EXAMEN DES ARTICLES

Articles 1er et 2
Octroi de plein droit d'un titre de séjour aux jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de 16 et 18 ans et suivant une formation professionnelle qualifiante, un enseignement ou des études

Les articles 1 er et 2 tendent à faciliter l'attribution d'un titre de séjour aux jeunes majeurs confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) entre l'âge de 16 et 18 ans. Ils permettent l'octroi de plein droit à ces jeunes d'une carte de séjour temporaire « salarié » ou « travailleur temporaire » pour ceux suivant une formation destinée à apporter une qualification professionnelle (article 1), ou d'un titre « étudiant » pour ceux suivant un enseignement ou des études sur le territoire national (article 2).

La commission a estimé que l'amélioration de l'accès au séjour de ces jeunes reposait moins sur la modification du droit existant que sur l'amélioration de ses conditions de mise en oeuvre. En conséquence, elle n'a pas adopté les articles 1 er et 2.

1. L'état du droit : les titres de séjour accessibles aux jeunes majeurs étrangers diffèrent selon l'âge de leur prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance

L'obligation de détention d'un titre de séjour pour séjourner sur le territoire national prévue par l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'applique pas aux étrangers mineurs. Ainsi, les mineurs non accompagnés (MNA) pris en charge par l'ASE ne sont soumis à l'obligation de détenir un titre de séjour qu'à compter de leur accession à la majorité.

En l'état du droit, les titres de séjour auxquels peuvent prétendre les jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'ASE varient selon l'âge auquel ladite prise en charge a été effectuée.

1.1. Les mineurs recueillis avant l'âge de 16 ans bénéficient de plein droit d'une carte de séjour temporaire

Les mineurs recueillis avant l'âge de 16 ans obtiennent, de droit et dans l'année suivant leur majorité, une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », valable pour une durée d'un an, sous réserve que trois conditions soient réunies 2 ( * ) :

- le caractère réel et sérieux de la formation suivie ;

- la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine : sont ainsi examinées la stabilité et l'intensité des liens développés sur le territoire national ;

- un avis positif de la structure d'accueil sur l'insertion dans la société française.

Par dérogation aux conditions fixées par l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la délivrance de ces titres n'est pas conditionnée à la détention préalable d'un visa de long séjour. En revanche, la disposition transversale fixée par l'article L. 432-1 du même code, qui prévoit que « la délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public », peut, le cas échéant, conduire à refuser la délivrance d'un titre de séjour à tout jeune majeur en faisant la demande.

Par ailleurs, les jeunes dont la situation correspond aux critères précités et souhaitant travailler avant leur dix-huitième anniversaire peuvent se voir délivrer, à leur demande, une carte de séjour « vie privée et familiale » les autorisant à exercer une activité professionnelle 3 ( * ) .

1.2. Les mineurs recueillis entre l'âge de 16 et 18 ans peuvent se voir octroyer une carte de séjour temporaire à titre exceptionnel

S'agissant des mineurs recueillis entre l'âge de 16 et 18 ans, ils peuvent, en premier lieu, obtenir une carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » par le biais de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour4 ( * ), mais il ne s'agit pas d'un droit automatique. Pour ce faire, ils doivent justifier du suivi d'une formation professionnelle qualifiante depuis au moins six mois et satisfaire les trois critères énoncés précédemment.

En second lieu, une circulaire en date du 28 novembre 20125 ( * ) a autorisé les préfets à délivrer une carte de séjour temporaire « étudiant » sous la double condition que les trois critères précités soient réunis et que le jeune concerné suive des études secondaires ou universitaires avec assiduité et sérieux. Cette procédure octroie donc une importante marge d'appréciation au préfet, qui évalue au cas par cas la situation personnelle de ces jeunes et n'est pas tenu de délivrer un titre.

2. Les articles 1 er et 2 de la proposition de loi : octroyer de plein droit un titre de séjour aux MNA recueillis après 16 ans et engagés dans un parcours d'insertion

2.1. L'article 1 er : faciliter l'accès au séjour des jeunes suivant une formation destinée à leur apporter une qualification professionnelle

L'article 1 er de la proposition de loi modifie le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de permettre l'octroi de plein droit d'une carte de séjour temporaire « salarié » ou « travailleur temporaire » aux jeunes confiés à l'ASE entre l'âge de 16 et 18 ans et suivant depuis au moins six mois une formation destinée à apporter une qualification professionnelle. Valable pour une durée d'un an, celle-ci serait délivrée dans l'année suivant l'accession à la majorité, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, d'une part, et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion dans la société française, d'autre part. Enfin, l'article précise que la détention préalable d'un visa long séjour ne serait pas requise dans le cadre de cette procédure et que « la situation de l'emploi » ne pourrait être un obstacle à la délivrance de ces cartes.

