III. LA DIFFICILE COMPARAISON DU COÛT DES PROGRAMMES DE FRANCE TÉLÉVISIONS
Dans le cadre du programme de contrôle de la commission des finances, votre rapporteur spécial avait décidé de comparer le coût des programmes de France Télévisions à celui des grands groupes privés de l'audiovisuel que sont TF1, Canal + et M6, afin de mieux comprendre les contraintes réelles du secteur et d'identifier d'éventuelles pistes d'amélioration ou d'économies en la matière. Les travaux ainsi menés se sont heurtés à une véritable difficulté d'accès aux éléments permettant d'établir une comparaison pertinente. Néanmoins, quelques observations peuvent être formulées.
A. DES INFORMATIONS PARCELLAIRES
Le premier obstacle dans l'accès aux données permettant la comparaison du coût des programmes a résidé dans les difficultés du groupe France Télévisions à rassembler les informations demandées par votre rapporteur spécial dans les délais souhaités. Par ailleurs, certaines données semblent inexistantes. C'est le cas par exemple de l'estimation du coût complet de la chaîne d'information en continu franceinfo . France Télévisions ne raisonne sur ce projet qu'en termes de coûts additionnels. Cette approche doit cependant être complétée par une analyse plus complète des coûts, incluant l'ensemble des contributions à la chaîne d'information. Par ailleurs, le groupe renvoie à ses partenaires, notamment Radio France, pour connaître les coûts qu'ils supportent pour le fonctionnement de la chaîne d'information. Alors que les mutualisations et les coopérations entre groupes de l'audiovisuel public sont encouragées, on peut s'étonner qu'il n'existe aucun suivi global du coût d'un projet commun à plusieurs d'entre eux.
Le second obstacle concernant l'accès aux données concerne les groupes de l'audiovisuel privé. Si ceux-ci ont accepté de rencontrer le rapporteur spécial pour échanger sur les contraintes qu'ils supportent en matière de programmes, seul l'un d'eux a accepté de communiquer des chiffres précis.
B. LES AXES DE RATIONALISATION DU COÛT DES PROGRAMMES
La question du coût des programmes paraît incontournable dans le contexte de réforme de l'audiovisuel public et de la diminution des ressources de France Télévisions à l'horizon 2022. Si la comparaison avec le secteur privé n'a pas mis en évidence d'écarts manifestement excessifs, votre rapporteur est parvenu à plusieurs conclusions.
1. Des chantiers de rationalisation déjà engagés
Votre rapporteur a constaté que des chantiers ont d'ores et déjà été conduits pour rationaliser le coût des programmes de France Télévisions. Il note par exemple la pratique des audits de programmes . La mise en oeuvre de cette politique a permis de réaliser, sur les seuls programmes de flux, une économie cumulée de près de 25 millions d'euros, ce qui représente 7 % du montant du financement accordé à ces programmes. France Télévisions souligne cependant que depuis 2015, la moitié des émissions ayant fait l'objet de deux audits, les marges d'économies ont le plus souvent été déjà optimisées et les coûts sont stabilisés. Les enseignements tirés de ces audits de programmes existants permettent également de créer de nouvelles émissions avec des budgets contraints dès le lancement.
2. Le défi de la régionalisation des programmes et de la polyvalence des métiers
La régionalisation des programmes constitue un des objectifs de la réforme proposée par le Gouvernement. Il semble cependant que le renforcement de la dimension régionale des programmes de France 3 ne soit pas source de rationalisation des coûts. En effet, décliner ou produire des programmes différents pour chaque région ne pourra nécessairement pas conduire à réaliser des économies ni même à maintenir le coût des programmes concernés. Les dirigeants de France Télévisions reconnaissent d'ailleurs qu'il s'agit là d'un « défi ». Celui-ci impliquera donc de réaliser des économies sur les programmes nationaux qui occuperont l'antenne de la chaîne le reste du temps. Il sera par ailleurs indispensable pour France Télévisions d'ouvrir le chantier de la renégociation des conventions collectives. Cette renégociation visera certes les questions liées au temps de travail, mais elle englobera également la question centrale de la polyvalence des métiers .
En effet, il semble impossible de régionaliser davantage les programmes de France Télévisions, avec des coûts maîtrisés, sans une évolution des méthodes de travail. Cette évolution a été réalisée chez la plupart des acteurs du secteur qui ont conduit ces dernières années des plans d'économies ou de maîtrise des coûts. C'est le cas dans le secteur privé, mais également dans certaines sociétés de l'audiovisuel public, en particulier chez France Médias Monde, où les journalistes sont eux-mêmes chargés du montage de leurs sujets, ce qui n'est actuellement pas possible chez France Télévisions.
3. La possibilité d'un encadrement du volume de programmes confiés à un même producteur
Votre rapporteur estime qu'il serait également utile, à la fois pour améliorer la qualité des programmes et pour en maîtriser les coûts, d' encadrer le volume de programmes qui peut être confié à un même producteur . Ainsi, la place prise sur l'antenne des chaînes de l'audiovisuel public par certains programmes présentés et produits par la même personne ou la même société de production peut interroger. La direction de France Télévisions souligne que les programmes du groupe sont réalisés avec environ 700 producteurs chaque année et que le paysage des producteurs français tend à se recomposer avec le rachat de producteurs indépendants par des groupes. Néanmoins, il semble utile de fixer un plafond par producteur ou par groupe, afin de garantir une diversité et une rotation des producteurs et des animateurs.
En effet, le rôle du service public audiovisuel n'est pas de faire une place de choix dans sa grille de programme à l'un des producteurs en charge du jeu ou du divertissement « à succès » pour rester dans une course l'audience, dont il a été rappelé précédemment qu'elle n'était pas souhaitable. Cette limite par producteur pourrait être exprimée soit en nombre d'heures, soit en montant annuel de programmes achetés, les deux critères pouvant être combinés.