II. LE PROGRAMME 181 EST MARQUÉ EN 2021 PAR LA BUDGÉTISATION DES MOYENS ALLOUÉS AU FONDS DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS
La maquette du programme 181 fait l'objet de plusieurs évolutions en 2021.
D'abord, le programme 181 portera à compter de 2021 les crédits du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) sur la nouvelle action 14. Cette mesure de périmètre augmente les crédits du programme de 205 millions d'euros.
En outre, il est créé une action 13 « Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) » qui porte la subvention versée à l'opérateur. Cette subvention était jusqu'alors répartie entre les actions 01 et 10 du programme. À budget constant, les 29,8 millions d'euros programmés en AE et CP sur la nouvelle action 13 ne constituent donc pas une nouvelle dépense. Toutefois, ils intègrent une augmentation de la subvention versée à l'opérateur, de 2 millions d'euros , afin de couvrir le financement de la taxe sur les salaires dont l'INERIS est désormais redevable, après décision de l'administration fiscale prise à la fin de l'année 2019.
Évolution des crédits du programme 181
« Prévention des risques »
entre 2020 et
2021
(en euros)
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
À périmètre constant et hors titre 2, les crédits prévus pour le programme 181 « Prévention des risques » en 2021 sont en réalité en diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 (778,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 738,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit respectivement + 0,70 % et - 4,5 % par rapport à 2020 ).
A. RISQUES NATURELS ET TECHNOLOGIQUES : DES MOYENS BUDGÉTAIRES À LA HAUTEUR DES ENJEUX ?
1. Une stabilité des crédits alloués à la prévention des risques technologiques
En 2021, l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » voit ses crédits diminuer, en raison d'un transfert vers la nouvelle action 13 de la part de subvention versée à l'INERIS. À périmètre constant, les moyens alloués sont assez stables.
La finalité de cette action consiste à assurer la prévention des risques technologiques et des pollutions, à maîtriser les effets des processus industriels, des produits et des déchets sur l'environnement et la santé, et à mettre en oeuvre la feuille de route économie circulaire.
L'incendie des sites de Lubrizol et de Normandie Logistique le 26 septembre 2019 et l'explosion d'un entrepôt de stockage d'ammonitrates à Beyrouth le 4 août 2020 ont rappelé l'importance de la prévention des risques technologiques.
Cette politique de prévention s'opère par le biais des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Créés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, à la suite de la catastrophe AZF, ils prévoient des mesures visant à réduire les risques associés à la présence de sites industriels à hauts risques (classés Seveso seuil haut) pour les riverains.
Ces plans permettent d'agir sur l'urbanisation autour des installations présentant les plus grands risques (installations Seveso seuil haut) et de corriger des situations d'exposition au risque des populations, au besoin, par des mesures foncières d'expropriation ou de délaissement ou des, par des travaux sur les biens d'habitation. Des mesures supplémentaires de réduction du risque à la source sur les sites industriels à l'origine du risque, allant au-delà des exigences réglementaires, peuvent également être prescrites lorsque leur mise en oeuvre est moins coûteuse que les mesures foncières qu'elles permettent d'éviter.
En août 2020, 384 PPRT ont été approuvés sur les 390 PPRT prescrits. Six PPRT restent donc à approuver. D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, il s'agit des PPRT les plus complexes, présentant des enjeux techniques, économiques et sociaux importants qui nécessitent une longue concertation de l'ensemble des acteurs concernés.
Quinze ans après la catastrophe de l'usine AZF et l'adoption de la loi « risques » de 2003, la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans se poursuit. La direction générale de la prévention des risques (DGPR) indique que les besoins en CP vont augmenter du fait de l'accélération de la mise en oeuvre des mesures prescrites par les PPRT.