Un tel système opèrerait une rupture significative avec la procédure d'admission exceptionnelle au séjour actuellement prévue pour les MNA recueillis après l'âge de 16 ans. Alors que celle-ci se caractérise par une importante marge d'appréciation accordée au préfet, le mécanisme proposé repose, quant à lui, sur la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire. En outre, la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine ne ferait plus partie des critères d'appréciation utilisés par les services de l'État dans l'instruction des demandes.

2.2. L'article 2 : faciliter l'accès au séjour des jeunes suivant un enseignement ou des études en France

L'article 2 de la proposition de loi tend à octroyer de plein droit et dans les mêmes conditions que pour la procédure prévue à l'article 1 er une carte de séjour « étudiant » aux jeunes confiés à l'ASE entre l'âge de 16 et 18 ans et justifiant suivre depuis au moins six mois un enseignement ou des études en France. De la même manière, l'appréciation de la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine ne ferait pas partie des critères d'examen puisque seraient seulement conservées la vérification du caractère réel et sérieux du suivi de la formation et l'émission d'un avis positif de la structure d'accueil sur l'insertion du jeune concerné dans la société française.

3. La position de la commission : optimiser la mise en oeuvre des procédures actuelles plutôt que modifier les voies d'accès au séjour

Si des difficultés d'accès au séjour peuvent ponctuellement être constatées s'agissant de MNA pris en charge par l'ASE après l'âge de 16 ans, la modification des voies d'accès au séjour par le législateur ne semble pas constituer la réponse adéquate. D'une part, le taux d'approbation élevé des demandes déposées tend à démontrer que la solution réside plutôt dans l'amélioration de la mise en oeuvre des procédures d'accès au séjour en vigueur, qui peut s'effectuer à droit constant. D'autre part, il apparaît indispensable de préserver les marges de manoeuvre de l'administration dans l'examen des demandes de titres de séjour.

3.1. Les difficultés d'accès au séjour des MNA recueillis après 16 ans tiennent moins aux procédures prévues par les textes qu'à leurs conditions de mise en oeuvre

Selon les données transmises par la direction générale des étrangers en France (DGEF), l'examen des demandes de titres de séjour déposées par des jeunes précédemment pris en charge par l'ASE conduit dans plus de 90 % des cas à l'octroi d'une carte de séjour temporaire (93,5 % en 2019 et 92 % en 2020). Des taux légèrement inférieurs ont été rapportés par le préfet délégué à l'immigration auprès du préfet de police de Paris au cours de son audition. Un point haut a néanmoins été atteint sur le ressort de la préfecture de police au cours du premier semestre de l'année 2021 avec un taux de 94,8 % d'approbation.

Demandes de titres de séjour formulées par des MNA
auprès de la préfecture de police de Paris

2019

2020

2021

Demandes déposées

164

321

287

Refus

19

44

15

Taux d'approbation

88,4 %

86,3 %

94,8 %

Source : Préfecture de police de Paris.

En termes de catégories de titres de séjour, le taux de satisfaction des demandes se situe également à un niveau élevé. En particulier, le fait de conduire des études secondaires ou universitaires non professionnalisantes ne constitue pas un obstacle à l'obtention d'une carte de séjour, et ce quand bien même les jeunes majeurs concernés ne disposent pas d'une voie d'accès dédiée. Selon la DGEF, 671 cartes « étudiant » ont été délivrées en 2019 à des jeunes majeurs étrangers au titre de la circulaire du 28 novembre 2012 précitée, soit un taux d'approbation de 93,2 %.

Demandes de titres de séjour formulées par des MNA
par catégorie de titre sur l'année 2019

Demandes déposées

Demandes approuvées

Demandes refusées

Taux d'approbation

Demandes déposées par les mineurs pris en charge avant 16 ans

2 901

2 695

206

92,9 %

Demandes déposées par les mineurs pris en charge après 16 ans

2 484

2 344

140

94,4 %

Demandes déposées au titre de la circulaire du 28 novembre 2012

720

671

49

93,2 %

Total

6 105

5 710

395

93,5 %

Source : DGEF.

Ces taux de satisfaction sont cohérents avec la politique conduite par les départements pour la prise en charge des MNA, qui représente un investissement humain, social et financier important. Ils reflètent surtout la possibilité d'intégration de ces jeunes dans la société française, en particulier par leur engagement dans des formations professionnalisantes telles que l'apprentissage.

Au vu de ces éléments, la rapporteure rejoint les conclusions de la mission d'information de la commission des lois et de la commission des affaires sociales relative aux MNA, présenté le 28 septembre dernier 6 ( * ) . Dans la mesure où les demandes de titre effectivement déposées sont très majoritairement accordées, il est clair que la facilitation de l'accès au séjour des MNA repose moins sur la modification du droit existant que sur l'amélioration de ses conditions de mise en oeuvre.

3.2. Les difficultés constatées dans la mise en oeuvre du droit d'accès au séjour peuvent être résorbées à droit constant

Deux difficultés principales dans le traitement des demandes de titre de séjour peuvent être identifiées : des délais d'examen parfois excessifs et des difficultés ponctuelles pour faire admettre la validité de documents d'état civil émanant de certains États, en particulier la Guinée. En tout état de cause, ces difficultés semblent pouvoir être résolues à droit constant.

a) L'anticipation du dépôt et de l'examen des demandes de titres de séjour pour éviter les ruptures de droit

Si le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit l'obligation de demander un titre de séjour dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire, le temps nécessaire pour réunir les documents requis pour le dépôt de la demande puis pour l'instruction du dossier par l'administration peut être supérieur à un an et ponctuellement conduire à ce que des majeurs se retrouvent sans titre une fois leurs dix-huit ans révolus.

Dans ce contexte, l'anticipation du dépôt et de l'examen des dossiers est un premier moyen de faire face aux difficultés rencontrées par les MNA dans l'accès au séjour. À cet égard, des actions portées tant par les acteurs locaux que par l'État ont permis des avancées et gagneraient à être répliquées.

Depuis 2017, un protocole lie par exemple la ville de Paris et la préfecture de police afin de prévoir un examen anticipé des demandes de titres de séjour effectuées par les MNA pris en charge au titre l'ASE . Déposée six mois avant l'accession à la majorité, la demande est traitée à travers un circuit dédié par les services de la préfecture de police, ce qui garantit la prise d'une décision avant l'accession à la majorité. Auditionné par la rapporteure, le préfet délégué à l'immigration auprès du préfet de police de Paris a mis en avant le caractère pragmatique et efficace de ce dispositif, qui permet d'éviter les ruptures de droits tout en préservant le pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative. Plusieurs autres départements ont élaboré des protocoles similaires avec les préfectures .

Au niveau de l'État, une circulaire du ministre de l'intérieur du 21 septembre 2020 7 ( * ) prévoit également de généraliser, au moment de l'octroi d'une autorisation de travail, un premier examen de la validité des demandes de séjour qui seront déposées à la majorité . Cette possibilité vise à répondre aux cas où un jeune engagé dans une formation professionalisante et bénéficiant pour ce faire d'une autorisation de travail ne doive y mettre fin au moment de son accession à la majorité car il ne détient pas de titre de séjour 8 ( * ) .

La DGEF a enfin fait part de la possibilité d'anticipation permise par la généralisation du dispositif d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM) , adoptée par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale. Si les effets de cette réforme sur les délais de traitement des demandes de séjour ne peuvent être évalués avec certitude à ce stade, elle pourrait contribuer à l'accélération du traitement des demandes . Certes, l'objectif premier de ce traitement n'est ni de consolider l'état civil du jeune concerné ni d'examiner son éventuel droit au séjour. Néanmoins, il permettrait à l'administration de disposer immédiatement d'un premier niveau d'information sur la situation du jeune présentant une demande de titre de séjour.

b) La reconnaissance de l'état civil établi par le pays d'origine : la nécessité d'un dialogue bilatéral

Les difficultés à faire reconnaître l'état civil établi par le pays d'origine peuvent constituer un second obstacle dans l'accès au séjour des jeunes majeurs étrangers précédemment pris en charge par l'ASE . Pour autant, l'ampleur de ces difficultés doit être relativisée. Selon les données transmises par la DGEF, seuls 6,5 % des dossiers soumis entrainent des refus d'octroi d'un titre de séjour (395 dossiers en 2019). Si les motifs de refus comprennent quasi-systématiquement le défaut de validité des actes d'état civil, il s'agit rarement du seul motif et il n'est pas nécessairement prédominant.

A néanmoins été signalé le cas des demandeurs d'origine guinéenne, dont la validité des actes d'état civil serait quasi-systématiquement contestée en référence à une note d'actualité de la direction centrale de la police de l'air et des frontières de décembre 2017 faisant état d'une « fraude généralisée » relative aux actes d'état civil et aux jugements supplétifs « tenant lieu d'acte de naissance » en Guinée 9 ( * ) . Cette remise en cause entrainerait de grandes difficultés pour les jeunes d'origine guinéenne pour prouver leur état civil. Si la rapporteure constate qu'une telle difficulté n'est pas imputable au jeune demandeur, la solution réside fondamentalement dans une solution diplomatique et de coopération entre la France et la Guinée .

3.3. Les marges de manoeuvre de l'administration dans l'examen des demandes de titres de séjour doivent être préservées

L'octroi de droit d'un titre de séjour aux MNA recueillis par l'ASE après l'âge de 16 ans n'apparaît, enfin, pas souhaitable dans la mesure où il viendrait significativement réduire les marges d'appréciation de l'autorité administrative. L'examen au cas par cas des dossiers est, en effet, une nécessité en ce qu'il permet de prendre en compte la complexité des parcours et la volonté d'insertion, surtout quand le jeune est arrivé récemment sur le territoire national.

Par ailleurs, la marge d'appréciation laissée au préfet est le fondement de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour . Cette indispensable souplesse permet d'accorder un titre de séjour aux jeunes qui ne remplissent pas complètement les critères de droit commun mais dont la situation exceptionnelle justifie toutefois l'octroi d'un titre.

Enfin, le préfet dispose certes d'une importante marge d'appréciation dans la délivrance des titres de séjour, mais ses décisions sont toujours susceptibles de recours juridictionnels . Le juge administratif exerce ainsi un contrôle vigilant sur le bien-fondé des décisions de refus de titre de séjour, au regard notamment du respect du principe d'égalité. À cet égard, l'action des associations mais aussi des départements devant la justice est un frein puissant à tout refus injustifié .

3.4. Un dispositif qui soulève des difficultés juridiques

L'adoption du dispositif proposé par l'article 1er de la proposition de loi créerait potentiellement une redondance avec la procédure d'admission exceptionnelle au séjour actuellement prévue par les textes . Alors que les mêmes critères sont utilisés pour l'examen de la demande 10 ( * ) , l'article 1 er de la proposition de loi prévoit une délivrance de droit tandis que l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit un octroi à titre exceptionnel. Cette concurrence potentielle n'est pas réglée par la proposition de loi, qui ne propose qu'une retouche à la marge du dispositif d'admission exceptionnelle au séjour 11 ( * ) .

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a estimé nécessaire que le débat sur les conditions d'accès au séjour des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'ASE se tienne en séance, mais elle a jugé inadapté à la situation de ces jeunes de prévoir des mesures privant l'administration de son pouvoir d'appréciation sur chaque dossier, et ce d'autant plus que les difficultés constatées pourraient probablement être résolues à droit constant .

La commission n'a pas adopté les articles 1 er et 2.

Article 3
Demande par anticipation d'un titre de séjour pour les jeunes recueillis par l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de 16 et 18 ans et suivant une formation professionnelle qualifiante

L'article 3 est une conséquence de l'article 1 er de la proposition de loi qui prévoit une nouvelle voie d'accès au séjour pour les MNA recueillis par l'ASE après leur seizième anniversaire. Il tend à permettre aux jeunes concernés et souhaitant travailler d'obtenir par anticipation une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » les autorisant à exercer une activité professionnelle avant leur majorité.

Dans la mesure où la commission n'a pas adopté l'article 1 er , la commission n'a pas adopté l'article 3, qui est privé d'effet.

L'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet aux mineurs de plus de 16 ans pris en charge par les services de l'ASE avant cet âge et souhaitant travailler d'obtenir, à leur demande, une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » leur permettant d'exercer une activité professionnelle avant leur majorité ou de suivre une formation requérant une autorisation de travail . La délivrance par anticipation d'une telle carte est uniquement conditionnée au respect des trois critères utilisés postérieurement dans le cadre de l'admission au séjour : le caractère réel et sérieux de la formation suivie ; la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine ; un avis positif de la structure d'accueil sur l'insertion dans la société française.

L'article 3 de la proposition de loi tend à élargir le bénéfice de cette demande par anticipation aux jeunes recueillis par l'ASE après l'âge de 16 ans et qui seraient éligibles à l'octroi de plein droit d'une carte de séjour temporaire au titre du dispositif proposé par l'article 1 er . Pour ce faire, il modifie l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'y introduire la référence audit dispositif.

Dans la mesure où la commission n'a pas adopté l'article 1 er , l'article 3 de la proposition de loi se trouve privé d'objet et n'a donc pas été adopté par la commission .

La commission n'a pas adopté l'article 3.

Article 4
Ouverture de l'admission exceptionnelle au séjour aux jeunes pris en charge entre l'âge de 16 et 18 ans par l'aide sociale à l'enfance et dont la formation n'est pas destinée à apporter une qualification professionnelle

L'article 4 tire les conséquences de l'article 1 er de la proposition de loi et tend à élargir le périmètre de l'admission exceptionnelle au séjour aux jeunes MNA recueillis avant leur seizième anniversaire et justifiant suivre un enseignement en France ou y faire des études, y compris lorsque la formation en question n'est pas destinée à apporter une qualification professionnelle.

En cohérence avec la position exprimée l'article 1 er , la commission n'a pas jugé nécessaire de modifier les voies d'accès au séjour des jeunes majeurs étrangers et n'a pas adopté l'article 4.

1. L'état du droit : des possibilités infra-législatives d'accès au séjour pour les MNA recueillis après 16 ans et suivant des études secondaires ou universitaires

Les MNA pris en charge par l'ASE après leur seizième anniversaire et suivant des études secondaires ou universitaires qui ne sont pas destinées à leur apporter une qualification professionnelle ne disposent pas d'une voie d'accès au séjour dédiée une fois leur majorité acquise . En effet, la procédure d'admission exceptionnelle au séjour établie par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'adresse aux seuls jeunes de cette catégorie suivant une formation destinée à apporter une qualification professionnelle.

Pour autant, l'accès au séjour de ces jeunes a été facilité par voie de circulaire . Ainsi, la circulaire du 28 novembre 2012 12 ( * ) a autorisé les préfets à leur délivrer une carte de séjour temporaire « étudiant » sous la double condition que les trois critères de droit commun de l'admission au séjour prévus par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile 13 ( * ) soient satisfaits et que le jeune concerné suive lesdites études avec assiduité et sérieux.

2. L'article 4 de la proposition de loi : élargir le périmètre de l'admission exceptionnelle au séjour

L'article 4 tend à élargir le périmètre de l'admission exceptionnelle au séjour en permettant à un étranger pris en charge par l'ASE après 16 ans et justifiant suivre un enseignement en France ou d'y faire des études de se voir délivrer une carte de séjour « étudiant », et ce quand bien même la formation ne serait pas destinée à lui apporter une qualification professionnelle.

3. La position de la commission : un accès au séjour déjà satisfaisant des MNA suivant des études secondaires ou universitaires

Le fait de suivre des études secondaires ou universitaires qui ne sont pas destinées à apporter une qualification professionnelle ne constitue pas un obstacle à l'obtention d'un titre de séjour pour les jeunes recueillis après l'âge de 16 ans. Selon les données communiquées par la DGEF au cours de son audition par la rapporteure, 671 cartes « étudiant » ont été délivrées à des jeunes majeurs étrangers en 2019 au titre de la circulaire du 28 novembre 2012 précitée pour 49 refus, soit un taux d'approbation de 93,2 %. Au regard de ces éléments, l'accès au séjour des intéressés est pleinement effectif et l'intervention du législateur apparaît superflue .

En outre, le dispositif proposé par l'article 4 de la proposition de loi comporte des imprécisions . La notion « d'enseignement non destiné à apporter une qualification professionnelle » apparaît en tout état de cause trop floue et trop large pour être réellement opérationnelle. Le champ couvert est potentiellement si vaste qu'il ne permettrait d'exclure aucune formation, y compris des formations délivrées à titre purement privé.

La commission n'a pas adopté l'article 4.

Article 5
Suppression de l'examen de la nature des liens de l'étranger avec son pays d'origine pour l'attribution d'un titre de séjour à un jeune majeur précédemment confié à l'aide sociale à l'enfance

L'article 5 tend à supprimer l'appréciation de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans le pays d'origine des critères pris en compte pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire aux jeunes majeurs pris en charge par l'ASE au cours de leur minorité.

En ce qu'il permet une appréciation exhaustive de la situation des jeunes concernés, ce critère demeure pertinent pour la prise d'une décision relative à l'accès au séjour de ces jeunes. En conséquence, la commission n'a pas adopté l'article 5.

La nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine fait partie des critères d'appréciation utilisés pour examiner les demandes de titre de séjour déposées par les jeunes étrangers pris en charge par l'ASE au cours de leur minorité . Il s'applique tant aux demandes formulées par les MNA recueillis avant l'âge de 16 ans 14 ( * ) qu'à celles émises au titre de l'admission exceptionnelle au séjour par les MNA pris en charge entre 16 et 18 ans 15 ( * ) . Concrètement, ce critère conduit le préfet à examiner la réalité, la stabilité et l'intensité des liens développés sur le territoire national et de les confronter à ceux conservés dans le pays d'origine.

L'article 5 de la proposition de loi entend supprimer ce critère des éléments pris en compte pour la délivrance d'un titre de séjour, sans distinction selon l'âge de la prise en charge à l'ASE. L'auteur de la proposition de loi estime en effet dans l'exposé des motifs qu'il « pose d'évidentes difficultés par l'usage détourné qui en est fait ».

Pour autant, la rapporteure estime que ce critère conserve sa pertinence . Ainsi que l'a indiqué la DGEF au cours de son audition, son examen au cours de l'instruction de la demande de titre de séjour permet, le cas échéant, d'identifier les jeunes dont les liens familiaux et personnels ne se situent pas sur le territoire national et pour lesquels la délivrance d'un titre de séjour ne se justifie pas. Le cas échéant, ces jeunes sont redirigés vers leur pays d'origine où ils conservent leurs attaches et peuvent être mieux accompagnés. Si ce critère n'est logiquement pas pris en compte au moment de l'admission à l'ASE, qui relève de la protection de l'enfance, ce critère trouve en revanche tout son sens dans le cadre de l'accès au séjour .

Selon les données communiquées par la préfecture de police de Paris et la DGEF, les refus de titres de séjour ne se fondent que marginalement sur le critère de la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine, qui est utilisé avec discernement par les préfets. Pour rappel seules 6,5 % des demandes de titres se sont soldées par un refus au cours de l'année 2019. Par ailleurs, le bon usage de ce critère est rigoureusement contrôlé par le juge administratif . Le système semble donc suffisamment équilibré en l'état et ne nécessite pas de modification par le législateur.

La commission n'a pas adopté l'article 5.

*

* *

À l'issue de ses travaux, la commission des lois n'a pas adopté la proposition de loi la proposition de loi n° 475 (2020-2021) tendant à sécuriser l'intégration des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi.


* 2 Article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 3 Article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 4 Article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 5 Circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière (NOR : INTK1229185C).

* 6 Rapport d'information n° 854 (2020-2021) de MM. Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales du Sénat : « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale ».

* 7 Instruction du 21 septembre 2020 relative à l'examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l'aide sociale à l'enfance.

* 8 L'article L. 5221-5 du code du travail dispose qu'une autorisation de travail « est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation ».

* 9 Note d'actualité de la DCPAF du 1 er décembre 2017 relative aux fraudes documentaires organisées en Guinée (Conakry) sur les actes d'état civil (n° 17/2017).

* 10 Ces critères seraient le suivi d'une formation professionnelle qualifiante depuis plus de 6 mois, le caractère réel et sérieux de ce suivi et l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion dans la société française. S'agissant de l'appréciation de la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine, il n'est pas retenu dans l'article 1 de la proposition de loi et son article 5 prévoit sa suppression dans le cadre de la procédure exceptionnelle d'admission au séjour.

* 11 Cf. Infra.

* 12 Circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière (NOR : INTK1229185C).

* 13 Cf. commentaire de l'article 1.

* 14 Article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 15 Article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Page mise à jour le

Partager cette page