C. LA CONDUITE ET LE PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTÉRIEUR, DES MISSIONS INDISPENSABLES, HEUREUSEMENT SANCTUARISÉES

Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » porte les fonctions de pilotage du ministère de l'intérieur au travers des activités d'état-major, d'expertise, de conseil et de contrôle.

Le programme regroupe également les crédits relatifs aux affaires juridiques et contentieuses du ministère, ceux du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) et, depuis le 1 er janvier 2020, ceux de la nouvelle direction numérique et ceux du fonctionnement des secrétariats généraux pour l'administration (SGAMI).

D'après les informations transmises à la rapporteure spéciale, la stratégie pour 2021 est principalement structurée autour de trois axes :

- poursuivre les efforts engagés en termes d'amélioration de la prévision et du pilotage des dépenses de contentieux et de protection fonctionnelle des fonctionnaires ;

- assurer la mise en oeuvre des programmes d'action de prévention de la délinquance et de la radicalisation ;

- maintenir la qualité des prestations réalisées au profit des directions et services du ministère en améliorant l'efficience de la gestion des moyens dont ils disposent et la maîtrise du coût des fonctions support.

1. La sanctuarisation des dépenses de pilotage des politiques de l'intérieur

Pour 2021, le schéma d'emplois du programme 216 est positif (+ 12 ETPT), les suppressions de postes prévues étant liées à l'extension du schéma d'emplois 2020 sur l'année 2021. Devraient ainsi être préservés les effectifs des principales directions du ministère de l'intérieur, dans un contexte de sollicitations particulièrement fortes.

Plusieurs opérations structurantes ont en effet été engagées depuis 2019 :

- la création d'un service ministériel d'achat (le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique [SAILMI]), par l'intégration des différents agents des services correspondants portés par les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale » de la mission « Sécurités ». Les crédits de fonctionnement nécessaires sont cependant laissés sur ces programmes ;

- la constitution d'une direction du numérique (DNUM) ;

- la création de l'agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) par le décret du 18 novembre 2019 7 ( * ) ;

- le transfert en 2020 des effectifs et autres moyens des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (les SGAMI) en provenance du programme 176 « Police nationale ».

Pour 2021, les dépenses immobilières du programme sont en très nette hausse, à hauteur de + 140 % en autorisations d'engagement , en partie liées aux opérations de financement du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen.

2. Des efforts de chiffrage des dépenses de contentieux qui doivent être poursuivis

Dans le cadre de la mise en oeuvre du PPNG , sept pôles d'appui juridique ont été créés : trois en matière de police administrative, deux en matière de contentieux statutaire et deux en matière de concours de la force publique et responsabilité de l'État. La direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) pilote ces différents pôles, dont le principal objectif consiste à prévenir les contentieux et à renforcer la défense de l'État.

D'après les informations transmises à la rapporteure spéciale, la DLPAJ a mené d'importants efforts en termes de prévision budgétaire, pour identifier le plus en amont possible les contentieux à fort enjeu financier ainsi que ceux qui n'ont pas vocation à être imputés sur le programme 216.

Comme le soulignait le précédent rapporteur spécial de la mission, Jacques Genest, sur l'exécution 2019 : « l'un des enjeux majeurs est de mieux maîtriser les contentieux traités par le ministère . » En 2019, les dépenses de contentieux avaient en effet dépassé de 10 % les ouvertures prévues en loi de finances initiale, alors même que la DLPAJ avait assuré avoir entamé son effort de sincérisation de la budgétisation de ces dépenses dès 2018.

Concernant la protection juridique des fonctionnaires la rapporteure spéciale tient à rappeler l'importance de cette protection, due à l'ensemble des fonctionnaires qui s'engagent au service de l'État . Elle ne peut ainsi que soutenir les annonces du premier ministre, Jean Castex, en faveur d'un « renforcement de la protection des fonctionnaires et des agents publics en pénalisant ceux qui font pression sur eux et le fonctionnement des services publics ». Ces annonces doivent maintenant rapidement trouver une traduction budgétaire, notamment pour la protection juridique .

3. Les crédits du fonds de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) ne sont pas conformes aux annonces gouvernementales

Les missions du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) sont déterminées par l'article D. 132-2 du code de la sécurité intérieure 8 ( * ) . Le secrétariat général du CIPDR (SG-CIPDR) coordonne l'animation des réseaux des services déconcentrés de l'État et des réseaux associatifs . L'objectif du secrétariat général est de décliner les politiques de prévention de la délinquance et de la radicalisation sur tous les territoires.

Le comité s'appuie notamment sur les conseils locaux ou intercommunaux de prévention de la délinquance, issus de la loi du 5 mars 2007 (CLSPD ou CISPD), leurs groupes opérationnels, l'articulation entre les services de l'État, les élus locaux et les acteurs associatifs.

Le comité doit veiller à la mise en oeuvre des politiques publiques de prévention et permettre de coordonner l'action des ministères et l'utilisation des moyens budgétaires consacrés à ces deux politiques.

Dans la lignée du discours du Président de la République à Mulhouse le 18 février 2020, le rôle du SG-CIPDR en matière de lutte contre le séparatisme islamiste a été renforcé, en lien avec les préfets de département. D'après les informations communiquées par le SG-CIPDR, une unité de contre-discours républicain devrait ainsi être créée en son sein.

Enfin, le décret du 15 juillet 2020 9 ( * ) a rattaché la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) au ministère de l'intérieur, en en confiant la présidence au secrétaire général du CIPDR. Le rattachement prend la forme du transfert de deux ETP

La rapporteure spéciale considère cependant que les missions de la MILIVLUDES ne doivent pas être confondues avec la prévention de la délinquance et la radicalisation. Il s'agit de problématiques différentes dont il ne faut pas faire l'amalgame. Au-delà d'une interrogation sur l'opportunité de ce transfert, se pose également la question du financement des actions destinées à la prévention des dérives sectaires, alors que seulement 90 000 euros de crédits hors dépenses de personnel ont été transférés au ministère de l'intérieur. Les moyens financiers engagés ne sont aucunement en phase avec le discours du Gouvernement, qui prétend avoir fait des dérives sectaires l'une de ses priorités.

Les politiques menées par le SG-CIPDR s'appuient principalement sur deux cadres d'intervention : le plan national de prévention de la radicalisation « prévenir pour protéger » du 23 février 2018 et la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024.

De nouvelles actions de prévention doivent en particulier permettre de renforcer la prévention de la pauvreté et intégrer la lutte contre l'islamisme radical dans le programme du service national universel .

La stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024

Succédant à la stratégie précédente de 2013, cette nouvelle stratégie a été adoptée par le Premier ministre le 5 mars 2020. Elle fixe les orientations gouvernementales de la politique de prévention de la délinquance pour cette période.

La stratégie a vocation à être déclinée sur l'ensemble du territoire national, dont les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les quartiers de reconquête républicaine. Une place plus large a été faite à l'initiative locale et à l'expérimentation.

La stratégie comporte 40 mesures et vise notamment à proposer un panel d'actions sous forme de « boîte à outils » à destination des acteurs de la prévention de la délinquance. Les évolutions de la stratégie concernent principalement :

- la prévention de la délinquance dès le plus jeune âge (moins de 12 ans) par la mobilisation plus systématique des familles et la mise en oeuvre d'actions de sensibilisation et d'éducation sur des nouvelles formes de délinquance (par exemple la cyberdélinquance), l'éducation aux médias et à la citoyenneté, la prévention de l'entrée dans les trafics et les phénomènes de bande, avec le maintien du volet prévention de la récidive des jeunes ;

- la protection, le plus en amont possible, des personnes vulnérables dans une approche « d'aller vers » les victimes invisibles : les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les femmes victimes de violences, les mineurs. Leur accompagnement sera en particulier renforcé par le déploiement des postes d'intervenants sociaux en commissariat et en gendarmerie ;

- une implication plus forte de la population et de la société civile dans la prévention de la délinquance et la production de tranquillité publique : la population doit être davantage associée et consultée (y compris sur l'installation de la vidéo-protection), la société civile sollicitée pour faciliter l'insertion des jeunes : monde sportif, entreprenariat engagé ;

- une gouvernance rénovée par une adaptation à chaque territoire et une coordination entre les différents acteurs (préfets, autorité judiciaire, maires et présidents d'intercommunalités), accompagnée de nouveaux outils d'évaluation et de formation, notamment pour les nouveaux élus.

Source : audition du SG-CIPDR

Cependant, alors que la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa a annoncé des moyens renforcés pour lutter contre la délinquance et la radicalisation, le budget présenté au Parlement ne retrace pas ces crédits nouveaux . À l'issue du Conseil des ministres du 29 septembre 2020, la ministre a pourtant évoqué un budget dédié à la prévention de la délinquance et la radicalisation de 69,5 millions d'euros, soit un budget en hausse de 200 000 euros par rapport à 2020.

Cependant, pour 2021, l'action dédiée au FIPD affiche une baisse de plus de 3,6 millions d'euros en AE et de 3,9 millions d'euros en CP. Afin de confirmer la hausse annoncée par la ministre, la rapporteure spéciale propose l'amendement II-1, de crédits sur le FIPD de  3,84 millions d'euros afin de porter ceux-ci au niveau qui semble avoir été annoncé. La prévention de la délinquance et de la radicalisation ne peut en aucun cas constituer une variable d'ajustement budgétaire.


* 7 Décret n° 2019-1190 du 18 novembre 2019 relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires

* 8 Décret n° 2016-553 du 6 mai 2016.

* 9 Décret n° 2020-867 du 15 juillet 2020 modifiant le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

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