle des règles de transparence définies à l'article 2 et de l'interdiction du pro bono instituée par l'article 5.

2. La position de la commission : une nouvelle mission de la HATVP justifiée

La commission a approuvé le système ainsi mis en place, considérant que l'expertise acquise par la HATVP en matière de conflits d'intérêts des élus et agents publics et de déontologie des représentants d'intérêts justifiait que cette autorité soit placée au coeur de son architecture. Celle-ci semble en effet la mieux à même d'apprécier les conflits d'intérêts susceptibles de naître dans le cadre d'une prestation de conseil, la spécificité étant ici d'intégrer les intérêts que constituent les prestations réalisées auprès d'autres clients, publics ou privés.

Il lui a semblé que l'élaboration de codes de conduite sectoriels ne créerait pas de charge administrative disproportionnée au regard de l'intérêt général en jeu. Contrairement aux craintes exprimées par certains, ces codes n'auraient pas à être modifiés à chaque prestation de conseil : il suffirait simplement de formaliser un engagement des parties prenantes sur un code de conduite spécifiquement élaboré pour les prestations de conseil réalisées auprès de l'État ou ses établissements publics.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a souhaité soumettre les prestataires personnes morales à l'obligation de prévenir et faire cesser les conflits d'intérêts, en cohérence avec l'article 10 qui leur impose d'adresser une déclaration d'intérêts à l'administration bénéficiaire. Elle a également préféré faire référence à l'exercice indépendant, impartial et objectif de la « mission » de conseil, plutôt que de la « profession » de conseil, celle-ci n'étant ni définie ni réglementée par la proposition de loi.

La commission a adopté l'amendement COM-15 en conséquence.

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10
Obligation de déclaration d'intérêts des prestataires et consultants

L'article 10 vise à créer une obligation de déclaration d'intérêts - et de mise à jour de cette déclaration - pour les cabinets de conseil, leurs sous-traitants et les consultants avant chaque prestation de conseil et le temps de celle-ci. L'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité de ces déclarations seraient contrôlées par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sur saisine de l'administration bénéficiaire.

La commission a approuvé cette nouvelle obligation, considérant qu'elle était justifiée par un motif d'intérêt général et proportionnée. Elle y a simplement apporté deux modifications d'ordre rédactionnel.

1. Prévenir les conflits d'intérêts des cabinets de conseil : un objectif partagé, mais une méthode proposée qui ne fait pas consensus

1.1. La méthode proposée : soumettre les cabinets de conseil intervenant pour l'État et ses administrations à des obligations déclaratives

L'objectif de lutte contre les conflits d'intérêts semble être un objectif partagé par tous, Gouvernement, administration comme cabinets de conseil. Toutefois, tous ne s'accordent pas sur la méthode à suivre.

La pratique actuelle semble reposer sur des déclarations sur l'honneur attestant que les consultants ne sont pas en situation de conflit d'intérêts56(*). Cette pratique ne semble toutefois pas être mise en oeuvre avec beaucoup de rigueur. Ainsi, la commission d'enquête n'a retrouvé que cinq déclarations d'intérêts renseignées par des salariés de McKinsey, pour la plupart consultants juniors , dans le cadre de l'intervention du cabinet de conseil pour le ministère de la santé pendant la crise sanitaire.

Sortant de cette logique contractuelle et de simple déclaration sur l'honneur, l'article 10 de la proposition de loi mettrait en oeuvre la proposition n° 12 de la commission d'enquête qui a préconisé d'imposer une déclaration d'intérêts aux cabinets de conseil afin que l'administration puisse prévenir les risques de conflit d'intérêts, sous le contrôle de la HATVP, qui en vérifierait l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité.

À l'instar des responsables publics, les consultants auraient à remplir une déclaration qui comprendrait la liste de leurs activités professionnelles et de leurs intérêts dans ce même secteur en remontant sur une période de cinq ans (autres clients, participations financières ou dirigeantes, etc.), leurs activités bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts, leurs fonctions ou mandats électifs et les activités professionnelles de leur conjoint, partenaire de PACS57(*) ou concubin.

De son côté, la société les employant et ayant contracté directement avec l'administration bénéficiaire ou agissant dans le cadre d'une sous-traitance devrait également déclarer les missions réalisées dans le même secteur que la prestation de conseil au cours des cinq dernières années, et les missions réalisées, dans les mêmes conditions, par ses filiales ou sa société-mère.

Ces déclarations, dont le modèle et les modalités de transmission et de conservation seraient fixés par décret en Conseil d'État après avis de la HATVP et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), seraient remises à l'administration bénéficiaire avant chaque prestation. Elles ne seraient pas publiées.

En cas de doute sur l'exhaustivité, l'exactitude ou la sincérité d'une déclaration d'intérêts, l'administration bénéficiaire pourrait saisir la HATVP afin qu'elle use de ses pouvoirs de vérification.

1.2. Une méthode jugée redondante, disproportionnée et susceptible de porter atteinte à la vie privée

Sans surprise au cours des auditions de la rapporteur, Syntec Conseil a estimé que « ces déclarations couvrent un champ dont la largeur, le formalisme et le degré de détail disproportionnés génère[aie]nt une lourdeur administrative démesurée sur les entreprises » et a mis en avant la charte de déontologie que ses membres mettent en oeuvre en cas de missions de conseil auprès du secteur public58(*).

La direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers estime quant à elle que les informations à déclarer - en particulier les activités bénévoles et les activités du conjoint - ne lui apparaissent pas proportionnées au regard de l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée des personnes physiques. Elle suggère de n'imposer cette obligation qu'aux dirigeants des cabinets de conseil.

2. La position de la commission : un mécanisme qui semble nécessaire compte tenu de l`importance de l'intérêt général à protéger

La commission a considéré que l'obligation de déclaration d'intérêts était motivée par un motif d'intérêt général d'importance, à savoir l'objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité de personnes agissant au plus près de la décision publique et de prévenir les conflits d'intérêts. L'administration en charge d'un marché public de conseil serait ainsi informée des intérêts détenus par le prestataire et les consultants intervenant au cours de la mission de conseil, comme des situations signalées par les agents par la voie hiérarchique en application de leurs propres obligations déontologiques59(*) pour éviter les conflits d'intérêts. Elle aurait ainsi une vue complète des intérêts en jeu.

Dans ces conditions, la remise à l'administration bénéficiaire de déclaration contenant des données à caractère personnel relevant de la vie privée semble constituer une atteinte au respect de la vie privée justifiée, adéquate et proportionnée60(*), ce d'autant plus, que ces informations ne seraient pas publiées. De même, le Conseil constitutionnel a rappelé à l'occasion de l'examen de la loi Sapin 2 qu'il était loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre - et partant au secret des affaires -, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi61(*).

Enfin, d'un point de vue pratique, le fait de prévoir ces déclarations à chaque prestation de conseil permet de ne les demander qu'aux consultants participant effectivement à la réalisation de la prestation et de l'adapter selon le secteur d'activité concerné. Matériellement, la méthode du « copier-coller » devrait permette de renouveler l'opération sans trop de difficulté si la même personne intervient pour la réalisation de plusieurs prestations.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a souhaité préciser quels seraient les pouvoirs de contrôle de la HATVP lorsqu'elle est saisie pour lever un doute sur une déclaration d'intérêts d'un prestataire ou d'un consultant, en renvoyant à ses pouvoirs d'enquête de l'article 12. Elle a également apporté une modification rédactionnelle en supprimant la mention du sous-traitant, celui-ci étant désormais compris dans la définition de prestataire62(*). La commission a adopté l'amendement COM-16 à cet effet.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11
Obligation pour les cabinets de conseil de déclarer
les actions de démarchage ou de prospection et les actions de mécénat

L'article 11 de la proposition de loi vise à introduire l'obligation, pour les cabinets de conseil, de déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) les actions de démarchage et de prospection menées auprès des pouvoirs publics. En cohérence avec l'article 5, cette obligation déclarative concernerait également les missions accomplies dans le cadre du mécénat. Les modalités de déclaration et de publication seraient déterminées par la HATVP.

La commission a adopté cet article avec une modification.

1. La proposition de loi vise à rendre transparentes les actions de démarchage ou de prospection

1.1. Un démarchage organisé des cabinets de conseil qui échappe aujourd'hui à tout encadrement de la part des pouvoirs publics

Comme l'a démontré la commission d'enquête, les cabinets de conseil sont à l'origine d'un démarchage organisé à destination des autorités publiques63(*). Or, l'État n'encadre actuellement pas ce démarchage, si bien que ni lui, ni les citoyens, n'ont de visibilité à ce sujet.

Il est vrai que les représentants d'intérêts ont l'obligation, depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, de s'inscrire sur un répertoire numérique tenu par la HATVP. Ils sont également tenus d'effectuer tous les ans une déclaration d'activité auprès de la HATVP afin de faire connaître les actions de représentation menées au cours de l'année précédente.

La déclaration d'activité des représentants d'intérêts

En application de l'article 18-3 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, la déclaration d'activité annuelle des représentants d'intérêts doit contenir :

les questions sur lesquelles ont porté les actions de représentation d'intérêts, notamment leur objet (c'est à dire la description de la question sur laquelle a porté son action) et le domaine d'intervention ;

- le type de décisions publiques visé (lois, actes réglementaires, décisions dites d'espèce, certains marchés publics et contrats de concession, décision publique locale, etc.) ;

- le type d'actions de représentation d'intérêts déployé (envoi de tracts, organisation de rendez-vous, transmission d'expertises dans un objectif de conviction, etc.) ;

- les catégories de responsables publics avec lesquels le représentant d'intérêts est entré en communication (membre du Gouvernement, parlementaire, personne titulaire d'un emploi à la décision du Gouvernement, un élu local, etc.) ;

- le cas échéant, les tiers pour le compte desquels les actions de représentation d'intérêts ont été effectuées (par exemple un cabinet de conseil agissant pour le compte de son client ou une société mère agissant pour le compte d'un groupe de sociétés) ;

- les dépenses de représentation d'intérêts (rémunérations, frais liés à l'organisation d'événements, frais d'expertise, libéralités et avantages accordés à des responsables publics, etc.)

Les informations relatives aux actions de représentation d'intérêts demeurent publiques pendant une durée de cinq ans à compter de leur publication par la HATVP64(*).

Aujourd'hui, 116 cabinets de conseil sont inscrits au répertoire des représentants d'intérêt, et par conséquent soumis aux obligations déclaratives décrites ci-dessus. Néanmoins, comme l'a souligné le président de la HATVP lors de son audition, seuls deux des seize plus grands cabinets de conseil sont inscrits à ce répertoire65(*), tandis que trois autres

sont renseignés comme clients de cabinets pratiquant des activités de lobbying.

Cette situation tient à la définition des représentants d'intérêts et aux critères d'inscription et de déclaration des représentants d'intérêts. Alors que trois conditions doivent être remplies afin d'être considéré comme un représentant d'intérêt, le critère de l'initiative ne correspond pas à la réalité d'une mission de conseil : le plus souvent, ce n'est en effet pas le prestataire de conseil qui prend l'initiative de contacter un responsable public dans le but de travailler pour une entité publique, mais le responsable public qui fait lui-même appel au prestataire de conseil afin de lui proposer une mission.

Les critères de la définition d'un représentant d'intérêts

Conformément à l'article 1er du décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts, trois conditions doivent être remplies afin d'être considéré comme un représentant d'intérêts :

- il s'agit d'une personne morale (entreprise, qu'elle soit publique ou privée, cabinet d'avocats, société de conseil, syndicat, association, fondation...) ou d'une personne physique, qui exerce à titre individuel, par exemple un consultant ou un avocat indépendant.

- dont un dirigeant, un employé ou un membre exerce des actions de représentation d'intérêts et prend l'initiative de contacter un responsable public pour essayer d'influencer une décision publique ;

- dont les activités de représentation d'intérêts constituent l'activité principale ou une activité régulière de celui ou ceux qui en sont chargés. Il s'agit d'une activité principale si la personne consacre plus de la moitié de son temps, sur une période de six mois, à préparer, organiser et réaliser des actions de représentation d'intérêts. Il s'agit d'une activité régulière si elle a réalisé à elle seule plus de dix actions d'influence au cours des douze derniers mois.

Il n'en reste pas moins que les cabinets de conseil se livrent à des actions de démarchage ou de prospection à destination des autorités publiques.

Allant encore plus loin que la proposition n° 13 de la commission d'enquête, la DITP a inscrit, dans le cahier des charges du nouvel accord-cadre relatif à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle publié le 29 juillet 2022, l'interdiction de toute action de démarchage et de prospection66(*). Le prestataire qui ferait des opérations de démarchage pourrait se voir opposer des sanctions pouvant aller d'une pénalité de 5 000 € jusqu'à la résiliation du marché en cas de manquements répétés67(*).

1.2. La proposition de loi vise à mieux encadrer les pratiques commerciales des cabinets de conseil

La proposition de loi entend ériger au niveau législatif non pas l'interdiction de toute action de démarchage, mais l'obligation de déclaration de celle-ci.

L'article 11 introduirait ainsi l'obligation pour les prestataires de conseil de communiquer à la HATVP les actions de démarchage ou de prospection qu'ils ont menées.

Cette obligation d'information vaudrait également pour les actions réalisées dans le cadre du mécénat d'entreprise, que l'article 5 tend à autoriser à titre dérogatoire. Le prestataire de conseil devrait alors également préciser le montant des dons et versements effectués, les ressources humaines qu'il a mobilisées ainsi que les contreparties qu'il a reçues.

Les déclarations portant sur les actions de démarchage et de prospection d'une part, et sur les actions réalisées dans le cadre du mécénat, d'autre part, seraient ensuite rendues publiques par la HATVP, selon des modalités qu'elle déterminerait elle-même.

2. La commission reconnait la nécessité de combler un vide juridique et d'instaurer un cadre transparent s'agissant des actions de démarchage, de prospection et de mécénat

La commission estime que la déclaration des actions de démarchage, de prospection et de mécénat ainsi que leur publication contribuent de manière générale à l'objectif de renforcement de la transparence des interactions entre les administrations publiques et les prestataires de conseil.

Elle juge la mesure d'autant plus bienvenue que le régime de déclaration d'activité existant pour les représentants d'intérêts ne concerne aujourd'hui qu'un nombre très limité de cabinets de conseil.

Elle considère par ailleurs que l'autorisation des missions réalisées par les prestataires de conseil dans le cadre du mécénat, en conséquence de l'article 5 de la proposition de loi, n'exclut pas la nécessité de déclarer les missions en question, ainsi que les éventuelles contreparties reçues.

