II. LE PROGRAMME « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » : UNE MAQUETTE À REVOIR ET DES ENGAGEMENTS À PRÉCISER ALORS QUE LA RÉPONSE À LA CRISE EST PORTÉE PAR LA MISION « PLAN DE RELANCE »
Le projet de loi de finances prévoit une augmentation des crédits de paiement du programme « Livre et industries culturelles » de près de 11,6 millions d'euros, soit une progression de 3,78 % par rapport au projet de loi de finances pour 2020. Cette majoration est principalement liée à la progression attendue des crédits du Centre national de la musique (CNM), dont la dotation est majorée de 7,5 millions d'euros.
L'augmentation importante des montants prévus en autorisation d'engagement - 40,3 millions d'euros, soit une progression de 13,58 % par rapport au projet de loi de finances 2020 - est principalement fléchée vers la Bibliothèque nationale de France et les travaux du Quadrilatère Richelieu.
Évolution des crédits du programme 334
« Livre et industries culturelles »
de 2020 à
2021
(en euros)
LFI 2020 |
PLF 2021 |
Variation 2021/2020 (%) |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
01 - Livre et culture |
273 414 033 |
283 304 250 |
306 180 211 |
287 381 813 |
+11,98 |
+1,44 |
02 - Industries culturelles |
23 048 415 |
23 048 415 |
30 548 415 |
30 548 415 |
+32,54 |
+32,54 |
334 - Livre et industries culturelles |
296 462 448 |
306 352 665 |
336 728 626 |
317 930 228 |
+13,58 |
+3,78 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires
A. DES MOYENS DISPERSÉS EN FAVEUR DU LIVRE
1. Un financement principalement tourné vers les opérateurs
L'action 01 « Livre et culture » du programme 334 ne reflète qu'imparfaitement l'action de l'État en faveur du livre.
Cette action, qui devrait être dotée en 2021 de 278,86 millions d'euros en AE et 252,04 millions d'euros en CP, est en effet principalement tournée vers le financement des dépenses de fonctionnement de trois opérateurs : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (Bpi) implantée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et le Centre national du livre. Ces trois établissements concentrent, en effet, 76 % des crédits prévus en 2020.
Subventions pour charges de service public
versées dans le cadre
du programme 334 (prévision
2021)
(en euros)
Dépenses de fonctionnement |
Dépenses d'investissement |
Total |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
BnF |
189 193 007 |
189 193 007 |
57 884 783 |
27 684 783 |
246 878 000 |
216 878 000 |
BpI |
6 887 559 |
6 887 559 |
375 812 |
3 553 914 |
7 263 371 |
10 441 473 |
CNL |
24 643 000 |
24 643 000 |
75 000 |
75 000 |
24 718 000 |
24 718 000 |
Total |
220 723 566 |
220 723 566 |
58 335 595 |
31 313 697 |
278 859 161 |
252 037 263 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires
a) Des crédits dévolus aux travaux
Les dépenses d'investissement prévues se concentrent essentiellement sur les frais liés aux travaux de rénovation de la BnF et de la Bpi.
Le coût total des travaux de la BnF s'agissant du quadrilatère Richelieu est estimé à 244,9 millions d'euros, soit un dépassement de plus de 30 % par rapport au montant initial arrêté en 2011. La participation du ministère de la culture s'élève à 198,2 millions d'euros, financée sur le programme 334 « Livres et industries culturelles » à hauteur de 163,7 millions d'euros (dont 7,5 millions d'euros financés sur crédits propres par la BnF grâce au mécénat) et sur le programme 175 « Patrimoines », à hauteur de 39,3 millions d'euros. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche contribue à ce chantier à hauteur de 42,7 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances prévoit une intervention de 18,5 millions d'euros au titre du programme 334 pour financer ces travaux en 2021, soit une progression de 4 millions d'euros par rapport à 2020.
Le présent projet loi de finances prévoit, par ailleurs, de majorer la dotation en fonds propres de la BnF de 30 millions d'euros afin d'assurer la préparation du futur pôle regroupant le conservatoire national de la presse et le centre de conservation pour les collections. Un appel à manifestation d'intérêt (AMI) a été lancé auprès des collectivités territoriales le 25 juin dernier.
Le site Richelieu ne saurait résumer la dépense d'investissement de la Bnf, confrontée à l'obsolescence des équipements du site François Mitterrand, qui devrait contribuer à faire croître les dépenses d'investissement dans les années à venir. Plusieurs chantiers ont déjà débuté, certains devant prendre fin en 2026, pour un montant total de 54,1 millions d'euros. Il en va ainsi :
- du remplacement du système de sécurité incendie, estimé à 31 millions d'euros, les travaux devant s'étaler de 2020 à 2026 ;
- de la rénovation des équipements de la gestion technique centralisée et du système de gestion technique électrique, pour un montant de 5,4 millions d'euros étalé entre 2019 et 2025 ;
- de remplacement des 62 ascenseurs du socle, soit 1 million d'euros par an entre 2020 et 2026 ;
- du remplacement du système de contrôle d'accès et de la vidéo-protection, pour un coût estimé à 5,8 millions d'euros étalé de 2019 à 2022 ;
- du renouvellement décennal du transport automatique des collections et des documents, soit 5,9 millions d'euros étalés entre 2016 et 2027.
De nouveaux travaux sont également prévus à partir de 2022. Le coût global est évalué à 18 millions d'euros. Ils visent :
- l'amélioration de la performance énergétique des centrales de traitement d'air. Le coût de 1,3 million d'euros sera étalé entre 2022 et 2027 ;
- le remplacement des groupes froids de la production centralisée , soit 4 millions d'euros entre 2022 et 2025 ;
- les travaux de réfection des tours aéro-réfrigérantes du site, soit 3 millions d'euros en 2022 ;
- la rénovation des installations électriques de puissance pour un coût de 9,7 millions d'euros à financer à partir de 2023.
2020 a également été marquée par le début des travaux de rénovation partielle des espaces de lecture de la BpI. Le coût total du chantier est estimé à 14 millions d'euros La subvention d'investissement prévue pour 2020 avait été majorée en conséquence de 4 millions d'euros destinés à couvrir des surcoûts liés à la complexité du chantier. Cette somme est appelée à être couverte par des CP en 2021 et 2022. Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi un ajustement de 0,79 million d'euros des crédits dédiés à la rénovation.
b) Une réelle maîtrise des dépenses de fonctionnement
Ces investissements lourds ne doivent pas occulter les efforts de maîtrise des dépenses réalisés par les trois opérateurs, notamment en matière de personnels.
La BnF voit ses effectifs passer de 2 219 à 2 212 entre 2020 et 2021, 3 emplois hors plafond étant supprimés. La subvention accordée à la BnF devrait cependant être majorée de 2,766 millions d'euros afin de prendre en compte le transfert, depuis le programme 224 des crédits dédiés au plan de rattrapage indemnitaire ministériel lié à la mise en place du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), nouvel outil indemnitaire de référence qui remplace la plupart des primes et indemnités existantes dans la fonction publique de l'État (0,756 million d'euros). Une compensation de 2 millions d'euros devrait également être mise en oeuvre afin d'accompagner la réouverture prévue du site Richelieu, qui devrait affecter la masse salariale.
Les effectifs de la Bpi sont également stables (60 emplois sous plafond et 8 hors plafond prévus en 2020, soit un emploi hors plafond de plus qu'en 2020). La subvention pour charge de service public prévue en 2021 reste au même niveau que celle de 2020 : 6,888 millions d'euros .
Les effectifs du CNL sont marqués par une grande stabilité : 49 emplois sous plafond et 16 emplois rémunérés par le ministère de la culture en 2020 comme en 2021. La dotation prévue en 2021 est équivalente à celle octroyée en 2020 : 24,72 millions d'euros.
