B. L'ADEME FAIT FACE À UNE DIMINUTION DE SES EFFECTIFS CONTRADICTOIRE AVEC L'EXTENSION DE SES MISSIONS
1. Une subvention en baisse, contrebalancée par un renforcement des budgets d'intervention grâce au plan de relance
La loi de finances initiale pour 2018 a opéré une rebudgétisation totale du financement de l'ADEME, auparavant financée par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), emportant la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181.
Une subvention de 551,6 millions d'euros en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2021 , soit une diminution de 37 millions d'euros par rapport à la dotation proposée en 2020, conformément aux orientations prévues en loi de programmation des finances publiques .
Toutefois, les mesures annoncées dans le cadre du plan de relance vont se traduire par une augmentation très significative des budgets incitatifs de l'ADEME en 2021 et 2022 : en 2021, 225 millions d'euros seraient ainsi confiés à l'ADEME sur le programme n° 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».
L'agence complète par ailleurs son financement par d'autres subventions contractualisées avec l'Union européenne, l'État ou les collectivités territoriales, et par des recettes propres (programmes CEE, formations, colloques, intéressement sur retours financiers du programme d'investissement d'avenir, cessions d'actifs, etc. ) à hauteur de 45,9 millions d'euros en 2021.
Ainsi, l'ADEME disposera en 2021 de 807 millions d'euros de recettes.
Évolution des recettes de l'ADEME entre 2020 et 2021
Source : réponse de l'ADEME au questionnaire du rapporteur spécial
Le budget en AE sur dotations de l'État (hors plan de relance) est fixé pour 2021 à 757 millions d'euros. Ce niveau d'engagement est compatible à la fois avec le niveau de financement de l'agence et le niveau des reste-à-payer issus des engagements antérieurs.
D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, la crise sanitaire et économique a conduit à l'abandon ou au report d'un certain nombre de projets. Les décaissements de l'ADEME ont donc été revus à la baisse en 2020, augmentant de fait sa trésorerie. Cet excédent de trésorerie serait ainsi mobilisé en 2021.
À ce budget incitatif s'ajoute le budget prévu dans le cadre du plan de relance, qui s'élève en 2021 à 823 millions d'euros d'AE pour l'ADEME .
L'ADEME et la mission « Plan de relance » Le plan de relance va mobiliser l'ADEME, vers des dispositifs existants qui nécessitent d'être renforcés ou bien pour mettre en oeuvre de nouveaux soutiens vers les entreprises et les territoires. 1,8 milliard d'euros seront affectés à l'agence entre 2020 et 2022. Les dépenses seront spécifiquement identifiées et financées par une subvention ciblée. Pour 2021, les AE affectées aux soutiens du plan de relance représenteront 823 millions d'euros. Elles se ventilent de la manière suivante : Dans le cadre du plan de relance, l'ADEME se voit confier dès 2020 un budget pour la mise en oeuvre d'un fonds décarbonation de l'industrie mais également pour le soutien des matières premières issues du recyclage. Le fonds décarbonation de l'industrie est mis en place et les premiers projets ont été contractualisés en octobre. Un budget d'AE est ouvert à hauteur de 100 millions d'euros. Par ailleurs, concernant les mesures liées à l'économie circulaire, 16 millions d'euros seront consacrés au soutien des régénérateurs de matières plastiques (appel à projets lancé en octobre). Source : réponse de l'ADEME au questionnaire du rapporteur spécial |
Si l'attribution croissante de missions supplémentaires à l'ADEME paraît compatible avec son niveau de trésorerie, elle l'est beaucoup moins avec la diminution de ses emplois.
2. Une extension des missions difficilement compatible avec la diminution du plafond d'emplois de l'Agence
Le principal enjeu pour l'ADEME réside dans la baisse d'effectifs , en dépit des efforts d'optimisation des processus déjà engagés : 11 % des effectifs seraient ainsi supprimés sur 5 ans .
Ainsi, le schéma d'emploi de l'ADEME se poursuit en 2021, tel que prévu par la loi de programmation des finances publiques, soit une réduction de 18 ETPT ; le plafond d'emplois pour 2020 s'établissait à 858 ETPT.
Toutefois, s'ajoute à ces emplois l'autorisation de recrutement de 27 ETPT, dans le cadre de la création de l'instance de supervision des filières à responsabilité élargie du producteur (REP), créée par l'article 76 de la loi relative à l'économie circulaire, financée par une redevance versée par les producteurs ou leurs éco-organismes.
Cette augmentation du plafond d'emplois à hauteur de 27 ETPT, ajoutée à un schéma d'emplois de -18 ETP porte les effectifs de l'Agence à 867 ETPT sous plafond .
Cette réduction d'effectifs tend à devenir problématique, d'autant plus dans un contexte d'extension des missions dans le cadre du plan de relance, et des moyens financiers considérablement augmentés par ailleurs (1,8 milliard d'euros au titre du plan de relance entre 2020 et 2022).
Par exemple, l'ADEME s'est vue confier la gestion du « plan hydrogène », qui nécessite des compétences particulières pour son pilotage.
Ainsi, pour faire face à l'extension de ses missions, l'ADEME envisage de recruter 93 ETP en intérim . Toutefois le coût unitaire d'un intérimaire est plus élevé qu'un CDD et la durée de leur mission est limitée à 18 mois. Or, le plan de relance s'étale sur deux ans : le rapporteur spécial craint donc une perte de compétence, alors même que les projets portés par l'ADEME dans le cadre du plan de relance ne seront pas achevés.
L'articulation des rôles entre l'ADEME et
l'Agence nationale
Annoncée par le Président de la République lors de la conférence nationale des territoires en 2017 et créée par la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019, l'Agence nationale de la cohésion des territoires, fusionnant le Commissariat général à l'égalité des territoires, l'Epareca et l'Agence du numérique, a été mise en place le 1 er janvier 2020. Ses missions, définies dans la loi, consistent à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets en faveur de plusieurs thématiques (l'accès aux services publics, l'accès aux soins, au logement, les mobilités, la revitalisation des centres villes), dont la transition écologique. Le préfet de département ou de région est le délégué territorial de l'Agence. Il mobilise les compétences nécessaires au sein des services de l'État, des opérateurs mobilisés (ANAH, ANRU, ADEME ou Cerema) et des acteurs volontaires pour participer au projet (agence d'urbanisme, etc .). L'ADEME est donc le partenaire de l'ANCT sur le volet transition écologique. Le décret n° 2019-1190 du 18 novembre 2019 relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires crée en outre un comité national de coordination , qui assure le suivi de l'exécution de conventions pluriannuelles conclues entre l'ANCT et l'ANRU, l'ANAH, l'Ademe et le Cerema, dans lesquelles ils définissent leurs participations respectives, notamment financières, aux actions menées dans les territoires. Durant la phase de montée en puissance de l'ANCT, l'ADEME n'a pas identifié de difficulté quant à l'articulation de ses missions avec celles de l'ANCT, qui a vocation à organiser les moyens financiers des opérateurs sur un territoire. Il convient toutefois de rester vigilant quant à l'articulation des compétences entre l'ANCT et les opérateurs, dont l'ADEME. Source : commission des finances du Sénat |
3. Une augmentation des crédits du fonds « chaleur »
Grâce au fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable, pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.
Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides (contrat de projets État-région par exemple) ; les installations biomasses de grande taille dans le secteur agricole et tertiaire, dans le cadre d'appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).
Les soutiens apportés par le fonds visent à atteindre les objectifs fixés tant par la loi que par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) d'avril 2020 : la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que 38 % de la consommation finale de chaleur devra être d'origine renouvelable en 2030 et entend multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur ; la PPE confirme cet engagement, avec un objectif d'augmentation de la consommation de chaleur renouvelable de 25 % en 2023 et entre 40 % et 60 % en 2028 par rapport à 2016.
Entre 2009 et 2019, 2,27 milliards d'euros ont été engagés pour soutenir près de 5 355 opérations d'investissements.
Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME
(en millions d'euros)
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
|
Fonds « chaleur » |
168 |
263 |
249 |
231 |
206 |
165 |
216 |
213 |
197 |
259 |
295 |
Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Le budget ouvert pour 2020 était initialement de 350 millions d'euros : la totalité devrait être engagée d'ici la fin de l'année . En effet, d'après les informations transmises au rapporteur spécial, la crise sanitaire n'a pas eu d'impact significatif sur le rythme d'engagement des projets, dès lors que la majorité avait été décidée avant la crise, et que le travail d'instruction et de formalisation administrative a pu se poursuivre pendant la période de confinement.
Toutefois, certains chantiers, correspondant à des projets financés en 2019 ou 2018, ont subi des retards qui pourront influer sur le rythme de consommation des CP.
Le rythme des projets, s'il progresse, n'est toutefois pas suffisant pour attendre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, notamment dans un contexte de concurrence du gaz dont le prix baisse depuis 2013. Afin d'éviter la remise en cause de certains projets en cours de montage, des aides au fonctionnement sont à l'étude pour le secteur industriel et en cours de notification auprès de la Commission européenne, et le plan de relance soutiendra également la dynamique (via le fonds de décarbonation de l'industrie notamment).
Le niveau des engagements du fonds chaleur sera stabilisé en 2021 à 350 millions d'euros, après une hausse de 50 millions d'euros par an entre 2017 et 2020. Toutefois, l'augmentation du budget du fonds accroît la tension sur les emplois . En effet, si le budget du fonds « chaleur » a augmenté de 100 millions d'euros en quelques années, ce sont toujours 60 ETP qui y sont alloués.
4. Un fonds « économie circulaire » abondé dans le cadre du plan de relance
Le fonds « économie circulaire » vise à accompagner la politique des pouvoirs publics et à contribuer à l'atteinte des objectifs fixés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en réduisant significativement la part des déchets enfouis, en développant la réincorporation des matières recyclées, le recyclage, et en accompagnant la mise en oeuvre par les collectivités d'une tarification incitative .
L'ensemble du budget prévu pour 2020 sera consommé (164 millions d'euros). Pour 2021, le niveau d'engagement du fonds sera abondé par les crédits du plan de relance et donc, presque doublé, pour atteindre près de 360 millions d'euros .
Le volet « économie circulaire » du plan de relance promeut des actions à destination des entreprises , notamment en matière de réduction des produits à usage unique, ou des acteurs du tri et du recyclage.