Enfin, elle juge les modalités de mise en oeuvre de l'article 11 suffisamment souples, dans la mesure où la détermination du modèle, du contenu, des modalités et du rythme des déclarations est laissée à la HATVP, qui est l'autorité la mieux placée à cette fin.

La commission a procédé à une coordination avec la rédaction de l'article 5 (amendement COM-17 de la rapporteure).

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12
Modalités de saisine et pouvoirs de la HATVP en cas de manquement aux règles déontologiques des prestataires de conseil et des consultants

L'article 12 précise les modalités de saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en cas de manquement aux règles déontologiques des prestataires de conseil et des consultants, ses pouvoirs d'enquête ainsi que son pouvoir de mise en demeure.

Il prévoit que la HATVP soit dotée de pouvoirs de vérification sur place, dans les locaux professionnels comme les locaux privés, les visites dans les locaux professionnels pouvant être diligentés, par exception, sans autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) de 6 heures à 23 heures.

La commission n'a pas souhaité maintenir cette exception et préféré soumettre toutes les procédures de vérification au contrôle préalable du JLD. Par ailleurs, elle a donné compétence au tribunal judiciaire de Paris, par cohérence avec la procédure existante en matière de représentants d'intérêts.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. L'objectif : donner les moyens à la HATVP d'accomplir sa nouvelle mission

La HATVP se verrait confier une nouvelle mission de contrôle déontologique des prestations de conseil. L'article 12 de la proposition de loi vise à adapter les règles de fonctionnement de la Haute Autorité en conséquence.

1.1. Les pouvoirs de contrôle

La HATVP dispose de pouvoirs de contrôle variables selon les missions qu'elle remplit. Il est donc nécessaire de déterminer les pouvoirs d'enquête dont elle disposerait dans le cadre de la nouvelle mission qui lui serait conférée par la proposition de loi.

L'article 12 de la proposition de loi tend à lui conférer les pouvoirs suivants :

se faire communiquer, sur pièces, par l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil, le prestataire ou les consultants, toute information ou tout document nécessaire à l'exercice de sa mission ;

entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile ;

- procéder à des vérifications sur place, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire compétent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Cette autorisation ne serait pas requise pour accéder aux locaux à usage professionnel entre 6 heures et 23 heures.

Seuls pourraient lui être opposés le secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l'État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de la sécurité des systèmes d'information.

1.2. Les règles de saisine et les suites à donner à un manquement

Outre le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat et les associations de lutte contre la corruption, la HATVP pourrait être saisie par l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil et une organisation syndicale de fonctionnaires.

En cas de manquements établis à la suite d'une instruction menée par le collège et les services de la HATVP, celle-ci adresserait au prestataire ou au consultant concerné une mise en demeure, après l'avoir mis en état de présenter ses observations, et aviserait l'administration bénéficiaire à laquelle, le cas échéant, elle adresserait des observations.

Ce n'est qu'après cette phase préalable que le président de la HATVP pourrait saisir la commission des sanctions qui serait créée par l'article 14 de la proposition de loi.

2. La position de la commission : soumettre toutes les procédures de vérification au contrôle du JLD

La rapporteure a estimé opportun de conférer à la HATVP les pouvoirs d'enquête qui lui permettent d'assumer son rôle auprès des cabinets de conseil. Elle relève que les moyens envisagés seraient plus étendus que dans le cadre du contrôle des obligations déclaratives et déontologiques des représentants d'intérêts, puisque la HATVP pourrait procéder à des vérifications sur place dans des locaux affectés au domicile privé des consultants68(*). Cette extension lui semble opportune compte tenu des habitudes de travail des consultants, qui ne disposent pas toujours de postes dédiés chez leur employeur et peuvent se retrouver entre deux missions à leur domicile, cette tendance ayant par ailleurs été amplifiée par l'accroissement du télétravail depuis la crise sanitaire de la covid-19.

À son initiative, la commission a étendu le contrôle du JLD à toutes les vérifications sur place, y compris dans un local professionnel de 6 heures à 23 heures, pour renforcer les garanties accordées à la personne contrôlée. Dans ce même esprit, elle a également précisé les conditions dans lesquelles la visite s'effectuerait, notamment, en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant qui peut se faire assister d'un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins, comme cela existe pour les vérifications sur place de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)69(*).

Par cohérence avec la procédure de vérification sur place mise en oeuvre par la HATVP en matière de représentation d'intérêts, elle a attribué compétence au JLD du tribunal judiciaire de Paris.

La commission a adopté l'amendement COM-18 en conséquence.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Article 13
Création d'une amende administrative en cas de manquement aux règles déontologiques

L'article 13 de la proposition de loi vise à créer une amende administrative de 15 000 euros maximum par manquement constaté afin de sanctionner le non-respect des règles posées par la proposition de loi en matière de déontologie.

La commission a adopté cet article en renforçant le caractère dissuasif de l'amende administrative pour les personnes morales et en veillant à la prise en compte de la gravité des manquements constatés.

1. La proposition de loi vise à sanctionner le non-respect des exigences posées en matière de déontologie d'une amende administrative

1.1. Les amendes administratives constituent un type de sanctions administratives

Décision administrative émanant d'une autorité administrative et visant à réprimer un comportement fautif, la sanction administrative a connu un développement relativement récent.

La reconnaissance d'un pouvoir répressif à l'administration a été consacrée en 1989 par le Conseil constitutionnel, qui a jugé que « le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d'une part, que la sanction susceptible d'être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d'autre part, que l'exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesure destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis »70(*).

Initialement limité, le champ des sanctions administratives s'est élargi progressivement à partir des années 1980 sous le double effet du développement des autorités administratives indépendantes, et de la dépénalisation de certaines activités. Il concerne aujourd'hui quasiment l'ensemble des activités professionnelles et sociales : activités économiques et financières, impôts et cotisations sociales, santé publique, travail et formation professionnelle, culture, transports et circulation.

Comme le souligne le Conseil d'État dans son étude de 201771(*), « l'importance de cette extension s'explique en partie par la plus grande simplicité procédurale des sanctions administratives. En effet, elles permettent aux administrations de faire face plus rapidement à des situations dans lesquelles la réglementation n'a pas été respectée, en évitant les difficultés inhérentes au recours au juge tels que les délais de jugement ou l'effet suspensif de l'appel. Le privilège du préalable qui s'attache aux sanctions administratives les rend exécutoires de plein droit. Cela n'empêche toutefois pas le juge administratif, saisi en référé par la personne qui fait l'objet de la sanction, d'en prononcer la suspension  lorsqu'elle se justifie ».

Les sanctions administratives peuvent prendre des formes diverses : peines pécuniaires, peines privatives de droits (suspension, retrait d'autorisation ou d'agrément, fermeture d'établissement, interdiction d'exercer certaines professions) ou encore sanctions morales (publicité donnée à une mesure de sanction, par exemple).

Des amendes administratives peuvent ainsi être prononcées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), en application de l'article 20 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que par l'Agence française anticorruption (AFA), conformément à l'article 17 de loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Le plafond du montant de l'amende administrative pour une personne morale peut être défini en valeur absolue72(*), ou bien par rapport au chiffre d'affaires annuel de celle-ci73(*).

1.2. L'article 13 vise à créer une amende administrative en cas de manquement des prestataires de conseil à leurs obligations déontologiques

L'article 13 prévoit que la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) - que tend à créer l'article 14 de la proposition de loi - puisse prononcer des amendes administratives en cas de manquement aux règles posées par la proposition de loi en matière de déontologie.

Cette sanction s'appliquerait dans les cas suivants :

- en cas de non-respect des exigences fixées à l'article 2 visant à garantir la transparence de l'intervention du prestataire de conseil ;

- lorsqu'il n'est pas mis fin à un conflit d'intérêts tel qu'il est défini par l'article 9 ;

- en cas de non-respect du principe d'interdiction du pro bono posé à l'article 5 ;

- en cas de non-transmission de la déclaration d'intérêts prévu à l'article 10 ou d'omission de déclaration d'une partie substantielle des intérêts ;

- en cas de non-communication à la HATVP des informations sur les actions de démarchages, de prospection et de mécénat, mentionnées à l'article 11 ;

- lorsqu'il est fait obstacle à l'action de la HATVP par le refus « de lui communiquer toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission », ou par la transmission d'informations mensongères.

Le montant de cette amende administrative ne pourrait excéder 15 000 euros par manquement.

Outre cette amende, l'article 13 confère également à la commission des sanctions la faculté de prononcer deux sanctions complémentaires : d'une part, la publicité des amendes administratives décidées, aux frais de l'intéressé ; d'autre part, l'exclusion de l'intéressé de la procédure de passation des contrats de la commande publique, pour une durée maximale de trois ans.

2. La commission a admis le principe de la sanction administrative tout en renforçant son efficacité et sa proportionnalité

2.1. La commission a jugé pertinent le recours à la sanction administrative dans les cas de manquements déontologiques

Comme l'a rappelé le président de la HATVP lors de son audition par la rapporteure, « le recours à la sanction pénale n'est pas approprié » s'agissant des manquements à des obligations déclaratives ; la sanction pénale s'inscrit en effet « dans un temps un temps relativement long et encombre inutilement les parquets, alors que la sanction administrative est rapide, efficace et proportionnée au manquement ».

L'octroi d'un pouvoir de sanction à la HATVP constituerait assurément une innovation majeure au regard de son fonctionnement et de ses prérogatives actuels. Si, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation74(*), la commission n'avait pas jugé opportun d'instaurer des sanctions administratives à l'encontre des représentants d'intérêts, la mise au jour, par la commission d'enquête, des enjeux propres au secteur du conseil lui apparaît aujourd'hui justifier des mesures spécifiques. Il est ainsi apparu nécessaire à la commission de prévoir une amende administrative afin d'assurer l'effectivité des règles posées par la proposition de loi en matière de transparence et de déontologie.

La commission a par ailleurs jugé pertinente la mesure complémentaire de publicité des amendes prononcées : l'écho médiatique qui s'ensuit constitue en effet un coût réputationnel et/ou économique élevé pour les entités sanctionnées, assurant un effet dissuasif marqué aussi bien pour celles-ci que pour des entités similaires.

Comme indiqué à la rapporteure en audition, la HATVP a déjà pu observer l'efficacité de ce mécanisme dans le cas des représentants d'intérêts : la Haute Autorité publie en effet chaque année la liste des entités n'ayant déclaré aucune des informations exigées par la loi, voire les mises en demeure adressées à cette fin.

2.2. La commission a souhaité rendre la sanction proposée à la fois plus dissuasive et mieux adaptée à la gravité des manquements constatés

Étant donné que certains manquements que l'article 13 prévoit de sanctionner peuvent être le fait de l'administration elle-même75(*) tout autant que celui des consultants et prestataires de conseil, la commission a jugé préférable de préciser que seuls les consultants et les prestataires de conseil peuvent faire l'objet d'une sanction administrative (amendement COM-19 de la rapporteure).

Si le montant de l'amende administrative de 15 000 euros est apparu proportionné à la commission s'agissant de personnes physiques, il lui a en revanche semblé inadéquat s'agissant de personnes morales. Au regard du chiffre d'affaires des cinq principaux cabinets de conseil, supérieur à 300 millions d'euros par an76(*), une amende de 15 000 euros apparaîtrait en effet dérisoire et dépourvue de réel effet dissuasif.

C'est pourquoi la commission a souhaité, à l'initiative de sa rapporteure (même amendement COM-19), renforcer le caractère dissuasif de l'amende administrative pour les personnes morales, en augmentant son plafond à 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total, sur le modèle de l'amende administrative prononcée par la CNIL en cas de violation des dispositions de la loi dite « Informatique et libertés ».

Dans la mesure où ces montants constituent des plafonds, la commission a également souhaité préciser que le montant de l'amende est proportionné à la gravité des manquements constatés ainsi qu'à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée (même amendement COM-19).

S'agissant de la sanction complémentaire d'exclusion de la procédure de passation des contrats de la commande publique, la commission a relevé que la durée maximale de trois ans posée était conforme au droit européen.

Toujours dans une optique de recherche d'efficacité et de proportionnalité, la commission a réservé cette sanction aux cas de faute professionnelle grave, conformément à l'article 57 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (même amendement COM-19).

La commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14
Création d'une commission des sanctions
au sein de la HATVP

L'article 14 vise à créer une commission des sanctions au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) afin qu'elle puisse prononcer des sanctions administratives, tout en respectant le principe de séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement.

La commission, tout en adoptant cet article, a souhaité prévoir la nomination de membres suppléants pour faciliter le fonctionnement de cet organe qui ne serait composé que de trois personnes.

1. La nécessité d'organiser la HATVP pour qu'elle puisse prononcer des sanctions administratives

La proposition de loi doterait la HATVP d'un nouveau pouvoir de sanction à l'encontre des cabinets de conseil pour renforcer l'efficacité des obligations qu'elle crée. La Haute Autorité pourrait ainsi prononcer à leur encontre des amendes administratives, rendre publiques ces décisions à leur frais, voire les exclure temporairement des marchés publics.

Cette évolution suppose de mettre en place une organisation qui permette de séparer les fonctions de poursuite et d'instruction des fonctions de jugement pour se conformer au principe d'impartialité, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel à propos de la procédure de sanction devant la Commission nationale des sanctions77(*).

Deux modalités seraient envisageables : soit une séparation fonctionnelle, qui permet aux mêmes organes d'exercer plusieurs fonctions78(*), soit une séparation organique, qui consiste à confier chaque fonction à des entités organiquement distinctes79(*).

Les auteurs de la proposition de loi ont choisi cette seconde option, qui a la faveur de la HATVP au vu de son organisation actuelle. Cette solution aurait également le mérite de la clarté aux yeux des personnes pouvant faire l'objet d'une sanction.

2. Le choix de la proposition de loi : créer une commission des sanctions

L'article 14 de la proposition de loi tend à créer une commission des sanctions au sein de la HATVP.

Cet organe serait composé de trois membres, tous magistrats en activité ou honoraire : un membre du Conseil d'État ou du corps des conseillers de tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, désigné par le vice-président du Conseil d'État ; un magistrat de la Cour de cassation ou des cours et tribunaux, désigné par le premier président de la Cour de cassation ; un magistrat de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes, désigné par le premier président de la Cour des comptes.

Les membres de la commission des sanctions seraient nommés pour une durée de six ans non renouvelable à l'instar des membres du collège de la HATVP, et soumis aux mêmes incompatibilités et obligations déclaratives.

Pour respecter le principe de séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement, il est expressément prévu que :

- les membres de la commission des sanctions ne pourraient être membres du collège ou des services de la HATVP qui ont en charge l'instruction des dossiers ;

- il reviendrait au président de la HATVP de saisir la commission des sanctions, après avoir mis en demeure la personne concernée.

