II. LE PROJET DE LOI RÉAFFIRME LA RECONNAISSANCE DE LA FRANCE ENVERS LES HARKIS ET ENTEND RÉPARER LE PRÉJUDICE RÉSULTANT DE LEURS CONDITIONS D'ACCUEIL DANS CERTAINES STRUCTURES
Après que le Conseil d'État a condamné l'État, en 2018, à verser à un fils de harki ayant séjourné dans un camp la somme de 15 000 euros au titre du préjudice résultant des conditions de son accueil en France, le projet de loi institue un mécanisme de réparation financière en faveur des rapatriés ayant transité par un camp ou un hameau entre la publication des accords d'Évian, le 20 mars 1962, et la fin de l'année de la fermeture administrative des camps et des hameaux, le 31 décembre 1975.
L'article 1 er exprime la reconnaissance de la Nation envers l'ensemble des supplétifs qui ont servi la France en Algérie et qu'elle a abandonnés . Il reconnaît également la responsabilité de l'État du fait de l'indignité des conditions d'accueil et de vie sur son territoire qui ont été réservées aux anciens supplétifs et à leurs familles hébergés dans des structures fermées où ils ont subi des conditions de vie précaires et des atteintes aux libertés individuelles, à savoir les camps de transit et les hameaux de forestage. Le champ de la reconnaissance n'inclut pas les 40 000 rapatriés d'origine algérienne n'ayant pas séjourné dans ces structures, mais dans des cités urbaines, où les conditions de vie ne se sont pas toujours avérées plus confortables, mais où ils n'étaient pas privés de la liberté de circulation. En effet, ces cités n'étaient pas soumises à un régime administratif dérogatoire du droit commun, contrairement aux structures fermées. Pour autant, une part importante des rapatriés ayant séjourné dans ces cités y ont été orientés après un passage en camp et pourront bénéficier du droit à réparation à ce dernier titre.
En précisant, à l'article 1 er , que la responsabilité de l'État pouvait concerner des structures « de toute nature » ayant fait subir à leurs résidents des conditions indignes et attentatoires à leurs libertés, la commission a entendu inclure certaines prisons reconverties en lieux d'accueil pour les harkis et qui sont encore mal identifiées.
Le mécanisme de réparation du préjudice subi du fait des conditions d'accueil et de vie dans les structures fermées est institué par l'article 2 . Celui-ci en réserve le bénéfice aux anciens supplétifs, aux membres de leurs familles, à leurs conjoints et à leurs enfants qui ont séjourné dans l'une de ces structures entre 1962 et 1975, chaque membre de la famille remplissant cette condition y étant éligible à titre individuel. Seule la preuve du séjour sera à apporter pour les demandeurs, le préjudice subi étant présumé. Une somme forfaitaire , versée selon un barème fixé par décret, tiendra lieu de réparation.
Le Gouvernement envisage de fixer cette somme à 2 000 euros pour un séjour d'une durée inférieure à trois mois et à 3 000 euros pour une durée comprise entre trois mois et un an, puis à 1 000 euros supplémentaires pour chaque année de séjour en camp ou en hameau. La somme maximale devrait donc s'élever à 15 000 euros pour un séjour de 1962 à 1975, soit la somme au paiement de laquelle l'État a été condamné par le Conseil d'État en 2018 pour un séjour d'une durée comparable. Aux termes des articles 5 et 6 , la somme versée serait exonérée d'impôt sur le revenu, de CSG et de CRDS. Ces montants sont certes très faibles au regard des souffrances endurées par les intéressés. En tout état de cause, aucune mesure d'indemnisation financière ne permettra jamais de réparer intégralement un tel préjudice.
L'article 3 institue auprès de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) une commission nationale de reconnaissance et de réparation chargée de statuer sur les demandes de réparation présentées, de proposer des évolutions de la liste des structures retenues pour l'ouverture du droit à réparation et de contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l'engagement des supplétifs au service de la Nation et des conditions dans lesquelles ils ont été accueillis en France. Les missions de l'ONACVG sont complétées à l'article 4 afin qu'il puisse instruire ces demandes et les présenter à la commission nationale.
La commission a précisé que cette commission de reconnaissance et de réparation devrait être pleinement indépendante dans l'exercice de ses missions.
La commission a approuvé l'article 1 er bis qui consacre au niveau législatif l'institution de la journée nationale d'hommage aux anciens supplétifs et assimilés en reconnaissance des sacrifices qu'ils ont consentis du fait de leur engagement au service de la France lors de la guerre d'Algérie, commémorée depuis 2002 et prévue pour l'heure par le décret du 31 mars 2003.
Enfin, l'article 7 , adopté par la commission , lève plusieurs délais de forclusion applicables à l'allocation viagère , servie depuis 2016 aux conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens supplétifs ayant fixé leur domicile en France.
Celle-ci ne pouvait être demandée que dans un délai d'un an à compter du décès de l'ancien supplétif et, pour les conjoints de supplétifs décédés avant le 31 décembre 2015, date d'institution de l'allocation, avant le 31 décembre 2016. Compte tenu des fragilités de nombreuses veuves de harkis, 153 personnes se trouvent aujourd'hui dans l'incapacité de solliciter l'allocation viagère et pourraient bénéficier de cette mesure, qui représenterait 3,14 millions d'euros en 2022. Cet article rend également éligibles les 38 veuves de harkis installées dans un autre État membre de l'Union européenne, pour un montant de 170 000 euros.