2. Une réponse à la crise non inscrite au sein de la mission
a) Un maintien des crédits au niveau de 2020
La baisse d'activité du secteur du Livre sur l'ensemble de l'année de l'année 2020 a été estimée par le ministère de la culture en juillet dernier à 23 % 6 ( * ) . Cette estimation doit être réévaluée à l'aune des nouvelles mesures de confinement mis en place le 30 octobre dernier, qui devrait fragiliser la reprise espérée lors du dernier trimestre. La perte de chiffre d'affaires était plus précisément estimée à 1,196 milliard d'euros pour les libraires (- 24 % par rapport à 2019) et 0,77 milliard d'euros pour les éditeurs (- 23 % par rapport à 2019).
Le Centre national du livre (CNL) a mis en oeuvre, le 16 mars dernier un plan d'urgence doté de 5 millions euros afin de répondre aux difficultés immédiates des éditeurs, des auteurs et des libraires. Ce dispositif a permis aux auteurs en grande difficulté de percevoir une aide d'urgence exceptionnelle d'un montant maximum de 1 500 euros par mois. Au 1 er octobre dernier, 2 216 auteurs avaient ainsi été aidés pour un montant total de 2,2 millions d'euros.
Les subventions versées par le CNL aux manifestations littéraires annulées pour des raisons sanitaires ont, par ailleurs, été considérées comme acquises, une attention particulière devant être portée à la rémunération des auteurs qui devaient participer à ces salons.
Le CNL devait, en outre, reporter les échéances des prêts accordés aux libraires et aux éditeurs. Le CNL soutient en effet le développement économique des éditeurs à travers l'attribution de prêts à taux zéro (3 crédits, pour un montant total de 172 000 euros ont ainsi été accordés en 2018). 36 librairies ont également bénéficié de prêts en 2018 pour un montant total de 940 000 euros.
La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a permis la mise en place d'un plan de soutien exceptionnel pour les entreprises du livre, doté de 36 millions d'euros (AE=CP). Il se décompose de la façon suivante :
- 25 millions d'euros à destination des librairies, afin de surmonter les difficultés financières liées à la crise sanitaire. Le Gouvernement entend ainsi leur permettre de poursuivre leur travail en faveur de la création éditoriale, de l'animation des territoires et de la promotion de la lecture ;
- 6 millions d'euros dédiés aux projets de modernisation des librairies, affectés par une fragilisation de leur capacité d'investissement, faute de trésorerie suffisante ;
- 5 millions d'euros fléchés vers les maisons d'édition dont le chiffre d'affaires est modeste, afin de leur permettre d'honorer leurs engagements, en particulier vis-à-vis des auteurs et contribuer ainsi au soutien à la diversité éditoriale.
Le projet de loi de finances ne prévoit pas de dispositif particulier en maintenant les crédits du CNL au niveau de celui prévu en loi de finances pour 2020 : 24,72 millions d'euros (AE=CP).
Le soutien à l'industrie du livre reste également au même niveau qu'en loi de finances pour 2020 : 17,5 millions d'euros de dépenses d'intervention dont 11,6 millions sont dédiés à la sous-action 04 « Edition, librairie et profession du livre ». Ces crédits visent à participer au financement de la Centrale de l'édition, du Syndicat de la librairie française ou du Bureau international de l'édition française (9,4 millions d'euros au total) et au développement, dans les territoires, des librairies et des maisons d'édition (2,2 millions d'euros).
b) Les crédits prévus au titre du Plan de relance
Le programme 363 - Compétitivité - de la mission Plan de relance prévoit 53 millions d'euros en AE et 29,5 millions d'euros en CP pour la filière livre.
Ces crédits devraient servir au soutien à la rénovation des bibliothèques publiques (30 millions d'euros en AE et 15 millions d'euros en CP) et au financement de programmes d'acquisition (10 millions d'euros en AE et 5 millions d'euros en CP), au financement des investissements des librairies (6 millions d'euros en AE et en CP) et à l'extension des opérations commerciales ponctuelles « Jeunes en librairie » (7 millions d'euros en AE et 3,5 millions d'euros en CP).
* 6 Analyse de l'impact de la crise du Covid-19 sur les secteurs culturels - Secteur du livre, Département des études, des prospectives et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture.