EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 79
(Art L. 241-10 du code de la sécurité sociale)
Recentrage des dispositifs d'exonération spécifique en
faveur des aides
à domicile intervenant auprès de publics
fragiles
. Commentaire : le présent article prévoit de supprimer le critère d'âge dans les conditions permettant de bénéficier des dispositifs d'exonération de cotisations sociales patronales en faveur des aides à domicile.
I. LE DROIT EXISTANT
L'emploi d'aide à domicile intervenant auprès de personnes fragiles en raison de leur dépendance ou de leur handicap ouvre droit à des dispositifs d'exonérations de cotisations sociales patronales prévues par l'article L. 240-10 du code de la sécurité sociale .
A. LES PUBLICS CONCERNÉS
Les publics concernés par le dispositif sont :
- les personnes ayant atteint un âge fixé à 70 ans par l'article D. 2415 du code de la sécurité sociale ;
- les parents d'un enfant handicapé ouvrant droit au complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;
- les personnes titulaires de la prestation de compensation du handicap (PCH) ;
- les personnes percevant une majoration pour recours à tierce personne au titre de l'invalidité ;
- les personnes percevant une prestation complémentaire pour recours à tierce personne servie au titre de la législation des accidents du travail ;
- les personnes âgées bénéficiant de la prestation spécifique dépendance (PSD), versée aux personnes dépendantes ;
- les personnes remplissant la condition de perte d'autonomie requise pour prétendre à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) indépendamment de l'âge et des ressources (GIR 1 à 4).
B. LES MODALITÉS D'EXONÉRATION
Pour ce qui concerne les modalités d'exonérations, le dispositif distingue trois situations :
- lorsque l'aide à domicile est directement employée par le particulier fragile (cas prévu au I de l'article L. 245-10 précité), l'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale est totale, à l'exclusion des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), sans plafond de rémunération ;
- il en va de même lorsque l'aide à domicile est directement employée par le particulier fragile avec délégation de la gestion de la rémunération à un mandataire ayant passé un contrat conforme aux articles L. 442-1 et L. 444-3 du code de l'action sociale et des familles (cas prévu au II de l'article L. 245-10 du code de la sécurité sociale) ;
- lorsque l'aide à domicile est employée par un prestataire (cas prévu au III de l'article 245-10 précité 27 ( * ) ), le champ des cotisations patronales exonérées est aligné sur celui des allègements généraux de cotisations sociales 28 ( * ) , avec toutefois une exonération plus favorable, totale pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,2 Smic puis dégressive jusqu'à 1,6 Smic.
Ces exonérations représentent en 2019 un coût total de 1,8 milliard d'euros, supporté depuis l'exercice 2017 par les crédits de la mission « Travail et emploi » (action n° 3 « développement de l'emploi » du programme n° 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le dispositif proposé vise à supprimer le critère de l'âge, en l'espèce 70 ans, des conditions permettant de bénéficier des dispositifs d'exonération de cotisations sociales en faveur des employeurs d'aides à domicile.
Cette décision, suggérée par plusieurs rapports administratifs 29 ( * ) , se fondait sur l'idée que le critère d'âge n'était pas à lui seul un élément probant du caractère « dépendant » du bénéficiaire du dispositif.
Ainsi, les I, II et III de l'article proposé suppriment respectivement le critère d'âge aux I, II et III de l'article 245-10 du code de la sécurité sociale.
Ce dispositif devait permettre de générer 323 millions d'euros d'économies en AE et en CP sur les crédits de la mission « Travail et emploi » . L'économie pour les finances publiques toutes administrations publiques confondues serait moindre, du fait du report des situations sorties du dispositif sur les allègements généraux de sécurité sociale. Elle est évaluée à 203 millions d'euros.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Conformément à l'annonce faite par le
Premier ministre en septembre 2019, avant le dépôt du projet
de loi de finances, l'article 79 a été supprimé
,
avec l'adoption en première lecture à l'Assemblée
nationale des amendements identiques n° II-1991 (déposé
par le Gouvernement),
n° II-876, n° II-1241,
n° II-770, n° II-1259, n° II-1323 et
n° II-1530.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Vos rapporteurs spéciaux approuvent le retrait de cette mesure , qui pénaliserait un grand nombre de personnes âgées et semble heurter l'objectif de prévention de la perte d'autonomie.