Le fonctionnement et les procédures seraient déterminés par la commission des sanctions dans son règlement intérieur, étant précisé qu'aucune amende ou sanction administrative ne pourrait être prononcée sans que l'intéressé ou son représentant n'ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé.

3. La position de la commission : prévoir la nomination de suppléants

La rapporteure a considéré que la création d'une commission des sanctions était la suite logique de l'article 13 qui crée les sanctions administratives. C'est la solution qui emporte l'adhésion de la HATVP. Les décisions de la commission des sanctions seraient par ailleurs soumises au contrôle du tribunal administratif de Paris, selon la compétence de droit commun prévue à l'article L. 311-1 du code de justice administrative80(*).

Il convient toutefois de garder à l'esprit dès à présent que cet organe une fois créé pourrait par la suite voir ses pouvoirs élargis à d'autres publics, en particulier les représentants d'intérêts.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a souhaité prévoir la nomination de membres suppléants afin de faciliter son fonctionnement.

S'agissant des modalités de prise de décision, elle a supprimé la référence aux membres « présents » : compte tenu du nombre réduit de membres de la commission des sanctions et de la création de suppléants, il ne semble pas opportun qu'ils puissent se réunir à moins de trois, ce que laisserait entendre cette précision.

Elle a adopté l'amendement COM-20 en conséquence.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 15
Exclusion des consultants sanctionnés par la HATVP
des procédures de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité et des contrats de concession

Dans un esprit de gradation des sanctions, l'article 15 dispose que les prestataires de conseils ayant été sanctionnés par la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) seraient exclus « de plein droit » des procédures de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité et des contrats de concession pour une période pouvant aller jusqu'à 3 ans. À la différence des exclusions à « l'appréciation de l'acheteur » prévues également par le code de la commande publique, cette exclusion de droit signifie que l'interdiction de soumissionner du prestataire de conseil s'impose à l'acheteur public, qui vérifie lors de la passation du marché que le candidat n'est pas concerné par l'un des motifs d'exclusion de droit.

La commission a adopté le dispositif proposé, qui participe à l'effet dissuasif des sanctions dont disposerait la HATVP, mais l'a complété d'un mécanisme de régularisation afin d'assurer la conformité de l'article 15 au droit de l'Union européenne (UE).

1. L'exclusion des procédures de passation des marchés publics dans le droit de la commande publique

1.1 Le code de la commande publique prévoit deux catégories d'exclusion des marchés publics : les exclusions de plein droit et les exclusions à l'appréciation de l'acheteur

Aussi bien pour les marchés publics que pour les marchés de défense et de sécurité et les contrats de concession, le code de la commande publique prévoit des motifs d'exclusion des procédures de passation des marchés pour certains candidats. Peuvent être cités, à titre d'exemple et de façon non exhaustive, les condamnations pour trafic d'êtres humains ou pour trafic de stupéfiant (article L. 2141-1), le cas des personnes en situation d'irrégularité au regard de leurs obligations fiscales ou sociales (article L. 2141-2), celui des personnes soumises à une procédure de liquidation judiciaire (article L. 2141-3) ou encore lorsque des personnes créent, par leur candidature, une situation de conflit d'intérêts (article L. 2141-10).

Ces exclusions relèvent de deux catégories : elles sont soit « de plein droit »81(*), soit « à l'appréciation de l'acheteur »82(*).

La distinction entre ces deux catégories repose sur des considérations qui sont étrangères à la gravité des faits commis par les opérateurs économiques.

En effet, les exclusions de plein droit sont la conséquence de la commission d'une infraction ou de manquements qui ont été constatés par une personne autre que l'acheteur ou l'autorité concédante et qui sont intervenus en dehors de la procédure de passation du marché public. Cette personne extérieure peut être un juge, un service d'inspection ou encore une autre administration, notamment les administrations chargées du recouvrement des impôts, cotisations et contributions sociales.

À l'inverse, les exclusions à l'appréciation de l'acheteur reposent sur des faits qui sont constatés directement par l'acheteur ou l'autorité concédante au cours d'une procédure d'attribution ou qui ont été constatés par un acheteur ou une autorité concédante au cours de l'exécution d'un contrat de la commande publique.

Il résulte de cette catégorisation une divergence quant à la latitude des acheteurs. Dans le cas des exclusions de plein droit, l'acheteur ou l'autorité concédante ne fait que constater la présence d'une cause d'exclusion et l'absence de mesures de régularisation, lorsque celles-ci sont possibles. L'acheteur est donc tenu de se conformer à l'appréciation d'une autorité ou entité qui lui est extérieure.

En revanche, dans les cas d'exclusion à l'appréciation de l'acheteur, l'acheteur ou l'autorité concédante prend lui-même la décision de vérifier s'il y a lieu de prononcer une exclusion. C'est à lui d'apprécier et de prouver si les éléments qui lui sont fournis peuvent entraîner une exclusion du candidat de la procédure de passation du marché, sous réserve que l'exclusion apparaisse proportionnée aux faits reprochés et qu'ait été respecté principe du contradictoire, conformément à l'article L. 2141-11 du code de la commande publique. L'exclusion pour « conflit d'intérêts » mentionnée à l'article L. 2141-10 du même code relève de cette catégorie.

1.2 Les mesures d'exclusion de plein droit donnent lieu à des vérifications lors de la passation des marchés publics

Conformément à l'article R. 2143-3 du code de la commande publique, lors de la passation de tout marché public, les candidats sont tenus de fournir à l'administration contractante une attestation sur l'honneur disposant qu'ils ne se trouvent pas dans un des cas d'exclusion mentionnés par le code de la commande publique.

Un candidat qui ferait une fausse déclaration pourrait encourir les peines prévues à l'article 441-1 du code pénal, pour faux ou usage de faux.

Dans un second temps, l'acheteur s'assure de l'absence d'interdiction de soumissionner du ou des candidats auxquels il est envisagé d'attribuer le marché public par le biais de justificatifs que doivent lui transmettre l'attributaire pressenti.

Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, s'il produit de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé, sur le fondement de l'article R. 2144-7 du code de la commande publique.

2. La création d'un nouveau motif d'exclusion de plein droit participe à l'effet dissuasif des sanctions pour non-respect des exigences de déontologie et de transparence

L'article 15 de la proposition de loi prévoit la création d'un nouveau motif d'exclusion de plein droit de la procédure de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité et des contrats de concession. Ce motif d'exclusion serait applicable dans les territoires d'outre-mer régis par le principe de spécialité législative, en l'espèce Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises.

En ce sens, l'article 15 complète l'article 13 de la proposition de loi, lequel dispose que la commission des sanctions de la HATVP peut exclure de la procédure de passation des contrats de la commande publique, pour une durée pouvant aller jusqu'à trois ans, les prestataires de conseil ou les consultants n'ayant pas respecté les exigences de déontologie et de transparence.

Dans la mesure où l'exclusion serait prononcée par la commission des sanctions de la HATVP, et non par l'administration contractante, l'exclusion de plein droit se justifie, au détriment d'une exclusion à l'appréciation de l'acheteur (cf. supra). Ainsi, lors de la passation d'un marché public, cette exclusion s'imposerait à l'acheteur qui devrait juger irrecevable toute candidature de la part d'une personne ayant été sanctionnée en ce sens par la HATVP. L'acheteur ne pourrait déroger à cette exclusion de plein droit qu'en démontrant l'existence de « raisons impérieuses d'intérêt général » et « que le marché en cause ne puisse être confié qu'à ce seul opérateur économique », lequel ne doit pas avoir fait l'objet « d'un jugement définitif d'une juridiction d'un État membre de l'Union européenne » concluant en une exclusion des marchés, conformément à l'article L. 2141-6 du code de la commande publique.

Cette nouvelle possibilité d'exclusion est complémentaire de l'exclusion pour cause de conflit d'intérêts prévue à l'article L. 2141-10 du même code. Elle obéit néanmoins à une logique différente, qui justifie la création d'un nouvel article dans le code de la commande publique.

En effet, l'article L. 2141-10 est relatif aux cas de conflit d'intérêts constatés directement par l'acheteur lors d'une procédure de passation d'un marché public. Il concerne donc potentiellement des candidats qui n'ont jamais contracté avec un acheteur public et qui, par définition, ne pourraient avoir été sanctionnés par la HATVP ou des candidats ayant déjà contracté avec un acheteur public mais se plaçant, au moment de candidater à un nouveau marché, dans une situation de conflit d'intérêt. À l'inverse, le nouveau motif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics prévu à l'article 15 de la proposition de loi répondrait aux cas de manquements déontologiques qui seraient constatés par la commission des sanctions de la HATVP au cours de l'exécution d'un marché public. L'exclusion des procédures de passation des marchés publics serait alors une mesure corrective et non préventive comme dans le cas de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique.

Sous réserve de circonscrire la sanction d'exclusion aux fautes les plus graves et de prévoir la possibilité, pour les personnes sanctionnées, de régulariser leur situation, ce qui est l'objet d'amendements de la rapporteure, l'insertion de ce nouveau motif d'exclusion est conforme aux directives 2014/23/UE et 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil qui régissent respectivement les contrats de concession et les marchés publics. En effet, si l'introduction, dans le droit national, de motifs d'exclusion des marchés publics est délimitée par les deux directives précitées, celles-ci disposent respectivement en leurs articles 38 et 57 que les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure des procédures de passation des marchés publics les opérateurs ayant « commis une faute professionnelle grave qui remet en cause [leur] intégrité », cas correspondant aux manquements des règles de transparence et de déontologie créées par la proposition de loi.

L'exclusion des procédures de passation des marchés publics contribuerait à conférer aux diverses sanctions pour non-respect des règles d'encadrement de l'intervention des cabinets de conseil dans les politiques publiques, prévus à l'article 13 de la proposition de loi, un caractère dissuasif mais gradué. Il reviendrait ainsi à la commission des sanctions de la HATVP de veiller à la proportionnalité des sanctions infligées par rapport à la gravité des manquements constatés.

3. Des modifications apportées par la commission pour mettre le dispositif de l'article 15 en conformité avec le droit européen

Les directives 2014/23/UE et 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil précitées prévoient que si l'opérateur économique exclu des procédures de passation des marchés publics pour faute professionnelle grave fournit  « des preuves afin d'attester que les mesures qu'il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l'existence d'un motif d'exclusion pertinent » et que  « ces preuves sont jugées suffisantes », il « n'est pas exclu de la procédure de passation des marchés »83(*).

Les preuves demandées à l'opérateur économique ayant été sanctionné sont relatives au versement des indemnités en réparation du préjudice causé par la faute, à la clarification des faits et circonstances, à la collaboration active avec les autorités chargées de l'enquête et à la prise de mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle faute. Les refus par les autorités administratives de ces mesures de régularisation doivent faire l'objet d'une décision motivée.

En conséquence, la commission a adopté l'amendement COM-21 de sa rapporteure qui intègre au dispositif de l'article 15 de la proposition de loi un mécanisme de régularisation, en s'inspirant de la rédaction déjà existante au sein des articles L. 2141-5 et L. 3123-5 du code de la commande publique.

La commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Section 2
Mieux encadrer les « allers-retours » entre
l'administration et les cabinets de conseil

Article 16
Encadrement des « allers-retours » entre l'administration et le secteur du conseil

L'article 16 de la proposition de loi vise à introduire un contrôle systématique par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) lorsqu'un agent public souhaite exercer une activité de consultant dans le secteur privé, et lorsqu'un consultant ou ancien consultant rejoint l'administration.

Reconnaissant la nécessité de prévoir un régime de contrôle particulier pour le secteur du conseil au regard des risques déontologiques élevés inhérents à ces « allers-retours », la commission a adopté cet article sans modification.

1. Les mobilités entre l'administration et le secteur privé font aujourd'hui l'objet d'un régime de contrôle différencié et progressif

1.1. Le contrôle de la reconversion professionnelle des anciens responsables publics

Depuis sa création, la HATVP contrôle la reconversion professionnelle des membres du Gouvernement, des membres des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API) et des présidents des exécutifs locaux84(*).

Conformément à l'article 23 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, toute personne qui a occupé l'une de ces fonctions doit, pendant une durée de trois ans après la cessation des fonctions en question, saisir la Haute Autorité afin que celle-ci examine si les nouvelles activités privées envisagées sont compatibles avec ses anciennes fonctions.

Sont concernées les activités libérales (comme l'exercice de la profession d'avocat), les activités privées rémunérées au sein d'une entreprise publique ou privée (activité salariée, création d'une société), ainsi que celles exercées au sein d'un établissement public à caractère industriel et commercial ou au sein d'un groupement d'intérêt public à caractère industriel et commercial.

Afin d'assurer ce contrôle, la Haute Autorité est saisie soit par la personne concernée, préalablement au début de l'exercice de l'activité envisagée, soit par son président, dans un délai de deux mois à compter de la connaissance de l'exercice non autorisé d'une activité privée telle que mentionnée ci-dessus.

La Haute Autorité vérifie alors si l'activité envisagée pose des difficultés de nature pénale ou déontologique. Lorsqu'elle identifie de telles difficultés, elle peut rendre un avis d'incompatibilité, qui empêche la personne d'exercer l'activité envisagée, ou de compatibilité avec réserves, dans lequel elle impose des mesures de précaution de nature à prévenir le risque pénal et déontologique.

1.2. Le contrôle de la déontologie des agents publics

Le contrôle des mobilités des agents publics entre les secteurs privé et public a été modifié en profondeur par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

La logique choisie a été de distinguer deux régimes en fonction de la nature et du niveau hiérarchique de l'emploi occupé par l'agent public.

a) Le régime de droit commun : l'internalisation du contrôle et la saisine facultative de la HATVP

Le contrôle de la mobilité de la majorité des agents publics relève de l'administration elle-même.

Dans le cas d'un départ vers le secteur privé - qu'il s'agisse d'une cessation temporaire de fonctions ou d'une cessation définitive -, il revient à l'agent de saisir au préalable son autorité hiérarchique, en application de l'article L. 124-4 du code général de la fonction publique (CGFP). Celle-ci apprécie la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise privée ou un organisme de droit privé ou de toute activité libérale avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité.

En cas de doute sérieux, l'administration peut, préalablement à sa décision, saisir pour avis le référent déontologue. Si le doute subsiste, la HATVP peut être saisie.

S'agissant du retour du fonctionnaire ou de l'arrivée d'un contractuel dans le secteur public après un passage dans le secteur privé, le régime décrit ci-dessus de contrôle interne et de saisine facultative de la HATVP s'applique uniquement pour les nominations aux emplois « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient », en application des articles L. 124-5 et L. 124-7  du CGFP ; pour les autres réintégrations ou nominations, aucun contrôle particulier n'est prévu.

Que la mobilité s'effectue vers ou depuis le privé, l'administration et/ou la HATVP procèdent à deux types de contrôle :

- un contrôle déontologique : l'activité envisagée par l'agent ne doit pas compromettre ni mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service, ni méconnaitre tout principe déontologique mentionné au titre II du livre Ier du CGFP ;

- un contrôle pénal : l'activité envisagée ne doit pas exposer l'agent au risque pénal d'une situation de prise illégale d'intérêts, telle qu'elle est définie à l'article 432-13 du code pénal85(*).

L'administration peut rendre trois types de décision : une décision d'autorisation ; une décision d'autorisation avec réserves ; ou une décision de refus. L'administration est liée par les avis d'incompatibilité et de comptabilité avec réserve rendus par la HATVP ; toutefois, elle a la possibilité d'être plus stricte que la HATVP.

b) Le régime des emplois « stratégiques » : une saisine obligatoire de la HATVP

i. Les départs vers le secteur privé

Pour certains agents, la saisine de la HATVP est obligatoire en cas de mobilité vers le secteur privé. Conformément à l'article L. 124-5 du CGFP, il s'agit des agents publics occupant ou ayant occupé au cours des trois années qui ont précédé « un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient ».

Aux termes de l'article 2 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique, sont ainsi concernés :

- les directeurs généraux des services des régions, départements, communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 40 000 habitants ;

- les directeurs d'administration centrale ;

- les dirigeants d'un établissement public de l'État dont la nomination relève d'un décret en conseil des ministres ;

- les directeurs d'établissements publics hospitaliers dotés d'un budget de plus de 200 millions d'euros ;

- les directeurs généraux adjoints des communes et EPCI de plus de 40 000 habitants ;

- les directeurs généraux des services techniques des communes et EPCI de plus de 400 000 habitants ;

- les membres du Conseil d'État ;

- les magistrats des tribunaux et des cours administratives d'appel ;

- les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ;

- les directeurs, directeurs adjoints, secrétaires généraux, secrétaires généraux adjoints des AAI et des API ;

- les autres personnes exerçant des emplois ou fonctions à la décision du gouvernement et nommés en conseil des ministres ;

- ainsi que les autres agents qui occupent un emploi figurant dans le décret n°2016-1967 du 28 décembre 2016.

Au total, 14 000 emplois au sein des trois versants de la fonction publique sont concernés par la saisine obligatoire de la HATVP par l'autorité hiérarchique de l'agent en question86(*).

ii. Les recrutements en provenance du secteur privé

La saisine obligatoire de la HATVP en cas de nomination ou de réintégration dans la fonction publique vaut dans un nombre de cas encore plus restreint.

Conformément à l'article L. 124-8 du CGFP, l'autorité hiérarchique doit saisir préalablement pour avis la HATVP lorsqu'elle envisage de nommer à l'un des emplois suivants une personne exerçant ou ayant exercé au cours des trois années qui ont précédé une activité privée lucrative :

- emplois de directeur d'administration centrale ou de dirigeant d'un établissement public de l'État dont la nomination relève d'un décret en conseil des ministres ;

- emplois de directeur général des services des régions, des départements, des communes de plus de 40 000 habitants et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants ;

- emplois de directeur d'établissements publics hospitaliers dotés d'un budget de plus de 200 millions d'euros.

Au total, 3 000 emplois au sein des trois versants de la fonction publique sont concernés87(*).

c) Les règles communes à l'ensemble des agents publics : le suivi des réserves

Le contrôle de la HATVP ne s'effectue pas seulement au moment de la mobilité du public vers le privé (et réciproquement), mais il peut aussi se poursuivre au cours des trois années qui suivent le début de l'activité privée ou de la nomination à un emploi public.

Conformément à l'article L. 124-18 du CGFP, tout agent public ayant fait l'objet d'un avis rendu par la HATVP en application des articles L. 124-4 et L. 124-5 du CGFP (projet d'activité privée lucrative présentée par un agent public souhaitant cesser temporairement ou définitivement ses fonctions) ou L. 124-7 et L. 124-8 du CGFP (réintégration d'un fonctionnaire ou recrutement d'un agent contractuel ayant exercé une activité privée lucrative) fournit, à la demande de la HATVP, toute explication ou tout document justifiant qu'il respecte cet avis durant les trois années qui suivent le début de son activité privée ou de sa nomination à un emploi public.

Cette disposition est valable quel que soit l'avis rendu : comme l'a rappelé la HATVP lors de son audition par la rapporteure, elle peut également effectuer le suivi d'un avis de compatibilité simple, notamment si le poste est sensible, ou afin de vérifier le respect du principe de discrétion professionnelle.

Par ailleurs, des sanctions sont prévues au titre de l'article L. 124-20 du CGFP à l'encontre de l'agent qui ne respecterait pas l'avis de compatibilité avec réserves ou d'incompatibilité : poursuites disciplinaires ; retenue sur pension dans le cas d'un fonctionnaire retraité ; interdiction de recrutement dans la fonction publique pour l'agent contractuel ; ou encore, rupture du contrat sans préavis ni indemnité.

En parallèle de ces sanctions, un signalement au parquet peut également être effectué lorsque que la violation de réserves ou d'un avis d'incompatibilité a conduit la personne à commettre des faits susceptibles d'être qualifiés de prise illégale d'intérêts.

2. L'article 16 vise à instaurer un régime spécifique de contrôle des mobilités pour le secteur du conseil

Les travaux de la commission d'enquête ont abouti à un constat sans appel : les cabinets de conseil occupent une place à part au sein du secteur privé en raison de leur propension à influencer la décision publique. En conséquence, la proposition de loi instaure un régime spécifique de contrôle des mobilités depuis et vers le secteur du conseil.

Tout agent public cessant ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de trois ans et qui souhaiterait « fournir des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif » verrait ainsi sa demande soumise directement et obligatoirement à l'avis préalable de la HATVP. S'appliquerait donc à l'ensemble des agents publics ayant un projet de reconversion professionnelle dans le secteur du conseil, le régime de l'article L. 124-5 actuellement en vigueur pour les seuls agents publics occupant ou ayant occupé au cours des trois années qui ont précédé « un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » et souhaitant rejoindre le secteur privé.

De manière symétrique, la HATVP serait obligatoirement saisie par l'autorité hiérarchique lorsque celle-ci envisagerait de nommer, à quelque poste que ce soit dans l'administration, « une personne fournissant ou ayant fourni des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif au cours des trois dernières années ». Le régime défini aujourd'hui pour les seuls emplois « stratégiques » énumérés à l'article L. 124-8 serait donc étendu aux personnes venant du secteur du conseil, quel que soit le poste envisagé au sein des trois versants de la fonction publique.

Enfin, des obligations renforcées de reddition de comptes seraient prévues pour les agents publics ayant rejoint le secteur du conseil. Ceux-ci seraient ainsi tenus de rendre compte de leur activité à la HATVP au moins tous les six mois, dans les conditions fixées par celle-ci, et durant les trois années qui suivent le début de leur activité de conseil.

3. La commission juge la dérogation à la fois justifiée au regard des enjeux et raisonnable dans ses implications

3.1. Une dérogation substantielle au régime actuel de contrôle des mobilités, mais justifiée

Comme rappelé ci-dessus, le régime de contrôle des mobilités issu de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique repose sur un contrôle du risque lié davantage au niveau de responsabilité au sein de l'administration, qu'au type de secteur d'activité privée.

À ce titre, la commission a conscience que la mesure proposée par l'article 16 tend à s'écarter de la logique de subsidiarité et de proportionnalité posée alors ; elle estime néanmoins que les règles spécifiques définies par la proposition de loi pour le secteur du conseil sont justifiées au regard de la forte propension de ce secteur à influencer la décision publique, et donc des risques déontologiques élevés qui en découlent pour les agents publics concernés par les « allers-retours » entre l'administration et l'activité de conseil. Si les agents publics occupant des postes à responsabilité et souhaitant exercer une activité de consultant sont d'ores et déjà soumis au contrôle systématique de la HATVP, il semble pertinent d'étendre ce contrôle à l'ensemble des agents publics.

Convaincue pour les mêmes raisons que le suivi du respect des avis rendus par la HATVP doit être renforcé dans les cas des mobilités depuis l'administration vers le secteur du conseil, la commission a également approuvé l'obligation de reddition de comptes prévue par l'article 16 pour les agents publics ayant rejoint le secteur du conseil durant les trois années suivant le début de cette activité. Tout en reconnaissant que le caractère systématique de l'obligation d'information modifierait l'approche actuelle de la HATVP, elle souligne que cette disposition soulagerait dans une certaine mesure les services de cette autorité, en plaçant l'agent public à l'initiative du suivi.

3.2. Une dérogation raisonnable dans ses implications

La crainte d'une « submersion » des services de la HATVP - à effectifs constants - sous l'effet de cette disposition dérogatoire a bien été entendue par la rapporteure lors des auditions menées.

Pour autant, si l'on se fonde sur le nombre de mobilités entre l'administration et le secteur du conseil contrôlées actuellement par la HATVP au titre des articles L. 124-5 et L. 124-8 du CGFP, le nombre d'agents qui seraient concernés par l'extension du contrôle systématique de la HATVP serait vraisemblablement restreint.

En effet, entre février 2020 et janvier 2022, sur les 264 avis de reconversion professionnelle des agents publics rendus par la HATVP, seuls 7 concernaient des hauts fonctionnaires souhaitant rejoindre des cabinets de conseil (soit 2,7 %) ; sur les 573 avis de prénomination rendus sur la même période, 8 portaient sur des mobilités depuis les grands cabinets de conseil susceptibles de délivrer des prestations à l'État (soit 1,4 %)88(*).

Dès lors, il peut être déduit de ces ordres de grandeur que le nombre d'agents qui sont aujourd'hui concernés à l'échelle de l'ensemble de la fonction publique, toutes catégories confondues, par une mobilité vers le secteur du conseil est relativement limité ; en conséquence, la charge de travail supplémentaire pour la HATVP qui découlerait de la dérogation introduite par l'article 16 ne nécessiterait probablement qu'un accroissement modéré des moyens de cette autorité.

La crainte d'une augmentation du nombre de saisines mal fondées de la HATVP sous l'effet de cette nouvelle dérogation a également été entendue. Si le risque que l'introduction d'un régime propre au secteur du conseil contribue à nuire à la lisibilité du système et puisse être source de dysfonctionnements pour la Haute Autorité ne peut être nié, il doit cependant être mis en regard des risques déontologiques élevés qu'emportent les mobilités entre l'administration et le secteur du conseil.

Aussi la commission a-t-elle jugé la dérogation proposée à l'article 16 à la fois justifiée dans son principe, et raisonnable dans ses implications.

La commission a adopté l'article 16 sans modification.

CHAPITRE V
ASSURER UNE MEILLEURE PROTECTION DES DONNÉES DE L'ADMINISTRATION

Article 17
Obligation de suppression des données confiées par l'administration pour les besoins de la prestation de conseil
et possibilité de faire diligenter un contrôle par la CNIL

L'article 17 vise à mieux contrôler l'utilisation des données collectées par les consultants auprès de l'administration bénéficiaire ou de tiers dans le cadre de la mission de conseil en excluant tout utilisation en dehors de l'exécution de la prestation et en imposant la suppression de ces données à l'issue de celle-ci.

Il confierait une mission de contrôle à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dont le rôle serait exceptionnellement étendu à la supervision de données non personnelles. Cette mission s'exercerait dans le cadre des procédures de contrôle habituelles de la CNIL, tout en prévoyant une information systématique du cabinet de conseil avant contrôle.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté cet article tout en supprimant la mention de cette information préalable systématique, afin de conserver le régime de droit commun de la CNIL qui peut, dans certains cas, préférer préserver un effet de surprise, si elle est dûment autorisée par le juge des libertés et de la détention (JLD).

1. Répondre à une alerte de la commission d'enquête sur le « paradoxe de la donnée »

Les travaux de la commission d'enquête ont mis à jour le paradoxe suivant : les cabinets de conseil assurent que les données recueillies dans le cadre de leurs prestations pour l'État ne seront pas réutilisées au profit de leurs autres clients, mais proposent en parallèle des parangonnages ou benchmarks réalisés en un temps record89(*), ce qui suppose de détenir des masses de données.

Pour y répondre, l'article 17 de la proposition de loi tend à inscrire dans la loi, conformément à la proposition de la commission d'enquête90(*) :

- l'interdiction de toute réutilisation par le cabinet de conseil des données collectées auprès de l'administration bénéficiaire ou de tiers pour les besoins de la prestation ;

- l'obligation de suppression des données collectées un mois après l'issue de la prestation.

Ces deux obligations ne concerneraient pas les données publiées, qui par nature auraient pu être collectées par le prestataire ou le consultant en dehors de la prestation de conseil.

L'article 17 confèrerait également à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) une mission de contrôle de cette obligation, y compris pour des données qui n'ont pas de caractère personnel, à condition d'aviser préalablement la personne concernée.

2. La nécessité d'un encadrement législatif et d'un contrôle par une autorité indépendante

Au regard de la problématique ainsi mise en lumière par la commission d'enquête, certaines initiatives ont d'ores et déjà été prises par les pouvoirs publics et les consultants pour éclaircir le statut des données collectées par les cabinets de conseil.

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 est venue préciser que les cahiers des charges des prestations de conseil « devront imposer, qu'à l'issue de chaque mission, l'intégralité des données du bénéficiaire transmises au prestataire [soit] retournée au donneur d'ordre administratif et ensuite supprimée sans délai et définitivement par le prestataire ».

Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du nouvel accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) en cours d'établissement91(*) prévoit ainsi des dispositions spécifiques en matière de protection des données collectées92(*) : celles-ci doivent être utilisées dans le cadre de la prestation uniquement ; à l'issue de la prestation, les cabinets de conseil doivent les supprimer dans un délai d'un mois ; une pénalité de 10 000 euros est prévue en cas de manquement aux règles de protection des données personnelles.

De son côté, en septembre 2022, Syntec Conseil, syndicat professionnel représentatif des sociétés de conseil en France, a publié une « charte de déontologie visant les interventions de conseil auprès du secteur public » qui recommande l'interdiction de « toute utilisation de ces informations privilégiées pour un usage autre que celui au titre duquel elles lui ont été communiquées ».

Ces différentes dispositions de nature contractuelle ne s'appliquent pas à toutes les prestations de conseil réalisées pour le compte de l'État et ne font l'objet d'aucun contrôle. Par ailleurs, certaines de ces règles ne concernent que les données personnelles ou qualifiées de « privilégiées » par le cabinet de conseil.

C'est la raison pour laquelle la commission est favorable à l'adoption de dispositions législatives imposant à tous, y compris aux sous-traitants, l'obligation de respecter la finalité exclusive des données et de supprimer celles-ci à l'issue de la prestation.

La rapporteure a spécifiquement interrogé les représentants de la CNIL sur le contrôle que celle-ci serait appelée à effectuer dans le cadre de l'article 17 sur les données non personnelles, ce qui sort de son rôle habituel. Selon eux, « les vérifications à mener se rapprocher[ai]ent des missions classiques de la CNIL et notamment du contrôle du respect des délais de conservation des données ». La difficulté serait plutôt d'ordre pratique, les données non personnelles pouvant être moins aisément repérables que celles qui le sont. Elle pourrait toutefois être levée avec l'aide de l'administration concernée qui devrait préalablement au contrôle identifier les données qu'elle a confiées, voire les fournir à la CNIL pour comparaison.

Par ailleurs, la CNIL a souligné qu'il pourrait y avoir en la matière des risques de dissimulation plus élevés qu'en matière de traitement de données personnelles, dans la mesure où il est difficile pour un responsable de traitement de chercher à modifier en urgence ses traitements, mais moins de faire migrer des données ou de les effacer en urgence. Elle n'est donc pas favorable au fait d'aviser systématiquement en amont le prestataire et les consultants concernés qu'un contrôle va être mené.

3. La position de la commission : supprimer l'obligation d'avis préalable pour prévenir le risque de dissimulation

La commission est favorable à une extension ponctuelle du pouvoir de contrôle de la CNIL aux données non personnelles afin qu'elle vienne, à leur demande, en appui aux administrations bénéficiaires qui auraient un doute sur le bon respect par leurs cocontractants de leurs obligations. En l'état de sa réflexion, la rapporteure n'a pas souhaité proposer une extension des pouvoirs de sanction de la CNIL en conséquence, car cela lui semblait par trop modifier l'esprit de la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 197893(*).

Il convient de rappeler que, s'agissant des données personnelles, les cabinets de conseil, dès lors qu'ils procèdent à des traitements de données personnelles, relèvent déjà du contrôle de la CNIL qui a actuellement pleine et entière compétence pour procéder à des contrôles auprès d'eux.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission a préféré maintenir le pouvoir de contrôle étendu aux données non personnelles ainsi créé dans les conditions de l'article 19 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, pour conserver la possibilité de procéder à un contrôle, sur autorisation du JLD, s'en aviser préalablement la personne contrôlée. Il s'agirait de prévenir tout risque de dépérissement des preuves, ce qui pourrait s'avérer utile dans certains cas.

Elle a adopté l'amendement COM-22 en conséquence.

La commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Article 18
Obligation d'audit de la sécurité des systèmes d'information
des cabinets de conseil selon un référentiel établi par l'ANSSI

L'article 18 entend confier à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) la mission d'établir un référentiel d'audit de la sécurité des systèmes d'information spécifique pour les cabinets de conseil et de certifier les personnes pouvant conduire ces audits.

Il imposerait ensuite aux cabinets de conseil de produire une attestation d'audit pour pouvoir candidater à un marché public.

En l'état, la commission a adopté cet article mais n'a pas estimé utile de créer un nouveau référentiel en matière d'audit de la sécurité des systèmes d'information et une procédure de certification spécifique pour les cabinets de conseil et a préféré s'en remettre au référentiel et à la procédure de qualification déjà existants. Elle a précisé que serait exigée l'atteinte d'un niveau minimal de sécurité à l'issue de cet audit, et non pas une simple attestation.

1. La préoccupation de la commission d'enquête : l'incertitude quant au degré de sécurisation des données confiées aux cabinets de conseil

À ce jour, l'ANSSI n'est pas en mesure de se prononcer sur le niveau de sécurité des cabinets de conseil ou sur leur capacité à protéger l'information de leurs clients, a déclaré son directeur général, Guillaume Poupard, aux membres de la commission d'enquête94(*).

Par ailleurs, au-delà du risque de cyber-attaque, la commission d'enquête a relevé l'incertitude juridique liée à la dimension extraterritoriale du droit américain en matière de données informatiques : les entreprises auxquelles les cabinets de conseil ont recours peuvent être couvertes par le Cloud Act et, en conséquence, être amenées à devoir communiquer aux autorités américaines des données détenues par des cabinets de conseil.

C'est la raison pour laquelle la commission d'enquête a préconisé de faire réaliser par l'ANSSI un référentiel d'audit de la sécurité des systèmes d'information ad hoc et d'exiger une attestation d'audit de tout candidat à un appel d'offres relatif à des prestations de conseil95(*).

C'est l'objet de l'article 18 de la proposition de loi.

2. Le mécanisme proposé : une procédure d'audit nouvelle

L'ANSSI dispose déjà d'un référentiel en matière d'audit de la sécurité des systèmes d'information96(*) et les audits peuvent être conduits par des prestataires qualifiés par les centres d'évaluation agréés par celle-ci.

Selon l'ANSSI, ce dispositif parait adapté au regard des pratiques informatiques des cabinets de conseil qui reposent majoritairement sur des outils bureautiques standards.

Il semble par conséquent inutile de prévoir un référentiel et une procédure de certification ad hoc, qui obligerait l'ANSSI d'une part à élaborer un référentiel propre aux cabinets de conseil, et d'autre part à revoir sa procédure de qualification. Actuellement, l'agence ne certifie pas elle-même les prestataires d'audit, mais délègue leur « qualification » à des centres d'évaluation dont elle vérifie les compétences dans le cadre d'un processus d'agrément triennal.

Par ailleurs, l'ANSSI a relevé que la simple production d'une attestation indiquant que l'audit avait bien été réalisé ne garantirait pas un niveau minimal de sécurité. En théorie, un candidat ayant eu des conclusions d'audit défavorables serait admissible à se porter candidat au marché public.

3. La position de la commission : se reposer sur le référentiel et la procédure de qualification existants

Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du nouvel accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) en cours de finalisation contient des dispositions qui sont spécifiquement applicables lorsque les titulaires manipulent des informations de l'acheteur sur un système externe à l'administration : l'acheteur peut alors imposer des mesures complémentaires et requérir, par exemple, l'usage de solutions détenant un visa de sécurité de l'ANSSI ou ayant été audité par un prestataire qualifié par l'ANSSI.

Toutefois, il semble nécessaire de rendre cet audit systématique et exigible pour tout type de prestations de conseil, pour s'assurer de la sécurisation des systèmes d'information hébergeant les données reçues et émises par les cabinets de conseil dans le cadre de leurs prestations au bénéfice d'une administration.

La commission a donc été favorable aux dispositions de l'article 18, tout en y apportant, par l'adoption de l'amendement COM-23, une modification afin de s'en remettre au référentiel déjà existant et exiger l'atteinte d'un niveau minimal de sécurité, et non pas une simple attestation. Ce niveau serait fixé par le décret prévu au III.

La commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

CHAPITRE VI
APPLIQUER LA LOI AUX PRESTATIONS EN COURS

Article 19
Application de la loi aux contrats en cours

L'article 19 prévoit l'application de la loi dès sa promulgation aux prestations de conseil en cours, y compris les prestations à titre gracieux, sous réserve d'un délai de deux mois pour la rédaction du code de conduite mentionné à l'article 9 et d'un délai de trois mois pour l'envoi des déclarations d'intérêts prévues à l'article 10.

La commission a adopté cet article avec pour seule modification une coordination avec un amendement à l'article 5.

1. Des contrats-cadres en matière de conseil renouvelés récemment pour une période de quatre ans

Une proportion substantielle des prestations de conseil est commandée par les administrations publiques par le biais des accords-cadres de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP), qui représentent des montants significatifs.

Le total des engagements de l'accord-cadre de la DITP s'élève à 270,6 millions d'euros pour la période 2018-2022. Le montant du nouvel accord-cadre est quant à lui estimé à 150 millions d'euros hors taxes pour la période 2023-2027, avec un plafond à 200 millions d'euros.

Quant à l'UGAP, ses ventes de prestations intellectuelles se sont élevées à 309,5 millions d'euros pour la seule année 2021, et à 61,8 millions d'euros en excluant le conseil en informatique. La commission d'enquête sénatoriale notait en outre dans son rapport que les commandes de conseil passées à l'UGAP par les ministères ont augmenté de 55 % entre 2018 et 2021.

Ces accords-cadres sont conclus pour une période de quatre ans. Or, ils ont fait l'objet de renouvellements récents ou sont en cours de renouvellement.

L'accord-cadre de l'UGAP en matière de conseil a ainsi été renouvelé le 12 juillet 2022, avec un avis d'attribution publié le 16 août 2022, tandis que la DITP a publié le 29 juillet 2022 l'avis d'appel à la concurrence de son nouvel accord-cadre interministériel de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle.

2. L'application de la loi aux prestations en cours, sous réserve de dispositions transitoires

Face aux enjeux financiers que représentent les accords-cadres précités, l'article 19 prévoit l'application de la loi dès sa promulgation aux contrats en cours, y compris l'interdiction des prestations pro bono hors actions de mécénat mentionnées par le code général des impôts et le contrôle des mobilités professionnelles par la HATVP.

Cette disposition aurait pour conséquence la rédaction d'avenants aux contrats en cours et la modification des accords-cadres, sans pour autant changer la « nature globale du marché » ni affecter l'équilibre financier des marchés, comme l'autorisent l'article 72 de la directive 2014/24/UE précitée relative aux marchés publics et l'article L. 2194-1 du code de la commande publique.

Des mesures transitoires sont néanmoins prévues au I de l'article 19 de la proposition de loi : un délai de deux mois est octroyé pour la rédaction du code de conduite mentionné à l'article 9 ainsi qu'un délai de 3 mois pour l'envoi des déclarations d'intérêts des prestataires de conseil.

3. La position de la commission

La commission juge excessif d'attendre un délai de quatre ans pour que la proposition de loi s'applique pleinement, à l'expiration des accords-cadres actuels. En outre, elle note que l'absence d'application immédiate, impliquant la modification des accords-cadres, aurait pour conséquence une rupture d'égalité entre les prestations de conseil se rattachant à un accord-cadre et celles contractées en dehors de ceux-ci.

En conséquence, la commission a adopté l'article 19 en l'état, à l'exception d'une modification rédactionnelle au III pour procéder à une coordination avec un l'amendement COM-24 à l'article 5.

La commission a adopté l'article 19 ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 12 OCTOBRE 2022

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, déposée par nos collègues Éliane Assassi et Arnaud Bazin.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Ce texte, ambitieux et profondément novateur, découle directement des travaux de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, dont elle reprend dix-sept des dix-neuf recommandations. Il a été cosigné par la quasi-intégralité des membres de la commission d'enquête et est le fruit d'un travail transpartisan. J'ai tenu à conserver cet équilibre, en tâchant d'y apporter clarifications et modifications lorsque cela était nécessaire et possible.

Permettez-moi au préalable de dire quelques mots sur les dix-neuf articles de ce texte, que certains d'entre vous connaissent déjà très bien en tant que membres de la commission d'enquête et co-signataires de la proposition de loi.

Après un premier chapitre visant à définir son champ d'application, le coeur de la proposition de loi est structuré en quatre chapitres qui tendent à répondre aux quatre enjeux soulevés par le recours par l'administration aux cabinets de conseil privés, tels qu'ils ont été identifiés par la commission d'enquête.

Afin de mettre un terme à l'opacité des prestations de conseil, le chapitre II renforce les obligations de transparence à l'égard des prestataires de conseil. En particulier, les consultants n'auront plus le droit d'utiliser les signes distinctifs de l'administration, pour éviter toute confusion entre le service public et les consultants. Est également prévue la création d'une annexe au projet de loi de finances recensant le recours aux prestations de conseil par les administrations entrant dans le périmètre de la proposition de loi.

Le chapitre III a pour objet de mieux encadrer le recours par l'administration aux consultants et l'exécution des prestations fournies. Le texte prévoit ainsi d'instaurer une évaluation systématique, formalisée et publique des prestations de conseil, afin de mesurer leur valeur ajoutée pour les missions de l'administration. En outre, il interdit les prestations de conseil réalisées à titre gratuit au bénéfice de l'administration, afin de contrer la stratégie dite du « pied dans la porte », mise au jour par la commission d'enquête.

Le chapitre IV comprend les dispositions probablement les plus importantes et innovantes de cette proposition de loi. Il prévoit ainsi d'imposer un cadre déontologique unifié aux cabinets de conseil intervenant pour l'administration, qui permettrait de mieux détecter et prévenir les conflits d'intérêts et de contrôler plus systématiquement les allers-retours entre l'administration et ces cabinets. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) se verrait ainsi confier une nouvelle mission de contrôle, doublée d'un pouvoir de sanction en cas de manquement aux obligations déontologiques. De plus, la Haute Autorité serait systématiquement saisie lorsqu'un agent public rejoindrait un cabinet de conseil, et réciproquement lorsqu'un consultant rejoindrait l'administration.

Enfin, le chapitre V vise à mieux protéger les données de l'administration confiées aux cabinets de conseil, en prévoyant la suppression des données collectées dans un délai d'un mois à l'issue de la prestation sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et en obligeant les cabinets de conseil à faire auditer leurs systèmes d'information selon un référentiel de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

Deux principes généraux ont guidé ma réflexion en tant que rapporteure. D'une part, il convenait de respecter l'esprit de ce texte et son équilibre, qui sont le fruit à la fois d'accords et de compromis entre l'ensemble des groupes politiques du Sénat. D'autre part, il s'agissait de renforcer la portée et l'effectivité de ses dispositions en rendant certaines d'entre elles plus opérationnelles.

À l'article 1er, je vous proposerai de préciser le périmètre de la proposition de loi, en remplaçant la catégorie d'« opérateurs de l'État », qui est une notion budgétaire susceptible d'évoluer d'une année sur l'autre, par celle d'« établissements publics de l'État ». Il s'agit d'une rédaction plus précise juridiquement, qui permettrait de conserver dans le champ d'application de la loi la grande majorité des organismes listés comme opérateurs en 2023. Elle en ajouterait d'autres, comme la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Je ne vous cache pas que la question de la détermination du périmètre s'agissant des administrations bénéficiaires est délicate. J'ai tendance à penser que tous les établissements publics ne sont pas égaux face au recours aux cabinets de conseil, et que la question de l'influence des cabinets de conseil ne se pose pas exactement dans les mêmes termes selon que l'on considère un ministère régalien ou l'hôpital local de Saint-Bonnet-le-Château, dans la Loire. C'est pourquoi je me suis interrogée notamment sur la possibilité d'instaurer un seuil - il aurait été, par exemple, fixé au regard des dépenses de fonctionnement de l'établissement - qui aurait permis de ne retenir que les établissements présentant une certaine taille critique, qui semblent davantage susceptibles de recourir aux cabinets de conseil de manière significative. Cependant, je ne dispose pas des informations permettant d'établir la liste précise des établissements publics de l'État concernés par tel ou tel seuil : je me suis donc abstenue de toute proposition en la matière.

