EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mercredi 2 juin 2021 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de Mme Annie Le Houerou sur la proposition de loi (n° 430, 2020-2021) relative à la protection sociale globale.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous examinons à présent le rapport de Mme Annie Le Houerou sur la proposition de loi relative à la protection sociale globale.
Mme Annie Le Houerou . - Le groupe socialiste, écologiste et républicain a inscrit à l'ordre du jour de son espace réservé du 9 juin la proposition de loi de notre collègue Rachid Temal relative à la protection sociale globale.
Avant d'aborder le contexte dans lequel s'inscrit ce texte et le dispositif qu'il propose, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution : je considère qu'il comprend des dispositions relatives aux conditions d'examen de l'éligibilité aux droits et prestations relevant du champ de la perte d'autonomie, des minima sociaux, des aides au logement et de la complémentaire santé solidaire.
En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux critères d'éligibilité de chacune des prestations visées par la proposition de loi ; à la nature, au contenu et aux conditions de versement des prestations et droits sociaux ; aux compétences des organismes débiteurs des prestations et droits sociaux pour le financement, le calcul et le versement ce ces prestations.
De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.
Une partie significative des destinataires des droits et prestations sociales ne les demandent pas ou renoncent à leur bénéfice par découragement.
Personne n'ignore ce phénomène de non-recours aux droits, mais nul ici ne peut s'y résigner car, qu'elle soit motivée par l'égalité réelle, la justice sociale, la générosité ou la bonne gestion, et quoi qu'on range sous ces termes, notre présence dans cette commission, mes chers collègues, présuppose notre attachement au système de redistribution patiemment échafaudé sur le programme consensuel de l'après-guerre.
Or notre tissu social, déjà tailladé par les crises et parfois par les réformes censées nous en extraire, se passerait bien de l'entaille supplémentaire que laissent l'ignorance ou le refus, par nos concitoyens les plus fragiles, de l'aide que la collectivité a pourtant conçue pour eux.
D'une part car une rupture de droits suffit parfois à déclencher un engrenage terrible pour les personnes, d'autre part car notre système de solidarité est un garant fondamental de notre pacte républicain.
La résignation devant le non-recours aux droits ne ferait d'ailleurs que l'alimenter : à constater l'extrême difficulté à le quantifier, ou à le réduire à un phénomène « frictionnel », c'est-à-dire lié temporairement aux changements de situation des personnes, on finirait vite par confirmer la pire crainte des plus précaires, selon laquelle la complexité du système est savamment entretenue. Et lorsqu'on y verrait avec soulagement des dépenses en moins, c'est sur notre conscience de législateur que pèserait encore le poids de ces « économies honteuses » dont parle le Secours catholique dans son dernier rapport.
Jugez-en plutôt : ce dernier estime qu'un tiers des allocataires potentiels du revenu de solidarité active (RSA) n'en bénéficient pas, ou encore qu'un quart des personnes éligibles aux allocations familiales ne les perçoivent pas. Le non-recours est un phénomène diversifié, qui s'observe tant au stade de la demande initiale qu'après celle-ci ; c'est un phénomène également cumulatif en raison de l'interdépendance des aides, et dynamique, c'est-à-dire à analyser selon les parcours de vie des personnes. Il touche ainsi davantage les pères seuls, les personnes vivant en habitat précaire, les étrangers et les personnes n'ayant pas d'emploi stable.
Les raisons du non-recours sont nombreuses : d'abord, l'ignorance ou la méconnaissance des dispositifs existants - les personnes éligibles au RSA ayant des situations professionnelles à revenus instables étant celles qui sont le moins sûres de leur droit. Le non-recours peut aussi être volontaire, motivé par le refus de la stigmatisation ou la conviction qu'il y a toujours plus malheureux que soi... Mais la principale cause réside dans la complexité des démarches, qui décourage les demandeurs, voire les effraie.
Les pouvoirs publics ne ménagent certes pas leurs
efforts pour y remédier. Les organismes gestionnaires ont
été responsabilisés dans la lutte contre le non-recours,
qui fait désormais partie des missions légales des caisses de
sécurité sociale. Les CAF obtiennent des résultats
honorables grâce à leurs « rendez-vous des
droits » ciblés sur des allocataires très choisis. De
nombreuses procédures ont été simplifiées et les
échanges entre administrations ont été facilités,
de même que les modalités de repérage, par les techniques
de data-mining, des personnes les plus en
difficulté
- c'était encore l'objet de l'article 82 de la
dernière loi de financement de la sécurité
sociale.
