B. L'ÉCOCIDE, UNE NOTION CONNUE EN DROIT INTERNATIONAL
1. La prohibition des dommages à l'environnement en temps de guerre
La notion d'écocide - directement inspirée de celle de génocide - est apparue au début des années 1970 après l'utilisation au Vietnam par l'armée américaine d'un défoliant chimique, l'agent orange, qui a eu pour effet la destruction d'une partie importante de la forêt vietnamienne et dont les conséquences pour la population se font encore ressentir aujourd'hui (cancers, malformations congénitales).
À la suite de ce conflit, les atteintes les plus graves à l'environnement en temps de guerre ont été intégrées dans les instruments juridiques internationaux, sans toutefois apparaître sous l'appellation d'écocide.
Ainsi, ont été adoptés, le 10 décembre 1976, la Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles (« Convention ENMOD ») puis, le 8 juin 1977, le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (« Protocole I »), interdisant « d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel ».
Une vingtaine d'années plus tard, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, entré en vigueur le 1 er juillet 2002, a consacré à son tour comme crime de guerre imprescriptible « le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment (...) des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l'ensemble de l'avantage militaire concret et direct attendu ».
En revanche, bien que discutées au sein de la Commission du droit international des Nations-Unies lors de ses travaux portant sur un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, les atteintes graves à l'environnement en temps de paix n'ont jamais été reconnues comme crime par le droit international. Quelques pays - dont le Vietnam pour des raisons historiques - ont choisi d'adopter des législations nationales créant une infraction de nature criminelle pour ces atteintes, qu'elles soient commises en temps de guerre ou en temps de paix.
2. Des réflexions et initiatives tendent à élargir le champ d'application du crime d'écocide
En 2015, un groupe de juristes, sous la direction du professeur de droit privé Laurent Neyret, a relancé le débat en France en publiant un recueil de 35 propositions « pour mieux sanctionner les crimes contre l'environnement ». Parmi celles-ci, figure la proposition de consacrer dans l'ordre juridique international au moyen d'une convention internationale ad hoc le crime d'écocide, celui-ci étant défini par les auteurs comme « tout acte intentionnel commis dans le cadre d'une action généralisée ou systématique et qui porte atteinte à la sureté de la planète ».
En 2016, une autre équipe de juristes, dont faisait partie Mme Valérie Cabanes, juriste en droit international, spécialisée en matière de droits de l'homme et de droit humanitaire et auteure de l'ouvrage intitulé « Un nouveau droit pour la Terre, pour en finir avec l'écocide », a rédigé une proposition pour amender le Statut de Rome en y intégrant le crime d'écocide. Cette proposition préconise notamment d'imposer des devoirs vis-à-vis des générations futures afin d'ouvrir la voie à une justice préventive, et de permettre d'engager la responsabilité pénale des pollueurs en cas de « connaissance des conséquences qui adviendront dans le cours normal des événements », et non pas simplement en cas d'intention de nuire.
La proposition de loi soumise au Sénat s'inspire de ces travaux universitaires, avec toutefois une différence notable puisqu'elle prévoit d'intégrer le crime d'écocide dans l'ordre juridique national français.