Le périmètre de la proposition de loi, s'agissant cette fois-ci des prestations visées, suscite également de nombreuses réactions, en particulier à propos du conseil en informatique. La numérisation de nos services publics conduit l'administration à mener de nombreux projets informatiques avec l'appui de prestataires extérieurs ; pour autant, tous ces projets ne sont pas forcément structurants ou stratégiques, même si, il est vrai, la manière de concevoir un outil informatique peut l'être. C'est pourquoi je vous proposerai d'exclure expressément certaines prestations purement techniques et d'exécution. Je ne crois pas trahir ici les auteurs qui ont eux-mêmes souhaité exclure « les prestations informatiques » dans leur présentation du texte.

Par ailleurs, dans la mesure où les professionnels du droit sont déjà soumis à des obligations déontologiques sous le contrôle de leurs ordres professionnels respectifs, il me semble justifié d'exclure du champ de la proposition de loi les prestations de conseil juridique réalisées par l'ensemble de ces professionnels, sans se limiter à celles qui sont accomplies par les avocats dans leur activité plaidante. La logique doit être la même que pour les commissaires aux comptes ou les experts-comptables, déjà exclus du texte. Cela permettrait d'éviter tout risque de contrôle et de sanction en doublon, par les conseils de discipline et la HATVP.

Comme vous le voyez, l'équilibre à trouver entre la portée générale de la loi, d'une part, et son caractère réaliste et effectif, d'autre part, est tout sauf évident, mais nous pourrons en reparler.

J'en viens maintenant aux dispositions du texte à proprement parler.

Tout d'abord, il m'a semblé nécessaire de renforcer les mesures visant à mieux identifier les apports des consultants dans les travaux réalisés pour l'administration et de clarifier les responsabilités de cette dernière.

Concernant le document budgétaire prévu à l'article 3, notre souhait est bien de créer un véritable « jaune budgétaire », c'est-à-dire une annexe générale au projet de loi de finances, que le Gouvernement aurait obligation de produire chaque année. Néanmoins, la récente réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) impose que cette création ait pour véhicule une loi de finances. C'est pourquoi je vous proposerai de transformer provisoirement ce « jaune budgétaire » en rapport annuel, et de veiller qu'une disposition ad hoc soit votée au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2023. Nous devons être particulièrement vigilants sur le contenu de cette annexe, au risque de créer un 31e « jaune » pour rien !

L'actualité l'illustre bien : avec une certaine précipitation, le Gouvernement vient de publier lundi dernier ce que nous pourrions appeler un « faux » jaune budgétaire, consacré aux recours aux conseils extérieurs par les ministères. Ce rapport, annexé au projet de loi de finances, reprend l'esthétique des jaunes budgétaires sans en avoir ni la nature ni la base légale. Au-delà de ces éléments techniques, ce faux jaune, bien qu'il représente un premier pas vers davantage de transparence, me paraît insuffisant : son domaine est plus restreint que ce que prévoit la proposition de loi et, surtout, il ne comporte pas de liste détaillée des prestations de conseil. Enfin, pour l'heure, rien n'en garantit la récurrence annuelle.

S'agissant de la lutte contre les conflits d'intérêts des consultants, je vous proposerai d'approuver le système centré sur la HATVP mis en place. La Haute Autorité y est favorable, même si elle a souligné que cela devrait logiquement s'accompagner d'un renforcement de ses moyens humains. S'agissant des vérifications sur place qu'elle pourrait mener, il me semble souhaitable d'étendre le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) dans tous les cas, y compris lorsqu'elles sont menées dans un local professionnel, afin de renforcer les garanties des personnes concernées.

En outre, je vous propose d'augmenter le plafond de l'amende administrative prévue dans le cas d'une personne morale. Un montant de 15 000 euros pour un cabinet de conseil réalisant plus de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires à l'échelle du seul territoire national apparaîtrait en effet assez dérisoire, et donc dépourvu de réel effet dissuasif. Un pourcentage du chiffre d'affaires me semble plus adapté.

Il conviendrait également de compléter le dispositif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics en prévoyant un mécanisme de régularisation, conformément aux directives européennes qui encadrent le droit de la commande publique.

Pour conclure, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le Gouvernement, par la voix de Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, semble très allant sur cette initiative sénatoriale, la présentant comme s'inscrivant dans « un continuum d'actions déjà en cours de développement ». Il est vrai que les propositions de la commission d'enquête ont déjà été reprises pour partie, dès l'été dernier, au niveau réglementaire ou contractuel. Je pense en particulier à l'accord-cadre en cours de renouvellement de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Toutefois, lorsque l'on se penche de près sur ces initiatives, on voit bien que le degré d'exigence et de détail n'est pas celui qui est souhaité. La publication du « faux » jaune budgétaire me semble en être l'illustration.

Mme Éliane Assassi, auteur de la proposition de loi. - Je salue la rapporteure, qui a su s'extraire d'un positionnement partisan pour coller au travail de la commission d'enquête et à son esprit collégial. Ses propositions ne dénaturent ni l'esprit ni l'équilibre de notre texte, même si je ferai quelques remarques lors de l'examen des articles. Je profite de l'occasion pour remercier ici tous les membres de la commission d'enquête, notamment le président Bazin : nous avons travaillé avec sérieux et rigueur.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je salue le travail remarquable réalisé par la commission d'enquête. Ces commissions sont un instrument précieux, renvoyant l'image et la réalité d'un Sénat qui exerce pleinement sa mission de contrôle.

Le recours aux cabinets de conseil privés est devenu excessif ; je me rappelle ce jour où nous avons appris que, pour écrire l'exposé des motifs d'un projet de loi, un ministre avait fait appel à un cabinet spécialisé... C'est ahurissant ! Si un ministre n'est pas capable d'écrire les motifs de son propre texte, la mission politique perd tout son sens.

Certains rapports produits par des cabinets de conseil sont extrêmement légers ; pourtant, les services de l'État disposent de compétences réelles. Face à ce constat, la commission d'enquête n'en apparaît que plus salutaire.

Madame la rapporteure, vous êtes restée fidèle à l'esprit et à la lettre du rapport de la commission d'enquête. Je salue votre initiative concernant le montant de l'amende : 15 000 euros ne troubleraient pas McKinsey. Il convient en effet de distinguer le montant de l'amende selon qu'elle vise une personne physique ou morale.

Vous proposez par ailleurs de ne pas appliquer le texte aux professions juridiques déjà soumises à des règles déontologiques précisées par la loi : cela me semble justifié.

M. Didier Migaud, président de la HATVP, qualifie de bonne initiative le fait de soumettre les cabinets de conseil à des déclarations à la HATVP en cas de pantouflage ou de « rétropantouflage » ; dès lors, ne serait-il pas potentiellement problématique d'avoir deux régimes différents, l'un s'appliquant à toute personne dès lors qu'elle oeuvre pour un cabinet de conseil, et l'autre ne s'appliquant qu'à certaines personnes dans le cadre du droit commun ?

L'amende est aussi prévue pour les cas de « faute professionnelle ». La Haute Autorité risque d'avoir du mal à définir ce qu'est une faute professionnelle. La création de la commission des sanctions, qui devrait rendre des avis motivés, n'est-elle pas suffisante ?

L'association Transparency International France demande d'étendre le champ d'application du texte aux représentants d'intérêts : cela vous semble-t-il justifié ?

Enfin, faudrait-il appliquer ces règles aux collectivités locales ? C'est un vrai sujet - les raisons de mettre en place un tel dispositif à l'échelon local sont aussi nombreuses -, mais cette question n'entrait pas dans le champ de la commission d'enquête.

Mme Nathalie Goulet. - J'ai eu le plaisir de faire partie de cette commission d'enquête ; nous avons en effet travaillé avec énergie et transparence.

La question des collectivités locales peut se poser, mais commeces dernières ne faisaient pas partie du périmètre de la commission d'enquête, l'ensemble pourrait s'en trouver déséquilibré si on les intégrait à la proposition de loi. Le cas échéant, il faudra expliquer pourquoi le Sénat ne s'est pas emparé du sujet : l'Assemblée nationale pourrait imaginer qu'il existe ici une omerta dès que les collectivités sont en jeu.

La cartographie des ressources humaines, prévue à l'article 8, est essentielle : il est d'ailleurs curieux qu'elle n'existe pas déjà ! Elle est d'autant plus importante au regard des pouvoirs nouveaux qui seraient conférés à la Haute Autorité.

La création du faux « jaune budgétaire » a produit son effet sur le plan médiatique. La couleur du document budgétaire avait fait l'objet de discussions au sein de la commission d'enquête. L'examen de ce texte en séance publique permettra de déterminer si un document transversal, appelé « orange budgétaire », ne serait pas plus intéressant.

Je voterai ce texte avec enthousiasme.

M. Dominique Théophile. - Je salue le travail fait par la rapporteure. À la suite de la commission d'enquête, le Gouvernement s'est saisi des recommandations formulées afin de mettre en oeuvre diverses actions ; je pense, par exemple, à la circulaire du 19 janvier 2022 qui prévoit une diminution de 15 % du montant consacré aux prestations des cabinets de conseil. La DITP a également annoncé le recrutement de quinze agents en interne, spécialisés dans le conseil en stratégie.

Cette proposition de loi s'inscrivant dans le « continuum d'actions » mentionné par Stanislas Guerini, le groupe RDPI votera ce texte.

Mme Esther Benbassa. - Je remercie la rapporteure et je salue les travaux de la commission d'enquête.

J'observe qu'un plafond maximum n'est pas prévu pour les dépenses de conseil ; pourtant, selon le rapport de la commission d'enquête intitulé Un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques, elles ont atteint 893,9 millions d'euros en 2021. Au-delà des mesures de transparence et de déontologie énoncées dans cette proposition de loi, ne faudrait-il pas envisager un tel plafonnement ?

Mme Éliane Assassi. - Il ne faut pas demeurer sur la défensive au sujet des collectivités locales. Elles n'entraient pas dans le périmètre de la commission d'enquête ; pourtant, certaines d'entre elles ont recours à des cabinets de conseil privés. Certes, des « gendarmes », si je puis dire, veillent aux dépenses à l'échelle des collectivités, tels que les élus de l'opposition, qui ont un regard acéré sur les dépenses, le représentant de l'État qui fait le contrôle de légalité, ou encore la chambre régionale des comptes. Cependant, à terme, nous pourrions envisager la création d'une nouvelle commission d'enquête pour approfondir cette question.

M. André Reichardt. - Bien que je partage ce propos, ma conclusion ne sera pas tout à fait la même : ne faudrait-il pas réfléchir à la rédaction d'un amendement relatif aux collectivités ? Il conviendrait de développer, en fonction de leur taille, une réflexion en matière de seuils.

M. Alain Richard. - L'article 45 de la Constitution s'applique aussi aux propositions de loi ; or, cette proposition de loi ne comporte pas de disposition relative aux collectivités territoriales.

M. Guy Benarroche. - Je salue le travail de nos collègues. Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi, qui représente un progrès quant à la transparence et la déontologie des cabinets de conseil privés. Néanmoins, nous proposerons quelques amendements visant à renforcer le rôle de la HATVP, interdire à la fois le recours à des prestataires privés pour la rédaction des études d'impact des projets de loi et l'intrusion des représentants des entreprises du secteur des énergies fossiles et de leurs intérêts, et renforcer les sanctions en cas de pantouflage.

Mme Françoise Gatel. - Je remercie également la présidente Assassi et tous les membres de la commission d'enquête, ainsi que la rapporteure pour la qualité de son rapport.

J'entends le souci exprimé à l'instant par notre collègue Guy Benarroche au sujet des études d'impact. Toutefois, siégeant au Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), je pense que les études réalisées par les services des ministères ne font guère preuve de neutralité : elles vont, de fait, dans le sens des idées que défend le ministre. L'enjeu de la neutralité mérite donc d'être approfondi.

Le champ de la commission d'enquête se limitait à l'État. Il ne faudrait pas que ceux qui se sentiront ainsi visés renvoient la balle du côté des collectivités territoriales ! Certes, certaines collectivités de grande taille peuvent recourir de manière excessive aux cabinets de conseil privés, mais soyons vigilants : plutôt que d'envisager un amendement tendant à fixer un seuil qui serait rédigé dans la précipitation, il vaudrait mieux examiner cette question de manière sérieuse.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Toutes vos interventions démontrent la pertinence de cette proposition de loi et votre volonté qu'elle chemine.

Monsieur Sueur, l'exigence de « faute professionnelle » découle des directives européennes encadrant les marchés publics. Elle ne serait requise que pour l'exclusion des marchés publics qui pourrait être prononcée par la Haute Autorité.

L'article 16 ne prévoit pas une obligation de déclaration d'intérêts à la Haute Autorité ; au contraire, il tend à une extension du champ de la saisine obligatoire pour avis en cas de mobilité vers et depuis le secteur du conseil.

Madame Goulet, il est nécessaire de disposer d'une cartographie portée régulièrement à la connaissance du Parlement. L'existence d'un véritable « jaune » budgétaire, couplée à une compilation centralisée par ministère des données relatives aux ressources humaines et aux compétences conférerait une véritable lisibilité, année après année.

Permettez-moi de sortir quelques instants de mon rôle de rapporteure. Quoique je fasse partie de ceux qui ont toujours défendu la fonction publique, même s'il y avait une volonté de réaliser toutes les études en interne, encore faudrait-il disposer des compétences chez les personnels ! Au regard des contrats de travail proposés par la DITP, je peux comprendre que, à vingt-huit ans, une personne préfère travailler dans un cabinet de conseil, ne serait-ce qu'un temps, plutôt que comme contractuel dans le public. Les cabinets garantissent une augmentation de salaire annuelle alors que, dans le public, le contrat, au bout de trois ans, risque de ne pas être pérennisé.

La proposition de loi ne va pas résoudre tous les dysfonctionnements mis en avant par la commission d'enquête, d'autant qu'une des difficultés réside dans le fait de définir des termes comme « prestation » ou « conseil » : quand considère-t-on que les cabinets de conseil viennent empiéter sur le politique dans la prise de décision ? Cerner d'un point de vue juridique cette zone grise est inévitable ; sans en rabattre sur les ambitions de cette proposition de loi, si cette dernière est promulguée, elle ne prendra toute sa force qu'en cas de volonté politique.

Mesdames Assassi et Gatel, je vous rejoins sur le sujet des collectivités territoriales : il ne faut pas donner le sentiment de mettre la poussière sous le tapis.

Monsieur Reichardt, la question des seuils a été récurrente ; plusieurs auraient pu être établis. Je ne les ai pas retenus, car nous ne disposions pas de l'ensemble des éléments. La logique n'en est pas moins la même pour les collectivités territoriales : les faire entrer, dans toute leur diversité, dans le cadre de la proposition de loi serait, à mon sens, inefficace. Il est difficile d'envisager que la commune de La Chamba, dans la Loire, puisse avoir à faire avec McKinsey...

En outre, comme cela a été souligné, il y a des garde-fous dans les collectivités territoriales. Même si passer son week-end à lire un compte administratif n'est pas la plus plaisante des occupations, les informations sont à notre disposition. Il n'est pas utile, dans une collectivité, de créer une commission d'enquête territoriale pour y avoir accès. D'ailleurs, si les régions et les départements étaient pris en compte dans la proposition de loi, quel seuil fixerait-on pour les communes ? Quels établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), particulièrement divers, seraient concernés ?

Ne rejetons pas cette idée par principe ; cette question doit faire l'objet d'une réflexion. Mais, j'ose le dire, je crois en l'exemplarité de l'État : elle s'imposera aux collectivités territoriales.

Avant d'entamer l'examen de la proposition de loi, je rappellerai son périmètre pour l'application de l'article 45 de la Constitution.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la traçabilité des prestations de conseil réalisées au profit des administrations publiques ; à la publicité des données relatives au recours aux prestations de conseil par des administrations publiques ; aux prestations de conseil réalisées à titre gratuit au bénéfice de l'administration ; à l'évaluation des prestations de conseil par leurs bénéficiaires publics ; à l'emploi de la langue française à l'occasion des prestations de conseil ; au conseil interne de l'administration ; aux obligations déontologiques et déclaratives imposées aux prestataires de conseil et aux consultants ; aux pouvoirs de contrôle et de sanction conférés à la HATVP en vue de faire respecter ces obligations par les prestataires de conseil et les consultants ; à l'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour faute ; à l'encadrement des mobilités entre le secteur public et le secteur privé du conseil ; à l'utilisation et la conservation des données confiées par les bénéficiaires publics aux prestataires de conseil et au pouvoir de contrôle de la CNIL en la matière ; à la sécurité des systèmes d'information des prestataires de conseil. Je vous propose en revanche de considérer que ce périmètre n'inclut pas les dispositions relatives aux représentants d'intérêts et aux responsables publics. Pour mémoire, je rappelle que les auteurs ont expressément exclu l'activité de représentants d'intérêts du périmètre dans leur exposé des motifs.

M. Alain Richard. - Il me semble que le terme « administration publique » employé par la rapporteure rendrait recevable tout amendement relatif aux collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel précise qu'un amendement n'est en lien direct avec le texte que si une disposition concernant ce sujet figure dans le texte initial. Or, aucune disposition dans la proposition de loi n'étant relative aux collectivités territoriales, il faudrait par conséquent ajouter le terme « administration publique centrale » dans le périmètre proposé.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je persiste à penser qu'il est humiliant de demander au rapporteur de dresser une telle liste. Si d'aventure un collègue voulait présenter un amendement portant sur les collectivités territoriales, ce ne serait pas la fin du monde. Pendant des décennies, nous avons légiféré sans définir un périmètre pour l'application de l'article 45.

M. Alain Richard. - Éloge de l'improvisation !

M. Jean-Pierre Sueur. - Je préfère l'improvisation à l'enfermement dans des règles inutiles !

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Monsieur Richard, la question des collectivités territoriales peut difficilement être sortie du champ d'application de la proposition de loi. Par exemple, cette dernière fait référence dans certains de ses dispositifs au livre 1er du code général de la fonction publique, ce qui inclut de fait la fonction publique territoriale. Notre débat devrait nous permettre d'éviter un trop grand nombre d'amendements visant à intégrer les collectivités territoriales en vue de la séance publique. Je tiendrais, le cas échéant, le même propos.

Le périmètre est adopté.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-3 tend à remplacer la notion d'« opérateurs » par celle d'« établissements publics », pour une meilleure continuité du suivi au fil des ans.

L'amendement COM-3 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-4 tend à exclure les prestations de programmation et de maintenance du champ du conseil en informatique.

L'amendement COM-4 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Nous l'avons dit, les notions de « conseil », de « prestation » et de « mise en oeuvre » sont difficiles à cerner. L'amendement COM-26 tend à exclure les entreprises d'ingénierie, au titre d'une expertise technique, du conseil pour la mise en oeuvre des politiques publiques. Avis défavorable.

L'amendement COM-26 n'est pas adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-5 exclut les prestations réalisées par toutes les professions du droit réglementées du champ du conseil juridique, dès lors qu'existent des règles et des contrôles déontologiques. La référence aux professions réglementées se retrouve dans la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

L'amendement COM-1 envoie le balancier dans l'autre sens en supprimant totalement le conseil juridique du champ de la proposition de loi, y compris lorsqu'il est effectué par des personnes qui ne sont pas inscrites à l'Ordre des avocats. Demande de retrait, à défaut l'avis sera défavorable.

L'amendement COM-2 vise, quant à lui, exclusivement le conseil de l'avocat. Je préfère que les propositions réglementées soient concernées dans leur globalité. Demande de retrait.

M. Christophe-André Frassa. - J'ai échangé avec l'ordre des avocats de Paris ; contrairement à ce qu'il pourrait y paraître, je ne cherche pas au travers de mon amendement à envoyer le « balancier » trop loin : je souhaite simplement exclure les prestations d'avocat. Aussi, je me range volontiers à l'amendement de notre rapporteure, qui satisfait le mien. La rédaction de l'alinéa 11 envoyait un mauvais signal, les règles de déontologie concernant la profession d'avocat sont déjà prévues par la loi du 31 décembre 1971. En conséquence, je retire mon amendement.

L'amendement COM-1 est retiré.

M. Alain Richard. - Sans doute voterai-je l'amendement COM-5 ; constatons tout de même une différence d'approche. Tous les ministères n'ont pas une capacité de conseil et d'analyse dans de nombreux domaines. Or, tous ont une direction juridique, le plus souvent solide. Dire qu'il n'existe aucun obstacle à utiliser sans limites les recours à des prestations d'avocat, pourtant parmi les plus sollicitées en interne par l'État, revient à constater que tout le monde aurait salué l'exposé des motifs de la proposition de loi dont on a parlé s'il avait été rédigé par un grand cabinet d'avocat spécialisé en affaires publiques !

Mme Éliane Assassi. - Les avocats font l'objet de règles déontologiques, mises en oeuvre par le barreau. Cependant, là est la complexité, les conseils juridiques ne sont pas neutres. Le cabinet d'avocats Dentons a rédigé l'étude d'impact de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Par ailleurs, des cabinets de conseil ont leur propre cabinet d'avocats, tel Ernst & Young. Si nous excluons les avocats du champ de la proposition de loi, le risque de contournement est réel. Notons que les avocats sont déjà soumis au contrôle de la HATVP lorsqu'ils agissent comme représentants d'intérêts ; cela n'a jamais posé problème. Aussi, il convient d'approfondir cette question pour y apporter la bonne réponse.

M. Thani Mohamed Soilihi. - L'amendement COM-2 était limité à la profession d'avocat, qui est régie depuis 1971 par des règles déontologiques placées sous le contrôle du bâtonnier, avec possibilité de recours. La rapporteure propose d'élargir l'exception aux professions juridiques réglementées dont fait partie la profession d'avocat. Aussi, je me rallie à son amendement.

L'amendement COM-2 est retiré.

Mme Nathalie Goulet. - La question n'est pas simple ; s'il est clair que l'exclusion n'est pas nécessaire pour un sujet tel que la défense, vous ne savez pas en demandant à un cabinet d'avocats de travailler sur les mobilités s'il existe un risque de conflit d'intérêts.

M. François-Noël Buffet, président. - Lorsque la rapporteure vise les professions réglementées, l'aspect déontologique est un enjeu majeur, mais il n'est pas le seul. Ces professions ont la capacité de sanctionner.

La question posée par ceux qui exercent la profession d'avocat, mais qui travaillent pour le compte d'une structure à laquelle ils sont intégrés, est complexe : en l'occurrence, la structure prime, car le travail est fait pour son compte.

L'amendement COM-5 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-6 tend à inclure les sous-traitants dans la définition des prestataires, et à clarifier la distinction entre prestataires et consultants.

L'amendement COM-6 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-25 prévoit que les cabinets de conseil justifient les scénarios non retenus. Si la question est importante, la rédaction de cet amendement rendrait son application ingérable, les justifications formant une spirale sans fin. Avis défavorable.

L'amendement COM-25 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-7 précise que les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l'administration. Il apporte une modification rédactionnelle au paragraphe II de l'article 2 pour utiliser un terme plus contemporain, issu du code de la propriété intellectuelle. Il clarifie le partage des responsabilités, en prévoyant qu'il revient à l'administration de mentionner que des documents ont été rédigés avec la participation de consultants. Pour éviter toute redondance dans la loi, il supprime le paragraphe IV de l'article 2 relatif aux sanctions, celles-ci faisant déjà l'objet d'un article dédié, en l'occurrence l'article 13.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-8 prévoit de transformer le « jaune budgétaire » en rapport annuel, en conformité avec la LOLF. Il conviendra qu'un amendement soit déposé à cet effet dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.

L'amendement COM-8 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-9 est un amendement de coordination avec l'article 5.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

L'amendement de coordination COM-10 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'amendement rédactionnel COM-11 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-12 contient une précision rédactionnelle et vise transformer le décret en Conseil d'État en décret simple. La volonté de remplacer les mots « politiques publiques » par les mots « décision publique » s'entend sur le rendu de l'évaluation : l'objectif est d'avoir à la fin de cette dernière une analyse des modifications entraînées par tel rapport sur telle décision publique.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-13 a trait à l'emploi de la langue française par les consultants ; il vise à intégrer les dispositions de l'article 7 dans la loi Toubon du 4 août 1994.

L'amendement COM-13 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-14 est lié à l'enjeu de la cartographie des ressources humaines au sein des ministères. Il prévoit que ce rapport soit remis non pas par chaque ministère, en suivant ses propres modalités, mais par le ministre de la transformation et de la fonction publiques, qui transmettrait, au nom du Gouvernement, les différents éléments listés à l'article 8.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-15 apporte une précision visant à soumettre les personnes morales prestataires à l'obligation de prévenir et de faire cesser les conflits d'intérêts.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

L'amendement rédactionnel COM-16 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

L'amendement de coordination COM-17 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-18 tend à étendre le contrôle du juge des libertés et de la détention à toutes les vérifications sur place menées par la HATVP.

L'amendement COM-18 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-19 apporte une distinction entre personnes morale et physique : 15 000 euros d'amende pour une personne physique, par manquement, et un montant maximal de 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent pour les personnes morales. Par ailleurs, il précise également que le montant de l'amende administrative est proportionné à la gravité des manquements constatés ainsi qu'à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.

L'amendement COM-19 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-20 vise à permettre la nomination de suppléants à la commission des sanctions de la HATVP.

L'amendement COM-20 est adopté.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-21 tend à rendre conforme le dispositif de l'article 15 aux directives européennes relatives aux marchés publics et aux contrats de concessions. En effet, celles-ci prévoient que tout opérateur économique ayant fait l'objet d'une exclusion des procédures de passation des marchés publics puisse démontrer sa fiabilité en prouvant qu'il a pris des mesures concrètes de nature à prévenir la commission de nouvelles fautes. En conséquence, cet amendement intègre à l'article 15 un dispositif de régularisation inspiré de celui qui existe déjà dans le code de la commande publique.

L'amendement COM-21 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16

L'article 16 est adopté sans modification.

Article 17

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-22 supprime l'obligation d'aviser le prestataire et les consultants concernés avant une vérification sur place de la CNIL.

L'amendement COM-22 est adopté.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 18

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-23 tend à renvoyer au référentiel de l'ANSSI déjà existant, et à exiger un niveau minimal de sécurité. Il préserve la volonté initiale des auteurs, à savoir la réalisation par un tiers de l'audit de sécurité des systèmes d'information.

L'amendement COM-23 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

L'amendement de coordination COM-24 est adopté.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme CUKIERMAN, rapporteure

3

Remplacement de la notion d'opérateurs par celle d'établissements publics

Adopté

Mme CUKIERMAN, rapporteure

4

Exclusion des prestations de programmation et de maintenance du champ du conseil en informatique

Adopté

M. CORBISEZ

26

Exclusion des entreprises d'ingénierie, au titre d'une expertise technique, du conseil pour la mise en oeuvre des politiques publiques

Rejeté

Mme CUKIERMAN, rapporteure

5

Exclusion des prestations réalisées par toutes les professions du droit réglementées du champ du conseil juridique

Adopté

M. FRASSA

1

Exclusion du conseil juridique du champ de la proposition de loi

Retiré

M. MOHAMED SOILIHI

2

Exclusion du conseil de l'avocat du champ du conseil juridique

Retiré

Mme CUKIERMAN, rapporteure

6

Inclusion des sous-traitants dans la définition des prestataires et clarification de la distinction entre prestataires et consultants

Adopté

M. CORBISEZ

25

Justification par le cabinet de conseil des scénarios non retenus

Rejeté

Article 2

Mme CUKIERMAN, rapporteure

7

Renforcement et clarification des règles encadrant l'intervention des consultants auprès de l'administration

Adopté

Article 3

Mme CUKIERMAN, rapporteure

8

Transformation du « jaune budgétaire » en rapport annuel, en conformité avec la LOLF

Adopté

Mme CUKIERMAN, rapporteure

9

Amendement de coordination avec les modifications apportées à l'article 5

Adopté

Article 4

Mme CUKIERMAN, rapporteure

10

Amendement de coordination avec les modifications apportées à l'article 3

Adopté

Article 5

Mme CUKIERMAN, rapporteure

11

Clarification de la rédaction de l'article 5

Adopté

Article 6

Mme CUKIERMAN, rapporteure

12

Modalités de l'évaluation des prestations de conseil

Adopté

Article 7

Mme CUKIERMAN, rapporteure

13

Emploi de la langue française par les consultants

Adopté

Article 8

Mme CUKIERMAN, rapporteure

14

Précisions sur le rapport relatif à la cartographie des ressources humaines des ministères

Adopté

Article 9

Mme CUKIERMAN, rapporteure

15

Précision pour soumettre les prestataires personnes morales à l'obligation de prévenir et faire cesser les conflits d'intérêts

