EXPOSÉ GÉNÉRAL
Les États généraux de l'alimentation se sont tenus entre le 20 juillet et le 21 décembre 2017. Quatorze ateliers ont rassemblé l'ensemble des parties prenantes, producteurs, distributeurs, consommateurs, ministères concernés, associations de protection de l'environnement et ont fait éclore une dynamique positive de dialogue que vos rapporteurs saluent.
Quatre axes prioritaires ont été dégagés :
- Relancer la création de valeur et en assurer une répartition équilibrée
- Permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail par le paiement de prix justes
- Accompagner la transformation des modèles de production pour mieux répondre aux attentes des consommateurs
- Promouvoir les choix de consommation privilégiant une alimentation saine, sûre et durable .
Le présent projet de loi entend tirer les conclusions de ces États généraux, même s'il est important de préciser qu'il ne constitue qu'une partie d'un ensemble plus global .
D'une part, des plans de filières ont été définis par les acteurs concernés. Chaque filière a ainsi poursuivi et approfondi le dialogue initié lors des États généraux pour prévoir un plan pluriannuel stratégique de transformation. Le rôle des interprofessions s'est en trouvé considérablement renforcé.
D'autre part, des travaux sont en cours sur la fiscalité agricole, sur la question du foncier, sur la bio-économie ou sur la promotion de l'agriculture biologique , sujets que n'aborde donc pas le présent projet de loi.
I. BEAUCOUP DE BRUIT POUR PEU DE CONTENU
A. UN PROJET DE LOI INITIAL CENTRÉ SUR 17 ARTICLES
Au sortir des États généraux de l'alimentation et dans le prolongement du discours prononcé par le Président de la Républiques à Rungis le 11 octobre 2017 qu'avaient unanimement salué l'ensemble des acteurs agricoles, des syndicats de producteurs jusqu'aux distributeurs, les espérances étaient grandes au sein du monde agricole .
Deux objectifs principaux étaient dégagés par les acteurs : améliorer le revenu des agriculteurs et favoriser la montée en gamme de leurs productions pour mieux répondre aux attentes sociétales.
Le projet de loi entend reprendre ces deux objectifs.
En premier lieu, il ambitionne d'assurer un meilleur revenu à l'agriculteur en rééquilibrant les relations commerciales avec les industriels et les distributeurs. Cela passe par une structuration de l'offre des producteurs dans le but de peser face à un aval très concentré.
Ce renforcement de l'amont doit être stimulé par une révision de la contractualisation portant sur la vente de produits agricoles, telle qu'elle est prévue à l'article 1 er . Dans le schéma proposé, le producteur devient , dans les rares secteurs où la contractualisation écrite a été rendue obligatoire, l'initiateur du contrat . Le prix est construit en faisant référence à divers indicateurs , y compris des indicateurs reflétant les coûts de production. Les interprofessions jouent un rôle essentiel dans le dispositif par leur faculté d'élaborer et de diffuser ces indicateurs (article 5). Ces indicateurs serviront de base à la construction du prix y compris dans les contrats de vente signés par l'acheteur du produit agricole.
Dans l'optique de revaloriser la place des organisations de producteurs , les stipulations de l'accord-cadre doivent être respectés par le contrat individuel entre l'acheteur et le producteur si ce dernier a donné mandat de négociation à l'organisation de producteurs.
Les articles 2 et 3 adaptent la constatation des manquements et les sanctions applicables à ce cadre contractuel révisé.
En cas de litiges sur ces nouveaux contrats, la médiation , préalable à la saisine d'un juge, devient plus courte pour être plus en ligne avec les contraintes économiques des acteurs.
Dans le but de renforcer également le poids de l'industriel face au distributeur, la clause de renégociation des prix est élargie et ses délais des négociations sont réduits, tout comme les délais de la médiation éventuelle en cas d'échec de la renégociation (article 6).
Enfin, l'article 10 prévoit de revoir par ordonnance le code de commerce pour rééquilibrer les relations commerciales entre transformateurs et distributeurs. À ce titre, l'article 9 opère, par voie d'ordonnance, un relèvement de 10 % du seuil de revente à perte des denrées alimentaires et encadre en valeur et en volume les promotions aux consommateurs sur ces produits.
En résumé, le consommateur réinjecterait de la valeur pour permettre une meilleure rémunération du producteur.
L'article 8 habilite par ailleurs le Gouvernement à adapter le cadre coopératif afin, notamment, de faciliter la sortie d'associés coopérateurs et d'améliorer la transparence des informations, notamment celles relatives à la rémunération des producteurs de la coopérative. L'ordonnance devra recentrer les missions du Haut Conseil de la coopération agricole et modifier les conditions de nomination et d'intervention du médiateur de la coopération agricole.
En second lieu, le projet de loi vise à accélérer la montée en gamme de la production , en faisant l'hypothèse que les consommateurs sont prêts à payer plus cher si le produit répond à leurs attentes en termes d'alimentation saine, durable et respectueuse du bien-être animal.
La restauration collective publique est utilisée comme un levier : des objectifs contraignants d'approvisionnement en produits de qualité, durables ou locaux lui sont assignés (article 11).
Le délit de mauvais traitement est étendu à l'abattage et au transport d'animaux vivants, ses sanctions sont renforcées et le droit pour les associations de protection animale de se porter partie civile est consacré pour toute infraction de maltraitance animale (article 13).
Dans le but de réduire l'usage de produits phytopharmaceutiques , les remises, rabais et ristournes sur ces produits sont interdits à l'article 14 et les activités de ventes et de conseil devront être séparées par une ordonnance prévue à l'article 15, qui pérennisera par ailleurs le régime des certificats d'économies de produits phytopharmaceutiques (CEPP).
Enfin, le projet de loi comporte un volet sur l'aide alimentaire (article 12) et sur le gaspillage alimentaire (article 15), afin notamment d'étendre à certains opérateurs de l'agroalimentaire les obligations de dons aux associations caritatives et de renforcer la prise en compte de cet objectif par la restauration collective privée (article 15).