E. LA TRANSFORMATION DU PSR AU PROFIT DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE GUYANE EN DOTATION BUDGÉTAIRE : UN RISQUE DE NON-RESPECT PAR L'ÉTAT DE SON ENGAGEMENT
L'article 141 de la loi du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer 38 ( * ) prévoit un prélèvement sur recettes (PSR) au profit de la collectivité territoriale de Guyane (CTG). Ce dernier avait vocation à compenser les pertes de recettes de la collectivité résultant de la suppression de la part d'octroi de mer de la collectivité au profit des communes.
La CTG était en effet bénéficiaire, jusqu'en 2016, de la dotation globale garantie correspondant aux ressources de l'octroi de mer. À compter de l'exercice 2017 et de façon progressive, le produit de l'octroi de mer a été transféré aux communes guyanaises, comme dans les autres territoires ultramarins. Cette perte de ressource pour la collectivité territoriale de Guyane a fait l'objet d'une compensation, pour les exercices 2017, 2018 et 2019, à proportion des transferts effectués aux communes, sous la forme d'un PSR. Le montant de ce PSR s'élève ainsi, en 2019, à 27 millions d'euros.
Cette disposition résultait d'un engagement gouvernemental , puisque dans le cadre de la convention du 28 octobre 2017, l'État avait pris l'engagement « d'inscrire dans la durée des ressources nécessaires à la compensation des pertes liées au transfert de l'octroi de mer des communes prévue par la loi EROM, au-delà de l'année 2019 » 39 ( * ) .
Le présent projet de loi de finances prévoit toutefois, au V de son article 21, la transformation de ce prélèvement sur recettes par une « dotation [budgétaire] dont le montant ne [peut] excéder 27 millions d'euros ». Dans son exposé des motifs, le Gouvernement indique ainsi qu'il entend mettre en oeuvre une recommandation de la Cour des comptes 40 ( * ) visant à prolonger le versement de cette compensation à hauteur du montant versé en contrepartie de la mise en oeuvre d'une amélioration de la situation financière de la collectivité. Un prélèvement sur recettes ne pouvant pas être conditionné à des critères de gestion, le Gouvernement a estimé que seule une dotation budgétaire permettrait d'atteindre le but visé de manière efficace.
Votre rapporteur spécial Georges Patient juge cette évolution particulièrement préoccupante puisque ce PSR résultait d'un engagement du Gouvernement à maintenir une compensation égale à 27 millions d'euros en 2019 et au-delà. Le remplacement du PSR par une mesure plus « pilotable » témoigne à l'inverse de la volonté du Gouvernement de moduler ce montant, contrairement à son engagement.
Il convient en outre de rappeler que l'État s'était également engagé, en contrepartie des mesures visant à améliorer la situation financière de la CTG, au versement d'une tranche conditionnelle pouvant atteindre 30 millions d'euros en 2018, qui n'a pas été versée et qui constitue un levier modulable d'incitation suffisant. Dans ce sens, la Cour des comptes a indiqué qu'il importait « que l'État s'implique dans la finalisation et la validation [du] plan de performance pour en garantir l'opérationnalité et y inscrire des engagements chiffrés et crédibles. La perspective d'une contribution financière conditionnée de l'État pourrait constituer un levier d'action pertinent. » 41 ( * )
Ainsi, votre rapporteur spécial estime que le PSR actuellement prévu par le droit en vigueur devrait être maintenu, la tranche conditionnelle de 30 millions d'euros pouvant, de son côté, servir d'outil d'incitation par l'État.
* 38 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique
* 39 Convention du 28 octobre 2017 entre la collectivité territoriale de Guyane et l'État.
* 40 Cour des comptes, 19 juin 2019, La mise en oeuvre des clauses financières des clauses du plan d'urgence Guyane.
* 41 Ibid.