Adopté

Article 10

Mme CUKIERMAN, rapporteure

16

Modifications d'ordre rédactionnel

Adopté

Article 11

Mme CUKIERMAN, rapporteure

17

Coordination avec l'amendement présenté à l'article 5

Adopté

Article 12

Mme CUKIERMAN, rapporteure

18

Extension du contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) à toutes les vérifications sur place menées par la HATVP

Adopté

Article 13

Mme CUKIERMAN, rapporteure

19

Modification du régime des sanctions administratives

Adopté

Article 14

Mme CUKIERMAN, rapporteure

20

Nomination de suppléants à la commission des sanctions de la HATVP

Adopté

Article 15

Mme CUKIERMAN, rapporteure

21

Création d'un mécanisme de régularisation pour les personnes exclues de la procédure de passation des marchés publics

Adopté

Article 17

Mme CUKIERMAN, rapporteure

22

Suppression de l'obligation d'aviser le prestataire et les consultants concernés avant une vérification sur place de la CNIL

Adopté

Article 18

Mme CUKIERMAN, rapporteure

23

Renvoi au référentiel ANSSI déjà existant et exigence d'un niveau minimal de sécurité

Adopté

Article 19

Mme CUKIERMAN, rapporteure

24

Amendement de coordination avec les modifications apportées à l'article 5

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 97(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie98(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte99(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial100(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 12 octobre 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 720 (2021-2022) encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- à la traçabilité des prestations de conseil réalisées au profit des administrations publiques ;

- à la publicité des données relatives au recours, par des administrations publiques, aux prestations de conseil ;

- aux prestations de conseil réalisées à titre gratuit au bénéfice de l'administration ;

- à l'évaluation des prestations de conseil par leurs bénéficiaires publics ;

- à l'emploi de la langue française à l'occasion des prestations de conseil ;

- au conseil interne de l'administration ;

- aux obligations déontologiques et déclaratives imposées aux prestataires de conseil et aux consultants ;

- aux pouvoirs de contrôle et de sanction conférés à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en vue de faire respecter ces obligations par les prestataires de conseil et les consultants ;

- à l'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour faute ;

- à l'encadrement des mobilités entre le secteur public et le secteur privé du conseil ;

- à l'utilisation et la conservation des données confiées par les bénéficiaires publics aux prestataires de conseil et au pouvoir de contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en la matière ;

- à la sécurité des systèmes d'information des prestataires de conseil.

Elle a en revanche considéré que ce périmètre n'incluait pas les dispositions relatives  aux représentants d'intérêts et aux responsables publics.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES

AUTEURS DE LA PROPOSITION DE LOI

Mme Éliane Assassi, sénatrice de la Seine-Saint-Denis

M. Arnaud Bazin, sénateur du Val d'Oise

COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS (CNIL)

M. Thomas Dautieu, directeur de la conformité

Mme Astrid Mariaux de Rugy, cheffe du service des contrôles -affaires économiques

Mme Chirine Berrichi, conseillère pour les questions parlementaires et institutionnelles

SYNTEC CONSEIL

M. Matthieu Courtecuisse, président, fondateur du cabinet de conseil Sia Partners

M. David Ifrah, délégué général

M. Fabrice Alexandre, conseil, président de Communication & Institutions

DIRECTION INTERMINISTÉRIELLE DE LA TRANSFORMATION PUBLIQUE (DITP)

M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique

Mme Mathilde Sin Ronia, directrice de cabinet

M. Jean-Michel de Guerdavid, secrétaire général

Mme Fanny Loeillet, adjointe du chef de pôle « budget marché »

M. François Gobillard, directeur de projet, responsable du pôle interministériel achats-conseil

HAUTE AUTORITÉ POUR LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

M. Didier Migaud, président

Mme Lisa Gamgani, secrétaire générale

M. Ted Marx, directeur des publics, de l'information et de la communication

CABINET DU MINISTRE DE LA TRANSFORMATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUES

M. Paul Peny, directeur de cabinet

Mme Anouck Teiller, conseillère transformation numérique de l'État, affaires européennes et internationales

Mme Lucy Kerckaert, conseillère parlementaire et discours

UNION DES GROUPEMENTS D'ACHATS PUBLICS (UGAP)

M. Edward Jossa, président directeur général

M. Olivier Giannoni, directeur juridique

Contributions écrites

RÉPONSES ÉCRITES AU QUESTIONNAIRE

Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI)

Direction des achats de l'État

Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers

Direction générale de l'administration et de la fonction publique

AUTRES CONTRIBUTIONS

Ordre des avocats de Paris

Agence française anticorruption (AFA)

Syntec Ingénierie

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-720.html


* 1 « Un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », rapport n° 578 (2021-2022) d'Éliane Assassi, fait au nom de la commission d'enquête Cabinets de conseil.

* 2 Publiée le 22 janvier 2022, jour de l'audition par la commission d'enquête d'Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques.

* 3 L'article 1er ne prévoyait d'exception que pour les experts-comptables et les commissaires aux comptes, ainsi que pour les avocats dans le cadre de leur activité de défense.

* 4 Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, à la date du dépôt du projet de loi de finances pour l'année 2023.

* 5 Compte rendu de la réunion constitutive du 25 novembre 2021.

* 6 L'article 19 est relatif à l'entrée en vigueur de la proposition de loi.

* 7 Rapport de la commission d'enquête, p. 156.

* 8 « Opérateurs de l'État », annexe au projet de loi de finances pour 2023, p. 12.

* 9 Rapport prévu au 25° de l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 10 Article L. 6141-1 du code de la santé publique.

* 11 Voir l'exposé des motifs de la proposition de loi, p. 5.

* 12 Voir les articles 22 à 25-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, renforcé par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

* 13 Voir pages 34 à 36 du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.

* 14 Pratique dite du « behind the scene ».

* 15 Selon Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, lors de son audition par la rapporteure, le 27 septembre 2022.

* 16 Voir page 34 du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.

* 17 Selon le rapport annuel de la CADA, relatif à l'année 2021.

* 18 Avis n ° 20221607 du 21 avril 2022.

* 19 « Pour le bien public » en latin.

* 20 Rapport de la commission d'enquête, p. 193.

* 21 Les missions, au nombre d'une vingtaine, ont porté sur la montée en puissance des tests, le pilotage des besoins en ressources humaines dans les Ehpad, ou encore le modèle de prévision des appels au SAMU et des admissions en réanimation de l'AP-HP (source : rapport de la commission d'enquête, p. 194).

* 22 Rapport de la commission d'enquête, p. 199.

* 23 Auditionnée par la commission d'enquête le 18 janvier 2022.

* 24 Auditionné par la commission d'enquête le 26 janvier 2022.

* 25 L'article 9.3.5 du CCAP stipule que : « Les missions effectuées à titre gracieux (dites pro bono) au bénéfice des administrations publiques ne doivent donner lieu à aucune contrepartie. Toute mission pro bono ou mécénat de compétence doit être autorisée par le secrétaire général du ministère et enregistrée auprès de la DITP. Aucun droit de suite ne peut être accordé au prestataire d'une mission pro bono. »

* 26 Arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière.

* 27 Cahier des clauses techniques particulières.

* 28 Réponse de la DITP au questionnaire de la rapporteure.

* 29 Article 12.2.4 du CCAP.

* 30 Proposition n°7 du rapport de la commission d'enquête.

* 31 Article 5 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

* 32 Décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994.

* 33 Rapport n° 578 (2021-2022) de Mme Éliane Assassi, fait au nom de la commission d'enquête sur les cabinets de conseil, p. 163.

* 34 Proposition n°8 de la commission d'enquête, à l'initiative de M. Mickäel Vallet.

* 35 L'avis de renouvellement a été lancé le 1er juillet 2022.

* 36 Article 9.3.7. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de l'accord-cadre relatif à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle de la DITP

* 37 Article 17.8 du CCAP.

* 38 La dernière liste date du 30 août 2022 et porte sur l'économie.

* 39 Qui prévoit que « les contrats visés au présent article conclus avec un ou plusieurs cocontractants étrangers peuvent comporter, outre la rédaction en français, une ou plusieurs versions en langue étrangère pouvant également faire foi ».

* 40 Lors de l'examen en commission du rapport de la commission d'enquête, le 16 mars 2022.

* 41 Rapport n° 578 (2021-2022) de Mme Éliane Assassi, fait au nom de la commission d'enquête sur les cabinets de conseil, p. 79.

* 42 À l'instar du métier d'expert en mégadonnées (ou data scientist en anglais).

* 43 La DITP mentionne ainsi, dans la réponse au questionnaire de la rapporteure, les types de compétences suivantes : conduite de projets ; stratégie, organisation et management ; méthodologies de la performance ; transformation numérique, analyse et modélisation de données ; animation de la participation citoyenne ; amélioration de parcours usagers ; outils d'innovation ; accompagnement managérial du type coaching et codéveloppement.

* 44 Ainsi, pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, l'administration ne disposait pas suffisamment d'experts logistiques pour régler les questions de transport des vaccins et de préservation de la chaîne du froid.

* 45 Qui n'a pas encore vu le jour à la date de la publication de ce rapport.

* 46 Circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 sur l'encadrement du recours par les administrations et les établissements publics de l'État aux prestations intellectuelles, p. 2.

* 47 Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

* 48 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 49 Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

* 50 Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

* 51 Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

* 52 Article L. 2141-10 du code de la commande publique : toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché.

* 53 Article 9.3.5 du CCAP de l'accord-cadre publié le 29 juillet 2022.

* 54 Les sociétés employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros.

* 55 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 56 Voir par exemple le cahier des clauses administratives particulières du nouvel accord-cadre de la Direction interministérielle de la transformation publique.

* 57 Pacte civil de solidarité.

* 58 Charte de déontologie Syntec Conseil visant les interventions de conseil auprès du secteur public, publiée en septembre 2022.

* 59 Article L. 122-1 du code général de la fonction publique.

* 60 Décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013 [Loi relative à la transparence de la vie publique].

* 61 Décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016 [Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique].

* 62 Voir le commentaire de l'article 1er de la proposition de loi.

* 63 Interrogé par la commission d'enquête, Martin Hirsch, directeur général de l'AP-HP, a ainsi déclaré : « c'est perturbant mais c'est la réalité ! Ces cabinets demandent rendez-vous, font des offres, viennent se présenter. Ils sont par ailleurs organisateurs ou sponsors de beaucoup de séminaires et de conférences. Je respecte tout à fait leur travail et il y a des gens tout à fait compétents mais cela se transforme en sollicitations et c'est très fréquent. »

* 64 Conformément à l'article 6 du décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts.

* 65 À savoir, Accenture et Ylios.

* 66 « Toute action de démarchage ou invitation à des événements promotionnels de la part du titulaire auprès des bénéficiaires est prohibée. Les actions de démarchage ou de prospection sont prohibées » (article 9.3.5 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de l'accord-cadre de la DITP).

* 67 En application de l'article 17.3 du CCAP de l'accord-cadre de la DITP.

* 68 La rédaction proposée ne l'expose pas explicitement, mais cela se comprend a contrario de l'exception créée pour les locaux à usage professionnel.

* 69 Article 19 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 70 Décisions du Conseil constitutionnel n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 et n° 89-260 DC du 28 juillet 1989.

* 71 Etude thématique du Conseil d'État publiée le 9 janvier 2017, « Le juge administratif et les sanctions administratives ».

* 72 La commission des sanctions de l'AFA peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour les personnes physiques et un million d'euros pour les personnes morales.

* 73 La CNIL peut ainsi décider d'une amende administrative ne pouvant excéder « 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent ».

* 74 Rapport n° 712 (2015-2016) de M. François PILLET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 juin 2016, sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 75 Celle-ci pouvant en effet être à l'origine du non-respect des règles relatives à l'utilisation des signes distinctifs et à la mention de la participation d'un prestataire de conseil, telles que posées à l'article 2 de la proposition de loi.

* 76 Le chiffre d'affaires de la société McKinsey sur le territoire français a atteint 329 millions en 2020 (source : rapport de la commission d'enquête, p. 219).

* 77 Décision n° 2016-616/617 QPC du 9 mars 2017, Société Barnes et autre.

* 78 Par exemple, la CNIL ou l'Autorité de la concurrence.

* 79 Par exemple, l'Agence française anticorruption, l'Autorité des marchés financiers et l'Autorité nationale des jeux.

* 80 Aucune dérogation n'est ici prévue contrairement au recours contentieux contre une décision du collège de la HATVP qui relève directement du Conseil d'État.

* 81 Articles L. 2141-1 à L. 2141-6, L. 2341-1 à L. 2341-4 et L. 3121-1 à L. 3123-6 du code de la commande publique.

* 82 Articles L. 2141-7 à L. 2141-11, L. 2341-5 et L. 3123-7 à L. 3123-11 du code de la commande publique.

* 83 Article 57, paragraphe 6 de la directive 2014/24/UE précitée et article 38, paragraphe 9 de la directive 2014/23/UE précitée.

* 84 Aux termes du 2° du I de l'article 11 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 sont ainsi concernés : « Les titulaires d'une fonction de président de conseil régional, de président de l'Assemblée de Corse, de président du conseil exécutif de Corse, de président de l'assemblée de Guyane, de président de l'assemblée de Martinique, de président du conseil exécutif de Martinique, de président d'une assemblée territoriale d'outre-mer, de président de conseil départemental, de président du conseil de la métropole de Lyon, de président élu d'un exécutif d'une collectivité d'outre-mer, de maire d'une commune de plus de 20 000 habitants ou de président élu d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population excède 20 000 habitants ou dont le montant des recettes totales de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d'euros ainsi que les présidents des autres établissements publics de coopération intercommunale dont le montant des recettes totales de fonctionnement figurant au dernier compte administratif est supérieur à 5 millions d'euros ».

* 85 Aux termes duquel « est puni de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, membre d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante, titulaire d'une fonction exécutive locale, fonctionnaire, militaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions ».

* 86 D'après les informations transmises par la DGAFP.

* 87 D'après les informations transmises par la DGAFP.

* 88 Éléments communiqués par Didier Migaud, président de la HATVP, lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat le 26 janvier 2022.

* 89 Voir le rapport de la commission d'enquête, p. 222.

* 90 Proposition n° 18 de la commission d'enquête.

* 91 Accord-cadre relatif à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle, ayant fait l'objet d'un avis publié le 1er août.

* 92 Articles 9.3.2 et 17.7 du CCAP.

* 93 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 94 Voir le rapport de la commission d'enquête, p. 225.

* 95 Proposition n° 19 de la commission d'enquête.

* 96  https://www.ssi.gouv.fr/uploads/2014/12/PASSI_referentiel-exigences_v2.1.pdf

* 97 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 98 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 99 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 100 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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