Ils relèvent que la majeure partie de la compensation financière de cette décision, opérée par l'amendement n° II-2048 déposé par le Gouvernement et adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, porte sur les crédits de la mission « Travail et emploi ». Sur les 203 millions d'euros d'économies à compenser, 120 millions d'euros ont été gagés sur les crédits du programme n° 103 et plus spécifiquement sur le Plan d'investissement dans les compétences (PIC).
Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose de confirmer la suppression de cet article.
ARTICLE 80
(Art L. 131-6-4 et L. 613-7 du code de la
sécurité sociale)
Recentrage de l'aide aux
créateurs et repreneurs d'entreprises
sur son public cible
. Commentaire : le présent article prévoit de recentrer le bénéfice de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) sur le public qu'elle ciblait avant sa généralisation au 1 er janvier 2019, à savoir les publics fragiles et en particulier les demandeurs d'emploi. Il crée les conditions d'un alignement du régime des micro-entreprises sur celui des autres travailleurs indépendants au titre de ce dispositif, qu'il étend par ailleurs aux conjoints collaborateurs des travailleurs indépendants.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE DISPOSITIF ACCRE A ÉTÉ ÉTENDU À TOUS LES CRÉATEURS OU REPRENEURS D'ACTIVITÉS AU 1 ER JANVIER 2019
Le dispositif d'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'une entreprise (ACCRE) a été créé en 1979. Il permettait aux demandeurs d'emploi indemnisés créant ou reprenant une entreprise de bénéficier lors de leur première année d'activité d'une exonération de cotisations sociales pour la fraction de revenus inférieure au ¾ du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), puis d'une exonération dégressive jusqu'à 100 % du PASS.
Celui-ci a par la suite été étendu à plusieurs catégories ciblées , listées par l'article L. 5141-1 du code du travail, tels que les demandeurs d'emploi indemnisés, les bénéficiaires du RSA ou de l'ASS, les personnes âgées de 18 à 26 ans, les personnes handicapées de moins de 30 ans ou encore les créateurs ou repreneurs d'entreprises implantées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).
Il est à noter que son financement est assuré par la mission « Travail et emploi » depuis l'exercice 2017 . Plus spécifiquement, le coût de cette exonération est compensé à la Sécurité sociale par les crédits de la sous-action n° 03-02 « promotion de l'activité » de l'action n° 03 « développement de l'emploi » du programme n° 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».
L'article 13 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, a toutefois transformé la philosophie du dispositif, devenu l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise (ACRE), en lui substituant un mécanisme général d'exonérations de cotisations sociales de début d'activités pour les créateurs et repreneurs d'entreprises à compter du 1 er janvier 2019, désormais prévu à l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale et non plus à l'article L. 161-1-1 du même code. Cette évolution correspondait à un engagement pris pendant la campagne présidentielle d'une « année blanche » de cotisations pour les créateurs d'entreprises. Les cotisations concernées sont celles dues aux régimes d'assurance maladie, maternité, veuvage, vieillesse, invalidité, décès et d'allocations familiales. Les paramètres de l'exonération sont précisés par l'article D. 131-6-1 du code de la sécurité sociale.
Une annexe au PLFSS pour 2019 évaluait son coût à 270 millions d'euros, ciblant près de 500 000 personnes.
Sous réserve d'exceptions mentionnées au III du même article, le bénéfice de l'ACRE ne peut être cumulé avec aucun dispositif de réduction ou d'abattement applicable à ces cotisations. Le IV prévoit enfin qu'une personne ne peut bénéficier de l'exonération pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle elle a cessé d'en bénéficier au titre d'une activité antérieure.
B. LES MICRO-ENTREPRENEURS BÉNÉFICIENT À CET ÉGARD D'UN TRAITEMENT PLUS FAVORABLE QUE LES AUTRES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
Les micro-entreprises, soit les entreprises relavant des articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts, bénéficient au titre de l'ACRE d'un régime dérogatoire dont ne bénéficient pas les autres travailleurs indépendants entrant dans le champ de l'article L. 611-1 du code de la sécurité sociale.
Premièrement, eu égard aux modalités spécifiques de l'assujettissement des micro-entreprises relevant du régime micro-social aux cotisations sociales prévues par l'article L. 613-7 du code de la sécurité sociale, soit l'application d'un taux global de cotisation fixé par décret à leur chiffre d'affaires, il est prévu que l'exonération dont elles bénéficient au titre de l'ACRE lors de la première année soit de 75 % de ce taux global 30 ( * ) .
Or, si à l'origine ce traitement plaçait de fait les micro-entreprises au même niveau d'exonération que les autres travailleurs indépendants, ce n'est plus le cas aujourd'hui. La réduction progressive des cotisations sociales des travailleurs indépendants d'une part, et la hausse de la part que représente la CSG dans le taux global de prélèvement pour les micro-entrepreneurs d'autre part, conduit ces derniers à se retrouver dans une situation plus favorable que les autres travailleurs indépendants du point de vue de l'ACRE.
Le taux de l'exonération applicable aux micro-entreprises revient ainsi de fait à faire porter une partie de l'exonération au titre de l'ACCRE sur des montants dus au titre de la CSG-CRDS et des régimes de retraite complémentaires, normalement exclus du champ de ce dispositif . En effet, le premier alinéa du I de l'article 613-7 du code de la sécurité sociale prévoit que le taux d'exonération dont les micro-entreprises peuvent bénéficier ne peut excéder la somme des taux de la CSG et de la CRDS, sans inclure celui des cotisations de retraite complémentaire.
Deuxièmement, il est prévu au II de l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale qu'un décret peut prolonger l'exonération au titre de l'ACRE en faveur des micro-entreprises. Ainsi les décrets D. 131-6-2 (micro-entreprises relevant du régime micro-social) et D. 131-6-3 (micro-entreprises ne relevant pas du régime micro-social) du code de la sécurité sociale prévoient-ils une prolongation sur deux ans de l'exonération : pour les micro-entreprises relevant du régime une exonération de 50 % du taux global de chiffre d'affaires l'année N+1 et une exonération 25 % du taux global de chiffre d'affaires l'année N+2.
Les régimes d'exonération des
travailleurs indépendants et micro-entreprises
au titre de
l'ACRE
Niveau d'exonération |
Année N |
Année N+1 |
Année N+2 |
Travailleurs indépendants |
Exonération à 100 % de toutes les cotisations sociales jusqu'à ¾ du PASS puis exonération dégressive jusqu'au PASS (sauf cotisations de retraite supplémentaire et CSG-CRDS) |
- |
- |
Micro-entreprises (non micro-social) |
Exonération à 100 % de toutes les cotisations sociales jusqu'à ¾ du PASS puis exonération dégressive jusqu'au PASS (sauf cotisations de retraite supplémentaire et CSG-CRDS) |
Prolongation de 2/3 des montants exonérés |
Prolongation de 1/3 des montants exonérés |
Micro-entreprise (micro-social) |
75% du taux global applicable au CA |
50% du taux global applicable au CA |
25% du taux global applicable au CA |
Source : Évaluation préalable de l'article 80 du projet de loi de finances pour 2020
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le dispositif proposé vise principalement à enrayer deux phénomènes :
- une prolifération des micro-entreprises (45 % des créations d'entreprises en 2018), laissant craindre une dissimulation sous ce statut d'activités relevant en réalité du salariat ;
- une augmentation imprévue du coût du dispositif : celui-ci pourrait passer de 446 millions d'euros en 2018 à 612 millions d'euros en 2019, 793,25 millions d'euros en 2020 et jusqu'à 1,4 milliards d'euros en 2022.
Le IV du présent article prévoit une entrée en vigueur du dispositif proposé au 1 er janvier 2020 .
L'ensemble des mesures législatives et réglementaires envisagées, devraient générer une économie de 200 millions d'euros par rapport au tendanciel en 2020.
A. POUR LES MICRO-ENTREPRENEURS, LE BÉNÉFICE DE L'ACCRE SERA RECENTRÉ SUR LES PUBLICS CIBLES
Le 1° du I de l'article proposé prévoit de modifier le I de l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale afin que les micro-entrepreneurs ne puissent bénéficier de l'ACRE que s'ils appartiennent par ailleurs à l'une des catégories mentionnées à l'article L. 5141-1 du code du travail précité, soit les publics cibles auxquels le dispositif était initialement réservé (demandeurs d'emploi indemnisés, boursiers du RSA etc .), soit près de 250 000 personnes.
Le b) du 2° du I du présent article prévoit par ailleurs que les micro-entrepreneurs éligibles à l'ACRE devront formuler leur demande d'exonération auprès de l'union du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales (URSSAF).
L'aide reste généralisée pour les autres créations et reprises d'entreprises, y compris sous un statut de travailleur indépendant , à l'exception des médecins (article L. 642-4-2 du code de la sécurité sociale).
B. LE TRAITEMENT DES MICRO-ENTREPRENEURS AU TITRE DE L'ACRE SERA ALIGNÉ SUR CELUI DES AUTRES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
1. L'exonération dont bénéficieront les micro-entrepreneurs au titre de l'ACRE ne pourra pas être étendue aux années suivantes
Le a) du 2° du I du présent article prévoit de supprimer la possibilité ouverte au pouvoir réglementaire de prolonger l'exonération dont bénéficient les micro-entreprises, dont l'ACRE ne portera donc désormais que sur la première année.
2. Le niveau de l'exonération dont bénéficient les micro-entrepreneurs au titre de l'ACRE sera aligné sur celui des autres travailleurs indépendants
Le 1° du II de l'article proposé prévoit de modifier le premier alinéa du I de l'article 613-7 du code de la sécurité sociale de telle sorte que le taux d'exonération dont bénéficient les micro-entrepreneurs ne puisse excéder la somme des taux de la CSG, de la CRDS et des cotisations dues de retraites complémentaires .
Le 2° du II de l'article proposé prévoit une modification rédactionnelle du même article.
C. LE BÉNÉFICE DE L'ACRE EST ÉTENDU AUX CONJOINTS COLLABORATEURS DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
Enfin, le c) du 2° du I de l'article proposé prévoit de modifier l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale de façon à étendre le bénéfice de l'ACRE aux conjoints collaborateurs des travailleurs indépendants non micro-entrepreneurs.
Le statut de conjoint collaborateur a été créé par la loi n° 2005-882 du 5 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. Il est applicable au conjoint d'un chef d'entreprise collaborant à l'activité de sa société sans en être ni associé ni salarié.
Le revenu pris en compte pour déterminer le montant de l'exonération accordée correspond à la fraction du revenu du chef d'entreprise attribuée au conjoint collaborateur. Cette fraction est alors déduite du revenu permettant de déterminer le montant d'exonération applicable aux cotisations du chef d'entreprise. Il est affilié au régime social du chef d'entreprise en qualité d'ayant droit.
Ne sont pas concernés les conjoints collaborateurs des avocats ayant opté pour un régime particulier d'assujettissement aux cotisations sociales prévues par le 3° de l'article L. 662-1 du code de la sécurité sociale, dont les modalités sont déjà similaires à celles du dispositif proposé.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel déposé par la rapporteure spéciale Marie-Christine Verdier-Jouclas, modifiant le 2° du III du présent article.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN RECENTRAGE NÉCESSAIRE, UN ALIGNEMENT CONTESTABLE
Vos rapporteurs spéciaux considèrent comme nécessaire le recentrage de l'ACRE sur le public initialement ciblé . L'explosion du coût du dispositif actuel témoigne du fait que sa généralisation était manifestement une erreur, ayant ouvert la porte à tous les abus.
Ils ne peuvent cependant que regretter que, si ce dispositif était adopté, un demandeur d'emploi ou une autre personne éligible désirant créer ou reprendre une micro-entreprise bénéficierait d'une ACRE moins avantageuse qu'auparavant, car limitée à l'année de lancement de l'activité.
B. DES COMPLÉMENTS RÉGLEMENTAIRES ANNONCÉS PAR LE GOUVERNEMENT QUI REMETTENT EN CAUSE DES DROITS ACQUIS
L'évaluation préalable de l'article proposé annonce, dans le cadre de l'objectif d'alignement du régime des micro-entreprises sur celui des autres travailleurs indépendants au titre de l'ACRE, la prise d'un décret abaissant à 50 % le taux d'exonération dont bénéficieront les micro-entreprises relevant du régime micro-social. Conformément aux objectifs du dispositif proposé, ce niveau d'exonération devrait permettre de ne plus faire porter une partie de l'exonération au titre de l'ACRE sur une partie des montants dus au titre de la CSG-CRDS et des régimes de retraite complémentaires.
Le même décret devrait prévoir un abaissement du taux de l'exonération au titre de l'ACRE pour les années 2020 et 2021 dont auraient dû bénéficier les micro-entrepreneurs relevant du régime micro-social entrés dans le dispositif en 2019 . L'exonération serait ainsi ramenée à 25 % du taux global applicable au chiffre d'affaires en 2020 (et non plus 50 %), et à 10 % en 2021 (et non plus 25 %)
Ces deux décrets étaient initialement prévus pour l'automne 2019, soit avant même le vote du Parlement sur l'article proposé. Le Gouvernement, après avoir reçu la fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) le 28 octobre 2019, a annoncé leur report au 1 er janvier 2020. Le coût de ce report a été chiffré à 50 millions d'euros, intégré au budget de la mission « Travail et emploi » par l'amendement n° II-2048 déposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale le 6 novembre 2019.
Vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent d'une telle décision, qui a pour effet de remettre en cause les effets pouvant légitimement être attendus de situations légalement acquises par les micro-entrepreneurs concernés. Ils considèrent en outre qu'un tel décret, qui porte atteinte au principe de sécurité juridique, serait juridiquement fragile.
En effet, la Cour européenne des droits de l'Homme considère que l'article 1 er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952 relatif au droit de propriété doit être interprété en ce sens que doit être regardée comme un bien au sens de cet article une créance, même si celle-ci n'est ni constatée ni liquidée par une décision judiciaire, dès lors que celui qui la détient possède une « espérance légitime » de la voir se concrétiser 31 ( * ) . Ce raisonnement s'applique notamment aux créances d'impôts que le contribuable détient sur l'État 32 ( * ) , mais peut de fait concerner tout dispositif fiscal qui lui serait favorable.
Le Conseil d'État a déjà fait une application positive de cette notion dans une situation proche de celle dont il est ici question pour écarter au motif de sa contrariété avec le droit européen des droits de l'Homme une disposition législative remettant en cause le bénéfice d'un crédit d'impôt sur les sociétés devant initialement s'appliquer pour une durée de trois ans à des entreprises qui avaient réuni les conditions pour s'en prévaloir (en l'espèce l'atteinte d'objectifs en matière de création d'emploi) avant la suppression du dispositif 33 ( * ) .
Vos rapporteurs spéciaux attirent donc l'attention du Gouvernement sur les conséquences d'une telle mesure, dont la dimension rétroactive porterait une réelle atteinte à la confiance que les entrepreneurs de notre pays peuvent porter en lui et dont la légalité n'est pas assurée .
Ils vous proposent par ailleurs d'adopter un amendement tendant à maintenir la possibilité ouverte au décret d'étendre le bénéfice de l'exonération sur plusieurs années pour les micro-entrepreneurs, qui n'appartiendront désormais qu'aux publics cibles relevant de la politique de l'emploi.
Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 81 (nouveau)
(Art. L. 6331-48, L. 6331-50 et
L. 6331-51 du code du travail)
Fin du double assujettissement au
titre de cotisation formation professionnelle des chefs d'entreprises
artisanales affiliés au régime général de la
sécurité sociale
. Commentaire : le présent article prévoit la correction d'une anomalie juridique entraînant, pour les chefs d'entreprise artisanale affiliés au régime général de la sécurité sociale, une double obligation de versement de la cotisation formation professionnelle aux URSSAF et aux OPCO.
I. LE DROIT EXISTANT
Les chefs d'entreprise artisanale qui, en raison de la forme sociale de leur entreprise sont rattachés au régime général de la sécurité sociale par la loi (article L. 311-3 de la sécurité sociale) sont, en l'état du droit, doublement assujettis à la cotisation formation professionnelle :
- une fois auprès de l'opérateur de compétences (OPCO) de rattachement de l'entreprise pour l'ensemble des salariés de l'entreprise, y compris le chef d'entreprise en sa qualité de salarié, comme le prévoit la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ;
- une autre fois auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) en tant qu'entreprise artisanale immatriculée au répertoire des métiers, comme le prévoient le premier alinéa de l'article L. 6331-48 du code du travail, ainsi que le quatrième alinéa de l'article L. 6331-50 et le deuxième alinéa de l'article L. 331-51 du même code.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Suite aux contestations émises par cette catégorie professionnelle, le Gouvernement a entendu corriger cette anomalie juridique, via le dépôt d'un article additionnel par l'amendement n°II-2190, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture avec l'avis favorable de la rapporteure spéciale.
Le I de l'article proposé prévoit la suppression de versement de ladite contribution aux URSSAF, en modifiant le premier alinéa de l'article L. 6331-48 du code du travail, et en supprimant le quatrième alinéa de l'article L. 6331-50 et le deuxième alinéa de l'article L. 331-51 du même code.
Le II de l'article proposé prévoit une entrée en vigueur de ces dispositions au 1 er janvier 2020.
Les chefs d'entreprise concernés ne verseront donc leur cotisation qu'aux OPCO, auprès desquels ils pourront faire valoir leurs droits à formation.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Vos rapporteurs spéciaux prennent acte de cette correction technique.
Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 82
(nouveau)
Demande de rapport au
Parlement évaluant le financement des contrats d'apprentissage dans le
secteur public local et le coût de leur prise en charge par le
CNFPT
Commentaire : le présent article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement avant le 1 er septembre 2020 un rapport évaluant le financement des contrats d'apprentissage dans le secteur public local et le coût de leur prise en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les collectivités territoriales.
I. LE DROIT EXISTANT
Tirant les conséquences de la réforme de la perte de la compétence des régions en matière de financement de l'apprentissage en vertu de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'article 62 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) verse aux centres de formation d'apprentis une contribution fixée à 50 % des frais de formation des apprentis employés par les collectivités territoriales .
Le reste à charge doit être financé par les collectivités territoriales.
Cette disposition s'applique aux contrats d'apprentissage conclus à partir du 1 er janvier 2020.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
S'inquiétant des conséquences d'une telle réforme sur les finances du CNFPT et des collectivités territoriales, le député Gérard Cherpion a déposé l'amendement n° II-1410 adopté par l'Assemblée nationale en première lecture avec l'avis favorable de la rapporteure spéciale et du Gouvernement, demandant la remise par le Gouvernement avant le 1 er septembre 2020 d'un rapport au Parlement évaluant le financement des contrats d'apprentissage dans le secteur public local et le coût de leur prise en charge par le CNFPT et les collectivités territoriales.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Vos rapporteurs spéciaux partagent cette inquiétude sur l'impact financier de cette réforme sur les finances du CNFPT, dont la mission première doit rester la formation des agents territoriaux. Si l'article proposé reste affecté d'un risque juridique en ce qu'il pourrait ne pas relever du domaine de la loi de finances, ils considèrent qu'un rapport sur cette question est nécessaire.
Ils rappellent que l'article 22 bis B du projet de loi de transformation de la fonction publique transmis au Sénat en première lecture prévoyait une contribution du CNFPT à hauteur de 75 % des frais de formation. Le texte adopté par le Sénat, conscient de ces risques, a limité cette contribution à 30 %. C'est finalement le texte de compromis issu de la commission mixte paritaire qui a fixé le niveau de cette contribution à 50 %.
Décision de votre commission des finances : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 27 Ces prestataires peuvent être des associations à but non lucratif ou des entreprises déclarées dans les conditions fixées à l'article L. 7232-1-1 du code de l'action sociale et des familles pour l'exercice des activités concernant la garde d'enfant ou l'assistance de personnes âgées ou handicapées, des centres communaux ou intercommunaux d'actions sociales (CCAS et CIAS) et des organismes habilité au titre de l'aide sociale ayant passé une convention avec un organisme de sécurité sociale.
* 28 Soit l'ensemble des cotisations sociales y compris la part mutualisée de la cotisation TA-MP ainsi que les cotisations dues au titre des régimes de retraite complémentaire, de l'assurance chômage, du fonds national d'aide au logement (FNAL) et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA).
* 29 Conseil des prélèvements obligatoires, Entreprises et « niches » fiscales et sociales : des dispositifs dérogatoires nombreux, octobre 2010 ; Cour des comptes, Le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie, juillet 2014.
* 30 Article D.131-6-1 d code de la sécurité sociale.
* 31 Cour européenne des droits de l'Homme, 20 novembre 1990, requête n° 17849/91, Pressos Compania Naviera SA c/ Belgique.
* 32 Cour européenne des droits de l'Homme, 3 juillet 2003, requête n° 28746/97, Buffalo Srl en liquidation c/ Italie.
* 33 Conseil d'État, 9 mai 2012, requête n° 308996, Société EPI.