AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi semble, de prime abord, constituer un texte essentiellement technique qui procède à des ajustements juridiques et des ratifications ex post comme l'illustre son intitulé faisant référence à une ratification d'ordonnance 1 ( * ) relative aux voies olympiques et paralympiques réservées. Toutefois, la lecture de l'article 3 relatif à la création de l'Agence nationale du sport vient rapidement contredire cette première impression puisqu'il engage une véritable transformation de notre modèle sportif.
Cette transformation est revendiquée par le Gouvernement qui estime dans son étude d'impact que « la perspective de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques en France en 2024 constitue une opportunité exceptionnelle pour faire évoluer le modèle sportif français » . Plus essentiel encore sans doute, le Gouvernement estime que ce changement de paradigme constitue un élément indispensable à la réussite sportive des athlètes de haut niveau : « tous les pays qui ont confié la mission d'améliorer les performances de leurs athlètes à une organisation autonome (Royaume-Uni, Norvège, Canada) ont vu leur performance aux jeux Olympiques et Paralympiques augmenter significativement (doublement du nombre de médailles pour les Britanniques par exemple). A l'inverse, toutes les nations conservant un système organiquement étatique reculent dans les classements » .
Si le changement de modèle est assumé, la méthode retenue - la création d'un GIP à travers la signature d'une convention approuvée par arrêté en date du 20 avril 2019 - n'a pas permis de conduire un large débat sur le projet mis en oeuvre. Malgré la concertation conduite depuis janvier 2018, de nombreux aspects restent, en effet, encore à définir concernant en particulier l'organisation territoriale de la nouvelle agence.
La préparation du présent projet de loi aurait dû être l'occasion de clarifier ces principes d'organisation. Or force est de constater que le texte qui nous est proposé vise d'abord à sécuriser juridiquement le dispositif et qu'il n'entrait pas dans les priorités du Gouvernement de lever les ambiguïtés qui entourent encore son projet.
Dans ces conditions, votre commission a adopté plusieurs amendements visant à clarifier la gouvernance de la nouvelle Agence nationale du sport tout en confortant son organisation territoriale. La question des conseillers techniques sportifs n'a pas non plus été oubliée puisque les auditions conduites ont montré tout l'intérêt qu'il y aurait à confier un rôle à l'agence dans l'affectation de ces cadres auprès des fédérations sportives.
I. UN CHANGEMENT DE MODÈLE SPORTIF JUSTIFIÉ PAR LA PRÉPARATION DES JEUX DE PARIS 2024
A. LES INSUFFISANCES AVANCÉES DU MODÈLE SPORTIF FRANÇAIS
La création de l'agence nationale du sport a été précédée par le recul puis la disparition programmée du CNDS, l'établissement public en charge du financement des politiques du sport.
La première étape de cette évolution a pris la forme en 2018 d'un « recentrage » de l'intervention du CNDS sur le sport pour tous, le financement des grands équipements nationaux réintégrant le programme 219 du budget du ministère des sports. Ce sont ainsi 72,8 M€ de crédits qui ont été transférés pour financer les organismes nationaux (CNOSF/CPSF), les grands événements sportifs internationaux, les emplois sportifs qualifiés nationaux... Le projet de loi de finances pour 2018 a ainsi ramené les ressources du CNDS à 136,6 M€ contre 206,2 M€ à périmètre constant.
Cette rebudgétisation posait clairement la question de l'avenir du CNDS, ceci d'autant plus que l'établissement public rencontrait des difficultés pour financer le reste à payer de projets déjà engagés. Comme l'indiquait notre collègue Jean-Jacques Lozach dans son avis budgétaire « la très forte évolution des moyens et des missions du CNDS devrait avoir pour conséquence, en 2018, une modification des textes le concernant, notamment les dispositions réglementaires du code du sport. Selon la direction du CNDS, le nom de l'établissement lui-même pourrait être modifié » 2 ( * ) .
Le changement engagé en 2019 ira donc bien au-delà d'une simple modification du nom puisque ce sont tout à la fois la forme juridique, les missions et la gouvernance qui sont appelées à radicalement évoluer au nom du principe d'efficacité.
Ce changement de nature est justifié selon le Gouvernement par les insuffisances maintes fois dénoncées de la gouvernance du CNDS en particulier en ce qui concerne les modalités de prise de décision en matière d'allocation de crédits.
Créé le 31 décembre 2005 à la clôture du compte d'affectation spéciale du FNDS (Fonds national de développement du sport) par l'article 53 de la loi de finances pour 2006, le CNDS a pris la forme d'un établissement public administratif (EPA) placé sous la tutelle du ministre chargé des sports. Cet établissement a été créé par le décret n° 2006-248, en Conseil des ministres, du 2 mars 2006. Les EPA ont la particularité de disposer d'une autonomie administrative et financière afin de remplir une mission d'intérêt général, précisément définie, sous le contrôle de l'État. Cet établissement a contribué au financement des politiques territoriales du sport menées conjointement par les associations et les collectivités locales. Plusieurs missions lui ont été confiées : - contribuer au développement de la pratique sportive par tous les publics, - favoriser l'accès au sport de haut niveau et l'organisation de manifestations sportives, - promouvoir la santé par le sport, - améliorer la sécurité des pratiques sportives et la protection des sportifs, - renforcer l'encadrement de la pratique sportive, - l'aménagement du territoire dans le domaine sportif par des subventions d'équipement aux collectivités territoriales et associations sportives, - la promotion du rayonnement international du sport français, notamment par le financement des actions du CNOSF. Le CNDS bénéficiait de trois prélèvements dont le plafond était fixé chaque année en loi de finances : - 1,8 % sur les paris sportifs selon l'article 1609 tricies du CGI et l'article 51 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en en ligne ; - 1,8 % sur les jeux de la Française des jeux, selon le premier alinéa de l'article 1609 novovicies du CGI et l'article 79 de la LFI 2011 ; - 5 % sur la cession des droits de diffusion de manifestation ou de compétitions sportives à un service de télévision selon l'article 302 bis ZE du CGI et l'article 59 de la LFI 2000. Le principe du plafonnement des taxes affectées a été posé par l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. En cas de dépassement des plafonds, l'excédent du produit de la taxe est reversé au budget général de l'État. À noter que les actions de financement du CNDS se composaient d'une part territoriale correspondant aux subventions de fonctionnement ainsi qu'aux financements de projets des associations sportives et d'une part équipement s'attachant à aider les porteurs de projet désirant créer ou rénover des équipements sportifs. |
Dans son étude d'impact, le Gouvernement déplore, en particulier, que les 150 M€ de subventions versées actuellement par le CNDS pour financer le sport de proximité (subventions de fonctionnement, innovation sociale par le sport, acquisition ou renouvellement d'équipements) sont décidées « sans coordination effective avec les collectivités territoriales dont l'effort financier pour le sport est estimé à 12 milliards d'euros » 3 ( * ) . Selon le même document « ces financements peuvent parfois percuter les politiques fédérales et excluent souvent le financement des réseaux non fédéraux (associations intervenant dans les domaines social et sportif) » .
La place des collectivités territoriales dans le fonctionnement du CNDS faisait également débat compte tenu du fait qu'elles ne disposaient de droits de vote dans les commissions territoriales que depuis 2016. Le recours à des appels à projets ne leur permettrait pas de coordonner de la meilleure façon les actions soutenues par le CNDS avec leurs propres priorités. Les fédérations sportives déploraient également de ne pas être associées à la mise en oeuvre de la politique publique du sport.
* 1 L'article 1 er de ratification de l'ordonnance n°2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et l'article 2 relatif à la juridiction administrative compétente pour traiter le contentieux des opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière afférentes aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ont été délégués au fond à la commission des lois et ne font donc pas l'objet du présent rapport.
* 2 http://www.senat.fr/rap/a17-112-6/a17-112-64.html#toc26
* 3 Étude d'impact du projet de loi page 9.