B. LES ÉLECTIONS, UN POSTE DE DÉPENSES PARTICULIÈREMENT DYNAMIQUE EN 2021 MAIS PEU PILOTABLE
1. L'organisation des élections départementales et régionales représente un budget quasiment équivalent aux élections présidentielle et législatives
Les élections départementales, régionales et les élections territoriales en Corse, Martinique et Guyane en 2021 devraient avoir pour conséquence une augmentation significative des crédits dédiés par rapport à 2020.
Ces élections devraient représenter un coût total de 358,3 millions d'euros en AE et de 356,3 millions d'euros en CP. Ces crédits représentent 3,54 euros par électeur pour les élections départementales et 3,69 euros par électeur pour les élections régionales. Ce coût est relativement élevé, puisqu'il se place juste derrière celui de l'élection présidentielle.
2. Des incertitudes sur la persistance de l'épidémie de Covid-19 et un potentiel surcoût pour les finances publiques
Les élections municipales de 2020, compte tenu de la crise sanitaire, ont donné lieu à des surcoûts importants.
Le renouvellement des conseillers municipaux et
communautaires
dans le contexte de crise sanitaire
L'organisation du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020 a été marquée par la crise sanitaire liée à l'épidémie de COVID-19.
Par plusieurs circulaires 4 ( * ) , des instructions ont été données aux préfectures et aux communes pour organiser les élections. Le port du masque a été rendu obligatoire dans les bureaux de vote, ces derniers ayant été aménagés de manière à limiter les situations de promiscuité prolongée (schémas d'organisation des bureaux et du dépouillement, limitation à trois électeurs présents simultanément dans le bureau de vote, installation de parois de protection entre les membres et les électeurs, mise à disposition de points de lavage), du matériel sanitaire ayant été mis à disposition des membres des bureaux de vote et des électeurs par l'État (gel hydro alcoolique, masques, visières).
Ont également été prévus la mise en ligne des professions de foi des candidats, l'augmentation du plafond des dépenses de campagne et le remboursement des dépenses de propagandes non réutilisées.
La crise sanitaire a ainsi entraîné un surcoût budgétaire par rapport à la prévision initiale d'environ 30 millions d'euros, principalement lié au remboursement des candidats présents au second tour ainsi qu'aux dépenses en matière d'équipements sanitaires.
La consommation des crédits hors titre 2 se répartit comme suit :
- 10,7 millions d'euros en AE et 10,1 millions d'euros en CP pour les frais des commissions de propagande (mise sous pli externalisée) ;
- 13,9 millions d'euros en AE et 13,6 millions en CP pour le remboursement de la propagande officielle ;
- 8,0 million d'euros (AE = CP) de transferts directs aux communes ;
- 0,4 million d'euros en AE et 0,3 million d'euros en CP au titre des autres frais des préfectures ;
- 12,1 millions d'euros (AE = CP) au titre de l'acheminement de la propagande électorale ;
- 0,9 million d'euros (AE = CP) pour les frais exécutés en centrale ;
- 0,3 million d'euros (AE = CP) pour les factures relatives à l'embauche d'intérimaires lors de la prise des candidatures du premier tour du scrutin.
La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCFP) doit rendre l'ensemble de ses décisions pour les conseils municipaux élus au premier tour avant le 15 décembre 2020, et, pour les candidats élus au second tour, avant la fin du mois de mars 2021. De fait, l'intégralité des remboursements forfaitaires aux candidats ne pourra avoir lieu sur cet exercice et fera l'objet d'une demande de reports. Ainsi, le coût complet de ce scrutin, et donc le coût par électeur, ne sera connu qu'en 2021, lorsque tous les frais, factures et remboursements auront été réglés.
Source : audition de la direction de la modernisation de l'action territoriale (DMAT)
Les élections régionales et départementales sont pour l'instant prévues pour mars 2021. Les incertitudes persistantes sur l'épidémie de Covid-19 et ses conséquences dans les mois à venir pourraient remettre en cause cette échéance.
Dans une lettre de mission du 23 octobre dernier, le Premier ministre a confié à Jean-Louis Debré la définition des conditions du scrutin, qui pourrait être maintenu en mars 2021 ou reporté. En effet « compte tenu contexte épidémiologique et de son impact tant sur les campagnes électorales que sur l'organisation des scrutins, le Gouvernement a été saisi de propositions visant à reporter à une date ultérieure ces échéances prévues au mois de mars. ». M. Jean-Louis Debré est ainsi chargé de faire état de différents scénarios d'organisation du scrutin, en associant les présidents des assemblées, l'association des départements de France (ADF) et des régions de France (ARF), ainsi que l'association des maires de France (AMF), dans la mesure où ces derniers sont directement concernés par l'organisation du scrutin. Le rapport a été rendu vendredi 13 novembre au Premier ministre.
Les recommandations du rapport Debré
Quelle date et quelle organisation pour les élections régionales et départementales ?
