B. L'AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ ET L'OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE : UNE FUSION À VENIR DE DEUX OPÉRATEURS CONTRAINTS
1. L'Agence française pour la biodiversité dispose d'un budget d'intervention très contraint
Créée par la loi pour la reconquête de la biodiversité 13 ( * ) et mise en place au 1 er janvier 2017, l'Agence française pour la biodiversité (AFB), issue de la fusion de quatre opérateurs 14 ( * ) , constitue l'opérateur de référence en matière de préservation, de gestion et de restauration de la biodiversité.
Les modalités de financement de l'AFB ont fait l'objet d'une refonte importante en loi de finances initiale pour 2018 (cf. supra ). Avec la suppression totale des subventions de l'Etat pour charges de services public en 2018, les recettes de l'AFB se décomposent de la façon suivante :
Financement de l'Agence française pour la biodiversité en 2018
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
* en large partie des subventions de l'Union européenne dans le cadre de projets Life portés par l'AFB
Cependant, aux termes de l'article 137 de la loi de finances initiale pour 2018, l'AFB reverse une partie de la contribution des agences de l'eau au profit des établissements publics chargés des parcs nationaux, à hauteur d'un montant compris entre 61 et 65 millions d'euros. En 2018, 63,3 millions d'euros ont été reversés à ces derniers. Autrement dit, près du quart de la contribution annuelle des agences de l'eau ne fait que « transiter » par l'AFB.
Au total, alors que ses missions recouvrent un champ plus large que celui des opérateurs auxquels elle succède (évaluation de l'impact du réchauffement climatique sur la biodiversité, actions sur la biodiversité terrestre, etc), ces recettes, hors contribution de l'AFB au financement des Parcs nationaux, ne constituent que la consolidation inchangée des recettes des établissements antérieurs : 224 millions d'euros en 2018 .
Or, les dépenses d'intervention, qui constituent le premier poste de dépenses de l'AFB avec 102 millions d'euros en 2018, présentent un caractère tout aussi contraint.
Répartition des dépenses de l'Agence
française pour la biodiversité
par poste en 2018
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
Une part significative des dépenses d'intervention est en réalité « pré-fléchée », notamment :
- 41 millions d'euros, fléchés sur le volet national du « plan Ecophyto » ;
- 30 millions d'euros, fléchés sur les actions de solidairté inter-bassins, qui étaient assurées par l'ONEMA mais ont été élargies outre-mer à la biodiversité marine et terrestre 15 ( * ) .
L'AFB ne dispose donc d'une marge de pilotage que sur environ 30 millions d'euros. Encore 25 millions d'euros ne sont-ils pas fléchés mais utilisés pour financer des partenaires historiques des opérateurs fusionnés, financements qui se sont substitués aux concours financiers antérieurs de l'Etat, ou pour leur apporter des concours financiers récurrents (principalement dans le domaine de l'eau).
Seuls 5 millions d'euros environ par an permettent de financer des actions « non-récurrentes » comme des appels à projets, des partenariats scientifiques spécifiques (par exemple, s'agissant des espèces exotiques envahissantes), l'appui à la mise en place des agences régionales de la biodiversité.
Alors qu'un élargissement thématique des partenariats aux domaines de la biodiversité terrestre et marine découle des nouvelles missions de l'AFB et que l'agence porterait plusieurs mesures du « Plan biodiversité », son directeur général adjoint, auditionné par votre rapporteur, estime le besoin de capacité de financement supplémentaire à 20 millions d'euros .
Les masses financières concernant l'AFB en 2018 devraient être reconduites pour 2019, avec des ajustements liés à la mise en oeuvre du « Plan biodiversité ».
2. Une impasse de financement de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS)
L'Office national de la chasse et de la faune sauvage exerce plusieurs missions, telles la réalisation d'études et de recherches sur la faune sauvage, la police de l'environnement et de la chasse et l'organisation de l'examen et la délivrance du permis de chasse.
Cet office est financé par le biais des redevances cynégétiques dues par les chasseurs lorsqu'ils valident leur permis de chasser annuel (73 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2018), et, depuis 2018, par le biais d'une contribution des agences de l'eau, de 37 millions d'euros, en lieu et place de la subvention pour charge de service public qui était versée par l'État jusqu'en 2017.
L'article 75 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit de supprimer la différence de tarification entre les redevances cynégétiques nationale et départementale. Cette disposition conduit à diminuer le rendement de la redevance nationale.
D'après les informations recueillies 16 ( * ) , cette baisse du permis de chasse national aura un « impact de l'ordre de 20 millions d'euros sur le budget de l'ONCFS . Le Gouvernement étudie l'opportunité de compenser cet impact par une augmentation de la contribution des agences de l'eau à l'ONCFS à due concurrence, couplée à un transfert du plafond des ressources affectées à l'ONCFS vers celui des agences de l'eau pour un même montant ».
Autrement dit, le Gouvernement ne propose aucune compensation à ce stade du manque à gagner pour l'ONCFS résultant de la baisse des redevances.
3. Dans ce contexte, le Gouvernement a annoncé la fusion prochaine de l'AFB et de l'ONCFS
La mission sur l'avenir des opérateurs de l'eau et de la biodiversité a dressé un bilan très critique des démarches de mutualisation et d'optimisation mises en oeuvre depuis une dizaine d'années, « qui n'ont pas permis d'atteindre les gains d'efficience attendus ».
Or, les effectifs de plusieurs services départementaux de l'ONCFS et de l'AFB, dont l'activité de police est souvent une des missions principales, sont inférieurs au plancher respectivement de dix et de cinq agents, « considéré comme un minimum pour permettre le maintien d'une pression de contrôle suffisante dans les territoires ».
Le ministre de la transition écologique et solidaire a présenté en conseil des ministres le 14 novembre 2018 un projet de loi portant création d'un nouvel établissement public fusionnant prochaine l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l'Agence française pour la biodiversité (AFB) , évoquée depuis plusieurs années.
Cette fusion doit permettre de rapprocher les services de terrain de l'AFB et de l'ONCFS, notamment afin d'atteindre ces effectifs minimaux en matière de police de l'environnement et de maintenir une pression de contrôle suffisante dans certains départements.
Cette opération de fusion impliquera de nouvelles réorganisations internes, alors même que l'AFB venait de finaliser son contrat d'objectif et de performance et son schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) et que le financement de l'ONCFS ne paraît pas assuré.
* 13 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
* 14 L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l'agence des aires marines protégées (AAMP), l'établissement public « Parcs nationaux de France » (PNF) et le groupement d'intérêt public « Atelier technique des espaces naturels » (ATEN).
* 15 Cet élargissement a été financé par un prélèvement sur le fonds de roulement en 2017, non reproductible en 2018
* 16 réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial