B. LA REBUDGÉTISATION DU FINANCEMENT DE L'ADEME LIMITE SA CAPACITÉ DE GESTION DYNAMIQUE DES FONDS DONT ELLE A LA CHARGE

1. Après la rebudgétisation de son financement, l'ADEME enregistre une diminution de sa dotation en 2019

La loi de finances initiale pour 2018 a opéré une rebudgétisation totale du financement de l'ADEME, auparavant financée par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Cette rebudgétisation, qui a emporté la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181, entendait assurer à l'ADEME des recettes stables, en adéquation avec les besoins de l'opérateur - le rythme de versement de la TGAP cadençait trop fortement la variation de trésorerie, avec des versements concentrés sur la période de mai à novembre.

Une subvention de 609 millions d'euros a donc été allouée à l'ADEME en loi de finances initiale pour 2018, soit 159 millions d'euros supplémentaires par rapport au montant de TGAP affecté précédemment (450 millions d'euros), au titre du « Grand plan d'investissement ». Par ailleurs, l'agence bénéficie de ressources propres, qui proviennent de subventions contractualisées avec des tiers (Union européenne, Etat, collectivités territoriales), des ventes de biens et services (formations, colloques) et de produits divers de gestion.

Pour 2019, la subvention à l'ADEME diminuerait de 1 % et s'élèverait à 603 millions d'euros, conformément aux orientations prévues en loi de programmation des finances publiques .

En outre, il est prévu un schéma d'emplois de - 16 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, pour un plafond d'emplois de 878 ETPT, contre 894 en 2018. L'ADEME connaît une baisse de ses effectifs de 2 % en moyenne par an depuis quelques années.

Évolution des effectifs sous plafond de l'ADEME entre 2009 et 2019

(en ETPT)

Source : réponse de l'ADEME au questionnaire du rapporteur spécial

2. La rebudgétisation limite la marge de manoeuvre de l'ADEME dans la gestion de ses fonds

S'agissant des dépenses, le budget de l'ADEME est piloté selon deux segments : un budget d'intervention et un budget de fonctionnement, concernant les dépenses propres de l'Agence.

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, la capacité d'engagement de l'ADEME a été revue à la hausse en 2018 en raison des délais qui s'allongent dans la concrétisation des projets et d'un accroissement significatif du nombre de projets abandonnés (155 millions d'euros en 2017, 80 millions d'euros à la fin août 2018). Ainsi, le budget incitatif, initialement voté à 540 millions d'euros pour 2018, a été révisé à 574 millions d'euros en octobre dernier .

Décomposition du budget d'intervention de l'ADEME
en 2018

(en %)

Source : réponse de l'ADEME au questionnaire du rapporteur spécial

Ces abandons de projets, qui résultent de la forte baisse du prix des énergies fossiles en 2014, libèrent de la trésorerie, qui devrait atteindre près de 250 millions d'euros fin 2018 . Néanmoins, ils ont également pour effet de réduire la probabilité d'atteindre les objectifs fixés en matière de transition énergétique (en matière de déploiement de la chaleur renouvelable notamment).

Ainsi, d'après les informations transmises par l'ADEME, un relèvement du budget incitatif à « 700 millions d'euros en 2019 permettrait de mettre en oeuvre les objectifs ambitieux du Gouvernement en matière de transition écologique », avec notamment l'accompagnement de la feuille de route économie circulaire, la mise en place du fonds hydrogène annoncé en juin, l'augmentation du fonds chaleur, le développement du fonds air-mobilité, ou encore le soutien aux contrats de transition écologique.

Or, l'ADEME dispose d'une faible marge de manoeuvre dans la gestion de son budget d'intervention, compte tenu de la rebudgétisation de son financement . La trésorerie dégagée par l'abandon de projets et les désengagements pourrait être utilisée pour augmenter la capacité d'engagement de l'ADEME en soutien à de nouveaux projets, à subvention de l'État constante.

Votre rapporteur spécial craint au contraire que le Gouvernement procède dans un avenir proche à un prélèvement sur le fonds de roulement de l'Agence ou ne vienne annuler ces crédits en fin d'année . Pour rattraper le retard sur certains projets, le Président de l'ADEME, auditionnée par le rapporteur spécial, propose de redéployer le surplus de trésorerie, par exemple vers un relèvement du fonds déchet, de 150 à 170 millions d'euros, afin d'accompagner la mise en oeuvre de la feuille de route économie circulaire.

3. Des annonces gouvernementales concernant l'augmentation du fonds « chaleur » sans traduction concrète

Grâce au fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable, pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.

Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides (contrat de projets Etat-région par exemple, CITE) ; les installations biomasses de grande taille dans le secteur agricole et tertiaire, dans le cadre d'appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).

Entre 2009 et 2017, 1,9 milliard d'euros ont été engagés pour soutenir près de 4 300 opérations d'investissements.

Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Total

Fonds « chaleur »

168

263

249

231

206

165

216

213

197

1 908

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Les aides apportées par le fonds s'inscrivent dans l'objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de porter la part des énergies renouvelables à 38 % consommation finale de chaleur d'ici 2030 et de multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur. La part de chaleur renouvelable dans la consommation finale de chaleur était de 20 % en 2016, et progresse en moyenne de 0,8 % par an depuis 2010.

Le soutien à la chaleur renouvelable constitue le premier poste de dépense de l'ADEME. Après un fort dynamisme du volume des projets constaté en 2017, plusieurs projets avaient été reportés en 2018 faute de crédits suffisants. Le montant alloué au fonds « chaleur » en 2018 a ainsi été revu à la hausse par le conseil d'administration de l'Agence, réuni en octobre 2018, passant de 215 millions d'euros à 245 millions d'euros . D'après les informations communiquées, le portefeuille de projets identifiés par l'ADEME pour 2018 dépassait en effet les 300 millions d'euros d'aide, la dynamique de hausse de la « composante carbone » conduisant à une augmentation significative du prix des combustibles fossiles, améliorant la compétitivité des projets de chaleur renouvelable.

Le ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé à plusieurs reprises une augmentation du fonds chaleur, qui serait porté à 300 millions d'euros, sans en préciser les modalités de financement .

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