D'après les travaux du président Jean-Louis Debré, « un report du renouvellement des conseils régionaux, départementaux et des assemblées territoriales du Guyane et de Martinique à la fin du mois de juin 2021 serait l'option susceptible de recueillir le soutien politique le plus large. » Le rapport distingue cependant le cas de la Guyane, qui doit faire l'objet d'un suivi épidémiologique spécifique.
Le protocole sanitaire devra être renforcé : outre le rappel des règles sanitaires usuelles, le rapport ajoute une recommandation visant à une « utilisation, autant que possible, des canaux dématérialisés de propagande . » Il est également recommandé de rehausser le plafond des dépenses de propagande, compte tenu de l'allongement des délais.
Surtout, l'importance du suivi par le Parlement et donc de l'information par le Gouvernement est clairement soulignée, le rapport recommandant également la remise d'un rapport du conseil scientifique en amont du scrutin.
Concernant les modalités mêmes des élections, le vote par correspondance ne devrait être mise en oeuvre « que si les conditions de sa faisabilité technique et matérielle sont suffisantes pour assurer la sincérité du scrutin ». La rapporteure spéciale s'allie à ce constat : à ce stade, le vote par correspondance ne permet pas de garantir le caractère personnel du vote. Les meilleures garanties demeurent en effet le déplacement personnel au bureau de vote et, lorsqu'il n'est pas possible, la procuration. Sur ce plan, le rapport préconise de maintenir la possibilité d'une double procuration.
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport au Premier ministre de Jean-Louis Debré
En tout état de cause, sur le plan matériel, les services du ministère de l'intérieur ont indiqué à la rapporteure spéciale que le protocole sanitaire des élections municipales devrait être reconduit :
- le port du masque obligatoire pour les électeurs ainsi que le lavage de main avant et après le vote ;
- la mise en place systématique de vitres plexiglas.
Ces dépenses seraient prises en charge par l'État, qui dotera en équipements de protection chacun des 140 000 bureaux de vote pour un coût estimé à 25 millions d'euros, qui devrait être, d'après les informations fournies à la rapporteure spéciale, financé par un dégel de crédits et des redéploiements internes au programme.
3. La dématérialisation partielle de la propagande électorale, une mesure écologique et d'économie budgétaire
Malgré son coût budgétaire, la propagande électorale est un élément indispensable de la démocratie : elle permet à chaque citoyen de prendre connaissance des programmes des candidats aux différentes élections. Alors que tous nos concitoyens ne disposent pas d'internet, la propagande au format papier doit être conservée et constituer un vecteur indispensable de distribution des contenus politiques pour les élections, locales comme nationales. Cependant, une dématérialisation partielle pourrait être envisagée.
En effet, le Conseil constitutionnel juge qu'« en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour l'exercice de la démocratie, le législateur pouvait, sans méconnaître aucune exigence constitutionnelle, prévoir que l'information serait communiquée par voie électronique aux électeurs » 5 ( * ) . Le Conseil d'État a complété cette analyse en indiquant qu'« il n'existe pas d'obstacle constitutionnel à ce que la propagande soit dématérialisée », retenant cependant l'obligation de « maintien d'une possibilité physique d'accéder à ces documents, afin que les citoyens qui ne disposeraient pas d'un accès satisfaisant aux services en ligne puissent s'informer » 6 ( * ) .
Ainsi, sans remettre en cause le principe de la propagande électorale sous format papier, la rapporteure spéciale considère qu'il devrait être possible pour les électeurs qui le souhaitent de se désinscrire des listes de distribution, au profit d'un envoi dématérialisé.
Selon les informations recueillies auprès de la DMAT, le répertoire électoral unique (REU) tenu par l'INSEE permettrait de réaliser cette opération. C'est en effet à partir de ce fichier que sont retraitées les informations et que sont imprimées les étiquettes d'envoi de la propagande.
Il serait envisageable, après une phase d'expérimentation dans plusieurs départements, d'inverser la logique de distribution : tous les électeurs recevraient un courrier accompagné d'une enveloppe pré-timbrée qu'ils devraient retourner en indiquant s'ils souhaitent continuer à recevoir leur propagande électorale sous format papier.
* 4 La circulaire aux maires INTA2007053C relative à l'organisation des élections municipales des 15 et 22 mars en situation d'épidémie de coronavirus COVID-19, et la circulaire INTA2015408J aux maires relative à l'organisation du second tour des élections municipales du 28 juin 2020 en situation d'épidémie de coronavirus COVID-19 du 18 juin 2020.
* 5 Décision n° 2013-673 DC du 13 juillet 2013 sur la représentation des Français de l'étranger,
* 6 Jean-Eric Schoettl, vice-président de la section de l'intérieur du Conseil d'État, dans sa note annexée au rapport IGA-IGF « Revue des dépenses- l'organisation des élections » (2015).