En outre, des efforts importants sont déployés pour mieux informer les administrés et fluidifier les échanges entre administrations. Au-delà des simulateurs en ligne proposés par les différents organismes, le Portail numérique des droits sociaux (mesdroitssociaux.gouv.fr) permet aux assurés de visualiser et comprendre leurs droits, simuler leurs droits sociaux et réaliser leurs démarches en ligne relatives à la retraite, l'emploi, la santé, le logement, mais aussi les prestations de solidarité, les allocations familiales ou encore les aides extralégales de certaines collectivités territoriales.
Le portail « Mon parcours handicap », aura pour sa part vocation à servir de guichet unique numérique et d'entrepôt de stockage de données de situation personnelle afin de fluidifier les démarches des usagers tout au long de leur parcours de vie.
Enfin, de grands chantiers de simplification ont été lancés, tel celui du revenu universel d'activité (RUA). Le regroupement de dispositifs éclatés aura, par hypothèse, un effet de simplification immédiat dans lequel on peut légitimement placer d'importants espoirs de réduction du non-recours aux droits.
Seulement voilà : ce sont des projets
complexes exigeant pour aboutir
- lorsqu'ils aboutissent - des
efforts de longue haleine. Et l'accent mis sur la numérisation des
démarches fait fi de la fracture numérique et de
l'illectronisme... qui touche plus fréquemment ceux qui ont vocation
à se servir de ces outils. Le même rapport du Secours catholique
indique ainsi que près de 55 % des personnes qu'ils ont
interrogées disent rencontrer des difficultés avec les
démarches en ligne. Parmi ceux que l'association prend en charge, un
tiers a un accès nul ou limité aux outils informatiques.
On ne saurait par conséquent prétendre que, dans la lutte contre le non-recours, on a tout essayé.
Le mécanisme contenu dans l'article unique de ce texte est original. Pour le décrire d'un mot, il systématise l'examen de l'éligibilité d'un demandeur de prestation à une liste d'autres droits et prestations connexes, et ce de manière organisée, pour plus d'efficacité. Voici comment.
Il identifie d'abord deux grandes catégories de prestations. La première est relative aux prestations relevant du soutien à l'autonomie : l'admission au bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), de la prestation de compensation du handicap (PCH), de l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA) ou de la carte mobilité inclusion (CMI) entraînerait automatiquement l'examen de l'éligibilité aux autres de ces droits et prestations qui ne lui sont pas incompatibles. Le même mécanisme est prévu pour les prestations destinées aux personnes à faibles ressources : la prime d'activité et les trois aides au logement.
Ces « îlots » de prestations
sont en outre reliés entre eux par des
« ponts »
- ou ces « grappes »
par des rameaux, pour ceux qui préfèrent la métaphore
végétale : l'autorité qui prononcerait l'admission au
bénéfice d'un droit ou d'une prestation du premier ensemble
saisirait sans délai les organismes compétents pour l'examen de
l'éligibilité aux prestations du second ensemble. Les deux
ensembles sont pareillement reliés au RSA, ainsi qu'à la
complémentaire santé solidaire.
Lorsque l'autorité saisie en application d'un tel mécanisme en a la compétence et dispose de tous les éléments nécessaires, elle se prononcerait simultanément sur l'admission de l'intéressé au bénéfice d'un ou plusieurs autres droits ou prestations ainsi qu'au bénéfice du RSA. À défaut, elle informerait le bénéficiaire qu'il sera procédé sans délai à l'examen de son dossier par l'organisme compétent, qu'elle lui indiquerait alors.
Cette approche semble à la fois modeste et réaliste. D'abord, elle ne remet pas en cause les principes de notre système de protection sociale. Le paysage des aides et leurs conditions d'accès ne sont pas modifiés ; ceux qui attribuent le non-recours à leur complexité y verront sans doute une limite du dispositif proposé mais, en plein chantier relatif au revenu universel d'activité, vous conviendrez qu'il est périlleux de lancer une refonte générale des prestations sociales par voie de proposition de loi.
Le principe de quérabilité des aides est respecté, puisqu'il faut faire une demande originelle pour déclencher l'examen de l'éligibilité à d'autres prestations. On observera au demeurant que l'automaticité gagne du terrain : toute demande de RSA, par exemple, vaut demande de prime d'activité ; tout bénéficiaire du RSA a automatiquement accès à la complémentaire santé solidaire (C2S) en cochant une simple case ; et un formulaire unique permet depuis 2019 à toute maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de proposer au demandeur d'une AAH, par exemple, la PCH et la CMI qu'il n'aurait pas pensé à solliciter.
D'aucuns feront sans doute valoir que de telles obligations d'instruction de nouveaux dossiers alourdiront les charges de gestion des organismes délivrant les prestations. D'une part, c'est difficile à évaluer. Les personnes elles-mêmes se trompent souvent de guichet : ce serait alors une simplification globale que de confier aux organismes la mission de taper à la bonne porte. Il se pourrait même que la diminution du non-recours par ce biais évite des situations de ruptures de droits en cascade et fasse faire des économies globales au système social.
Certaines dispositions du texte prévoient d'ailleurs les souplesses nécessaires, en évitant les requêtes sans objet et en permettant, à la suite d'un premier refus, l'examen de l'éligibilité du demandeur à d'autres droits ou prestations, ou bien la saisine à cette fin de l'autorité compétente. Il prévoit même que le demandeur peut renoncer à tout moment au bénéfice d'une prestation.
D'autre part, quand il serait démontré que le mécanisme proposé alourdit la gestion des prestations, on ne saurait sérieusement invoquer un tel argument pratique pour faire obstacle au respect d'un principe aussi élémentaire que celui d'accorder à chacun ce qui lui revient.
Le mécanisme ici proposé n'est sans doute pas parfait mais il apporte une solution immédiatement opérationnelle, semble-t-il, au problème du non-recours. D'ailleurs, le Sénat l'a voté, sous la forme certes d'un amendement un peu moins sophistiqué, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, après avis de sagesse du rapporteur général. Hélas, le dispositif n'a pas été maintenu dans la version définitive du texte.
Mes chers collègues, en systématisant l'examen de l'éligibilité aux prestations sociales, cette proposition de loi contribue à remplir la promesse que fait notre société aux plus fragiles. C'est pourquoi je vous propose de l'adopter.
M. Philippe Mouiller . - Je remercie la rapporteure pour son exposé très clair des enjeux de ce texte.
Nous partageons très largement l'objectif d'améliorer le recours aux prestations sociales. De nombreuses associations ont en effet montré la nécessité de faire davantage d'efforts dans ce sens.
Cela étant, après analyse du dispositif de cette proposition de loi, plusieurs aspects nous rendent sceptiques. D'abord, le périmètre de prestations retenues : celui-ci exclut par exemple l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), ou encore l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH).
Ensuite, le fait que tel organisme doive notifier à quelqu'un son éligibilité à telle prestation, qu'il la gère ou non, rend les responsabilités confuses : y a-t-il alors obligation de la verser, et quelle responsabilité supporte l'organisme qui s'est contenté de la notification ?
Le texte soulève encore des difficultés techniques. Les prestations destinées aux personnes handicapées sont parfois, mais pas toujours, fondées sur des critères de revenus, et exigent parfois, mais pas toujours, de remplir des critères de situation personnelle, sociale et médicale. L'examen de l'éligibilité à telle ou telle exigera des échanges d'informations, voire de nombreux allers et retours entre les organismes.
Se pose enfin la question du message politique que vous souhaitez transmettre. Ce texte ne témoigne-t-il pas d'une certaine défiance à l'égard de tous les organismes qui se sont engagés dans la lutte contre le non-recours ? Certes, le bilan n'est pas totalement satisfaisant, mais les efforts sont réels. Faut-il de cette manière accroître les contraintes pesant sur les services de l'État et les départements ?
C'est sans doute une idée intéressante pour préfigurer le futur RUA, mais le Sénat l'a pour l'heure refusé. Aussi l'avis du groupe majoritaire sera-t-il plutôt réservé.
M. Olivier Henno . - Je félicite la rapporteure pour son travail et son exposé, qui présente bien le sujet. Le non-recours peut s'expliquer par le manque d'information, l'ignorance, une forme de refus ou de pudeur, mais il peut aussi résulter d'un choix.
Nous sommes certes tous attachés à notre système de protection sociale, qui a une grande valeur. J'ai toutefois l'impression que le consensus national sur ce système est parfois moins solide qu'il ne fut.