Bilan des PPRT Un bilan de l'avancement de la mise en oeuvre des 384 PPRT approuvés entre 2007 et 2020 peut être effectué : - sur les 103 logements et 70 activités faisant l'objet d'une expropriation (pour un montant de financement de l'État estimé à 125 millions d'euros), 36 logements (35 %) et 15 activités (21 %) ont été expropriés. 70 logements (soit 2 9% des 245 concernés) et 18 activités (soit 9 % des 195 activités) ont été délaissés ; - 12 mesures alternatives ont été prescrites ou sont à l'étude, pour un montant de financement de l'État estimé à ce stade à 4,5 millions d'euros ; - 24 mesures supplémentaires ont été réalisées ou sont à l'étude, pour un montant de financement de l'État estimé à 138,8 millions d'euros ; - 194 PPRT prescrivent des travaux de protection face aux risques technologiques à près de 15 900 logements. Au 30 août 2020, environ 2 200 logements (14 %) ont fait l'objet d'un diagnostic de travaux ; les travaux ont été réalisés pour 643 d'entre eux (4 % des logements soumis à travaux, représentant 30 % des logements diagnostiqués). Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial |
Ainsi, entre 2009 et 2019, 253 millions d'euros d'AE ont été engagées par l'État et 131 millions d'euros de CP ont été consommés pour la mise en oeuvre des mesures prescrites par les PPRT (mesures foncières, supplémentaires et alternatives) et l'accompagnement des riverains dans la réalisation de travaux sur l'habitat de protection face aux risques technologiques.
2. La prévention des risques naturels et hydrauliques : la mise en oeuvre des plans de prévention des risques naturels se poursuit
La prévention des risques naturels et hydrauliques, visant à assurer la protection des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles telles les inondations, les mouvements de terrains, séismes, ou submersions marines, est mise en oeuvre par les plans de prévention des risques naturels (PPRN), les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI), outils de contractualisation entre l'État et les collectivités permettant de promouvoir une gestion des risques d'inondation, ou encore le plan séisme Antilles .
Comme nous l'a rappelé l'actualité récente dans les Alpes-Maritimes, avec les inondations consécutives au passage de la tempête Alex, cette politique de prévention revêt un caractère crucial dans un contexte de dérèglement climatique.
Le PPRN, annexé au plan local d'urbanisme ou à la carte communale, a pour objet de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques et de réduire la vulnérabilité des populations et des biens, à travers des mesures d'interdiction ou d'adaptation des constructions nouvelles ou existantes .
Concrètement, un plan de prévention des risques délimite les zones concernées par le risque sur le territoire, sur la base d'un aléa de référence, par exemple pour les crues des rivières, la crue centennale, ou si elle est plus élevée, la plus haute crue connue, et définit une réglementation pour chaque zone.
L'objectif visé lors de la mise en place des PPRN conduisait à ce que 12 500 communes soient couvertes par un PPRN approuvé, couvrant les territoires à forts enjeux. Au 31 décembre 2019, 11 999 communes sont couvertes par un PPRN approuvé. 1 653 communes ont un PPRN prescrit.
D'après les informations communiquées au rapporteur, 77,5 % des communes couvertes par un PPRN approuvé le sont pour l'aléa inondation (65 %), ou pour l'aléa mouvement de terrain ou pour l'aléa retrait-gonflement des argiles (22,5 %).
Depuis 2014, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier », prend en charge les dépenses d'élaboration des PPRN et des actions d'information préventive sur les risques majeurs (22 millions d'euros en 2020) .
3. La budgétisation du fonds « Barnier » : une mesure qui répond aux demandes du Parlement
Le projet de loi de finances pour 2021 propose d'intégrer le budget du Fonds de prévention des risques naturels majeurs au programme 181 « Prévention des risques ».
Le FPRNM est actuellement financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles représentant elle-même une « sur-prime » de 12 % ou 6 % selon qu'il s'agit d'un contrat habitation ou automobile. Tous les particuliers disposant d'une assurance multi-risques habitation ou automobile participent donc au financement du fonds Barnier, à raison de 1,44 % ou de 0,72 %, de la cotisation d'assurance.
Or, si le montant annuel prélevé via les compagnies d'assurance est de l'ordre de 210 millions d'euros en augmentation tendancielle, seuls 137 millions d'euros sont reversés au fonds, soit 65 % des recettes (131,5 millions d'euros après prélèvement pour frais de gestion), l'écart étant reversé au budget général, dévoyant le financement de la prévention des risques naturels par les assurés au profit du budget de l'État.
Le plafonnement des recettes du fonds réalisé par l'article 44 de la loi de finances pour 2018 ne posait jusqu'alors pas de souci majeur, car la situation budgétaire du fonds était favorable . Toutefois, d epuis 2016, les dépenses sont supérieures aux recettes plafonnées depuis 2018 et cette tendance devrait s'accentuer au cours des prochaines années.
Dépenses du FPRNM par catégories de
mesures
pour la période 2015-2019
(en millions d'euros)
Source : rapport annexé au présent projet de loi de finances sur la gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs
Au regard des dépenses de 2019, qui s'élèvent à 202,5 millions d'euros, et des prévisions pour l'année 2020, de l'ordre de 224 millions d'euros, la question de la soutenabilité du fonds se fait jour.
Ainsi, la trésorerie du fonds, qui s'élevait à la fin de l'année 2018 à 230 millions d'euros, diminuerait de moitié en 2020 (88 millions d'euros).
Le plafonnement des recettes du fonds ne lui permet donc plus d'assurer l'exercice de ses missions ni de faire face à un niveau de dépenses croissant.
Intervention du fonds « Barnier » à la suite de la tempête Alex Le Fonds « Barnier » est mobilisé dans le cadre des mesures qui ont été fixées par la loi. En premier, lieu, il interviendra sur les mesures de délocalisation. Elles permettent de racheter les biens sinistrés ou les biens exposés présentant un risque grave à la vie humaine sans prise en compte du risque. Ce mécanisme, mis en place en articulation avec les assurances, participe de la solidarité nationale : mais il ne s'agit pas d'un mécanisme d'indemnisation mais de prévention. Il permet de rendre inconstructibles les parcelles les plus exposées. Le fonds « Barnier » sera aussi mobilisé pour améliorer les connaissances de l'aléa en intégrant le phénomène exceptionnel que nous avons connu le 2 octobre, ou pour accompagner les collectivités locales dans les Programmes d'action de prévention des inondations (PAPI) qu'elles portent sur ce territoire. Il est souhaité, après les crues des Alpes maritimes, qu'une expérimentation du « Build Back better » soit engagée pour définir les leviers pour reconstruire de façon plus résiliente, et accroitre le soutien à la réduction de la vulnérabilité à l'inondation en modifiant le plafond de cette mesure pour le porter à 45 000 euros. Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial |
L'article 25 du projet de loi de finances affecte au budget général de l'État l'intégralité de la taxe qui alimentait jusqu'à présent le fonds de façon extra-budgétaire (et jusqu'à un plafond fixé à 137 millions d'euros).
Par ailleurs, la nouvelle action 14 du programme 181 « Prévention des risques » portera, à compter de 2021, les crédits budgétaires alloués au fonds « Barnier ». Le présent projet de loi de finances propose d'allouer 205 millions d'euros en AE et en CP au fonds, soit un montant conforme aux prévisions de dépenses pour 2021. L'augmentation des moyens alloués au fonds « Barnier » va dans le sens des préconisations du Sénat, qui a adopté le 15 janvier 2020 la proposition de loi n° 46 visant à réformer le régime des catastrophes naturelles.
Le rapporteur spécial soutient la budgétisation du fonds « Barnier », qui permettra au Parlement de se prononcer sur les moyens budgétaires qui lui sont alloués et non plus seulement sur le niveau de recettes qui lui est affecté .
Cette réforme permet également de conforter le budget alloué à cette politique, sans limitation éventuelle du niveau des dépenses du fonds par le rendement de la taxe, en particulier en cas de besoin supplémentaire urgent lié à une catastrophe naturelle, et d'opérer une gestion plus fine des besoins en cours d'année grâce à des mesures de régulation budgétaire qui n'étaient jusqu'à présent pas possibles.
Prévision de dépenses du fonds
« Barnier » par catégorie de mesures
pour la
période 2020-2021
(en millions d'euros)
Source : rapport sur la gestion du FPRNM annexé au projet de loi de finances pour 2021