C. LE CHIFFRAGE ET L'ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES À LA MISSION, D'UN MONTANT SIGNIFICATIF, DOIVENT DEVENIR UNE PRIORITÉ
À la mission « Économie » sont rattachées, en 2021, 72 dépenses fiscales, représentant un coût total de 20,4 milliards d'euros en 2021 , en hausse par rapport à 2020 (+ 8,2 %), soit un montant près de 6 fois supérieur aux crédits de paiement consommés. La hausse du montant cumulé des dépenses fiscales rattachées à la mission en 2021 s`explique par les mesures fiscales exceptionnelles prises dans le contexte de la crise sanitaire (2,8 milliards d'euros), le coût du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE) diminuant pour sa part de 1,6 milliard d'euros.
Or, en dépit de leur montant très significatif, ces dépenses fiscales souffrent de problèmes sérieux de chiffrage et d'évaluation.
En premier lieu, ces dépenses fiscales souffrent de problèmes de chiffrage , qu'il n'ait tout simplement jamais été réalisé, qu'il ne soit pas présenté annuellement ou qu'il soit fait avec retard. 11 mesures n'ont ainsi jamais fait l'objet d'un chiffrage depuis leur création 11 ( * ) , par exemple le taux réduit d'imposition des distributions d'actifs effectuées par certaines sociétés de capital-risque. Dans le PLF pour 2022, seules 44 mesures sur 70 étaient chiffrées. Enfin, le chiffrage est régulièrement produit avec deux ans de décalage.
En second lieu, ces dépenses fiscales souffrent quasiment toutes d'un manque d'évaluation . Ainsi, l'exonération d'IS concernant les sociétés créées entre 2007 et 2020 pour reprendre des entreprises ou des établissements industriels en difficulté est la seule dépense fiscale ayant fait l'objet d'une évaluation en 2021, ce qui ne manque pas d'étonner.
Par ailleurs, l'opportunité du maintien de certaines dépenses fiscales interroge, a fortiori en l'absence de chiffrage régulier . C'est le cas des dépenses fiscales générant de faibles coûts, mais également de celles qui sont plus conséquentes mais n'ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Le coût des dépenses fiscales se concentre ainsi à plus de 90% sur 7 dépenses supérieures à 500 millions d'euros, tandis que 1,5 milliard d'euros sont répartis sur 30 dispositifs, pour ce qui concerne les seules mesures chiffrées. Or, les dépenses fiscales génèrent des coûts de gestion et compliquent la fiscalité, ce qui devrait justifier d'examiner l'opportunité du maintien des dépenses fiscales générant de faibles coûts.
En outre, certaines mesures générant des coûts plus importants doivent également être examinées de près quant à leur efficacité, notamment le taux réduit de TVA à 5,5 % applicable à la restauration, à l'hôtellerie et aux campings classés , mis en place après la crise de 2008, qui s'est substitué à des aides directes de soutien à l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie café restauration (HCR), dont le coût s'élevait à un peu plus de 500 millions d'euros par an. Ce taux a ensuite été rehaussé pour atteindre 10 %. En 2021, il a représenté une aide sectorielle de plus de 4,127 milliards d'euros (3,244 milliards d'euros pour les restaurants, 650 millions d'euros pour les hôtels et 233 millions d'euros pour les campings classés 12 ( * ) ). Or la baisse de TVA, censée relancer l'emploi dans ce secteur et faire baisser les prix, n'a pas atteint ses objectifs, comme le soulignait le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) en 2015.
Les rapporteurs spéciaux estiment donc qu'il est grand temps de chiffrer l'intégralité des dépenses fiscales et d'en assurer une revue d'évaluation globale . Cela permettra, d'une part, la meilleure information de la Représentation nationale, et, d'autre part, d'interroger la pertinence du maintien de certaines dépenses fiscales.
* 11 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission « Économie », 2021.
* 12 Rapport annuel de performances pour 2021 pour la Mission « Économie ».