Je ne poserai pas, comme Philippe Mouiller, de questions sur les aspects trop techniques du texte car, à l'heure des algorithmes, de tels obstacles peuvent être surmontés. La question centrale est celle de savoir s'il faut renforcer l'automaticité de l'attribution des droits et prestations. Au groupe de l'Union centriste, nous ne le pensons pas. Il faut que les demandeurs fassent une démarche, témoignent d'une forme d'adhésion au système proposé. Je ne suis pas sûr du tout que les rédacteurs du programme du Conseil national de la résistance aient songé à l'automaticité. Ce qui est fait en matière de repérage, de création de portails d'information, de rendez-vous des droits est déjà remarquable. Nous ne sommes pas favorables à une automaticité pour l'autre raison qu'elle poserait de manière biaisée la question du revenu universel d'activité, qui mériterait un autre débat, sous l'angle de la valeur travail en particulier.
Bref, le problème soulevé est réel mais nous sommes très réservés sur la pertinence de la réponse qui lui est apportée.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - À mon tour, je remercie la rapporteure pour la limpidité de son exposé et je renchéris : nous avons tous la volonté de lutter contre le non-recours car s'il existe un dispositif, ceux qui y sont éligibles doivent pouvoir en bénéficier.
Mais, vous l'avez dit vous-même madame la rapporteure : le mécanisme n'est pas parfait. Il est en outre complémentaire des efforts entrepris par les différentes caisses, qui doivent se poursuivre.
Vous avez dit encore que j'avais émis un avis de sagesse sur l'amendement ayant inspiré ce texte ; c'était un avis de principe, pour dire qu'il fallait en effet lutter contre le non-recours. Toutefois, et cela motive toujours la même réserve de ma part : nous ignorons l'impact, notamment financier, d'un tel mécanisme. Je ne suis en outre pas sûr qu'il n'introduirait pas une complexité supplémentaire. Il faudrait qu'un pilote agisse davantage contre le non-recours ; ce pourrait être le département, en lien avec les centres communaux d'action sociale, car ils sont les mieux placés pour détecter les besoins réels.
Nous ne sommes en tout cas pas au bout de la réflexion, raison pour laquelle le dispositif n'apparaît pas totalement abouti. Je préférerais pour ma part un système d'allocation unique, tel qu'il avait envisagé naguère par Christophe Sirugue. Je suis assez favorable au revenu universel, selon des modalités que nous avions détaillées, et après expérimentation. Le Gouvernement, qui parle plutôt d'une allocation unique de base pur l'ensemble des prestations sociales, semble aller dans ce sens.
Bref je crois qu'il faut trouver le moyen de donner la bonne information à ceux qui ont droit à une prestation, mais sans accorder celle-ci automatiquement, car souvent des éléments complémentaires - tels les avis médicaux - sont nécessaires. Je confirme ainsi que l'avis de notre groupe sera réservé.
M. René-Paul Savary . - Je veux bien pour ma part que l'on améliore les dispositifs, mais à condition de disposer d'une étude d'impact financière ! Cessons de vouloir régler les problèmes en les prenant par le plus petit bout, ayons une vision globale. Un tel mécanisme risque de perpétuer les effets de bords qui tiennent déjà au fait que l'on raisonne trop en silos.
Par ailleurs, accorder automatiquement le bénéfice du RSA à ceux qui y ont droit, pourquoi pas, mais pas sans aucun effort d'insertion supplémentaire. Avec ce texte, les bénéficiaires ne resteraient pas moins chez eux, sans que personne ne s'occupe d'eux. Ce serait une solution de facilité. Le plus compliqué, mais qui est le vrai service qu'il faut tâcher de rendre aux personnes en difficulté, c'est de les sortir de leurs difficultés ! Et le texte ne favorise pas cette démarche d'insertion.
Autre point très lourd de conséquences : le dispositif impose de croiser des fichiers de données personnelles. Quel est sur ce point l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ? Je ne suis pas contre l'utilisation du numérique et du big data, qui implique nécessairement d'être intrusif pour être efficace, mais à condition de faire cela de manière bien réglementée et bien encadrée.
M. Daniel Chasseing . - Je suis d'accord avec les propos de Jean-Marie Vanlerenberghe et René-Paul Savary. On peut comprendre les causes du non-recours. Le département doit cependant rester chef de file en matière sociale et c'est à ce niveau qu'il faut renforcer l'accompagnement. En outre, le versement des prestations ne doit pas être automatique : le bénéficiaire doit accepter un accompagnement vers l'emploi et la formation.
Mme Annie Le Houerou . - Monsieur Mouiller, la proposition de loi vise des groupes de prestations de base. Il est vrai que certaines prestations ne sont pas prévues : vous avez mentionné l'Aspa et l'AEEH. Il serait toutefois complexe d'ajouter l'AEEH car cette prestation concerne l'enfant à la charge du foyer et non la personne qui reçoit l'aide. Cette proposition de loi se concentre sur les minima sociaux ainsi que sur les droits qui relèvent de la MDPH en matière de perte d'autonomie.
La lutte contre le non-recours fait déjà partie des missions des caisses de sécurité sociale : la proposition de loi vient appuyer cette priorité existante. Cela ne remet pas en cause la compétence des caisses ni les actions qui ont été mises en oeuvre. Le dispositif suppose une demande initiale par la personne, laquelle génère l'examen de l'éligibilité à toutes les autres aides.
Le texte prévoit que les délais de recours ne commencent à courir qu'à compter de la notification aux personnes concernées. Des amendements pourraient peut-être améliorer le texte sur ce point, mais le risque juridique me semble limité.
Le système actuel d'aides sociales est complexe non seulement pour les bénéficiaires potentiels, mais aussi pour les professionnels. Les espaces France Services ont vocation à être des guichets uniques de proximité, ce qui suppose la formation des agents et le partage des données. On tend ainsi à reconnaître la nécessité d'une formation élargie des personnes qui sont en première ligne. Cette démarche est donc déjà enclenchée, et la proposition de loi ne fera que renforcer cette nécessité de formation.
Monsieur Henno, le dispositif proposé n'exclut pas la quérabilité des prestations, c'est-à-dire le fait que la personne fasse une première demande. En revanche, les droits de la personne devraient être regardés dans leur globalité, par « grappe » de prestations, par les professionnels du premier organisme sollicité. Si l'on crée des droits, notre responsabilité de législateur est qu'ils soient effectivement ouverts. Le but est également d'éviter que des personnes qui se trouvent en difficulté ne sombrent dans une précarité ou une pauvreté encore plus forte dont ils ne pourront pas se relever. Il s'agit donc bien d'une démarche de prévention.
L'audition de l'observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) et la récente étude du Secours catholique montrent que beaucoup de personnes n'ont pas recours aux prestations sociales auxquelles elles pourraient prétendre car elles trouvent que les démarches sont trop compliquées et abandonnent. Elles connaissent souvent par ailleurs des difficultés psychologiques. L'objectif de cette proposition de loi est de simplifier, dans le cadre d'une première demande, l'accès aux droits. L'automaticité proposée est celle de l'examen de la situation mais non de l'attribution de l'aide.
Monsieur Vanlerenberghe, dès lors que les personnes ont un droit, il est de notre responsabilité de tout faire pour qu'elles y accèdent. Sur le plan financier, la mission des organismes et des collectivités est de servir les droits pour lesquels les personnes sont éligibles. L'évaluation financière des enveloppes doit être conforme au nombre de bénéficiaires potentiels. J'en reviens à la prévention : il s'agit aussi d'un investissement sur l'avenir permettant un meilleur accompagnement des personnes le plus en amont possible, de manière à éviter des situations plus complexes qui peuvent avoir un coût élevé pour les départements. Cela ne remet pas en cause le travail des départements en matière d'insertion, au contraire.
On voit aujourd'hui, y compris dans le contexte de crise du covid-19, que de nombreuses personnes n'ont pas recours aux soins comme elles le devraient, ce qui représente une manière de faire des économies...
Étant donné que le RUA ne verra pas le jour à court terme, la proposition de loi a pour intérêt de faciliter les choses dès maintenant.
Monsieur Savary, l'objectif est de ne laisser personne au bord du chemin. Les personnes peuvent être ainsi dans de meilleures dispositions pour remettre le pied à l'étrier, y compris sur la voie du retour à l'emploi.
Les organismes de sécurité sociale procèdent déjà à des opérations de data mining, par exemple pour améliorer le recours à la prime d'activité. La proposition de loi ne remet pas en cause ces démarches. L'objectif est que les données soient partagées de manière optimale, dans le respect des préconisations de la CNIL.
Je le répète, monsieur Chasseing, l'automaticité ne vaut que pour l'examen de l'éligibilité. La question d'un chef de file appelé à examiner l'ensemble des droits pourrait se poser : c'est déjà ce qui est recherché sur l'autonomie autour des MDPH.
Mme Catherine Deroche . - Aucun amendement n'ayant été déposé, je mets aux voix l'article unique du texte.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte de la proposition de loi initiale déposée sur le Bureau du Sénat.