AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Quel que soit le nom que l'on leur donne, les «fausses informations », « fausses nouvelles » et autres « fake news » constituent aujourd'hui un défi majeur posé à nos démocraties.
Si le procédé n'est pas nouveau, il est aujourd'hui démultiplié par les réseaux sociaux . Plus encore que des stratégies classiques de campagne électorale, devenues de plus en plus dures et clivantes, l'ombre de manipulation depuis l'étranger plane sur toutes les dernières élections, en Europe comme aux États-Unis. Le résultat issu des urnes peut donc être délégitimé car suspecté d'avoir été perverti par des fausses informations délibérément conçues pour nuire.
Dans ce contexte, la volonté exprimée par le Président de la République, à l'occasion de voeux à la presse le 3 janvier 2018, de traiter cette question par un texte législatif pouvait se comprendre , tant le problème est maintenant universellement reconnu et identifié . Le choix de recourir à une proposition de loi déposée par le groupe La République en Marche de l'Assemblée nationale a cependant privé le débat d'une étude d'impact sérieuse, qui aurait probablement évité les incertitudes et incompréhensions qui sont apparues au grand jour à l'occasion de débats extrêmement tendus, en séance plénière, à l'Assemblée nationale.
Si l'on peut s'accorder sur le diagnostic et si certaines réponses apportées peuvent en elles-mêmes sembler utiles, la proposition de loi n'a pas su emporter l'adhésion, suscitant de très vives craintes tant des professionnels du droit que de la plupart des formations politiques . Or, quand nos valeurs les plus essentielles sont en jeu, il est capital de parvenir à une forme de consensus sur le sens et l'utilité de mesures qui visent à préserver l'intégrité du scrutin en apportant certains tempéraments à la liberté d'expression . En dépit de la bonne volonté que l'on ne peut nier de la ministre de la culture et du travail mené par les députés, tel n'est pas le cas aujourd'hui. Le texte que le Sénat a examiné n'est ni compris ni accepté , bien au-delà des clivages politiques.
Dans ce contexte, et malgré les quelques avancées positives introduites à l'Assemblée nationale, votre commission estime que les conditions d'une approche sereine et d'un traitement global du défi posé par les fausses informations ne sont pas réunies. Elle juge en conséquence que, en plus de ne pas apporter une réponse adaptée, le texte ne ferait que renforcer la défiance de nos concitoyens, et constituerait, en définitive, un remède pire que le mal .